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tion n’en eft pas à pierres léchés mais la lave
erofllère & fpongieufe , qui en fait la maçonnerie
, eft liée par un ciment qui eft demeuré
aufti dur & aufli indeftruâible qu’elle. C e monument
ainfi dépouillé , n’étoit plus devenu
q u ’un objet h id eu x, qu’on a voit fait difparoître
en l ’enfeveliflant fous un monceau de décombres.
C e n’eft qu’en n iv e lan t, lors de Ja dernière conf-
t ru âion de C a tan e , après le tremblement de
terre de 1660 , qu’on en a découvert les ruines.
O n en trouve encore fur le fol de la place publique,
quelques traces dans l’arrachement d’un
mur circulaire, qui portoit la voûte de la plus
baffe des galeries intérieures ; de forte que le fol |
de la place a âue lle n’eft plus qu’à la hauteur de |
cinq gradins du niveau de l’ arène. L :s mêmes
ineonvénien s, qui ont arrêté le déblaiement des
thermes, ont mis auffi. des bornes à la curioftté
& aux généreufes recherches du prince.
Le théâtre eft encore plus maltraité ; il doit ce
fort aux grandes richeffes qui ont tenté la cupidité
des ennemis des arts.'Cè qui en refte & dont
on doit encore la vue au même prince de Bif-
cari , prouve qu’il étoit grancf comme celui de
Taormine ( voyc%_ T aorminium ) , de la meme
forme & revêtu avec une magnificence qu’il nous
eft- prefque interdit aujourd’hui de pouvoir même
imaginer. Quelques gradins confervés par hafard,
ôi un corridor qui prend depuis 1 entree qui etoit
parallèle & attenant à la fcène, jufqu’à la moitié
de la circonférence, & plus loin, donnent la jufte
mefure de fa grandeur, &• la forme des maifons
bâties fur les murs de la galerie fupérieure , donne
encore celle de fon intérieur & de la courbe de
fa portion de cercle. Les gradins <Je deux pieds
■ de retraite avoient, outre les vomitoires qui les
coupoient verticalement, des repos ou baltei d’ef-
pace en efpace ; le tout étoit revêtu de marbre
blanc de deux pouces d’épaiffeur ; la fcène, dont il
n’exifte plus rien, étoit.décorée de grandes colonnes
de granit, qui font maintenant à la façade de la
cathédrale, portées fur des piédeftaux de marbre
blanc d’un feul morceau. On en voit une dans la
. Cour du prince, qui eft toute remplie de fragmens
dé chapiteaux de marbre , de bafes, frifes & corniches,
provenant de ce théâtre. La ville eft encore
jonchée des fûts des colonnes de granit qui
foutenoiçnt la galerie fupérieure de ce magnifique
édifice.
Attenant au grand théâtre dont ©n vient de
pa rler, i l , y en avoit un autre qui y communiquent
par un efca lier, &. qui fervoit ou pour
d’autres je u x ,, ou pour jouer à couvert. C ’étoit
peut-être Yodeurn, ou le lieu propre à la mufique,
comme . fout chez nous les falles de concert. On
a trouvé le même édifice à Pompéii, mais il, y
e ft: encore fous la cendre , & celui de Catane eft
trop embarraffé ,.pour qu’on puiffe juger parfaitement
de fa forme intérieure,
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T o u t près de-là eft une chapelle etl rotonde:
c’eft un édifice antique méconnoiffable, il eft vrai,
fous le revètiffement moderne, & q u i, probablement
faifoit partie des thermes. Le forum y étoit
con tigu , ainfi que les prifons , dont il ne refte
plus rien ; mais elles avoient été reconnues avant
la dernière réédification de la v ille , à peine maintenant
achevée.
A u couvent des Bénédiâins étoient des thermes
magnifiques , revêtus en marbre , décorés de
ftatues & pavés en mofaïque. Il en éxifte des
fragmens confidèrables ' dans lé palais du prince.
Un morceau de cette mofaïque, qui étoit à une
des portes avec une infcription la tin e , prouve
que cette conftru&ion étoit romaine.
