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genre de matériaux. Dans les provinces du midi
la chaleur & l’humidité du climat rendroient très-
mal faines les maifons bâties en pierre ; & d e fem-
blables habitations, félon les miffionaires de Pékin
, feroient encore, dans les régions du Nord,
inhabitables pendant plus de la moitié de l’annee.
Ce qu’il feudroit détailler , ajoutent-ils, fur la
nature du climat«& des diveriès températures en
cette extrémité du monde, fur le cours qu y prennent
les faifons, fur leurs prodigieufes variations
& fur les effets fmguliers qu’elles produifent, eft
trop éloigné de ce qu’on voit en Europe, pont
qu’on puiffe bien faire entendre 1 influence du climat
furTarchiteâure. Ce qu’on peut dire, c’eft qu’à
Pékin même, où les pluies durent peu,, on elt
obligé de mettre des feutres fur les petits efca-
liers de marbre qui fe trouvent au palais dans les
appartemens qui fe communiquent par des galeries.
L’humidité de l’hiver mouille & detrempe
tout. Le froid de l’hiver eft tel qu’on ne peut ouvrir
aucune fenêtre du côté du nord, & que la
glace fe maintient plus de trois mois, de l’êpaiffeur
d’un demi pied. .. .
P r o c é d é s r e la t i f s à l a co n .fm E t i.o n . On n imagine
pas avec quelle fimplicité fe font les échafauds
pour bâtir. Les archite&es du palais , pour les plus
énormes bâtimens , n’emploient ni poutre ni charpente.
De longues perches dp pin, auxquelles on
ne donne pas un coup de haçhe, où l’on n’enfonce
pas un clou , & qui fervent pendant plufieurs
Générations, fufhfent aux Chinois pour faire des
échafauds de cent & de cent cinquante pieds de
haut fur lefquels on porte à bras toutes fortes de
matériaux, comme fi l’on montoit une colline. Pour
les ouvriers, ils-y vont & viennent comme dans
«ne rue ; & quelque multipliés qu’ils foient, ils
circulent fans s’embarraffer le s .uns les autres. Le
plus grand bâtiment fe commence, fe bâtit & fe
finit lans qu’on- entende parler d’aucun accident.
Comme la Chine doit à l’antiquité plus que l’Europe
& tient ù elle encore plus par les pratiques
des arts que par tout J e refte, la fimplicité avec
laquelle on y opère, dans une infinité d’ouvrages,
a fait foupçonner que les favans pourroient bien
ne débiter que des rêves dans tous leurs fyftêmes
fin- le tranfport des obélifques d’Egypte. Il faut
voir à la Chine les moyens fi fimpies & fi peu
coûteux avec lefquels on voiture des gros blocs
de marbre , des rochers entiers , des arbres
hauts avec leurs racines & leurs mottes de terre,
pour fe convaincre d e là vraifemblance de cette
^ j>0lict relative à V architeEhire. Il faut donner le
nom de police plutôt que celui de théorie, à toutes
les règles dont l'architeEhire chinçife a compofé fon
code • & rien , dans le fait, ne s’accorde mieux
av^c la nature des ufages de ce peuple, avec ce
cu’on nous raconte de fes habitudes méthodiques,
du calcul auquel il femble avoir fournis non-feule-
ment les pratique? extérieure? de tops les genres
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de cérémonies , mais jufqu’aux moindres aéles de*
bienféances civiles. Ce qu’il y a de certain ,
c’eft que l’architeéhire, par fes rapports avec les
ufages & les convenances fociales, devoit payer le
tribut à cet efprit général de calcul & de méthode,
& c’eft ce que nous apprenons, des voyageurs qui
font le moins fufpeâs à cet égard.
Dans plus de deux cents feuillets ( y lit-on ) du
petit livre intitulé le Charpentier de village , on ne
trouve pas une feule fois le terme de proportion.
On fe contente de marquer groffïêrement quel
doit être le diamètre des colonnes, félon leur hauteur,
& ainfi des autres pièces. Voici ce qui eft
plus étonnant. Dans le grand recueil en cinquante
volumes de l’empereur Jong-Tching, pere de l’empereur
régnant, fur la maniéré de bâtir les édifices
publics, on fuit la même méthode. Dès qu’üne
colonne a deux pieds de diamètre à fa bafe , il
faut qu’elle en ait quatorze de hauteur ; & fur l’une
ou l’autre de ces mefures-, on peut dire celles de-
tout le bâtiment & de toutes fes parties. Vitruve ,
Palladio & Vignole n’ont jamais fixe tant de mefures
que les loix de la police en preferiveqt à
la Chine pour toutes les efpèces de palais,, de rao-
numerîs oc de maifons.
