
Quelques éloges qu’il mérite pour l’invention
fi hardie de cette voûte immenfe , élevée au centre
de la croix qu’ il forme , & dont le plan circulaire
qui perte fur le plan quarré de la partie inférieure
du dôme , eft racheté aux angles du .quarré ,
& foutenu par des pendentifs ; l’on eft cependant
forcé de reconnoître qu’il eft des tems où les princes
quelques grands qn’ils foient , quelques dépenfes
qu’ils failent, ne peuvent produire que des monu-
mens imparfaits. L ’édifice dont nous parions en eft
un exemple frappant $ tous les détails de fon architecture
font très-défectueux.
Cependant, par la communication établie lors de
la renaifl'ance des arts entre la Grèce & l’Ita lie, ce
monument, le dernier comme le plus beau du bas
empire, fut celui qui influa le plus-fur le fort de l’ar-
chiteéture & fur la forme des nouveaux temples. Con- I
ftantinople , dont tous les édifices ne nous paroiflent j
guéres à préfent préférables à ceux des G o t s , don-
noit a lors, dans les arts, des loix à l’Europe. Aufli
les Vénitiens qui copièrent avec allez de fageffe ,
dans S .-M a r c , ce que la difpefîtion de Ste Sophie
avoit d’heureux, ne purent fe défendre d’imiter le
mauvais goût qui régnoit dans fa décoration intérieure.
L a relTemblance qu’on obferve entre ces deux
édifices, prouve d’une manière inconteftable que S.-
Marc a été copié en partie d’après Ste Sophie. L ’é-
glife de S.-Marc eft donc la première en Italie qu’on
ait conftruite avec des pendentifs qui foutiennent la
voûte du milieu. C ’eft encore elle qui offrit l’idée
imitée depuis dans S.Pierre de Rome , de faire accompagner
le grand dôme d’une é g life , par des dômes
plus petits & inférieurs, afin de leur donner un effet
pyramidal.
On trouve dans les différentes é glifes, bâties depuis
S.-Marc à V en ife , jufqu’à S.-Pierre de R om e , la
forme & la conftru&ion des bafiliques d’Orient fe
rapprocher ou s’éloigner plus ou moins de celles
d’Occident..Ste Marie des fleurs , par la grandeur de
fa coupole, & le favoir de conftruâion que Brun-
nélefchi y développa , devoit faire enfin prévaloir fon
goût. L a hardiefle des voûtes , leur vafte étendue ,
fimpoflibilité d’en concilier l’immenfîté avec les plans
réguliers des colonnes & la foiblefle de leur fupport,
fît enfin adopter le genre de b â t ir , dont le temple
de S.-Pierre , par le Bramante , devoit donner le
modèle le plus parfait. C e grand homme , dans le
plan qu’il fit de cette églife, le plus beau peut-être
de l’architecture moderne, & dont on ne s’eft que
trop éloigné, paroît avoir eu en vue de concilier
le plan 8c la difpofition des bafiliques, avec la con-
ftruCtion & la folidité de Ste Sophie. Les vaftes
dégagemens qu’il donnoit à fon nouveau temple, la
légèreté ùe fes piliers , l’heureufe entente du plan
avec l’élévation, auroient fait moins appçrcevoir le
défaut qu’on a depuis reproché à toutes les églifes
en portiques » 8c qui confifte dans une trop grande
inégalité entre les pleins & les vuides. Quoi qu’il en
f o i t , après & mort on en vint à fe rapprocher davantage
du plan de Ste Sophie. On voulut en £%ire un
temple quarré ; ce qu’ indique la forme de croix
Grecque qui long-tems fut adoptée. C e fut fur ce
nouveau deffin que fe dirigea la conftruétion de l’é-
g life , dont on augmenta les maflîfs ; cependant la
première idée du Bramante finît par triompher de
toutes les alternatives, & l’églife eut la forme d’une
croix latine. C ’eft à cette feule dimenfîon qu’on peut
y reconnoître encore l’id ée, mais bien dénaturée, des
anciennes bafiliques.
Le plan & la conftruftion de cette fameufe églife
devinrent depuis la règle , 8c pour ainfi dire , le
type de toutes celles qu’on voit ailleurs, & qui n’en
font par-tout que des imitations plus mefqumes ou
plus défeétueufes les unes que les autres. L a forme
de bafiliqut s’y perdit entièrement j & le nom feul
qui s’y perpétua, fans que prefque perfonne en fâche
la raifon , eft tout ce qu’elles ont confervé de leur
ancienne reffemblance.
