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de manière à ce qu’on pourroit en réparer une i
moitié fans" intercepter l’autre. La route ainfi
divifée, de manière que deux voitures puffent
paffer l’une à côté de l’autre fans fe gêner, il
fuffiroit de donner à chaque revers qui formerait
ce pavé, 8 à 9 pieds.
Dans les circonftances où l’on ne pourroit pas
fe procurer la chaux & les matériaux néceffaires
pour former une chauffée aufli folide, ou qu’ils
deviendroient trop chers à caufe de l’éloignement
des lie u x , on pourra toujours, en faifant dans
chaque terrein des fouilles, -raffembler des matières
plus ou moins fufceptibles de procurer aux
chauffées la folidité defirable. On trouve par tout
des cailloux ou des pierrailles, du gravier ou du
fable, de la craie ou de la terre. Toutes ces
diverfes matières, arrangées par couche & bien
niafïivées, peuvent former un corps folide.
Lorfque les chemins ont été conftruits de cette
manière, il eft facile de les entretenir. On pourroit
faire ufage pour cela d’une efpèce de charriot
propofé, il y a quelque teins, dans un journal
anglois.
Ce charriot fecompofe de deux rouleaux creux
en fer fondu, garni à l’intéruur de deux fortes
planches de même métal, qui fe croifent au centre
à angle droits , & qui font traverfèes par un axe
©u eflieu de fer ajufté, dans un bâtis qui forme
celui du charriot fur lequel on peut mettre telle
charge que l’on veut. Pour diminuer le frottement,
les bouts des effieux tournent dans des crapau-
dines quarrées. Ces cylindres ou rouleaux doivent
avoir 2 pieds de diamètre, & 2 pieds & demi
de longueur. En faifant rouler ce charriot de tems
en tems fur les parties des grands chemins qui ne
font pas pavées, fur-tout après les pluies, il les
applanit, les affermit & détruit les ornières. 11
y a derrière chaque rouleau un coutre dont
l ’ufage eft de détacher la boue & les terres qui
pourraient s’y attacher. Le corps de la charrette
n’étant élevé que de deux pieds & demi, elle
eft très - facile à charger. On peut , félon fa
charge, y mettre tel attelage qu’on veut.
Lorfqu’un chemin doit paffer par des endroits
marécageux, on eft fouvent obligé de battre des
pieux , de former des plates-formes de charpente,
& d’employer différent procédés qui fe trouvent
détaillés dans le dictionnaire des ponts & chauffées
, auquel nous renvoyons le ledeur curieux
de connoître & tous les obftacles que la nature
oppofe à la conftru&ion des chemins, & toutes
les reffources par lefquelles l’art vient à bout de
triompher de la nature.
C h em in , {jardinage.VLa conftrudion , la foli-
ditè & la commodité des chemins néceffaires dans
les jardins, ne regardent pas l’artifte jardinier ; il
ne s’occupe de leur diftribütion que dans fes
rapports avec le goût.
Ôa nuit à l’effet des fcènes champêtres, foit
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en pratiquant trop ou trop peu de chemins, foit
en les diftribuant de manière qu’on n’en rencontre
point dans les lieux où ils font néceffaires.
La deftination principale des chemins eft de
mener à toutes les fcènes remarquables , fans
qu’on foit obligé de retourner fur fes pas : mais
à cet objet s’en joint un autre; il faut qu’ils
foient ménagés de façon à varier & à multiplier,
non-feulement en général les afpeds, mais à
préfenter encore, fous le développement le plus
favorable, les plus beaux lointains, tantôt tout
à la fois, tantôt fucceflivement.
Suivant la fituation & la nature du fol & des
fcènes champêtres, les chemins, tantôt s’arrêteront
dans les fonds, tantôt s’élèveront avec
les éminences, tantôt s’étendront en ligne droite,
tantôt fe replieront, tantôt fe rétréciront ou s’élargiront
, & auront, par cela même, du mouvement
& de la variété. En s’attachant conftamment à
faire jouir des perfpe&ives & des effets les plus
agréables de toutes, les décorations, it ne fera
pas difficile d’ordonner heureufement les chemins,
& d’éviter l’ufage ridicule des jardiniers vulgaires,
qui les jettent au hafard, ou qui ne fnivent
d’autre indication que celle du fol & (lu cordeau.
