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tièrement & uniquement conftrui tes. A Rome , la
brique entre pour plus de moitié dans toutes les
conftruélions. Les formes qu’on lui donne aujourd’hui
ne font pas les mêmes que celles des anciens :
mais fa qualité , lorfqu’elle eft bien choifie & fabriquée
a v ec foin , eft de peu de chofe inférieure
à celle qu’elle eut autrefois. 'Les plus grands architectes
l’ont employée avec fuccès , & fouvent
l ’ont préférée à la pierre. Palladio fur-tout la mit
en oeuvre avec une forte de prédilection. Il en
donnoit pour ra ifon , que les édifices antiques qui
avoient été bâtis en briques3 étoient beaucoup mieux
confervés que ceux où l’on avoit employé la pierre.
11 eft hors de doute que tes conftruétions de ce
genre font d’une plus grande durée. Les briques
étant beaucoup plus poreufes que la pie r re, attirent
la chaux , & fe lient fortement entre elle s ,
au point de ne former qu’une feule maffe. Les
pores trop ferrés de la pierre empêchent au contraire
cette liaifon intime. D ’ailleurs les briques font
beaucoup plus légères. Elles ne font pas non plus
fujettes à être calcinées dans un grand incendie..
Malgré tous ces avantages , & beaucoup d’autres
en c o re , on ne fait pas à Paris un grand ufage de
la brique. Peut-être la qualité de terre qui lui eft
propre eft-elle moins abondante aux environs de
cette v ille ; peut-être la nature du ciment imparfait
qu’on y emploie, eft-il moins favorable à ce genre
de bâtir ; peut-être la cherté des combuftibles en
a-t-il fait hauffer le prix. Ce tte dernière raifon pour-
roit être la plus forte. L e prix de ta brique eft dépendant
du prix des matières combuftibles ; cela
é tan t , l’emploi de cette matière ne peut qu’aller
toujours en diminuant. La .durée de tous les bâ-
timens anciens où elle fut mife en oe u v re , doit fans
doute faire regretter qu’on en ait prefque abandonné
l ’ufage.
O n ne l’emploie prefque plus ici qu’aux cheminées
& aux cloifons. Nous ne bifferons pas
cependant de rapporter fes différens noms tirés de
fes formes & de fes ufages.
Briques de champ, font celles qui font placées fur
leurs côtés pour fervir de pavé.
Brique de Chantignole ou demi-brique. Elle n’a
qu’un pouce d’épais; les autres dimenfions font
comme celles de la brique entière. Elle fert entre
des bordures de pie rre, aux âtres £c aux contre-
coeurs de cheminée.
Briques en épi, celles qui font placées fur l’angle
diagonalement, en manière de point d’Hongrie.
Brique entière de Paris, eft ordinairement de huit
pouces de long fur quatre de large & deux d’épais.
Briques en liaifon , font celles qui font pofées
fur le p la t , liées moitié par moitié , les unes fur
les autres , & maçonnées avec plâtre & mortier.
Q u an t à la manière de faire la brique, ( voye{
le Dictionnaire des arts & métiers, à l’article Briqueterie.
)
B R IQ U E T A G E de Marfal. On t ro u v e ,en fouillant
à une certaine profondeur, à Marfal en Lor-
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ra in e , & aux environs, ce que l’on appelle com<
munément briquetage. C ’eft un amas de morceaux
de terre cuite , rougeâtres, femblables , pour la
matiè re, aux briques cuites. Ils n’ont point été
moulés ; mais on leur a d on n é, en les pétrifiant
avec les mains, toutes fortes de formes bizarres.
On en vo it plufieurs où l’empreinte de la main
eft parfaitement marquée. ( Voyeç le Didion. d’ant.
& , au mot Marsal , la defcription de cette forte
de conftrudion antique).
BR I Q U E T E R , v . ad . c’eft contrefaire la brique
fur le plâtre, avec une impreflion de couleur d’ocre
ro u g e , & y marquer les joints. On briquète aufli
en faifant un enduit de plâtre mêlé avec de l’ocre
rouge , & (pendant qu’il eft frais employé) en
traçant les joints profondément , qu’on remplit
avec du plâtre au fas. On peut encore paffer une
couleur rougeâtre fur la brique même , 8c à faire
les joints avec du plâtre.
