retraite & de fépulcre aux premiers chrétiens per*
i'ecuiés. Le chiffre X P qu’on crut être le monogramme
de J. C . , gravé fur plufieurs farcophages ,
imprima à ces hypogées le même caraôère de fain- .
teté & de refpeéî qu’aux temples même.
O n a propofé des conjeéhires bien ridicules fur
l’origine des catacombes, fur l’époque de leur excavation
, fur leur emploi. & fur la qualité des per-
fonnes qui y étoient enterrées.
Mais de toutes ces conje&ures la moins vraifem-
blab'e eft que d’aufli vaftes fouterreins aient été
fouillés par les chrétiens pour s’y réfugier dans les
temps de perfécution , y célébrer leurs myftères ,
& en faire le heu de leurs fépultures. Peut-.on lup-
pofer qu’une fc â c d’hommes aiTez nombreux ( our
entreprendre & exécuter les travaux de l’ importance
de ceux dont on va rendre compte, aient pu y
parvenir aux alentours des vules fans être apper-
çu s , & par conféquent troublés dans.leur entre-
prife ? Sous quelle prote&ion auroient-ils pu conduire
de pareilles excavations , eux qui étoiert
pauvres »méprifés, décriés & ob igés ,p a r la nature
même du fa it , en le fuppofant - poflible , de cacher
fous terre leur exiftence religieufe ? Ou fi cette protection
e x ifta , pourquoi les condamna t-elle à des
travaux bien plus, pénibles que ceux qu’exigeoit
l ’exécution des monumens ordinaires l
J S’ il n*y a rien de plus infoutenable qu’une telle
opinion , il n’y a rien auffi de plus probable en
revanche que la conje&ure de ceux qui voient
dans -es fouterreins de$ refuges naturels contre l'a
perfécution. Ce tte hypothèfe acquerra plus decon-
fiftance encore , en fuppofant que déjà ces grottes
étoient confacrées à lafèpulture ; & dans ce cas , le
refpeft des anciens & l’ inviolabilité des tombeaux
ajoutoient encore à la fûreté de l’afyle que les
profcrits fe ièroient ch o if f , mais feulement pour
quelques inftans » & pour échapper aux fureurs
«l’une perfécution momentanée.
N ou s ne regarderons donc pas ces fouterreins
comme des monumens du chriftianifme y par cela
feul qu’on y en trouve les fignes & les fymboles.
Mais comme l’ufage d’inhumer les corps , ufage
qui avoit été celui des premiers fiècles de Rome ,
qui revint fous les empereurs, & qui n’avoit ja-
mais ceffé d’avoir lieu pour la claffe inférieure du
peuple ,d u t confondre enfemble , dans les premiers
âges du chriftianifme , les payens & les chrétiens
pauvres j comme enfin , vers le déclin de l’empire,
la religion du Chrift devint générale & dominante,
on ne doit pas plus s’étonner de trouver des chrétien
s dans ces fépultures publiques que dans nos
cimetières*
Q u ant aux chapelles & aux autels qu’on y v o i t ,
quoiqu’il foit difficile d’en déterminer la date &
l’époque , il eft bien probable qu’ils y furent pratiqués
poftérieurement à celle qu’on leur donne
ordinairement j ^ ’eft-à-dire* dans des temps où la
religion devenue publique & autorifée par les empereurs
, permettoit aux fidèles que 1» dévotion y
raffembloit , de célébrer les myftères fur les tombeaux
des martyrs & des faims. Ainfi de ce qu’on
trouve dans les catacombes des fépultures & des
marques extérieures du culte des chrétiens, on ne
fauroit en conclure qu’elles foient leur ouvrage.
Une autre queftion relative aux catacombes eft
de favoir fi elles ont été creuféespour l’objet auquel
on voit qu’elles furent deftinèes depuis , ou
bien fi l’on ne fit que mettre à profit pour cette
deftination nouvelle des fouterreins fouillés pour
un autre objet & dans une toute autre vue que
celle d’enterrer les morts.