Il eft donc ridicule d’affujettir un jardin à, des
chemins déterminés, avant que l’ordonnance generale
foit arrêtée, avant que les parties principales
foient plantées & les fcènes. diftribuées.
Il faut éviter, dans la difpofttion des chemins,
que plufieurs s’offrent tout à la fois aux yeux,
de manière à repréfenter les rues d’une ville.
La plupart des mal-entendus, relativement aux
chemins, ont pris naiffance avec la queftion de favôir
s’il falloir les difpofer en ligne droite ou en ligne
ondoyante. Anciennement on ne connoiffoit dans
l’ufage que la ligne droite. Lorfque le nouveau
goût, introduit par les Anglois, eut commence
à fe répandre, on la rejetta entièrement pour
la ligne ondoyante , qui fut admife par-tout ; mais
une ligne qui ferpente régulièrement eft prefque
auffi uniforme qu’une ligne toujours droite. Celle
qui fe courbe naturellement, fans effort comme
fans fymmétrie , & qui fe . replie de manière à
produire du mouvement & de la diverfité, mérite
fans contredit la préférence : nous l’appellerons la
ligne naturelle, parce quelle s’offre à nos yeux
dans les modèles qüe nous préfente la nature,
& que iorfqu’elle eft dêftinée par la main de
l’homme, elle fe règle fur la difpofition du fol,
& fur la fituation des objets environnans.
Mais , quelle eft celle des deux lignes que doit
employer l’artifte jardinier?
La ligne droite n’eft pas contraire à la nature;
il ne faut pas la rejetter , parce qu’elle dominoit
dans l’ancien ufage. Elle n’eft .pas fans une forte
de commodité; & il eft des cas ou non.-feulement
on peut la tolérer, mais encore l’employeï
avantageufement.
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Elle convient & aux grandes promenades publiques
& aux larges allées bordées d’arbres à haute
futaie. Là où doivent s’ouvrir des perfpeâives
lointaines, où l’on cherche le plaiftr qui réfulte
de l’étendue & de la grandeur, où l’oeil doit être
fixement attaché fur .un objet intéreffant, placé
devant lu i, les chemins alignés font, à tous égards,
les plus convenables. Lorfqu’on n’a rien à préfenter
à la vue des deux côtés du chemin, que les écarts
de la ligne courbe ne mèneraient pas à de nouveaux
afpeéls, ne produiraient aucune variété ;
quand en n’a d’autre but que celui de parvenir
bientôt & commodément à un lieu quelconque,
le chemin tiré au cordeau mérite encore la préférence.
Outre tous ces cas, la ligne droite eft
fouvent néceffaire, uniquement pour le contrafte
& l’interruption.
Dans de vaftes jardins, des routes toutes ondoyantes
, ainft que des chemins tous alignés, donneraient
à l’enfemble un ton d’uniformité fatigante.
Le mélange bien entendu de ces deux genres
devient non - feulement indifpenfable - dans une
grande étendue, mais même agréable, à caufe de
la diverfité qu’il y répand. Lorfque le fol & le
but propofé l’exigent, iùivez quelque tems la ligne
droite, mais rornpez-la par l’ondoyante , lorfqu’il
s’en préfente une occàfion favorable.
Le chemin ftnueux eft preferit par lanéceflité,
quand les enfoncemens ou les éminences du ter-
rein , quand des arbres, des eaux & d’autres ôb-
ftacles naturels s’oppofent à U ligne droite ; fouvent
on le choifit à deffein & par goût. Il eft
fur-tout convenable aux fcènes & aux plantations
que l’on doit parcourir en fe promenant tranquillement
& avec réflexion. On fe plaît à monter
des chemins tortueux, en tournoyant autour des
monticules. C ’eft-là que les perfpeéfives fe multiplient,
fe varient & fe développent fucceflive-
ment. Les chemins de ce genre ont encore l’avantage
d’agrandir aux y e u x , des jardins d’une médiocre
étendue.
