
imprimer le caratière majeftueux , de grandes* &
obfcures parties de forêts où fe trouvent des
arbres de cette efpèce , dont les cimes fe cachent
dans les nuages, & dont les branchas déployées
au loin ont ombragé des générations depuis longtemps
réduites en pouffière.
Mais lelite eft un point très-important. Lorfqn’un
grouppe de chênes & de hê tres, de pins & de
fapins, d ’une grandeur & d’une élévation extraordinaire,
eft placé fur une montagne ou fur un
promontoire au bord de la mer , ou garnit une
pente d’où l'oeil plonge dans un enfoncement con-
fidérable, on trouvera que ce tableau naturel eft
d’un caraQ.cn fublime.
C e caratière a donc lieu principalement dans
les montagnes & dans les pays eleves & femes
de rocs. Ici font des bois obfcurs , des enfonce-
m en s, des torrens, des catara&es mugiftantes ;
ici la vu e s’étend fur des pays immenfes, fur les
tableaux d’un lointain inepuifable , fur les fpec-
tacies variés qu’offrent les nuages peu éloignés
du fpedateur. L’art de la culture demeure fans
effet dans ces lie u x ; tout y doit être g rand ,
étendu, f o r t , hardi, en un m o t , l’ouvrage de
la toute -puiffante nature. Qu elque chofe de fau-
v ag e & d’ agrefte, un certain détordre h a rd i, une
certaine manière négligée d’entaffer de grandes
& fortes malles', font .prefque inféparables du caratière
en queftion ; des batimens délicats ne lui
conviennent point. Il veut des châteaux & des
tours antiques qui loient comme fufpendus à des
rochers, & mêmes les ruines d’édiftces majeftueux,
que le temps & la foudre ne détruifent qu’infen-
fiblement & avec peine.
Les cantons fublimes & majeftueux étant d’ordinaire
trop agreftes, trop incommodes pour y
placer l’habitation, on obtient plus aifément les
effets de ce caraftère, en choifiifant le voifinage
de ces lieux & en les prenant pour perfpe&ive.
O r peut ordonner des jardins compofés de ces
divers caratières, & ces jardins aulft font préparés
par la nature, '8c quelquefois perfectionnes
par l’art. Dans les difpofitions de la nature , le
romanefque s’allie fouvent tant à l’agréable qu’au
fublime : quelquefois à des fcènes fombres 8c fo•
litaires en fuccèdent de riantes 8c d’animées. C ’eft
airili que la nature procède toujours dans fes payfa-
g e s , fuivant les loix éternelles delà v a r ié té , & ne
celle jamais d’ intéreffer. Ces caratières mis en liai-
fon peuvent s’accorder ou contrafter enfemble.
Dans le premier, c a s , les cantons doivent être
affez changeans & d iv e r fi fié sp o u r que leur fuc-
çeffion ne fatigue pa s, mais que les impreflions
fe renforcent réciproquement. Dans le. fécond
ca s , ils s’ interrompent & fo n t naître de la forp rife,
un plaifir v i f & inattendu , comme, par exemple,
lorfqu’au canton mélancolique fuccède tout-à-coup
une fcène é g a y é e par des "vues riantes.
La fécondé partie de la théorie relative au
caratière des jardins , eft celle qui règle ce caratière
fur l’état des propriétaires & fur la deftination
particulière des jardins.
Quand au premier p o in t , il n’eft pas douteux
que les jardins doivent avoir une certaine analogie
avec leurs propriétaires ; & l’on peut dire,
à cet ég a rd , c e que l’on a déjà dit des édifices.
C ’eft d o n c , en quelque forte, à l’édifice qu’il
appartient de donner la mefure du caratière de magnificence
ou de fimplicité que doit avoir un
jardin , & c’eft à cette feule diftinélion qu’on peut
arrêter des principes généraux en ce genre. Les
jardins royaux , ou ceux qui font attachés aux
palais des louverains . demandent de l’étendue, de
la pompe 8c de la magnificence. Les r o is , a dit
un de nos p o è te s , font condamnés à la magnificence.
