
membres de l’archite&ure, parce que l’on craint
une dégradation trop certaine dans ces parties
avancées : il femble qu’on' y redoute de donner
trop de prife fur les édifices ; à la main déftruc-
tive des élémens. C ’eft cette efpèce de retenue,
diétée cependant par l’expérience & la fa g e f le ,
qui donne un air de timidité aux ouvrages de l’a r t ,
dans certains p a y s , & une forte de froideur dont
Je principe en , comme on le v o i t , dans la nature
même du climat. |
O n ne fauroit dire aufii combien le climat s’op-
pofe quelquefois à l’emploi des ornemens, & a u x
grands moyens de la décoration.
L ’état de délabrement où le laps d’un fiècle a
déjà réduits plufieurs monumens dans le nord de
l’E u rope, eft bien fait fans doute pour retenir
la fantaifie des décorateurs, & décourager le génie
de l’ornement.
A L ondres, par exemple, l’air humide & chargé
des vapeurs d’une fumée corrofive , altère en fi
peu de tems la pie rre, même la plus dure de l’A n glete
rre, qu’on cherche au bout d’un fiè c le , la
forme & jufqu’à la place des ornemens dont la
fculpture s’étoit plu à enrichir certains édifices. Les
feuillages des chapiteaux de l’églife de Saint-Paul,
font tellement corrodés en certains endroits, que
leur forme en eft fenfiblement altérée, & qu’avant
un autre fiècle , ils n’offriront plus à l’oeil que des
mafles entièrement défigurées. L e beau fragment
du palais, projetté par lnigo-Jones , pour les rois',
d’Angleterre (appellé aujourd’hui Banquetin-houfe)
eft une preuve encore plus frappante des injures
que l’ornement reçoit dans ce p a y s , de PaéÜon,
de l’air & du climat. D es guirlandes & des feftons
entièrement u fés , des profils tout-à-fait dégradés,
donnent au bout d’un f iè c le , à ce bel édifice , un
air d’antiquité que dix-huit fiècles d’abandon , de
ruine & de dévaluation , ont fu donner à peine
aux monumens des Romains.
La viciffitude des faifons, la rigueur des hivers ,
ont fait éprouvera plufieurs des monumens les mieux
décorés de Paris, des effets auffi remarquables de
dégradation l’arc de triomphe de la porte Saint-
Denis en offre un trifte exemple.
Cette expérience devroit donc engager les ar-
chiteâes qui travaillent fous cfë femblables climats,
à mettre beaucoup de fobriété dans l’emploi de lia décoration
extérieure des monumens, & à placer leur
beauté, p lutôt dans la grandeur impofante des p roportions,
que dans le luxe périflable des ornemens.
Les couleurs dont les pays méridionaux aiment
à diverfifier leur architeéhire, ont toujours paru
très-peu d’accord avec les climats dont on vient
de parler. L ’on ne doit point s’étonner qu’une efpèce
de préjugé en rejette l’emploi comme indigne
de la gravité de l’art. Les Grecs & les Romains
ufoient cependant de ces moyens de décoration,
& les ruines de Pompeii nous en ont reproduit
plus d’un exemple. Quelques villes modernes de
l’Italie font auffi un bel ufagé de ces procédés
dans la décoration extérieure de leurs maifons. S 1
l’on veut fe convaincre du peu de convenance qu’il
y a entre ce genre d’orner, & certains climats, on
peut aller voir à Marly, à quel point un petit nombre
d’années peut réduire l’éclat des plus brillantes
couleurs, & combien eft indifcret l’archite&e qui
confie à de femblables moyens la gloire des monu-
niens & les inventions de fon génie. ( Voyez A r c h i t
e c t u r e f e i n t e ) .
C l i m a t ( jardinage). L ’obfervation la plus vulgaire
nous enfeigne à faire attention , en cultivant
les plantes, à la nature du climat, à fa douceur ou
à fa rigueur.
Chaque région a fés plantes , qu’elle nourrit avec
fucces comme fes enfans, & q u i, arrachées à leur
patrie , s’abâtardiflent ou meurent bientôt fous un
ciel qui leur eft étranger. La nature e lle-même
donne donc aux jardins de chaque pays des caractères
differens qui fe rapportent aux plantés & dépendent
du climat.
