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grand luxe $ & ils y cônfacrent la partie la plus con-
Iidérable de leurs maifons.
C h e z les Européens modernes , Pufage du bain ,
pour le peuple, en eft encore au point où Homère
nous le fait voir , dans les premiers fiècles de Ja
Grèce. C ’eft dans les rivières que , durant Ies.chaleurs
d’é té, va fe baigner la multitude, plus par plaifir que
par aucune autre raifon. Mais de. combien de dangers
n’eft pas accompagné ce plaifir , dans les pays
iur-tout où le peu d’habitude du bain n’a pu rendre
familier l’exercice d e là natation] Quels accidens ne
xéfultent point, foit de la crudité des eaux , foit de
l ’intempérie de l’a i r , foit de l’aéiion du foleil auquel
font expofés les baigneurs î
Il feroit à defîrer que les grandes villes imitafifent
au moins les bains publics de Florence. C ’eft le
grand Duc actuel qui les a fait conftruire. Sur le
bord dé la rivière ,, on a pris un terrain allez confi-
dérable , au travers duquel eft pratiqué un canal
oonftruit & couvert, qui reçoit de l’Arno une eau
toujours courante. Deux banquettes accompagnent
ce canal 5 & l’on peut y prendre le bain aflis. Il eft
aflèz long & allez large pour qu’on puilfe s’y: exercer
à la nage , trop peu profond pour qu’on ait
à y courir aucun danger réel. Ce t endroit eft particulièrement
deftiné à la multitude. Le refte de l’enclos
offre des bains particuliers;,-.des jardins où l’on peut
fe promener , enfin tout l’agrément & toute la commodité
qu’on a droit d’attendre d’un établiflement,
où l’on a eu en vue , moins d’arriver- au mieux polfi-
ble que d’éviter les inconvéniens.
C e qu’on appelle à Paris bains publics eft bfen
loin de réunir tous ces avantages; C e n’eft autre chofe
que de grands batteaux appellés TWe , faits de fapin,
& couverts d’une grofTe toile ; autotir il y a de petites-
échelles attachées par des cordes , pour defcendre
dans un endroit de la rivière où l’on trouve des pieux
enfoncés d’efpace en efpace, qui foutiennent ceux qui
prennent le bain.
Il eft des bains particuliers ; ce font des maifons
diftribuéès en petits apparteraens , où l’on paye en
raifon de la commodité j de la propreté , des foins
& du fervice qu’on y trouve.
On appelle bains domeftiques ceux qu’on pratique
dans les maifons des Grands ou des particuliers :
ils fe prennent dans des baignoires de métal, où l’eau
eft amenée par des conduits de plomb , qui defcen-
dent d’un réfervoir un peu élevé rempli d’eau du
C i e l , ou par le fecours d’une pompe. Ces tuyaux
o-arnis de robinets viennent, avant d’entrer dans la
baignoire, fe diftribuer dans une cuve placée fur un
fourneau qui lui conferve un dégré de chaleur( convenable.
Ces bains font compofés d’un appartement diftri-
bué en plufieurs pièces : favoir d’un anti-chambre où
fe tiennent les domeftiques , d’ un falle où eft placée
la baignoire , d’une chambre à lit pour fe coucher
au fprtir du bain, d’une garde-robe , d’un cabinet de
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toilette , d ’une étuve pour fécher les linges j & chauffer
l’eau , de petits degagemens , &c. II eft afiez
d’ufage de placer deux baignoires & deux lits dans
ces appartenons , cés bains fe prennant ordinairement
de compagnie lorfqu’on eft en fanté.
Ces bains doivent avoir un petit jardin particulier
pour faire prendre de l’exercice aux perfonnes qui en
ufent plutôt par indifpofition que par propreté.
De tels appartenons font fufceptibles des décorations
les plus agréables. C'eft là qu’un architefte
peut développer Ion g o û t , & donner TelTor à fon
imagination. Ces pièces demandent, en général, de
la g a o t é , & paroiflent moins aflujetties à la févérité
des règles de l’art. Le genre Arabefque, fî bien approprié
aux petits endroits , (V o y e z Arabefque.') peut
y montrer toute l’élégance de fon badinage , & y
répandre un enjouement analogue à la nature du
local. L ’air de la richefTe ne doit point s’y faire apper-
cevoir : on en bannira la dorure & l’éclat des métaux
précieux. Quant aux marbres, ils ne peuvent qu’y
figurer avec avantage:: ils contribuent à la beauté,
autant qu’à la propreté du lieu. Il fera même prudent
d’en lambrifiTer les murs par le bas jufqu’à la
hauteur des baignoires.