On ne fauroit mettre d’autre différence
entre les parcs des grands ou des gens riches 8c
les jardins des fimples c ito y e n s , que celle qui
réfulte de la différence des moyens & de ^étendue
du fol. Les p a r a d e s grands ornent le pay-
fa g e , & les jardins aes bourgeois embelliffent les
environs des villes. Les jardins & les maifons de
campagne qui entourent plufieurs villes confi-
dérables célèbres leur communiquent un éclat
& une v iv a c i té , dont le voyageur fenfible refte
enchan té, quoique dans l’habitant le fentiment
de ce fpe&acle foit affoibli par la coutume. Ainfi
le charmant val d’A rn o , dont Florence occupe
le milieu , eft couronné de tous côtés par un amphithéâtre
de collines fertiles , couvertes de maifons
de campagne 8c de jardins. L ’Italie, quoique
ornée par - tout de. maifons de plaifance, n’offre
nulle part dans un même lieu , un auftl nombreux
affemblage de jolis féjours champêtres appartenant
à des particuliers. Le jardin champêtre convient
affez aux maifons de campagne des fimples
citoyens. Il différé cependant du jardin du pay-
fan , qui n’offre que des plantes potagères 8c quelques
arbres fruitiers , 8c qui eft ruftiquement entouré
d’arbriffeaux femblables. L e jardin champêtre
n’exige point de vaftes vues pompeufes,
Surprenantes : qu’ il foit petit, ou que fon enceinte
air quelqu’étendué , fon ordonnance doit fe borner
à la fimplicité & à une agréable négligence ; il
ne permet pas d’objets riches ni variés ; il n’aime
que les fcènes fans apprêt de la nature, & les
préfente fans beaucoup de choix & d’arrangement
; fes plantations confiftent en arbres ordinaires
au pays ; il eft content lorfqu’ils lui four-
niffent de l’ombrage & des fruits.
Les jardins, confidérés relativement à leur destination
particulière, nous offrent des caratières
forts diftinâs. L ’on peut en juger d’abord par les
1 jardins publics, dont l’ordonnance & les plantations
doivent fe régler d’après leur deftination.
Les jardins publics doivent être regardés comme
un befoin important pour les hahitans des villes.
Leur f ite , autant qu’il eft pofîible, doit être en
plein air 8c entouré de lointains rians & agréables.
L ’ombre y eft un des premiers befoins à
toutes
tontes les heures du jour. La plantation fera fur-
tout compofée d’arbres dont les larges feuilles répandent
un riche ombrage & forment une voûte
epaïffe. Les allées doivent être larges , commodes
multipliées & propres à s’éviter. Des allées en
jj„ne droite font non-feulement recevables , mais
préférables ic i. On veut fe trouver , fe v o i r , J fe
promener en compagnie, s ’entretenir. D es allées
tirées au ■ cordeau favorifent plus ces intentions que
des fentiers étroits & finuenx. Cependant un jardin
public d’une étendue cenfidérable p e u t , outre
les avenues alignées, renfermer aufii des fentiers
tortueux, répandus4 ans des bofqirets faits à deffein ,
& il en aura b e fo in ,' ne feroit-ce que pour jetter
de la variété dans l’enfemble. ( Voye{ J a r d i n
p u b l i c ).
Les jardins académiques ou jdjnts aux édifices
deftinés à la culture des fciences 8c à l’ éducation
de la jeuneffe pourront avoir un caratière particulier.
La plantation de cette efpèce de jardin fera
riante & gaie. Des bofquets corifacrès à Apollon
& aux Mufes feront deftinés d’une manière cara&é-
rifttque & décorés des ftatues ou des buftès de
ces divinités. Les fciences , ou ceux qui s’y font
rendus recommandables , peuvent trouver ici des
temples avec -des décorations allégoriques, ou des
monümens avec de courtes inferiptions , q u i , ordonnés
a v ec goût , & toujours d’une manière convenable
à la deftination du jardin , peuvent donner
dès mftruâions & des avertiffemens utiles.
Quelques berceaux folitaires peuvent in v iter fous
leurs ombrages, l ’ami de la le&ure ; mais un air de
fèrénité & de gaieté doit régner dans tout l’ en-
femble. D e là beaucoup de places libres & décoiK'
vertes., beaucoup de feuillages clairs . beaucoup
de plantations aérées , rien qui empêche l’air frais
ou qui voile les points de vue . L ’ordonnance
d e l’enfemble doit être a ifé e , n atu re lle, projettée
avec une noble fimplicité , & exécutée avec goût
& avec délicateffe. Q u ’aucun Faux brillant, aucune
décoration couteufe ri’ébloùifte l’oeil.