L ’homme ne doit pas moins que les plantes fe
régler fur la nature du climat, & d’après le caractère
de celui - c i , ordonner & difpofer le lieu
de fes plaifirs champêtres. Souvent les moeurs &
les coutumes qui dominent fous l’influence du
climat, exigent les mêmes variétés que celui-ci.
C ’eft donc une grande erreur que de regarder
les jardins de tel pays comme le modèle le plus
pa rfait, & d’après lequel on. croit être en droit de
juger des autres.
L e climat enfeignoit aux Grecs & aux Romains
à chercher l-’ombre & la fraîcheur comme des chofes
néceflaires, & l’ordonnance de leurs jardins fuivoit
en cela la loi de la néceflité. On eftimoit fi fort
le platane, à caufe de fon feuillage épais, & de fon
branchage étendu , qu’une forte de fuperftition
s’étoit attachée à fa culture ; on l’arrofoit de vin
pour favorifer fon accroiflement.
L e Romain prolongeoit fes maifons. de campagne
jufques fort avant dans la m e r , pour goûter
la fraîcheur du f ite , & appeller, en quelque for te ,
les vents rafraîchiflans. Q u e diroit-on d’un Danois
qui feroit avancer fa maifon de campagne dans la
mer du Nord ?
Les jets d’eau font une invention des pays
ch au ds; la néceflité d’employer tous les.moyens
propres à rafraîchir l’air, dut faire imaginer l’ufage
de violenter ainfi la nature, Mais dans les régions
froides, I’ufage de jets ‘d’eau cpntrarieroit même
la vue.
Dans les jardins orientaux, on cherchoit avec
raifon l’agrément des fources fraîches, des ruifleaux
que donne la nature, ou de ceux que l’art fait fournir.
Mais le Hollandois, dont le pays n’eft que trop
aqueux, n’agit-il pas contre les vues de la nature &
l’intérêt de fa fanté, lorfqu’il ajoute à l’humidité de
fon fol celle des eaux fadices & artificielles ?
, En Efpagne & dans les pays où le myrthe, le
l y s , l’oeillet | l’oranger, le laurier-rofe, & tant
d’autres arbres ou plantes odorantes font des produ&
ions fpontanées de la terre, il y a peu de plaifir
à les raflembler dans les jardins. Ailleurs leur culture
& leurs foins feront l’occupation de l’ami de
la campagne. Chaque fol a des plaifirs attachés à
la rareté comme à la multiplicité de certaines plantes,
& les plaifirs ne peuvent pas être les mêmes pour
tous les pays.
’ Lés gazons , les p rés, les boulingrins font le
charme principal des jardins d’Angleterre ; leur
étonnante verdure, favorifée par l’humidité du fo l,
eft entretenue par l’air conftamment humide, & les
pluies fréquentes de ce pays. Sous le ciel d’Italie
& de certaines'contrées de la France, il faut renonce
r, au moins en partie, à cet attrait champêtre.
T ou t gazon qui ne s’entretient que par des
arrofemens fad ice s , peut bien amufer.le loifir d’un
particulier dans un petit enclos ; mais le jardinier
intelligent ne fondera point fiir un pareil entretien
l’agrément impoflible d’un grand parc.
O n doit donc renoncer à la folle prétention
d’avoir un jardin anglois, turc ou chinois, ou tous
les trois enfemble ; il faut vouloir avoir un jardin
relatif au fite , au fol & au climat du pays qu’on
habite.
C L IQ U A R T . ( Voyez P i e r r e d e c l i q u a r t ).
C L O A Q U E , f. m. ( conftrultion). C e mot dé-
figne particuliérement un lieu fouterrein fait pour
l’écoulement des eaux & des. immondices d’une
v i l le , d’une rue ou de quelque grande maifon.
Chaque fe dit quelquefois, ou d’un endroit décou
ve rt, creufèpa rla nature & par l’a r t , ou d’un
lieu fouterrein v o û té , & qui fert de réceptacle aux
eaux & aux immondices. Lorfqu’il eft conftruit,
on y emploie des pierres fèches & du mortier ; on
y .-pratique des ouvertures qu’on appelle barbacanes,
par lefquelles les eaux peuvent s’écouler pour
s’imbiber dans les terres. Dans tous cçs ca s , il
fa u t , autant qu’il eft poffib le, donner la forme
circulaire à ces fouterreins voûtés, parce que c’eft
celle qui réfifte avec le plus d’ayantage aux efforts
des terres environnantes, & à ceux des eaux dont
ils font remplis. Lorfque les cloaques font petits ,
- on leur donne le nom de puifards , & dans quelques
provinces le nom de puits perdu. ( Voyez ce mot).
