
reftent enfoncées. De cette efpèce font plufieurs
objets qu’on voit fur les obélifques , la plupart
des figures humaines qui ornent les édifices, &.
tous les hiéroglyphes de Saccara dont on a parlé.
Les plus petits objets dans ces derniers y font
rendus avec la plus grande précifion. On y diftingue
jufqu’aux barbes d’une plume, jufqu’au poil d’un
animal. Pour faire de ces figures de véritables bas-
» on v°it qu’il ne s’agiffoit que d’enlever
1 epaiffeur de la pierre dans laquelle elles font taillées.
On peut attribuer cette méthode à la timidité
de l'art naiffant, s’il n’eft plus naturel encore d’en
rechercher la caufe dans les trois raifons fui van tes.
Quand on connoît la grande dureté de la plupart
des pierres qu’employoient les Egyptiens, on ne
s’étonne pas qu’ils aient cru trouver dans cette
pratique, une économie de peine & de travail; cet
enlèvement de fuperflu dans des pierres telles que
le granit, peut s’évaluer au tiers de la dépenfe.
L ’idée d’une plus grande confervation des figures,
ce foin que les Egyptiens mirent à la perpétuité
de tous leurs ouvrages, peuvent encore avoir contribué
à maintenir cet ufiige dans les monumens
°u_la dureté de la matière le rendoit moins né-
ceffaire. Mais on en voit la plus forte raifon dans
1 emploi qu’ils faifoient des figures & dans leur multiplicité;
les édifices en étoient plutôt couverts que
décorés. Toutes les parties de l'archhe&ure en
etoient chargées ; dès-lors on n’eut pu dégager ces
reliefs qu’aux dépens de la forme générale des
membres, dont on eût néceffairement altéré & af-
foibli l’intégrité.
Cependant cette fécondé manière de fculpter
les hiéroglyphes devoit en introduire une troi-
fième, celle qui eft particuliérement propre au bas-
relief. Audi la voit-on employée, quoique beaucoup
plus rarement, en Egypte. Winckelmann
paroit en douter : il prétend que les Egyptiens
ne firent de véritables bas-reliefs qu’en bronze. Le
vafe defacrifice, appellé Jhula , dont le comte de
Caylus a donné la defcription, le força de leur
accorder cette habileté dans le métal. Mais les
canopes fur lefquels on voit des bas-reliefs proprement
dits, ne fuffiroient-ils pas pour faire recon-
noitre l’exifience de cette pratique fur la pierre ?
Quoique ces fortes de figures ne foient que des
imitations poftérieures du vrai ftyle égyptien, elles
fuppofent toujours la fimilitude des modèles dont
elles furent lès copies. Au refte , indépendamment
des témoignages des voyageurs qui ont décrit de
vrais bas-reliefs dans les ruines de l’Egypte, l’autel
transporté depuis quelques années de la Villa
Medici à Florence, autour duquel font des figures
en faillie, un fragment de la plus rare beauté en
pierre blanche, confervé dans le Mufoeum Bor-
çianum à Velletri, & plufieurs autres petits qui
te rencontrent dans divers cabinets, ne laiffe-
roient aucun doute fur cet objet.
Les Egyptiens, quoique inventeurs du bas-
r th e f proprement d t , en connurent les procédés
plus qu’ils n’en étendirent l’art. C’efi à la perfec;
tion du mécanifme dans la taille de la pierre 8c
au poli, plutôt qu'au fini des objets, que fe borne
leur favoir dans la fculpture : le goût de deflin de
leurs bas-reliefs eft le même que celui de leurs
ftatues. On y remarque de même une efpèce de
fupériorité dans le travail des animaux, & dans le
fini des détails, un goût de vérité qui l’emporte fur
celui des figures humaines. L’obélifque de Camp©
Marzo pourroit nous fournir plus d’une preuve
de ce que l’on avance ici. Nous ne citerons que
le fphinx fculpté dans le pyramidium. On ne peut
que s’étonner de la précifion & de fart avec lequel
les plus légers détails y font rendus fur la pierre
la plus dure & la plus rebelle au fini des petits
objets. Cette figure n’a qu’un pied de long, le
vifage & l’oreille en font d’ un deflin auffi jufte que
précieux, quoiqu’elle dût être élevée à près de
quatre - vingts pieds hors de la portée de la vue.