Cependant cette efpèce de flux & reflux qui
ramène fucceflïvement l’efprit humain au très-petit
nombre de combinaifons autour duquel il tourne
fans cefle , & redonne aux inventions les plus
anciennes , l’air de la nouveauté qui les fait adopter
comme des découvertes modernes , vient de faire
revivre l’ antique forme des bafiliques. L ’infipide mono*
tonie des décorations en piîaftres , la lourdeur des
piédroits qui fupportent les arcades, l’excelïive dé-
penfe des voûtes , le peu d’effet qui réfulte de ce
genre de conftruire , fur-tout dans les petits intérieurs,
la difficulté d’unir convenablement, fans le fecours
d’une coupole, les quatre nefs ou les branches de la
c ro ix, bien d’autres ineonvéniens auxquels on ne p£ut
obvier fans des frais prodigieux ou fans retomber
dans d’autres abus, dévoient faire adopter de nouveau
le fyftême des bafiliques.
Peut-être aufli ce changement de goût, & cette
révolution dans les idées , tient-elle à une caufe plus
légère, & plus forte en même-tems, l’exemple. C ’eft
prefque toujours à Rome qu’il faut chercher la caufe de
tous les goûts qui ont influé fur le refte de l'Europe. Tanc
que le temple du Vatican donna la loi aux architectes de
tous les pays, il n’eut prefque pas été permis de foup-
çonner qu’il fût poflible d’en ériger un qui méritât le
nom de temple & n’en fut pas une copie. Les anciennes
bafiliques Chrétiennes, oubliées en quelque forte fous
l’antique pouflîère, où un faint refpeCt 8c un dédain
injufte lestenoient enfévelies , ne paroifloient aux yeux
du plus grand nombre que d’illuftres mafures, dans
lefquelles on Ce contentoit de déplorer la pauvre
màgnificence des premiers âges du Chriftianifme.
Mais depuis que par les foins du pape Benoît X I V , lî
bafilique Libérienne, ou celle de Ste Marie Majeure,
( F jyeçci-deflus. ) s’eft vue rétablie dans fon ancienne
fplendeur & rappellée à fa dignité première j depuis
que les détails défectueux qui pouvoient en dégrader
la beauté intrinfeque ont difparu fous la conduite &
parles réparations bien entendues du Cavalier Fuga>
l depuis enfin qu’une véritable bafilique a pu fe t‘c*
montrer dans tout fon éclat , celle de S.-Pierre a
peirdu du fien , 8c fon crédit a diminué. L'admira*
I tion s’efl partagée j bientôt elle s'eft étendue fur les
I autres bafiliques, que l’oeil des artiftes défabufé ne
I vit plus telles qu’elles étoient , mais telles qu’elles I devraient , telles qu’elles pourroient être. On s’eft I moins révolté' des irrégularités , des détails difpa- I rates de la bafilique de S.-Paul ( Foyeç ci-deflùs ) ;
I mais on y a confidéré le plan le plus riche , le plus I vafte , le plus approprié aux cérémonies de nos tem-
I pies} on y a admiré cette unité qui fatisfaic l’âme &
I la laifle dans un repos parfait $ cette variété qui
I réjouit l’oe il, & lui fait parcourir , fans prefque chan-
I ger de place , des tableaux toujours diverfîfiés, quoi-
I que toujours les mêmes. On y a vu le plus bel accord
K qu’on puifle rencontrer entre toutes les dimenfions
I requifes pour nos ufages , la richefle qui convient
I aux édifices facrés , unie à la fage fimplicité qu’ils
I exigent, les dégagemens les plus heureux , l’écono-
I mie dans la conftruCHon, & la folidité jointe à la I légèreté.
On peut s’en convaincre par quelques monumens
I modernes conftruits dans ce fyftême. L’églife de Mon-
I treuil, près de Verfailles, celle de S.-Philippê-du-Roule
| à Paris, d’autres qui ne font encore qu’en projet, ne
I peuvent qu’accréditer cette nouvelle & antique mé-
I chode. Cependant une efpèce de difficulté femble
K arrêter les architectes , c’eft l’ufage des plafonds
I que la conftru&ion moderne rejette , qui femble peu
K s’accorder avec la folidité , & que la forme des
K bafi iques paroît exiger.
I Si l’on confulte l ’autorité des anciens , on verra
I que cette difficulté moderne n’en fut point une pour
K. eux j non feulement leurs bafiliques , mais leurs tem-
I pies étoient plafonés. Nous l’avons fait voir, & l’on
I pourra fe convaincre ailleurs que les voûtes ne doi-.
I vent avoir lieu que fur des murs , comme les arcades
I ne doivent être fupportées que par des piédroits.