Mais le mot de cloaque s’eft donné originairement
aux égouts, c’e f t - à - d i r e , aux canaux def-
tinés au tranfport ou à l’écoulement des immondices
, & l’on s’en fert encore toutes les fois qu’on
parle des égouts de l’ancienne R om e ., qui condui-
foient dans le T y b r e toutes les eaux & l e s ordures
, de la ville.
Cloaque vient du mot latin cloaca ,. que les é t y -
mologiftes font dériver de d u o , fa lir , infe&er„par
fa mauvaife odeur.
C l o a q u e s d e R o m e . Les premiers ouvrages
de ce genre remontent aux temps les plus anciens
de Rome. Quelques écrivains veulent en reculer là
conftruéfron au-delà même de Tarquin. M.'Grofley
( tome I I , page 2 4 1 ) , ne pouvant le perfuader que
ce foit là l’ouvrage de ce ro i, malgré le témoignage
de T ite-L iv e & de Pline , a recours à des
colonies grecques plus anciennes que Romulus &
même qu’E n é e , dont la grandeur & la puiflance
avoient été oubliées. Il eft vrai que les monumens
d’archite&ure fouterreine furent plus communs en
E g yp te , en Phénicie , en G rè c e , que dans l’Italie :
mais il p a ro ît, indépendamment de la différence
d’objets entre les fouterreins des autres pays & les
égouts de R om e , que jamais aux temps 11 reculés
I dont quelques antiquaire» fuppofent l’exiftence,
cette ville n’auroit été aflez peuplée pour avoir
befoin de pareils ouvrages, ni aflez induftrieufe
pour les exécuter.
‘ Dans, les temps qui nous font connus par l’h if-
toire, il n’y eut d’abord que les collines d’habitées:
lorfque la population vint à s’accroître, on s’établit
dans les vallons , & ce fut alors que le befoin de
les affainir par des égouts, dut faire entreprendre
de fi grands ouvrages. La fituation de la v ille ,
qui renfermoit fept collines dans fon enceinte, en
rendit la pourfuite indifpenfable. Dans les grandes
pluies & les temps d’orage, les rues pratiquées au
travers des vallées qui leparoient ces collines, fe
trouvoient inondées & impraticables. V oilà ce qui
détermina Tarquin l’ancien à faire élever le fol de
ces rues fur des canaux voûtés qui alloient aboutir
dans le T y b re . O n pratiqua dans les voûtes de ces
cànaux & au travers du pavé des n ie s , des ouvertures
d’efpace en e fpace, dans lefquelles les
eaux de pluie & celles deftinées à laver les rues,
entraînoient facilement toutes les ordures. Infima
urbis loca circa forum aliafque interjetas collibus
conyailes , quia ex pluribus locis haud facile evehebant
aquas cloacis in Tiberim duElis ficcat. T i t e - L i v e ,
Liv. I .
A u moyen de ces cloaques, dont une grande
partie exifte encore, le pavé des rues de Rome
étoit toujours f e c , & les habitans de cette ville
immenfe avoient l’avantage de p ou vo ir , en tout
temps, fe tranfporter commodément dans tous les
quartiers, fans avoir à fbutenir le fpeâacle dégoûtant
des ordures entaflees qui infeâent aujourd’hui
nos villes.
Les égouts ou cloaques de Rome avoient plufieurs
branches entre le Capitole, le Palatin & le Q u irin al,
qui alloient fe réunir dans le Forum ou Campo-
Vaccino , pour aller toutes enfemble dans le T y b re
par un feul & même canal, qui eft la cloaca maxima.
bâtie par Tarquin l’ancien, continuée par Servius
Tullius & par Tarquin le fuperbe, qui lui fuccé-
dèrent à la royauté. T ite-L iv e & Pline nous mécontent
combien' le peuple étoit fatigué & mécontent
de ces tra vaux, & l’on ne peut hafarder que
des conjeâures aflez vague s, quand on rejette le
témoignage des auteurs romains fur des temps d ont
eux feuls ont parlé.
Dans le temps de la république, environ quatre
cents ans après que ces premiers canaux fqrent