Ces loix de police preferivent, dans le plus grand
détail, comment doit être le loü ou palais d’un
prince du premier, du fécond & du troifteme ordre ;
d’un comte de la famille impériale , d’un grand
de l’empire, d’un premier préfident de quelque
grand tribunal , d’un mandarin, d’un lettre, 8c
elles vont jufqu’à régler ce qui concerne les édifices
publics des capitales & des autres villes,, félon
leur rang. Un homme enrichi d’hier, eû t- il
tout l’or du Pérou , eft réduit, s’il, n’a aucune
charge, à bâtir une maifon bourgeoife. S’il veut
cpnftruire, don-feulement ce qui donne fur la rue
doit être au niveau fixé par la lo i, mais dans l’in
teneur même des cours éloignées, il faut qu’il
évite tout ce qui annonceroit un rang qu’il n’a pas.
Il doit dépenfer fon argent en embelliffemens qui
le faffent çonnpître pour ce qu’il eft, ou du moins
ne le faffentpas prendre pour ce qu’il n’eft point..
La loi ne defend pas à un homme en place ce
qu’on peut appeller dépenfes de bien-être, de commodité
& de plaifir, quand elles font .renfermées
dans fa maifon; mais s’il eft accufé de lux® il
faut qn’ii prouve deux chofes : la première, que
l’argent qu’il y a dépenfé, eft un argent bien acquis
; çe qui dit bien dès chofes dans un examen
légal;la fécondé, qu’aucun de fes parensn’eft dans
le Befoin. .
Selon l’ancienne loi de l’état , le nombre des
cours, la hauteur de la plate-forme fur laquelle
étoient bâtis les rez-de-chauffées, la longueur des
bâtimens & l’élévation des toits alloient en augmentant
progreflivement du fimple citoyen au lettré
, du lettré au mandarin, du mandarin au prince ,
du prinfce à l’empereur. Toutes ces mefures 8c
dimenfion? font déterminées à un demi-pied près.
Bâtimfls
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'Bâtimens en rc^-de~chaujpe. Ces règles de police,
■ comme l’on voit, ont du produire une efpecedu-
niflon dans les fimpies maifons dès particuliers ;
& d’après cette gradation preferite par les loix
entre tous les édifices, on ne s’étonnera point que -
les habitations ordinaires foient à fimple rez-de-
ckauffée. Le climat.s’oppoferoit encore à la multiplicité
des étages. Un fécond, un troifieme étage
ne feroient tenables ni pendant les grandes chaleurs
, ni pendant les grands froids. Quoique Pékin
ne foit qu’au quarantième degré & foit plus
au nord que tout le refte de l’empire,, la police
oblige, l’été, les gens des boutiques & des atteliers,
à coucher aü grand air, fous leurs appentis, de peur
ru’ils ne foient étouffés par la chaleur, dans le tems
te la canicule & même après.
Leou, ou bâtimens â plufieurs étages. Ces, fortes
de conftruétions ont étéà-la mode pendant plufieurs
fiècles, lorfqué la cour êtoit dans les provinces du
midi. Prefque tous les petits palais que les empereurs
bâtiffoient dans leurs jardins de plaifance
étoient des leou, c’eft - à-dire , a plufieurs etages.
Leur goût pour cette efpèce d’édifices, en vint jufqu’à
bâtir d’immenfes corps- de - logis, quiavoient
depuis cent cinquante pieds de hautqufqua deux
cens. Les pavillons ou tours des extrémités s ele-
voient au-delà de trois cens. Mais , comme tout ce
qui n’eft pas fait pour le climat ne fauroit fe fou-
tenir & plaire long-temps , les empereurs fe dégoûtèrent
des leou, même avant d’avoir quitte les
provinces du midi. Cependant, foit pour en con-
ferver l’idée, foit magnificence, foit pour mettre
plus de variété dans les bâtimens, on fait encore
des leou. On en voit dans le parc de Yuen-mmg-
yuen, dans plufieurs autres-, & même dans les grands
jardins du palais de Pékin , comme aufli dans les
grandes rues de la capitale & dans quelques grandes
villes , telles que Kiung-Nan&Tche-kiang.
