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d'Urbain V I I I , on v o y o it encore fous fon pèrif-
tile l’étonnant artifice de conftruérion dont je parle.
C e comble immenle fe compofoit d’une charpente
dont le plus beau bronze formoit les poutres &
les folives . Recouverte de tuiles de marbre, elle
étoit portée par les colonnes de g ranit, qui font
aujourd’hui la feule richefie de ce pèriftile. L ’oeil
y v o y o it la plus belle alliance des plus rares matières
, & le fentiment de i’indeflruaibilité devoit
encore ajouter à tous ceux que l’architeéhire de
ce monument fait paffer dans l’ame du fpeéfateur.
I l ne nous relie de cette merveilleufe conftruérion
qu’un ibuvenir vague & des regrets inutiles. La
mémoire s’en feroit même perd ue, li S e r îio , qui
avoit pu admirer cette charpente métallique, ne
nous en avoit confervé un deflin dans fon traité
cFarchiteéhire.
O n doit donc fe repréfenter une véritable charpente
affemblée , félon lés procédés ordinaires à
celles qui fe font en b o is , c’eft-à-dire, compo-
fée d’enrraits, de pannes & de chevrons tous de
bronze. Toutes ces pièces fe joignoient & fe lioient
enfemble par des fiches ou clous du même métal
( Un de ces clous fe conferve & fe vo it au palais
Barberin ). Autant par économie de la matière que
pour alléger le poids de tout l’en femble, ces
poutres & folives étoient creufes ; mais Serlio ne
nous apprend pas quelle épaiffeur on avoit laiiTée
au bronze. L ’intérieur du périftile fe partage,
comme l ’on fa it , en trois parties divifées par les
colonnes du deflous. Les deux parties latérales
étoient plafonnées, mais celle du milieu étoit voû tée
j commeTindique affez clairement le ceintre que
l ’on voit au-deffus du chambranle extérieur de la
porte. Cette voûte étoit aufîi de bronze. Elle étoit
compofée de tables ou plaques de même matière,
attachées, à la pièce ou foliv e de bronze que l’on
appelle entrait, & à des chevrons auffi de bronze
qui tenoient par un bout à l’entrait, & par l’autre
aux maffifs de conftruérion qui portent fur les
colonnes. Serlio nous apprend encore q ue , fuivant
l ’opinion établi# de fon tems , cette voûte étoit
de la plus grande richeffe , & même incruftée
d’ornemens en argent.
I l efl aifé d’apprécier la quantité & la beauté
de ces bronzes par la chaire de faint Pierre & le
baldaquin de cette é g life , les plus volumineux fans
comparaifon de tous les ouvrages de bronze qui
exiftent dans l’u n iv e r s , & dont la maffe énorme
n*eft pas encore l’équivalent des dépouilles du
Panthéon , aux dépens defquelles elle fut fondue.
L ’infcription qu’on lit aujourd’hui fous le-
péri fille de ce monument dégradé, pour mieux
cenfiater toute la barbarie de fa fpoliation , nous
Apprend que l’excédent de ce -métal précieux fut
employé à fondre les canons du château Saint-
A n g e.
Qu elque furprenant & extraordinaire que.puifie
paroître l’emploi du bronze, appliqué,. comme on
vient de le v o i r , au * refiources de la conftruérion
B R O
dans ce fatfteux édifice , & q u e l l e deuto'iireufe
que puifle paroître la perte qu’on en a faite, les
arts regrettent .peut-être encore plus celle des
i^-'hes ornemens qui étoient répandus dans l’in,
térieur du monument.
L ’application àu^ron^e à l’eriibelliffemen t clés édi-
nces ch.çz les anciens, parojtra peut-être incroyable
a ceux qui ne jugeroient des reffources poflibles
de la déCoratioil, que par la nudité & la pauvreté
des édifices modernes, & qui ne voudroient apprécier
les moyens de l’antiquité que d’après la
foiblefie des nôtres.