On appelle encore bains naturels des bâtimens con-
ftruits présides fources d’eaux médecinales ou minérales
, & dans lefquels font diftribuéès des chambres
pour prendre le bain. C ’eft ainfi qu’on dit les bains
de P o u z zo l, de Baiès , de S.-Germain, près de Nap
le s , les bains de P ife rT e ls font encore ceux de
Bourbon , de Vich i , &c. en France.
BA IN . ( conjiru&ion. ) On a pu voir , par l’article
précédent , combien les édifices confacrés à cet
ufage devinrent magnifiques fous le'règne des empereurs
: nous allons entrer ici dans quelques détails
particuliers , relativement à leur conftruétion.
Tous les murs & maflifs qui compofoient le corps
de ces édifices étoient conftruits en maçonnerie de
blocage, ( Voye£ ce. mot. ) dont les* paremens étoient
de briques, avec des enduits ' de ftuc ornés de peintures
, ou avec des revêtiftemens de marbre 8c de
pierres précieufes. Ordinairement toutes les pièces
étoient voûtées aulfi en maçonnerie de b locage 5 mais,
pour donner plus de légèreté, au lieu de petits moë-
lons ou tufs , on employoit de la pierre ponce , ou
des laves poreufes extrêmement légères. C ’eft ainfi que
les grandes pièces des thermes de Caracalla ont été
voûtées. Le pavé des bains étoit formé par des aires
de maçonnerie recouvertes en ftucs, où en mofaïques.
Quant aux fix pièces qui compofoient ordinairement
les bains antiques, nous allons examiner ce
qu’il y avoitde particulier dans chacune, relativement
à la conftruétion. .
Dans la première appellée par les Grecs onro^trepioy,
il n’y avoit de remarquable que les tablettes ou armoires,
où l’on gardoit les habits de ceux qui entroient
aux bains.
Dans la fécondé pièce où étoit le bain froid , ap-
I pellée \ovrpov par les Gre cs, 8c lavacrum par les Ro-
I mains, il y avoit à remarquer le bafiin dans lequel
I plufieurs perfonnes pouvoient fe baigner' à là fois.
K Ce balfin étoit quelquefois de granité ou de marbre 5
I 8c quelquefois il étoit en maçonnerie , revêtue d’un
I fort enduit de ciment, 8c terminé par un bord en
I pierre de taille. Ce t enduit acquéroit, avec le tems,
I plus de dureté que la pierre , & formoit des cuves
f d’une feule pièce impénétrables à l’eau. Comme c’eft
I particulièrement aux angles què les badins quarrés fe
| dégradent, on avoit le foin d’arrondir.tous les angles
I intérieurs pour les fortifier. Le fond étoit fait en
I cuvette, de manière que la pins grande profondeur
| fe trouvoit au milieu. Ces badins n’ étoient couronnés
d’un rebord en pierre de taille que de trois côtés : ce
| rebord s’appelloit/Æ^mz/î, & le milieu, ou la capacité,
I alveum. V itru v e, 1. 6. chap. 10 , dit que la grandeur
I ou la capacité des badins doit être proportionnée
au nombre des perfonnes qui doivent s’y baigner à
| la fois. Cependant il ne falloit pas qu’ils eufient moins
I de fix pieds de large , dont deux poui la marclie
1 inferieure 8c le rebord. Quant a leur longueur, il dit
B qu’elle devoit avoir une fois & demie&la largeur,
f Le quatrième cote du b ad in, qui fe trouvoit celui
I par où l’on ea troit, étoit occupé, par les marche;
î qui conduifoient au fond. Au-delà du rebord , autoui
I des trois autres cotés , .on plaçoit un appui ou balu-
I drade , pour féparer ceux qui fe baignoient, de ceux
B qui attendoient leur tour 5 c’eft pourquoi, entre cette
baluftrade & le s murs de la falle , on laidbit un
efpace , ou galerie , que V itruve appelle fchola, lequel
I devoit être allez large pour contenir tous ceux qui
I dévoient remplacer les baigneurs. Cette galerie étoit
1 pavée en marbre ou en mofaïque. Les murs , ainfi
I que les enduits qui les recouvraient , dévoient être
I faits avec foin & précaution, à caufe de l’humidité
I qu’occafionnoit l’eau qui s’évaporoit du bain. Per-
K râult, dans fa^ traduélion de V itru v e, a cru que ces
I éclairés par un jour tiré du milieu de
1 la voûte. Cependant il femble que Vitruve dit qu’il
f faut que le bain foit placé fous le jour de la croiféè,
I afin que l ’ombre de ceux qui font autour n’inter-
I cepte pas la lumière : ce qui fait croire qu’il n’y avoir
j point de galerie du côté de la croifée.