B R IQ U E T E R IE . ( Voyeç T uilerie. )
B R IS E , f. f. ( Architeél. hydraul. ) c ’eft une poutre
en b a fcu le, pofée fur la tête d’ un gros pieu , laquelle
fert à appuyer par le haut les aiguilles d’un
pertuis.
B R IS E -C O U , f. m. terme vulgaire, qui exprime
un défaut dans un efcalier, comme une marche
plus ou moins haute que les autres , un giron plus
ou'moins large , un palier ou un quartier tournant
trop étroit., une trop longue fuite de marches à
collet dans un efcalier à quatre noyaux.
B R ISE -G LA C E , f. m. ( terme des ponts & chauffées.
) c ’e f t , devant une palée de ponts de bois,
du côté d’amont , un rang de pieux en manière
d’a v an t-b e c , lefquels , étant d’inégale grandeur,
(enforte que le plus petit fert d’éperon, font recouverts
d’un chapeau pofé en rampant, pour brifer
les glaces & conferver la palée. Voyei le traité
des ponts & chauffées, par M. Gautier, chap. 27.)
BRISIS , f. m. c’eft l ’angle que forme un comble
b r ifé , c’eft-à-dire, la partie où vient fe joindre
le faux comble avec le v r a i , comme font les combles
à la manfarde.
B R O C A T E L L E , f. f. marbre mêlé de petites
nuances de couleur ifab e lle, jaune * ro u g e , pâle
& gris. On l’appelle communément brocatelle d’Ef-
pagne, parce qu’ il vient de T ortofe en Andaloufie,
où l’on le tire d’une carrière antique.
Il y a aufli de la brocatelle antique, qu’on tiroit de
G r è c e , près d’Andrinople , & dont on penfe que
font les dix petites colonnes corinthiennes du tabernacle
des PP. Mathurins, & les huit compofites
de celui de Sainte Gerievieye à Paris. {Voyt{
Marbre.)
B R O D E R IE , f. f. ( Jardinage. ) c’eft , dans urt
parterre, un ornement imitatif de la broderie, corn-
pofé de rinceaux, de feuillages avec fleurons, fleurs»
lig ette s , culots , rouleaux de graine, &c. Le tout
eft formé par des traits de buis nain , qui renferment
du mâchefer au lieu de fable , & de la brique
p ilé e , pour colorer les broderies 8c les détacher du
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fortd qui eft ordinairement couvert de fable de rï-
vière.ll y a des pièces de broherie interrompues, foit
par une plate-hçnde ou enroulement de fleu rs,
foit par un maflif tournant de buis ou de gazon.
B R O N Z E , f. m. O n défigne par ce mot un
alliage de cuivre , iKétain & de zinc. C e métal
compofé fe modifie diverfement, félon les variétés
du mélange qui le forme.
Nous ne parlerons ici dvj bronze que fous les
deux rapports qu’il a avec 1’architeCture ; car cet
art l’emploie à la conftruCtion , & le fait fervir
également à la décoration des édifices.
Les anciens Romains fur-tout firent un grand
ufage du bronze dans toutes leurs conftruCtions.
On peut juger par un crampon de bronze, defliné
f l. p p , n°. 1 du fécond recueil d’antiquités du
comte de Ca yliis , de l’attention des anciens pour
la folidité de leurs bâtimens , 8c de la préférence
qu’ils donnoient au cuivre fur le fer pour la liaifon
de leurs pierres. Prefque tous les édifices romains
prouvent qu’outre le choix & la condition parfaite
des pierres, la fimplicité de leur co u p e , la
précifion de leur trait 8c la juftefle de leur p o fe ,
ils plaçoient des crampons où ils les jugeoient
néceffaires pour affurer encore plus la durée de
leurs édifices ; & ces crampons étoient de bronze.
Ce métal fe trouve prefque toujours employé
par eux à cet u fa g e , vu la propriété qu’ils lui
avoient reconnue de ne s’altérer jamais 8c de fe
conferver entier, fur-tout lorfqu’il a pris fon verd-
de-gris & lorfqu’îl n’eft point en conta# avec
des matières corrofives. Voyeç C rampon.
