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p arien ejus in bibliothecæ fpeciem amarium infertum
efi, qnod non legendos libros fed leftitandos capit.
Les grandes bibliothèques publiques & particulières
étoient embellies avec art de toutes les recherches
du luxe ; on y prodigua même toutes
celles de la décoration. Les intervalles qui n’é-
toient pas remplis par les armoires, étoient in-
cruftés de plaques d’ivoire & de verre coloré di-
verfement. Boëce parle de ces ornemens ( confolat.
prof, ƒ ) : nec bibliothecæ potius comptos ebore, ac
•vitro parietes, quam tua mentis fedem requiro. On y
voyoit auffi des ftatues en or, en argent & en
bronze. C ’étoit, comme Pline nous l’apprend, les
effigies des grands hommes dont les âmes immortelles
habitoient ces demeures, & parloient en-
oere dans leurs ouvrages. Lorfqu’on ne pouvoir
avoir leurs véritables portraits , on les reftituoit,
d’après les notions'que la tradition pouvoit en avoir
confervées , ou d’après l’idée que leurs ouvrages
laiffoient préfumer de leur figure. C ’eft à cette heu-
reufe fuppofition que nous devons le portrait idéal
d’Homère. Ce genre de décoration étoit bien le
plus convenable à ces fortes d’édifices. L’ufage
d’orner les livres des portraits de leurs auteurs
avoit été connu pareillement des Romains. Marcus
V a r ro , félon Pline, paroît en avoir été l ’inventeur.
Rome comptoit un très-grand nombre de bibliothèques.
( Voye^ le DiSlion. d'antiq ). La découverte
de l’imprimerie les a multipliées bien davantage chez
les modernes. La lifte feule des plus fameufes for-
meroit un article confidérable : mais les notions
littéraires, ou hiftoriques que ce fujet comporte
font aufli étendues qu’étrangères à notre objet,
n’ayant à l’envifager que du côté de l’architeâure.
L e peu de monumens qu’on peut citer comme remarquables
& dignes de leurs ufages, ne nous
permettra point de longues defcriptions.
La bibliothèque du Vatican , la plus fameufe par
fo n ancienneté, par fa grandeur, & le nombre de
manufcrits précieux qu’elle c o n tie n t, offre une
fuite de pièces en enfilade , qui comprend une des
ailes du Vatican, dans la longueur de cent cinquante
toifes. Sa décoration confifte en armoires
fe rm é e s , où font les liv re s; elles font o rn ée s,
dans toute la lo n g u eu r, de vafes étrufqües du
plus beau choix & de la plus grande rareté. Cette
longue galerie fe term in e , dans un bout , par le
Mufæum Chrifianvjn , & la Stan^a de Papyri , dont
l’archite&ure, la décoration & les peintures ont
fait tant d’honneur au célèbre Mengs ; & de l’autre
^elle aboutit au nouveau Mufæum, auquel elle communique
par une porte & un efcalier de marbre ,
qui répond à la grande entrée de la rotonde. La
grande falle qui précède cette galerie , & fait le
principal vaifleau de la bibliothèque , a cent quatre-
vingt-feize pieds de long fur quarante de large ;
elle eft partagée par fept piliers, qui fourienrient
la voûte : le to u t eft furchargé de peintures, dont
le s fojets font très-analogues au local , mais dont
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le peu de mérite fait encore mieux1 fentir leur indif.
crete profufion. L ’on ne peut admirer, dans la
bibliothèque du Vatican, que fa grandeur, fa belle
pofition , & les détails curieux que le zèle des pontifes
y a raffemblés pour l’inftruéüon & le progrès
des arts : mais l’édifice en lui-même n’a rien de par-
ticuliéremënt adapté au caractère & à la bienféance
d’une bibliothèque. C e n’ eft qu’ un grand local dont
on a approprié l’ intérieur à fa nouvelle deftination.