I (Voyez Faute 8c Arcades , &c. )
I Si 1 on confulte l’effet des plafonds pour l’oe il, &
I qu’on le compare avec celui des voûtes dans les édi-
■ «ces à colonnes ., fur tout dans les bafiliques, l’avan-
I tage fera encore pour les plafonds. Il n’eft perfonne
I fSaji! en comPar3nt les églifes de S.-Pierre-aux-Liens
J & de Ste Cécile à Rome , qui font voûtées ou cou-
I u KS en ^orme v°ûte, avec celles de Ste Marie
I Majeure-, de Ste Marie à Tranftevère , de S.-Chrifo-
I S.-Martin al M*nte , qui ne font que pla-
I ronees, n’ait obfervé combien ces dernières ont plus
I d accord, d’élégance , de légèreté j combien les jours
■ qui viennent d’en-haut y font plus avantageux ; com-
| r Ien la décoration iimple de ces plafonds eft plus
j p.^onieufe avec le refte de l’édifice ; combien enfin
■ oeil le trouve affuré fous ces couvertures qui n’offrent
I j‘e ,e hardi dans leur forme . rien de dano-ereux
I daps.leur conftruCUon.
I i 1 on confulte la folidité ., on ne fauroit nier
I ^ CS ƒ épient fujets à des accidens &
■ ar r^ aiat*ons » & SI116 ^es voûtes fur mur ou fur
K av— CS 116 r° ient f ,us durables ; mais qui oferoit
du*1’?61 ?Ue des V0lltes :fur colonnes , dans la donnée
1 p an des bafiliques, 8c fans les moyens, extraordinaires
d'une conftru&ion difpendieufe, feraient expo-
fées à moins d’accidens , fur-tout fi ces voûtes étoient
en pierre. Sans vouloir défier ici l’art, de la conftruc-
tion d’une hardiefle qu’on n’a point encore tentée
8c que l’expérience feule pourrait juftifîer du reproche
de témérité , comme les procédés qu’il em-
ployeroit ne peuvent avoir lieu que dans ces vaftes monumens
dont la dépenfe fe proportionne à leur immen-
! lîté , on peut affirmer que les plafonds bien plus
: commodes, bien moins coûteux , bien plus d’accord
avec les ordres Gre cs, font fufceptibles d’une
durée de plufieurs fiècles. Leurs répaiations font
faciles 8c peu difpendieufes 5 leur emploi donne , à
peu de frais, un grand air de magnificence , & permet
d’accorder aux édifices , fans danger comme fans
dépenfe, la plus grande étendue. ( Foyer Plafond).
Rome moderne nous fournit plus d’un exemple de
ces avantages. Les architectes qui n’ont point . couvert
en plarond les bafiliques modernes,ont été guidés
plutôt par leur goût que par les raifons de folidité,
puifque , jufqu’à préfent, leurs voûtes font en bois.
Cependant il en réfulte toujours le coup d’oeil d’une
voûte en pierre , qui femble furcharger les colonnes.
Cette apparence ne peut qu’offrir le défaut très-réel de
mettre le plus lourd fur le plus léger, & le fort fur
le foible j ce qui eft aufli contraire aux loix de la
folidité qu’à celles de l’harmonie.
Quoi qu’il en foit de ces réflexions , on ne fauroit
trop engager les archite&es à nous retracer , dans
nos temples , la forme & la difpofition des anciennes
bafiliques y on ne fauroit dire même à quel point une
imitation exaCte de ces monumens ferait favorable,
& à nos ufages & à la belle archite&ure. Une telle
ordonnance permettrait d’allier la régularité du plan
à la nobleffe de l’élévation , & peut-être l’homme
de génie trouveroit-il à y réunir, avec la beauté intérieure,
cette magnificence d'extérieur, dont les temples
antiques nous ont laifle de fi grands exemples ,
;& fi mal imités jufqu’à préfent. (V o y e z Édifie 8c
Temple. )
B A S IL IQ U E M O D E R N E . Nous donnons ce
nom , avec Palladio , à des édifices civils qu’on
trouve dans beaucoup de villes d’Italie , & dont là'
deftination eft entièrement femblahle à celle des bafiliques
antiques.
A 1 imitation des anciens , dit ce célèbre architecte
, les villes d’Italie conftruifent de grandes falles
publiques qu’on doit appeller bafiliques , puifqu’outre
la grande conformité de leurs u fage s, elles font partie
du palais où les magiftrats rendent la juftice. Nos
bafiliques moderne* , continue-t-il, different de celles
des anciens , en ce que celles-ci étoient à rez-de-
chauflee , tandis que les nôtres font élevées fur des
voûtes, dont le deffous eft occupé par des boutiques,
des prifons, 8c autres pièces deftinées aux befoins
publics. Une autre différence, c’eft que les anciennes
n’avoient de portiques que daus leur intérieur , les
mod- rnes. au contraire , ou n’en 011t. point , ou les
ont à l’extérieur & fur la place. Ou en voit de