On ne fauroit faire à cette queftion de réponfe
générale ».our toutes les efpèces de catacombes
connues. Il en eft qui ne doivent leur, origine
qu’aux travaux indifp.enfables des carrières , ,près
des grandes v ille s , & aux fouilles de terre & de
fables propres à la conftru&ion. T elle s font indubitablement
celles de Naples & de R om e , taillées
& excavées , les premières dans un tu f qui fert de
moellon pour bâtir , les autres dans ces bancs de
'fable qu’on appelle pou^olane , & dont l’ufage eft
fi connu pour la bonté des mortiers & la liaifon
des pierres. A cet égard, prefque toutes les grandes
vides modernes ont auffi des catacombes auxquelles
il ne manque , pour être prifes dans toute l’accep*
j tation de ce mot , que d’avoir donné lieu à 1*idée
fi naturelle d’en faire des fépultures publiques , &
de rendre ainfi Utiles à la foci.été des excavations
qui fans cela reftent fans objet.
J’infîfie un moment fur cette idée fi fimpîe & fi
grande, & q u i , comme toutes les idées grandes
& fimples, femble avoir été négligée par les modernes
, ou même n’en avoir pas été apperçue. On
cherche de toute part à placer hors des villes les
cimetières publics , à purifier leur enceinte de
ces lieux tout-à-la-fois infalubres & repouffans,
dont la vu e n’infpire que dégoût , & que des pen-
fées plus humiliantes encore qu’attriftantes pour
l’humanité; Mais pourquoi dérober à la culture de
vaftes enclos hors des villes ? Pourquoi loger les
morts aux dépens des vivans ? Le féjour des morts
doit être fouterrein. Et quels lieux iemblent a'voir
plus droit de leur offrir un a fÿ îe que ceux qui
ont contribué à former les demeures des vivans ?
Je ne fais fi ce rapport d’analogie, puérile en apparence,
mais fi v ra i, fi naturel & fi jufte dans le
fa it , auroit conftamment porté les anciens à en
faifir le réfultat. On le eroirôit, à voir la corref-
pondance qu’ai s ne manquèrent jamais d’ établir
entre les travaux des carrières & les fépultures
des morts. Cette corrélation eft t e lle , que dans
l’examen qu’on fait de ces fouterreins appelles
catacombes , autour de certaines villes antiques, on
n’ofe dire quel auroit été le but principal qu’on
s’y feroit propofé en les fou illan t, tant elles fem-
blent adaptées à l’iifage des fépultures, fans qu’on
puîfle nie* en même temps que l'exploitation dès
matériaux de conftruéUon n’en ait été auffi l’objet.
T elles font, entre autres, les catacombes de Syra-
eufe ; telles font auffi celles d’ Agrigente , creufées
dans la pierre qui fervit à bâtir la ville , mais creu--
fées dans des formes & dans une diftribution qui
indiquent qu’on e u t , en les façonnant ainfi , la vue
de les rendre doublement utiles.
Dans le détail très-abrégé que je vais donner
de quelques-uns de ces fameux fouterreins , je ne
fuivrai aucun ordre hiftorique , &c je parlerai
d'abord des catacombes de Rome , parce qu’elles
font les p lus connues , quoiqu’elles ne foient ni
les pi us. ancien nés, ni les plus grandes , n i , à beaucoup
p rès , les plus belles,
C e qu’on appelle à Rome les catacombes , con-
fi.fte en un labyrinthe fouterrein de galeries affez,
étroites & généralement d’une modique élév a tion ,
creufées quelquefois dans la pierre ou le tu f , mais
le plus ordinairement dans des bancs de pouzzolane
qi^on alloit chercher à une très-grande profondeur;
car ces couches s’enfoncent quelquefois juf-
qu’à quatre-vingt pieds au-deffous du niveau du fol.
Tout le terrein de la campagne de Rome eft miné,
paf la fouille de ce fable. En plufieurs endroits de
cette campagne , des ébôulemensde terre ont pratiqué
fubitement des entrées nouvelles dans des
fouterreins inconnus, mais de pareils écroulemens
ont obftrué d’autres allées , enfortè que la connoif-
fance totale de cette ville fouterreine eft une chofe
dont on doit défefpéren La longueur infinie de ces
allées dont quelques-unes ont encore aujourd’hui
plufieurs milles d’étendue, le peu d’ordre & de
méthode qu’on fuivit jadis dans des excavations
qui avoienr pour objet de fuivre les bancs de pouzzolane;
les encombremens furvenus depuis , & qui
ne font qu’ augmenter de jour en jour les dangers
auxquëb on s’expofe dans la récherche pénible &
peu früâueufe de ces corridors tonueux ; le peu
de découvertes intéreftantes.qui en eft r éfu lté, tout
a contribué à faire abandonner le fil topographique
de ce dédale ténébreux. On n’en a, & l’on n’en aura
jamais que des plans partiels.