On v o y o it à Lacédémone un temple tout de
bronze. C ’étoit celui de Minerve , le principal &
Probablement le plus grand de la ville. Il étoit
bâti for la plus haute colline q u ite n o it lieu de
citadelle. La déeife avt>it pris de ce monument
le furriom de Chzlcicecos, ou maifon cTairain^LQ
frontifpice & toutes les parties apparentes, depuis
le comble jufqu’ à la bafe des co lon n es , étoient
exaélement revêtues de lames de cuivre chargées
de fculptures. Psufanias avoit vu ce merveilleux
ouvrage , & fa defeription prouve qu’outre le prix
& la rareté de la matiè re, l’art y avoit prodigue
des beautés qui auroient dû faire pardonner
ce genre de luxe au critique auftère ( M. de Pa\v ),
dont l’oeil ne veut y voir qu’une oftenttfticn exagérée
d’un fafle oriental. Le même critique (i)
n’auroit pas condamné l ’emploi de ce métal dans
ce temple, eu égard au danger qu’il couroit d’être
attaqué par la rouillé ou la corrofion de l’air
humide fur un terrein fouvent inondé par l’Eu*
rotas, s’il fe fût reffouvenu que ce temple, comme
Paufanias le dit expfeffément, étoit fîtué for la
plus haute colline de la ville . Il n’auroit pas dit que
la qualité intrinsèque de ce métal n aputoit rien aux
prix des ornemens extérieurs , parce que la beauté
de la matière ajoute certainement au prix de tout
o u v ra g e , & l’on ofe même le dire , [à fa beauté.
Il n’auroit pas dit fur-tout que ce monument auroit
pu s ’exécuter beaucoup mieux en pierre, parce que
tous les embeliffemens qu’ il renfermoit étoient
des bas-reliefs qui n’ont aucune raifon d’être moins
bien exécutés en bronze qu’en p ie rre, mais qui
certainement en avoient beaucoup, pour être pitos
folides & plus durables. Enfin fi un pareil édifice,
fans exemple jufques-là dans la G r è c e , n’y trouva
point d’ imitateurs, ce ne fut p"oint parce qu’il
s’éloignoit très-fort des règles ordinaires ( car il n’y
eut jamais d’autre règle pour la qualité des matières
mifes en oeuvre par l’architeélure , que le
plus ou le moins de leur prix ou de leur rareté),
mais parce qu’aucune autre v ille grecque que Lacédémone
n’étolt en état de faire une femblable
dépenfe.
Paufanias, au r e f ie , ne nous donne quelques
détails que de l’intérieur de ce furprenant édifice.
( i) M. de P aw ,
Grecs, T. U ,
Recherches ^hilofoptiques fur Us
B R 0
Çîtiadas, Spartiate d’origine & de naiflance, p o ëte,
fculpteur, en avoit été l’architeéle. Sur les murs
intérieurs étoient repréfentés en bronze les travaux
& les aventures d’H e rcu le , les exploits des T y n -
darides & l ’enlèvement des filles de Leucippe.
On y v o y o it plufieurs autres aventures mythologiques
, telles que celles d e -Vulca in, de P e r fé e ,
de Minerve ; mais on y difiinguoit un Neptune
& une Amphitrite, dont la beauté l’emportoit
fur celle des autres figures.
Je fuis loin de prétendre que la richèfîe de la
matière puifle & doive fuppléer au mérite de
l’art ; je penfe feulement qu’elle y a jou te, & dans
l’architeélure fur-tout, plus que l’on ne penfe ordinairement.
Mais il feroit pour le moins extraordinaire
de déprifer le mérite & le goût d’un édifice,
uniquement parce que la qualité de fes matériaux
pourroit feule en faire le p r ix , & lo r fq u e
rien ne prouve la fupériorité de la matière lur
Fart. Sans doute & heureufement pour l’architecture
, cet art dont les principales beautés fout attachées
à l’harmonie des proportions, peut briller
également fous l’enveloppe des plus viles matières,
comme fous les revêtiffemens pompeux des marbres
& des métaux les plus rares. On ne fauroit le
nier à la rigueur. Je fais aufli que telle eft l’opinion
des modernes & fur-tout des peuplés dû N o rd,
qui, réduits par leur climat à l’uniformité d’un
feul genre de matériaux, fe font convaincus de
cette vérité plus par néceflité peut-être que par
goût, & plus encore par raifonnement que par
aucun exemple qui vîn t à fon appui. Mais le mépris
de ces richefles dont l’architeéhire de tous les
peuples antiques nous offre tant d’exemples, tient
plus fans doute à l’impoffibilité de les imite r, qu’à
des principes de g o û t , dont Fauftérité prétendue
marqueroit moins de lumières que de préjugés. Il
eft aifé cl’appercevoir que la nature qui a difpenfé
comme il lui a plu, dans chaque p ays, fes différentes
produirions , n’y a indiqué d’autre règle pour le
choix des matériaux, que le plus ou le moins de
rarete qu’elle y a mife. A in f i, fous ce point de vue,
l’art ne rejette à la rigueur aucuns matériaux,
mais il en eft qui peuvent concourir plus que d’autres
aux différentes fins que l’architeâure fe
propofe, & qui offrent à cet art plus de re ffources,
de plus variées , de plus énergiques pour
produire en nous toutes les impreffions qui font
de fon reffort.