C ’eft à-peu-près fous les mêmes formes & dans
le même goût, qu’on retrouve en Perfe l’art da
bas-relief Le ftyle égyptien s’y reconnoît plus
encore à la difpofition qu’au caractère propre des
figurés.. C ’eft la même profufion dans l’emploi
général de ce genre de fculpture, même fymmo-
trie dans l’ordonnance , même monotonie dans la
diftribution des parties, même afferviffement à
l’écriture figurée. Les ruines de Perfépolis font
encore remplies de plufieurs milliers de figures en
bàs-relief On croit y voir l’art moins parfait peut-
être dans le mécanifme de la fculpture ; mais plus
avancé du côté de l’a&ion & du mouvement
qu’ont les figures ; on y découvre peut-être moins
de perfe&ion dans le travail de la pierre, mais
plus de hardieffe dans la faillie du bas-relief Oïl
n’en vok point qui foient fculptés en renfoncement
comme en Egypte. Du refte ils font alignés
de la même manière les uns au-defliis des autres ;
les mêmes perfonnages répétés dans la même attitude
, y font rangés à la file fans aucune, efpèce
de variété. L’on ne trouve enfin rien de plus conforme
aux hiéroglyphes de l’Egypte, fi ce n’eft
peut-être les figures en bas-relief qui ornent les
pagodes de l’Inde.
Chez tous ces peuples, où la fculpture , ainft
que les autres arts imitatifs, relièrent dans une efpèce
d’enfance, le bas-relief ne peut donc fe considérer
que comme une vafte & éternelle manière
d’écrire par figures. Quoique celles-ci n’y foient
pas toujours fous la forme de l’hiéroglyphe, & ne
doivent pas toujours fe prendre pour des caractères
; cependant, comme les lignes abrégés &
conventionnels ne s’y introduifirent que tard, & jamais
en entier, la fculpture en bas-relief s’y perpétua
fous le rapport de l’utilité, plutôt que fous
le prétexte de l’ornement. Elle dut par conféquent
y conferver l’habitude d’y être plus indicative que
repréfentative ; ehforte que l'es bas-reliefs même,
qui s’éloignent le plus du caractère hiéroglyphique»
doivent encore s’enyifager plutôt comme infcripi
dons, que comme objets d’embelliffement ; plutôt
comme monumens de l’hiftoire, que comme ouvrages
de 1 art.
Soit que l’ufage de l’écriture alphabétique fe fut
introduit chez les Grecs avant la pratique des arts;
foit que la religon , qui n’eut point chez eux de
langue ni d’écriture myftérieufe, ait eu moins be-
foin dans les cornmencemens du fecours de la fculpture
; foit que les hiéroglyphes même de l’Egypte
, devenus inintelligibles dans leur propre
pays, n’aient préfenté aux Grecs que des modèles
pour l’art, & non des leçons pour l’efprit, les premiers
effais connus de la fculpture grecque en bas-
relief (e trouvent déjà au niveau des derniers efforts
de l’Egypte en ce genre. Dégagée des entraves
ÆMMde l’hiéroglyphe, la fculpture des Grecs
annonce, dès fes premiers pas, une recherche d’imitation
, un fyftême de liberté, une connoiffance
de la nature, qui préparoicnt à l’art la route qu’il
devoit parcourir.
On en juge par les plus anciennes gravures,
telles que le T yd é e, le Pelée, l ’Hercule puifant
de l’eau , le confeil des fept chefs devant Thèbes,
& qui font les plus anciens monumens que l’on
connoiffe de l’art grec. Nous croyons inutile d’avertir
que fous le nom d’art des Grecs , nous Comprenons
celui des Etrufques & celui des Romains.
Quand les notions de l’hiftoire fépareroient ces
peuples, 8t1eur contefteroient une communication
direfte de goût, le principe commun qui unit leurs
arts ne permet pas d’en regarder les monumens
fous des points de vue féparés.
La fculpture grecque nous offre, dans fes bas-
reliefs , une plus grande diverfité de ftyles, & un
plus grand nombre d’âges que les ftatues ne peuvent
en faire diftinguer ; & c’eft peut-être dans
ce genre que l’hiftoire de l’art pourroit trouver le
plus grand nombre de monumens & des plus authentiques.
Sans nous livrer ici à des recherches
étrangères à notre objet, qui n’eft que de fuivre
l’origine & de connoître la nature eftèntielle du
bas-relief, ïfous ne pouvons nous empêcher cPap-
percevoir deux .âges très-diftin&s, & qui conftituent
deux ftyles de .bas-relief chez les Grecs.