La plupart des galeries que l’on peut parcourir à
l’aide des flambeaux , ont ordinairement trois à
quatre pieds, de large fur fix à fepr pieds de hauteur.
Quelques unes cependant font fi baffes qu’ il
faut s’incliner beaucoup pour pouvoir y paffer.
On n’y voit pi maçonnerie, ni voûte ; la terre s y
ïoutient d’ elle-même. Les deux côtés de ces rues
que l’on peut regarder comme des murailles , fer-
voient du haut en bas à recevoir les farcophages
qui fe trouvent placés dans des niches ou entailles
refermées par des briques fort épaiffes , ou quelquefois
par des plaques.de marbre, & cimentées
d’une manière qu’on auroit peine à imiter de nos
jours. Ces niches font à trois ou quatre rangées ,
les unes au-dèffus des autres , ce qui donne, félon
la hauteur du fouterrein , plus ou moins d’ étages,
de morts‘placés en long & parallèlement à la rue.
Quelques tombeaux font pofés à plate-terre, S i
font recouverts de marbre. On retrouve en c o re ,
dans un grand nombre d’urnes , des os qui , au
contaft de l’air & de la main , fe réduifent en'pouf-
fière. Le nom du mort fe trouve quelquefois, mais
rarement fur les urnes ou fur les- tuiles qui en bouchent
l’ouverture. On y voit quelquefois une branche
de palmier avec cette inicription peinte ou
gravée , X P. Mais on y trouve auffi fréquemment
des marques du paganifme ; ce qui prouve que ces
fépultures étoient indiftinâement confacrées au
peuple & aux citoyens de tous les c i t e s .
C e qu’on a découvert , & ce, qu’on découvre
encore tous les jours de fculpture , de peinture
ou d’ornemens dans ces ^catacombes , n’a jamais
excité l’attention des artiftes ni des curieux. La
plupart des farcophages font unis & fans re lie f;
& quant au peu de peintures, elles fon t des bas
fiècles de l’empire, & ne méritent aucune admi-,
ration. Prefque toutes les char.”fcres ou les rues"
que l’on .peut vifîter fe reffemblent, & ne diffèrent
que par le plus ou le moins de, largeur & de hauteur.
On affure que l’on pouf.,-oit y faire vingt
milles de chemin. Tou s les jours il fe forme ,
comme on l’a d it ; de nouvelles entrées. Mais les
plus connues font celles de . Saint-Sebaftien , de
Saint-Laurent , de Porta Portèfe. Près de cette
p o r te , on trouve celle de Saint-Félix , qui fit donner
à cette route le nom de Sir ad a FeLice ; celle
de Pontianus, où eft une belle fontaine qui étoit
un ancien baptiftèfe , celle de Generofa a i Jcxtum
PJiilippi, & de Saint-Jules, Pape.
Antoine Bofiu s, dans fa Roma fotterranca a dif-
tinguè dans les catacombes , plufieurs cimetières
particuliers , entre autres un qu’ il dit avoir fervi
exclufivement aux Juifs ; i f é toit cretifé groffiére-
ment dans le tu f , & marqué dans plufieurs endroits
par le chandelier à fept branches.
Les catacombes de Naples font bien plus grandes
& bien plus belles que celles dont je viens dé
donner la defeription , & q u i, comme on l'a v a ,
font baffes , .étroites , & ne font taillées que dans
un fable ou terre molle. Ce lle s de S. Gennaro
paffent pour avoir deux milles de longueur. O n
affure qu’elles s’étendent, jufqu'à mille tojfes an
nord - eft de Ponte di Poggio’ reale ; on a cru auffi
qu’elles alfoient jufqu’à P o u z zo l, & qu’ellesServirent
de fépulture aux villes de la côte ; mais cette
opinion a peu de vrâifemblance. Aâu ellemen t on
ne peut en parcourir qu’une très-petite partie.
Ces fouterreins ne s’étendent pas fous la ville ;
ainfi que ceux de Rome ; ils font pratiqués au nord
de Naples, à travers une montagne , & creufés
les uns fur les autres , non dans le roc v i f , mais
en partie dans la pierre dont on fe fert à Naples
pour bâtir , St. en partie dans une terre compaâe ;
ou pour mieux dire dans une efpèce de fable d un
jaune rouffâtre , ferme & même dur en certains
’ t -, -, *