Je ne parlerai point ici de celles qui réfultent d’un
emploi de matériaux affortis pour la couleur on
pour la qualité , au caràifcère que chaque édifice
doit porter, n i des effets très-fenfibles & très-frap-
jpans que le mélange des matières peut produire,
•toutes ces nuances que les anciens ne négligèrent
P0,nt,. le font beaucoup trop aujourd’h u i , & trouveront
autre part la difcuffion qui leur convient.
1,C Pat^e ûropîement ici que du pouvoir que
arehiteéhire a fur nos affeéhons, pouvoir q u i,
omme on Va dit ailleurs ( Part. B e àü ) ,
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réfide particuliérement dans les deux qualités que
nous avons appellées richefie & économie. O r
il n’eft pas douteux que la richefie même de la
matière ne partage dans l’ architeélure l’efpèce
d’empire que la richefie intelleéluelle exerce fur
nos affeélions. Comme le fentiment d’admiration
qui vient de la grandeur proportionnelle , s’accroît
cependant par la grandeur linéaire , de la
même manière les effets de la richefie produits
par la décoration , fe renforcent dans l’aine du
fpeélateur, lorfque la magnificence de la matière
& la difficulté même du travail ajoutent à l’oeuvre
du génie un prix de plus & des charmes nouveaux.
Les anciens ont mieux compris que n ou s, fans
comparaifon, en quoi réfidoit la beauté effentielle
de i’architeéliire, puifque leurs monumens, dépouillés
aujourd’hui de tout ornement étranger ,
ne laiffent pas de nous émouvoir au plus haut
d e g ré , & d’exciter en nous des fenfations que
tous, les édifices modernes, quoique dans toute
leur intégrité, ne fauroient produire. Cependant
ori eft loin de concevoir à quel point la richefie
de la matière & toutes les recherches de luxe
pour les moindres détails , furent pouffes dans les
monumens les plus fangeux de leur génie. Loin
de croire que la richeffe matérielle pût nuire à
la beauté efientielle, ils regardèrent toujours cette
réunion comme une perfeélion de plus. Nous ver-
‘ rons ailleurs qu’ ils fuppléoicnt aux marbres par
les couleurs qu’ ils donnoient aux pierres ou aux
enduits dont ils cacboient la pauvreté de cette
matiè re, & nous verrons encore qu’au défaut de
métaux précieux ils en contrefaifoient l’apparence
par la dorure ( voyc^ ce mot). D ’après ces réflexions
, qui peut-être feront pardonner aux anciens'
l ’emploi des métaux les plus précieux dans la
décoration de leurs édifices , je continuerai de
dire à quelles parties de l’architeélure ils appliquèrent
le bronze.
L e Panthéon nous en fourniraplusd’un exemple r
car ce monument auroit p u , comme le temple'
de S p a r te , prendre le nom de Chalciotzos, tant
le bronze y avoit été prodigué.
Son fronton nous prouve que cette partie des
édifices recevoit des bas-reliefs de bronze. Les trous
multipliés qu*on y obferve aujourd’h u i, font bien
certainement ceux des crampons qui fervirent à-
lier les figures & autres ornemens de bronze au
tympan de ce fronton.
On obferve de femblables trous à d’autres monumens
, comme aux arcs de triomphe & particuliérement
à celui de Conftantin. Ce s trous n e '
reffemblent point à ceux dont on a parlé plus
h a u t , & dont on parlera au mot crampon ( voyeç
cet article), où la pierre fraélurée annonce par
fa léfion l ’effort de l’avariee & l ’empreinte d’une
violation manifefte. Ceux-ci font creufés quarré-
m en t , non pas feulement aux joints de lits des
pierres, mais encore fur toute leur fu r face , &
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