I A l ü diermes Caraca lla, on voit encore les reftes
I e p ufieurs de ces bains froids , dont un prelqu’en-
l H a “ ‘•“ J“ “ la manière dont ils .étoient
f 1 C e .té** ! repréfemé par la figure! x i eft
H H dans une falle voûtée , précédé d’un petit
I „ “ oUle. avec ™ portique, qu'on dit avoir été ajouté
o'pame Sévère. La falle du ium.a ; j pieds de
i S > g j l IJ pieds 5 pouces de Iatgë, Le baffin eft
I M É h Ih h ayec un bord en Pierre de 'a ille , qui
I » . ! * de 1 8 pooces du mur du fon d , & des deux
. s eiî jetol,r- Le vuidè du balfin, entre les bords
I defeenï^r ^ W W I g 1 Pieds long : on y
F; fonr A ** M ^evant» par fept ou huit marches qui
Pour î a“ S ' T 6 de Ia faile > favoir quatre
lver ^ur b°rù du bàflîn, & trois ou quatre
B A I içt
pour defcendre jufqu’âu fond du bain j de ffianièr«
qne ceux qui fe lavoient pouvoient s’afieoir fur lê
bord qui régnoit autour des trois côtés dii bafiin.
Le fond & les côtés de ce bafiin font revêtus d’un
enduit de ciment extrêment dur & épais. Sur la fuper-
fic ie , eft une efpèce de croûte cryftalifée provenant
du fédiment de l’eau 5 ce qui pouvoit contribuer beau»
coup a la dureté de l’enduit. Il eft probable que la
propriété qu’avoiènt les eaux de Rome de former de
feinblables incruftations , eft une des cailles principales
de cette grande dureté d’enduit quvon obferve
dans les baflîns, réfervoirs, conferves d’eau & aqueducs
antiques. Ces eaux avoient la vertu de lapidi-
fîer , fi on peut le dire, la furface des enduits, d’ailleurs
bien înaffivés & faits avec le plus grand foin.
Cette falle étoit éclairée par une fenêtre demi-
circulaire , pratiquée au haut du mur du fond , contre
lequel le bain ou balfin eft adapté j de forte qu’il fe
trouve éclairé de la manièie dont le preferit V itru v e,
pour que l ’ombre des fpeftateurs ne nuife point à ceux
qui fe baignent. L e petit veftibule qui eft au devant:
de chacun de ces bains, paroît avoir été deftiné
pour y dépofer les habits de ceux qui (é baignoient. Le
portique en arcades qui eft au-delà fervo'it de promenade
à ceux qui atteùddient leur tour. Chacun
vie ces bains pouvoit; contenir au moins v iim per-
, formes.
' L e long de cette face des thermes qui reo-arde le
Nord-eft ,. il y a cinquante falles qui paroi/Tent avoir
été deftinées au même ufage. A in fi, cians ces cinquante
bains y', il pouvoit fe baigner mille perfonnes
à la fois. L ’eau qui y arrivoit devoit :ê;tre tiède 5 car
il paroît , par les. tuyaux & les conduits qui reftent
qu’elle provenait des bains chauds des grands thermes
dont ces bains formoient, pour ainfi dire, l'enceinte.
Entre ces bains on trouve , à des diftances à-peu-près
égales , les reftes de quatre grands elcaliers , à deux
rampes , qui conduifoient aux grands thermes, donc
le fol étoit d environ vingt pieds plus haut que celui
des bains. Ce t édifice étoit bâti fur la pente du monc
Aventin ; de forte que ces premiers bains fervoient de
fubftruéHon , ou de revêtement au terre-plein du fol
fupé rieur.
Tous les murs & voûtes de ces bains font en maçonnerie
de blocage revêtue eu briques,, avec des
enduits en mortier. Le pavé eft formé par une aire
en maçonnerie j ce qui prouve que ces bains n’étoient
deftmes qu’aux gens du commun.
Les eaux qui 'foitoieat dd cè^ bains fe îëndoiend
daus une grande pifeme ou pièce d 'e a u , dans laquelle
on pouvoi; s'ixercet à la nage, :
Il paroît que c'étoit de ce .côte' q u 'ào it la princia
pale entrée des thermes.: Dans les faces en retour
a droite & à gauche , étoient d'autres bains pour des.
particuliers plus riches, ©ia d’ un rang fupérieur. lOn
croifoit volontiers qtie daus cés pièces , au lieu f e
balfins femblables à celui que. nous avons décrit ou
ufoît de ces cuves ou baignoires de marbre Sc de g ra -