Les jardins de couvent font du caratière 8c du
genre mélancolique. L ’éloignement du tumulte du
monde.,/la clôture , un filence majeftueux , une
obfcuritê qui invite aux réflexions férieufes , doivent
les diftinguer. Aucun grouppe de fleurs brillantes
, aucune pelou feriante, aucun afpe&légayé
ne doit rompre ic i le férieux de la plantation.
Qu’elle offre des grouppes fombres ou des bof-
qùets mélancoliques , ouvrage de l’art.
Les -jardins que Ton cowftrnit près des fourees
minérales & des bains ^dépendent aufii de leur
deftination particulière. Ils doivent renfermer Tron -
feulement des promenades commodes & variées
qui 'engagent à faire de l’exercice en plein air ,
mais encore beaucoup de places d’affemblée , de
lieux propres au x amufemerrs de la fociété , & à
fe repofer à l’ombré. Les jardins d’hôpitaux auront
à-peu-près ies mêmes caratières, uLes plantations
Architetiure. Tome I,
s’étendront autour de fentiers fecs , cou ve rts de
gravier, garnis de bancs 8c de fièges. Des grouppes
libres fon t préférables „ici à des allées qui lorf-
qu’elles font anciennes, fe ferment par le h a u t , 8c
rendent l’air humide. L’ombre ne doit pas manquer
dans ces jardins, mais elle ne doit pas non plus
régner par-tout.
On parlera à l’article jardin de ces différens caratières.
( Voye^ Jardin. )
C A R A C T É R I S T IQ U E , adje<ftiFformé du mot
caratière \ & qu’on emploie quelquefois en manière
de fubftantif, comme lorfqu’on dit: il faut en tout
obferver les caratiérijtiques que la nature préfente
à un oeil obfervateur dans l’art de nuancer les jardins.^
Voye^ C aractère.)
C A R A V A N S E R A I , édifice public placé fur les
grandes routes, en O r ien t , pour donner le couveit
aux vo y ag eu r s.,au défaut des auberges & des cabarets
qui ne s’y trouvent pas comme en Europe.
Il s’en trouve peu dans l’emp ireTu rc , parce qu'on
n’y v o y a g e que par troupes de mille perfonnes
au moins , & que^ .chacun a fa tente comme à l’armée.
Il n’y en a point non plus dans le Mogol.,
parce que l ’air y étant chaud en tout tems , on
aime mieux fe loger à l’ air , foit à l’ombre des
arbres , foit fous des portiques, que dans des lieux
fer-més.
On en trouve beaucoup en Perfe. C ep x des
villes ,8c ceux de la Campagne font faits prefque
de même forte, fi ce n’eft que ceux-des villes font
prefque à double étage. C e font de grands édifices
quarrés pour la plupa rt,d e vingt pieds de h a u t ,
avec des chambres tout du long for une feule lign e ,
comme les dortoirs des religieux , voûtés & élevés
de quatre ou cinq pieds du rez - de - chauffée ,
n’ayant guère plus de huit pieds en quarré, 8c étant
toutes fans fenêtres , de forte que le jour n’y entre
que par la porte. Chaque chambre a un petit v efti-
bule de même la rg eu r, ouvert for le devant de
quatre ou cinq pieds de profondeur , avec une
petite cheminée à c ô t é , dont la couverture eft en
dôme; & outre ce double lo g em en t , un relais ou
corridor règne tout du long des chambres, étant de
même hauteur & de même profondeur. Les Per-
fans appellent.ces cerrridors matabè. Derrière les
chambres /font les écuries bâties tout alentour de
l’édifice comme des allées.
O n y trouve des deux côtés des portiques élev
é s & .profonds encore plus que les relais des
chambres, avec de petites cheminées au fond de
dix pieds en dix pieds, pratiquées dans la muraille ;
c’ eft où logent les valets quand il fait mauvais
tems, 8c où ils font la cuifine. Quand le tems eft
beaus , ils la font fur le devant des chambres, & on
attache les chevaux dans la cour , le long du relais
ou cor r id o r , chacun le fien devant foi. Le milieu
de la cour eft d’ordinaire marqué ou par un grand
ba'ffin d’eau-vive , ou paruin perron quarré ou
exagone de \ in g j à trente pieds de diamètre ,&
V v y