Mais en difpofant des chemins tortueux, il faut
d’abord éviter tout ce qui pourrait trahir la main
de l’art. Les finuofttés doivent toujours paraître
naturelles ; il faut qu’il ne fe rencontre aucune
progreffion, aucune rentrée, aucune faillie, qui
ne femble née de la nature même du fo l, & qui
ne s’accorde avec la difpofitjon des objets dont
il eft garni. Un arbre ifolé peut quelquefois motiver
feul le paffage du chemin, d’un côté plutôt
que d’un autre.
Les détours du chemin ne doivent pas fe rompre
brufquement, fi ce n’eft dans quelques endroits
où l’on fe propofé de furprendre le promeneur,
ou de le mener fubitement vers une fcène , vers
lin afpeâ inattendu.
Un chemin diverfifié, déjà par fes détours & fes
îmuofités, eft fufceptible encore de beaucoup de
variétés, foit ea fe perdant, pour ainft dire, entre
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les arbres & les buiffons, foit en fe changeant
en petites places gazonnés ; tantôt en defeendant
& remontant enfuîte, tantôt en s’élargiflànt ou
en fe refferrant, tantôt, enfin, eu fe préfentant
garni de plantations ou recouvert de buiffons, &
tantôt libre & découvert. Que le plus ou le moins
de propriété des chemins fe règle toujours fur les
décorations entre lefquelles ils s’étendent, ou auxquelles
ils conduifent.
Il fuffit que les chemins foient commodes , fans
cette recherche de régularité-'ôt de foin , qu’on
peut fe permettre dans un jardin de propreté ; ils
doivent offrir une partie de cettè négligence &
de cet abandon, que la nature a coutume de répandre,
non-feulement fur fes propres ouvrages ,
mais encore fur les fcènes donrt l’art fait l’accompagner.
v
CHEMINÉE, f. f. Nom que l’on donne au
lieu où l’on fait le feu dans'les maifons. Les parties
d’une cheminée font l’âtre ou foyer, le contrecoeur,
le manteau , les piédroits & le tuyau.
Des cheminées che% les anciens.
Ç ’a été long-tems une queftion parmi les favans ^
& c’en eft encore une parmi ceux qui ne le fout
pas, de fàvoir fi les anciens connurent ou non
l’ufage des cheminées.
Quoique le mot latin caminus, fait du grec
kaminost puiffe donner à entendre que le nom
avec la chofe fignifiée auront paffé des anciens
jufqueschez nous, cependant, en admettant ic i,
dans tout fon entier, la preuve étymologique,
il faudrait encore favoir jufqu’à quel point la
différence des ufages & des formes peut en laiffer
fuppofer entre les mots.
D’abord, on ne doute point que les anciens
n’aient employé plufieurs procédés très-difterens
pour échauffer l’intérieur de leurs chambres &
de leurs appartenons. J’ai déjà rendu compte
d’un de leurs ufages à cet égard, au mot Brasier
(voye{ ce m o t ) , mais qui n’a aucun rapport
à nos cheminées.
Les deux mots caminus & focus, dont les Romains
fe fervoient pour défigner le lieu où fe fai—
foit le feu, fe trouvent employés par les écrivains ,
de manière à laiffer beaucoup de doute fur les
différences qu’ils pouvoient comporter. En effet,
focui* qu’on pourroit prendre pour un brafier ou
un de ces uftenfiles déjà décrits, où l’on brûloit
du charbon, fe prend aufli pour un lieu propre
à brûler du bois ; ce qu’Horace donne plus qu’à
entendre , lorfqu’il dit :
Diffolve frigus ligna fuper FOCO ;
Large reponens.
Et lorfque Vitruve preferit de quelle manière^
dans les métairies, on difpofera, par rapport aux
étables, le lieu où l’on fera le feu dans la cuifine ,
) il fe fert auffi du mot focus, qui fans doute ici,’ WBm