T o u t près de ce couvent & des murs de la
ville antiqu e, on a trouvé les fragmens d’un fameux
temple de Cérès , un nymphée , le gym-
nafé & une naumachie , qui étoit près du château ,
& dont on vo yo it des veftiges avant que la lave
de 1669 les eût couverts. O h trouve encore dans
la même lave deux arcades de l’aqueduc.
Tant d’édifices publics de tout g en re , rapprochés
dans un. fi petit e fpace, en dévoient laiffer
fort peu .aux maifons particulières. C e qui pour-
roit faire conclure que cette v ille avoit été embellie
à des époques différentes, ou , comme
on l’a déjà dit ailleurs ( voye{ C a r a c t è r
e ) , que les 'maifons particulières étoient fort
petites en comparaifon des édifices p u b lic s , ou
que l’ancienne Catane étoit plus étendue que
g rande, & plus opulente que riche. La ville moderne
affife & rebâtie avec magnificence fur des
ruines plus magnifiques encore , femble avoir
toujours confervé la même maniète d’ê t r e , le
même efprit de fafte & d’opulence. C a r , quoiqu’on
faffe montera foixante mille âmes la population
a&uelle , on s’ étonne de ne voir que de
grands couvents , de grandes é g life s , de grands
. palais , & l’on cherche les maifons particulières.
Quoiqu’il foit difficile d’afligner précifément
l’époque de la fplendeur de l’antique Catania, la
grande quantité d’infcriptions latines trouvées en
différens édifices , tels que tes thermes , l’amphithéâtre
, le gymnafe & la naumachie, dont l’ufsge
n’étoit connu que des Romains, pourroit induire
à eo rapporter la date au tems qui fuivit la quatrième
guerre punique, tems où les Romains,
ayant détruit les deftruâeurs de cette ifle , en relièrent
tranquilles poffeffeurs.
L ’époque de la ruine & de la fpoliation de
tous ces beaux monumens eft moins équivoque,
C ’eft aux Normands qu’on l’attribue ; c’eft au
zèle pieufement barbare de ces catholiques igrio-
rans, qui dépouilloient, à l’envi * les teihples anciens
de leurs fuperbes revêriffemens, pour en
édifier de vilaines églifes; c’eft encore aux guerres
occafionnées par les prétentions de tous les princes
de l’Europe , pour fe difputer ce beau pay.s. Les
fortereffes faites à la hâte de ces débris déjà dé-
««tirés la retaille de tous ces .beaux 'revètlffe-
" , ens de ces belles niaffes de marbre, mainte-
l u t réduites à fi peu de ch o fe s, font autant de
ranfes qui auroient rendu problématique la n -
tienne magnificence de Catane, fi dans g bou-
leverfeinenc tota l, le défordre même , on n en eut
nas fauve les débris en les enfouiffant, & ü le
coût de quelques amateurs des arts n’eût pas dérobé
ces précieux fragmens a 1 oubli du tems &
aux injures de l’ignorance. ' • '
V o ilà l’obligation que les arts ont eu au prince
dont on a déjà cité le nom. Non-feulement par
fes foins on a découvert les principaux monumens
dont on a pa rlé, mais il en a é lev é un lui-même,
fait pour honorer fa mémoire & ihuflrer la ville.
C’ eft im grand & magnifique mufæum, ou tous
les genres d’antiquité fe trouvent difpofes & xh oilis
avec autant de goût que de connoiffance. C eft-la
que j'ai conçu l’idée d’un genre de c o lle& o n ,
ilont je me fuis étonné plus d une fois que 1 idee
ne foit pas encore venue à R om e , ou 1 on pourroit
lui donner une bien plus grande extenfion.