Les /ep«, comme on le voit, ne font maintenant
que des hors-d’oeuvre dans les conftruétions. La
plupart des maifons , par la manière dont elles font
bâties, ne feroient point en état de fupporter de
pareilles charges. L’avantage qui réfuite dans lés
autres pays de la multiplicité des étages pour
doubler & tripler la furperficie des emplacemens .
& des habitations, feroit nul à la Chine. A quoi fer-
viroit cette pratique aux grands , dont les palais
font compofés de cinq grandes cours environnées
de bâtimens ? Les habitations du peuple 11 en ont
pas plus befoin. Tl n’y a pas de maifon particulière
qlij n’ait une cour reculée pour les femmes, oc
deftinée à égayer leur clôture. D ’ailleurs, une
petite famille ne pourreit pas occuper feule une
maifon à plufieurs étages, ni fe rèfoudre à l’habiter
|de moitié avec une autre. ~ . . .
Maifons des Chinois. Leur diftribution eft auflv
uniforme que leur afpeét. Il feroit peu convenable ,
& même, comme on l’a dit, dangereux dé fe fin-
gularifer à cét égard. Plus de la moitié du terrein
eft mis en cours & en allées. Voici le plan que
ArchiteElure. Tome I.
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Chambers Sous donne d’une de celles qu’il a def-
finées à Canton. (Voye^fig. 377). Le rez-de-chainlee
eft traverfé dans fa longueur par une large allee A ,
qui paffe par le milieu, 8c s’étend de la rue a la
rivière. Les appartemens régnent des deux cotés.
Chacun d’eux confifte en un falon B , pour recevoir
les vifites; en une petite chambre à coucher C , oc
quelquefois en un cabinet ou une étude D. Au-
devant de chaque appartement fe trouve une cour E ,
à l’extrémité de laquelle il y a , d’ordinaire , un
vivier ou une citerne , avec un rocher artificiel au
milieu. On y fait croître des bambou 8c diverfes
fortes de plantes. Tout ceci forme un petit payfage
affez agréable. La citerne ou le vivier renferme des
poiffons dorés ; quelques-uns font fi familiers, qu ils
viennent fur la furface de l’eau, & fe laiffent nourrir
à la main. Les côtés des tours font quelquefois
ornés de pots à fleurs,8 c quelquefois d’arbrifleaux
fleuris, de vignes , ou de bambous, qui forment
des cabinets de verdure. On place généralement r u
milieu, fur un piédeftal, un vafe de porcelaine ou
croiflènt des belles fleurs, qu’on appelle lieu-hoa.
Les cours renferment encore des faifans, des poules
de Bantam, & d’autres oifeaux curieux.
Intérieur des maifons. La grande chambre ou 1s
falon B a communément dix-huit à vingt pieds de
long fur vingt de large environ. Le côte qui regarde
la cour eft entièrement ouvert ; mais une
natte de cannes, qu’on fcaiflè'à volonté, garantit
de la pluie & des ardeurs du foleil. Le pavé eft
compofé de quartiers de pierre ou de marbre de
diverfes' couleurs. Des nattes garnifl'ent les murs
jufqu’à la hauteur de trois ou quatre pieds. Le
refte eft proprement revêtu de papier blanc , cra-
moifl ou doré. Au lieu de tableaux, les Chinois
fufpèndent de grandes pièces de fatin ou de papier,
encadrées & peintes en couleur de marbre ou de
bambou. On y voit écrit en caraélères d’un bleu
d’azur , des diftiques de morale & des proverbes
tirés des philcfophes chinois. On a quelquefois
aufli, fur des feuilles de papier blanc tout uni,
de grands caraélères , tracés par quelque habile
main, en encre de la Chine , oc cet ornement eft
fort eftimé. Le fond du falon eft tout compofé
de portes brifées , dont le. deffus eft un treillis
couvert d’une gaze peinte, qui fait entrer lé jour
dans la chambre à coucher. Les portes font de
bois ; l’ouvrage en eft très-propre ; elles font ornées
de divers caraélères ou de figures, quelquefois elles
reçoivent un riche enduit de vernis de couleur
rouge, bleue, jaune ou autre. ( Voyelles fig. 380
& 381). '
Les meubles du falon confiftent en chaifes, en
tabourets & en tables faites de bois de rofe, d’ébène,
ou verniffé, ^quelquefois Amplement de bambou,
qui eft à bon marché, & ne laiffe pas d’être très-
propre. Lorfque les meubles font de bois, les placets
font fouvent de marbre ou de porcelaine. Quoique
ces fortes de fièges foient 'un peu durs, ils ne font
rien moins que défagréables dans un climat où Ici
* * - G o p o