Dans le premier, les figures y ont aufli peu
tPaâion & de mouvement que les hiéroglyphes.
Quoiqu’elles ne laiffent nullement à foupçonner
qu’elles aient fervi de caraâères comme en Egypte,
cependant la roideur de leurs pofitions, la monotonie
de leurs attitudes, le manque d’expreflion &
de vie dans leur exécution, font croire qu’elles
n’étoient que des fignes., dont le fens avoit plus
rapport à la religion qu’à Phiftoire. On doit ranger
dan-» cette claffe un grand nombre d’ouvrages ,
auxquels on donne le nom d'etrufques, & que l’on
trouve en Italie ; tels font les bas-reliefs de Cor-
netto , ceux de Velletri , dont on trouve une riche
colleCVton au Mufæum Borgianum. Ces derniers,
découverts depuis peu d’années en creufant les fondemens
d’un édifice , font en terre cuite. L’art de
la fculpture y eft très-groflier, & fe rapproche du
travail de l’Egypte ; chaque figure s’y trouve ifolée
& fans rapport avec celles qui la précèdent ou qui
la fuivenr. 11 nous paroît inutile d’attribuer à l’imitation
des ouvrages égyptiens la reftemblance affez
frappante de ftyle qui s’y rencontre. Tous les com-
mencetnens de l’art fe reffemblent clans tous les
pays fous certains rapports, mais tous diffèrent par
des nuances de phyfionomie qu’on ne fauroit confondre.
A in fi,la foibleffe qui accompagne les premiers
effais de l’art dçs Grecs, ne reffemble point
à l’impuiffance de l’art en Egypte. En Grèce, l’art
devoit attendre , du temps & de l’expérience , un
plus heureux développement. En Egypte, tout ef-
poir d’accroiffement lui fut interdit : aufli, fous
les chaînes de la fervitude, la feule perfeéfion qu’il
pouvoit efpérer étoit celle du mécanifme ou du
travail de la main, & cette perfection eft peut-être
la feule qu’on remarque chins les hiéroglyphes au-
deflus des premiers effais de l’art du bas-relief en
Grèce.
Ceux-ci ne paroiflent avoir été, dès l’origine , employés
qu’à la décoration locale des édifices. La
nature fi différente de l’architeéture grecque, n’en
eût point permis un emploi aufti multiplié qu’en
Egypte. Cette prodigalité ne pouvoit convenir
qu’aux édifices égyptiens, deftinés à devenir, par
l’emploi de l’hiéroglyphe, de vaftes livres, toujours
ouverts à l’inftruÔion ou à la curiofité. Chez les
Grecs, le bas-relief ne devint que l’ornement de
l’architeâure, & , d’après le fyftême de conftruc*
tion que celle-ci avoit adopté , il ne pouvoit avoir
lieu que dans quelques parties, ou fur certains
membres des édifices. Aufli les plus anciens bas-
reliefs ne nous préfentent que des portions de frife,
de cette partie de l'entablement que les Grecs ap-
pelloientÇoçofo/, parce qu’ils l’avoient confacrée à
recevoir la repréfentation des têtes de victimes ou
d’animaux facrifiés aux dieux. Ce premier ftyle de
bas-reliefs, en figures ifolées & fans action, con-
venoit affez à l ’emploi qu’on en faifoit dans les
frites ; nous retrouvons même, fous les beaux
fiècles de l’art, & lorfque le bas-relief étoit perfectionné
, ce fyftême de figures ifolées dans les
bas-reliefs de plufieurs frifes.
Au refte, ce ne fut point par choix, mais par
ignorance du mieux, que ce goût domina dans i’ar-
chiteCture des premiers temps. Cet ifo.ement des
figures fe remarque fur les vafes, les autels, les
piédeftaux, quoique les formes du deflin y foient
très-améüorées, quoique la fculpture y foit déjà très-
éloignée de fa première foibleffe. Rien ne prouve
mieux la lenteur de l’efprit humain dans le progrès
des arts , que l’efpèce de timidité qui accompagna
fi long-temps le bas-relief. On diroit que l’art de
réunir les figures enfemb'e , & qui ne paroît aujourd’hui
qu’un jeu pour l’artifte, ait été une découverte
pénible, & qui dût être le fruit de plufieurs
fiècles. On le diroit à voir une foule d’ou-
G g î