On eft aujourd’hui fort éloigné de prendre
tant de précautions dans les édifices. L e fer que
l’on emploie prefque exclufivement dans la liaifon
des pierres, ajoute encore aux caufes déjà trop
nombreufes de deftruCtion. Les marbres des jardins
de Verfailles réclament cependant en leur faveur
une exception à l’ufage général. La beauté de la
matière & l’efprit de magnificence qui l’y prodigua
avec tant de profufion, fembloient ne pouvoir
permettre dans la liaifon des marbres, l’emploi
d’un autre métal que le bronze. Celui-ci fe trouve
appliqué aux baluftrades de marbre qui terminent
les terraffes. O n en v o it toutes les parties
liées par des crampons. L e métal q u i les forme ,
encore entier dans la plupart, au moment où l’on
écrit cet article , c ’eft-à-dire, plus d’un fiècle après
leur fonte , nous offre la meilleure preuve que
nous puiflions prendre dans les édifices modernes,
de l’excellent emploi du bronze 8c de fa durée.
On doit s’étonner que cet exemple ne trouve pas
plus d’imitateurs dans les conftruCteurs modernes.
On ne fauroit cependant diflimuler l’efpèce d’inconvénient
attaché à l’emploi du bronze dans la
conftruCtion des édifices. Q u i le croiroit ? ces précautions
fi fages que les anciens prirent pour affurer
« durée de leurs monumens , & qui fembloient d e voir
être les garans de leur éternité, ont fourni à la
cupidité des fiècles barbares les motifs qui en ont
Architeélure. Tome I .
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occafiortné la deftruCtion. O n veu t parler de ces tems
dont les arts ne perdront jamais le fouvenir douloureux
, où les nations conjurées vinrent revendiquer
à Rome leurs droits & leurs tréfors, &
lui faire expier en quelque forte la fpoliation de
l'univers. Par un jufte retour d’avarice & de cupidité
, on força jufqu’aux pierres même de reftituer
les métaux qu’elles receloient. Peut-être , fuivant
d’autres, la difette même de métaux propres à
faire des monnoies, où l’empire fe trouvoit réduit ,
le força-t-il de déshonorer les monumens de fa
g lo i r e , jufqu’au point d’en faire des mines fté-
riles, où le befoin trouvoit encore quelques foibles
reffources.
Q u o i qir’il en foit de l’une ou de l’autre de ces
deux raifons , le befoin ou la cupidité des métaux
ont fuggéré le renverfement d’un grand nombre
d’édifices dans l’efpérance des crampons de bronze
qui fervoient à fceller les pierres. O n voit peu
d’édifices romains, parmi ceux qui ont échappé aux
profcriptions de l’avarice , qui n’en portent c e pendant
aujourd’hui les flétriflùres. C eu x qui nous
font parvenus dans l’état le plus en t ie r , durent
leur confervation aux reffources économiques de
la barbarie elle-même, dont l ’hèureufe induftrie
avoit trouvé le moyen d’extraire du fein des
pierres le métal qui en faifoit le lien , fans opérer
la ruine des monumens. D ’autres furent redevables
de leur falut à l’énormité de leurs b lo c s , ou à la
foibleffe des moyens deftruCtifs qu’on employoit
alors.
Malheur fans doute aux édifices modernes, fi
un jo u r , dans des temps de guerre & de ru in e, on
découvre l’ufage aCtuel d’ enterrer dans leurs fondations
des médailles d’or & d’argent. L ’efpoir de
trouver fous leurs décombres des tréfors cachés
dont la cupidité bientôt exagérera l’ex iften ce,
joint aux moyens de deftruélion aufli prompts
que faciles, que la poudre met à portée d ’emp loye r,
accélérera leur ruine.
Les anciens tirèrent du bronze un parti plus
grand encore & p lu s étonnant par rapport à la conf-
truétion. L ’emploi qu’on fait qu’ ils en firent pour
la ftruCture de quelques édifices, annonce des reffources
prodigieufes dans l’art de b â t ir , & une
magnificence dô moyens qui femble n’avoir pu
appartenir qu’à l’empire romain. Je veu x parler
de ces charpentes de bronze qu’on employoit à
former le comble des édifices qu’on vouloit rendre
incombuftibles ; car fans doute ces procédés fomp-,
tueux furent mis en oeuvre plus d’une fo i s , 8c le
Panthéon d’Agrippa n’a pas été le feul monument
qu’on ait voulu fouftraire de cette manière
au pouvoir & aux dangers des flammes.
C e monument échappé aux attaques plus dan-
gereufes encore des barbares , mais téfe rvé à devenir
la proie des Barberins ( 1 ) , nous étoit parvenu
dans l’état le plus entier. A van t la fpoliation
(1) Quod non fecerunt Barbari fecerunt Barberini.
S s