Le nom de Michel Ange a rendu célèbre l’ar-
chiteéhire de la bibliothèque de Médicis à Florence*
Le vaifleau qui la contient fut bâti exprès pour
fon ufage, & décoré par ce grand artifte. Son
, intérieur porte un cara&ère férieux, affez analogue
au local , mais qui provient plus peut-être de la
couleur brune de la pierre, que au ftyle même
de l’archite&ure. Sa décoration confifte en pilaftres
& en niches, où l’on retrouve le génie de Michel
A n g e , & le goût des détails capricieux qui le font
fi aifément reconnoître ; la cônftru&ion de l’efcàliér
n’en porte pas moins l’empreinte. Cependant l’en-
femble de la falle, & fa proportion, ont quelque
chofe de grand & d’harmonieux. L’extérieur de l’édifice
n’offre rien de remarquable. ( Voye^ Buo-
NA-ROTI. )
La bibliothèque de S. Marc à Yenife, bâtie par
Sanfovino, préfente, tant au dedans qu’au dehors,
l’idée d’un monument plus riche & plus analogue
à fon objet. Malgré les contradictions que l’archi-
. teéte y'éprouva du côté de l’emplacement, du
côté de l’élévation à laquelle il dut s’aftreindre,
& par la largeur donnée du terrêin, & par la
hauteur des vieilles procuraties ; malgré les jaloufies
de fes ennemis, & les traverfes de toute efpèce
qu’il eut à combattre, Palladio jugeoit que cet édifice
étoit le plus riche & le plus orné qui eût
peut-être été fait depuis les anciens jufqu’à nos
jours. Deux ordres conftituent l’ordonnance extérieure
fte fon archite&ure ; le premier eft un dorique
très-riche, & l’autre un ionique fort régulier,
fur lequel règne une frife d’un goût exquis. L’entablement,
très-riche lui-même, a pour couronnement
une bâluftrade qui porte de belles ftatues,
dues aux meilleurs difciples de Sanfovino. Toute
cette décoration eft auffi magnifique & noble, que
pure & févère. Les galeries de l’ordre dorique font
très-belles, les arcades en font d’une belle propor-
tion , & enrichies de figures fur les archivoltes ;
l’entablement en eft mâle , & la -diftribution des
triglyphes eft la plus exaéle qu’on puiffe voir. Les
croilées du fécond ordre font en arcades, dont les
archivoltes font ornés comme dans l’ordre inférieur.
L’arcade du milieu conduit à unyeftibule,
ou l’on trouve un bel efcalier partagé par deux
rampes très-omées ; il eft beau, bien conftruit et
voûte, mais un peu fombre. La pièce'qui précède
la bibliothèque eft un falôn , qui lervoit jadis pour
les leçons publiques. On en a fait depuis un cabinet
ou mufæum enrichi de ftatues & de bas-
reliefs ; eè font a-utant de monumeas précieux de
l'antiquité.
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l’antiquité. De-là on paffe dans la bibliothèque, qui
occupe fept arcades du bâtiment dans fa longueur,
& tiois pour fa largeur ; fon plafond eft orné de
compartimens peints par les plus fameux artiftes
du temps. ... .
Paris eft peut-être la ville qui offre le plus de
bibliothèques, & les plus confidérabies , par le
nombre 8c le choix des volumes : mais ces monu-
mens littéraires ne préfentent la plupart que l’idée
d’un vafte magafin de Rvres. Les arts n’ont encore
rien fait pour embellir ces temples de la fcience
& du génie. La bibliothèque du roi, la plus im-
menfe ae l’univers, eft 'peut-être celle de toutes
qui doit le moins trouver place dans un ouvrage
où Ton n’envifage ces fortes d’édifices que du
côté de l’art qui les embellit. La bibliothèque. de
l’abbaye de Sainte Geneviève doit pourtant obtenir
une mention honorable ; elle fe diftingue de
toutes les autres de la capitale par une belle dif-
pofition adaptée à fon ufage, 8c par une décoration
non moins conforme à la nature du monument.
Une grande croix grecque forme quatre
vaftes falles réunies par une petite coupole; les
buftes des grands hommes, anciens & modernes,
placés fur xîes gaines, y rappellent l’ufage antique
d’orner les bibliothèques, & en fontur.e galerie de
portraits,-dont le fpeélacle eft auffi intérefîant, que
le coup-d’oeil en eft flatteur.
Nous lifons, dans la vie de Jacques Gibbs ,
archite&e anglois, la defeription d’une bibliothèque
par lui bâtie à Oxford en 1747 ; elle mérite de
trouver ici fa place : on l’appelle la bibliothèque
Radicliffe, du nom d’un célèbre profeffeur en médecine
, qui laiffa 40000 liv. fterlings, ou 840000 1.