C ’eft un mufæum d’architeélure , ou 1 on raflem-
hleroit avec ordre les débris épars q u o n foule
aux pieds, qui font perdus pour les arnfles, oc
finiront par fe perdre pour les arts. L e prince de
Bifcari a recue illi, dans un même lie u , tout ce
qui a rapport à — . chapiteaux, frifes ,
entablemens mutilés , otn emens, mofaïque, matériaux
à bâtir félon la maniéré des Romains &
celle, des Grecs. I -
Un monument aufti curieux que fingulier le
voit fur la grande place de Catan. : c eft un obe-
lifquc de granit d’E g y p te , exagone & couvert
d’hiéroglyphes. O n né fait par q u i , ni dans quel
tems il V fut amené. O n l’a élevé fur le dos d un
éléphant taillé dans un bloc de lave. O n n ofe
pas décider fi cet ouvrage eft d'une grande antiquité
, il paroît être du moyen âge. O n ne fau-
roit dire non plus fi l’ idée de ce genre de füp-
port eft antique, ou fi elle n’eft qu une imitation
de celui de la Minerve par le Bernin , qm en,
a v o it , dit-on , trouvé le modèle fur une médaillé.
C e qu’il y a de f u r , c’eft que l’ajuftement de
l’obélifque de Catane eft plus fun p lé, plus naturel
& plus heureux en co re, en ce que 1 éléphant
eft le fymbole de la v i l l e , comme nous 1 apprend
l ’infcription qp’on lit fur la bafe.
Vêtus Cataruz injîgne
Elephas ,
rj 4b equitate prudenùa docil't
Tate ■ urbem ■ clarijfîmam ejus
Que cives commendat,
Hoc ut lateret neminem
Ejufdem ex etnçeô lapide fitnu
T Helîridnri nlim vrefh
S . P . Q. C.
Doào oncri fubflramm
V oluii
■ Jnno M. D C C . X X X V I .
C A T A R A C T E f. f. ( jardinage ) L e nom même
diftingue la cataracte de la cafcadé, en exprimant
dans la première un cara&ère de plus de rapidité
& de véhémence.
Un mouvement entraînant, turbulant , impétueux
, une abondance d’eaux fouvem troubles &
toujours agitées , des maries, blanchâtres d é cum e ,
une violence qui ç.halle ou détruit tous les obftacles,
un brouillard environnant , fqnr toutes les qualités
& les circonftancès qui délignent la cala-
raSie. - .. . 1 : .
Sa demeure eft dans des contrées môntueufcs ,
parmi des rocs é le v é s , entre des efpaces étroits,
des landes & des ravines. Son lit porte des marques
d’ emportement & de fureur ; il eft in é g a l,
déchiré , plein de, creux , embarraffé de pierres &
de débris de rochers ; à l’entour des brouffailles
dont les racines font a n u d , on des arbres fuf-
pendus.Sc menaçant ruine, offreur un.morne af-
peét. , . . .
D ’après cette défeription , on fent bien que
les cataraHes ( & l’on ne parle ici que de celles
qui font naturelles) , doivent difficilement 6c rarement
trouver place dans les jardins , même les
plus abandonnés à la nature. Elles n’appartiennent
point fur-tout aux cantons1 agréables, bien moins
encore à ceux où doit régner la mélancolie; mais
elles feront partie des points de vu e que l’on
cherche dans les cantons romanefques.
Dans de vaftes parcs , fur-tout ceux qui offrent
des fcènes empreintes du dernier de ces caraéteres,
les. cataractes peuvent fe montrer avec, toute leur
grandeur ; d’abord, parce que l’emplacement plus
étendu Te permet ; & puis parce que le fentiment
du fublime qu’elles caufent fe combine plus facilement
avec les autres décorations. Dans un
jardin borné , une cataracte mugi liante détruiroit
les impreffions plus douces des autres objets.
La nature paroît avoir réfervé la formation
des cataractes uniquement à fon .pouvoir créateur.
Ici l’art, après avoit inutilement prodigué fes
forces & fes dèpenfes, fera forcé de céder & cj’a-
vouer fa foibleffe. Pour fentir toutes les difficultés-
de l’entreprife , il iïiflit d’oblerver que la cataracte
n’eft d’un bon effet qu’alitant qu’elle fe pré;
cipite du haut des rochers , & que la feule lande
créée par la nature peut patoître naturelle. La
Cataracte eft de plus accompagnée de tant d’accidens
divers , qui paroiffent tous,appartenir à fon
caraftère , qu’il eft très-difficile d’en obtenir feulement
une partie dans l’imitation.
Ges grandes feenes de la nature fe tranfporte-
x on t donc difficilement par l ’art créateur des jarrllnc
• Rj m n in if ilf