de France pour cet objet. Cet édifice eft une rotonde,
qui a un foubaffement ruftique, orné de
plufieurs portes & de plufieurs niches, au-deffus duquel
s’élève une colonnade corinthienne , formée
par des colonnes accouplées, avec deux rangs de
Fenêtres 8c de niches placées alternativement. Sur
l’entablement de cette colonnade, règne une belle
baluftrade , avec des acrotères portant des vafes ;
le tout eft ^terminé par une belle coupole, d’un
goût très-noble & très-fini pie. L’extérieur de cet
édifice eft d’un afpeâ majeftueux, & fes détails
font d’un ftyle élégant & pur. On ne peut critiquer,
dans la difpofition générale, que le fécond
rang de fenêtres-, qui reuemblent à une efpèce
iTentre-fol, & les frontons inutiles qui font fur
les portes. L’archite&ein’a pas donné de moindres
preuves de fon goût dans l’intérieur de ce monument,
foit dans la diftribution des appartenons
& des faites du rez-de-chauffée, foit dans, celle de
l’étage fopêrieur. On trouve , dans ce dernier,
une grande falle en forme de rotonde, décorée
de pilaftres ioniques, où l’on conferve les livres.
r, Quoique les bibliothèques foient des monumens
qui exigent de l’architeâure un ftyle grave & fou*
tenu, elles n’en' comportent pas moins toute la
richeffe 8c toute la magnificence de l’art, qui, peut
ÀfchüeHure% Tome I.
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y déployer toutes fes reflources ; celles de la décoration
peuvent auffi s’y employer avec fuccès.
Un monument en ce genres digne de fa deftina-
tion, eft encore un de ceux que l’intérêt commun
des arts & des lettres follicite depuis longtemps
, & qui ri’ont jufqu’à préfent exercé qu’en
projet l’imagination des artiftes.
B ICO Q U E , fi fi fe dit d’une petite v ille, ou
d’une place mal fortifiée, & de peu | de d'éfenfe.
BIENSÉANCE,f. fi C’eft par ce terme que l’ôti
rend celui de décor, employé par Vitruve , & c’eft;
celui qui peut le mieux en faire comprendre le feus
dans l’application qu’il en fait. La bienféance, félon
l’écrivain romain , étoit une des qualités conftitu-
tivesde rarchite&ure. « C ’eft elle qui fait que l’afpe&
» d’un édifice préfente un enfemble raifonné, dont
toutes les parties , loin d’être difpofées au ha-
» fard, font toutes appuyées fur l’autorité. La
» bienféance eft fondée fur la nature des chofes,
» & fur l’ufage, ce que les Grecs expriment par
» le mot thematifmos.
« Par exemple , fi Ton a égard à la nature des
» chofes, on ne fera point de toit au temple de
» Jupiter foudroyant, ni à celui du C ie l, non plus
w qu’à ceux du Soleil & de la Lune : mais ils
» feront découverts, parce que ces divinités fe
» font connoître en plein jour, & par toute l’é-
» tendue de l’univers. D ’après les mêmes principes,
» les temples de Minerve, de Mars & d’Hercule
» feront d’ordre dorique, parce que la vertu de ces
n divinités a une gravité qui répugnera la déli-
» catefle des autres ordres : tandis que Vénus,
v Flore, Proferpine, & les Nymphes des fon-
» taines, en doivent avoir d’ordre corinthien î
n la gentilleffe des fleurs-, des feuillages & des vo-
» lûtes dont cet ordre eft embelli, convient à la
»» légéretè de ces déeffes, & eft d’accord avec
» la véritable bienféance. Il ne l’eft pas moins de
n faire d’ordre ionique les temples de Junon, de
» Diane, de Bacchus, & des autres dieux de cette
» claffe, parce que cet ordre, qui tient le milieu
» entre la févéritédu dorique, 8c la délioatefte du
n corinthien , fe trouve aflbrti au rang de ces di-
» vinités, & repréfente aflez bien leur nature par-
» ticulière.
» La fécondé bafe de la bienféance eft l’ufage.
» Il demande , par exemple, que fi l’intérieur de$
» édifices eft riche & fomptueufement décorg, le
» dehors 8c les veftihules le foient auffi dans la
n même proportion : fi le contraire èxiftoit, que
n le dedans eût de l’élégancç & de la beauté,
» tandis que les abords feroîent pauvres & chétifs,
» la bienféance en fe^oît choquée. On en violeroit
» auffi les ^règles , fi dans des architraves doriques
» on plaçQit cïes denticules, fi l’on tailloit des tri-
” gW n e s for des architraves ioniques foutenus
n par des colonnes à chapiteaux oreillés , parce
! » qü’en tranfpofant ainfi les forlnes propres d’un
1 n ordre, 8c les attribuant à un autre, on bleffe
N n