
a ch e v é s , Caton le cenfeur & Ton collègue V a lerius
Flaccus, les firent nettoyer & réparer. Ils en
firent même conftruire de nouveaux dans les quartiers
où il n’y en avoit p a s , comme fur le mönt A v en t in ,
6c ils dépensèrent pour cette opération, félon le
rapport de Denis d’Halycarnaffe, mille talens, qui
équivalent à trois millions environ de notre monnoie.
O n v o it deux embouchures antiques entre la cloaca
maxima & les refies du pont Sublicius, qui peut-
être furent faites dans ce temps-là. L ’une des deux
fert aux eaux de la M a r a n a , ou Aqua Cra.bra , qui
vient de Frafcati, & q u i , après avoir parcouru la
vallé e du grand cirque , pane fous terre pour aller
fe jetter dans le T yb re.
Agrippa fe diflingua auffi pendant fon édilité,
en faifàht faire des cloaques fi grands & fi nombreux,
q u e , fuivant l’exprefîion de P lin e, il bâtit une yille
navigable fous celle de Rome. Il y fit conduire
fept ruiffeaux, q u i, au moyen d’une pente roid e,
s’y précipitoient avec une force capable d’entraîner
non - feulement les ordures, mais encore les
pierres & les décombres que la rapidité des eaux
einportoient dans ces fouterreins.
Il faut entendre Pline lui-même s’exprimer fur cet
objet.
Preeterea cloacas, operum omnium diEtu maximum
fuffofis montibus atque (u t paulo ante retulimus urbe
penfilî) fubterqut navigatd. A . M. Agrippa in ezdilitate
poß confülatum per meatus corrivad Jeptem amnes,
curfaque précipité torrentium modo , rnpere atque au-,
ferre omnia coaEli 3 infuper mole imbrium concitati,
*vada ac~ later a quadunt : aliquando Tiberis rétro in-,
fu ß recipiunt fiuEtus s pugnantque diverfi aquarum
impetus intua : & tameez obnixa firmitas reßflit. Tra-
'huntur moles internet, ta n tes., non fuccumbentibus caufis
operis : pulfànf ruinât Jponte précipités 3 aut impaElot
incendiis : quadtur folum terrez mutibus : durant tarnen
à Tarquinio prifeo annis i d c c c propè inexpugnabiles.....
Amplitudinem cavis eam feciffe proditur ut vehem
fezni large onuflam tranfmitteret. P lin e , Liv. XXX. .
« Noublions point les cloaques, l’ouvrage de tous
le plus étonnant, pour lequel on a percé plufieurs
montagnes, & qui. nous retrace les merveilles
de T h eb e s , dont nous parlions tout - à - l’heure.
M . A g r ip p a , dans l ’édilité quifuivit fon confulat,
raffembla les eaux de fept fleu v es , dont l’impé-
tu o fité , comparable à celle d’un torrent, emporte
6c nettoie tout ce qui s’y rencontre. C e volume
d ’eau prodigieux, qui s’accroît encore des pluies
qui y tombent & des débordemens du T y b re qui y
refluent, bat éternellement les murs de ce conduit,
fans que le ch oc intérieur de toutes ces maffes.
d’eau qui s’entre-choquent fans c e lle , ait altéré en
rien la folidité de l’ouvrage & la bonté des fondations.
Le poids des décombres des maifons qui
tombent en ruine d’elles-mêmes, ou qui s’échappent
des incendies, les fecouffes des tremblemens de
terre, rien n’y porte atteinte. Ce t ouvrage demeure
inébranlable depuis fept cents ans environ. Il fut
bâti par Tarquirç l’ancien,,,,. Q n prétend qu’il donna
à cet égout allez d’étendue pour qu’une large voiture
chargée de foin pût y paffer ». .
P lin e , comme l’on v o i t , pour rendre fon récit
plus intérefîant & l’ouvrage plus merveilleux, ne
parle point des reflaurations . confidérables qui y
furent faites par les cenfeurs Caton & Valerius
Flaccus. La durée cependant de cet immortel édifice
juflifie affez l’enthoufiafme de cet• hiflorien , & dit
plus qu’il n’a dit lui-même, & que nous ne pourrions
en dire.
L a cloaca maxima exifle encore , & fon immobile
conftruâion fait l’admiration de tous les architeéles.
Elle efl bâtie de grandes pierres de ta ille , &
couverte d’une triple voûte compofée de trois rangs
de vouflbirs pofés en liaifon l’un fur l’autre , afin de
pouyoir réfiiier plus long-temps & avec plus de
force à la charge des terres & au roulement des
voitures. Sa largeur intérieure efl de 14 pieds ; en
plufieurs endroits elle fe divife en trois parties ,
dont deux pour les banquettes qui régnent le long
des murs, & la'troifième ou celle du milieu, pour
l’égout. Dans les murs font des taffeaux de pierre ,
deflinés à porter les principaux tuyaux de fontaine.
Les cloaques de Rome ont été avec raifon célébrés
par tous les hifloriens de l’antiquité, & mis
au nombre des merveilles de cette ville. Selon
Denis d’Halycarnafl'e, qui y vint fur la fin du
règne d’A u g u f le , trois chpfes contribuèrent à lui
donner une haute idée de la grandeur de R om e ,
fes routes, fes aqueducs & fes cloaques. Cafliodore,
ui yivoit en 4 7 0 , qui étoit préfet du prptoire fous
"héodoric , roi des Goths , & bon connoiffeur en
architecture, a v o u e , dans le recueil de fes lettres ,
Liv. v , épit. 33 , qu’on ne pouvoit rien comparer aux
cloaques de R ome , tant par la grandeur & l’utilité
de ces ouvrages , que par les dépenfes énormes
qu’ils dévoient avoir occafionnées.
L e foin & l’entretien des cloaques furent d’abord
confiés aux cenfeurs , enfuite aux édiles ; mais
les empereurs créèrent pour cet objet des officiers
particuliers, appellés curatores cloacarum, ainfi
que l ’apprend une infeription antique. ( Voye^
le diâionnaire d’antiquités ).
Il faut l’avouer avec Pline & les autres écrivains
de l’antiquité : rien n’a plus diflingué les Romains
que ces grands ouvrages d’utilité publique , dont
la magnificence l’emporte fans contredit fur le luxe
même prodigieux de leurs autres monumens. D e
fi grandes entreprifes ne peuvent s’expliquer que
par cet amour du bien général, par cet efprit pu b lic.
qui femble avoir été chez les Romains moins une
vertu qu’une habitude.
Quand le luxe & la richeffe des marbres ÿ
quand l’orgueil des plus vafles & des plus fomptueux
monumens fe déploient dans une ville où le befoin
& la commodité publics ont épuifé toutes les ref-
fources de l’induflrie , la raifon & la philofophie ne
fauroient qu’applaudir aux efforts & aux productions
des arts. Mais combien n’ont-elles point à
murmurer dans ces villes modernes, où l’on fait tout 1
pour le luxe ôc rien pour le befoin , où l’on a
des palais , clés portiques, des colonnades , & où
l’on n’a pas encore de rue s, où celles-ci du moins
fervent de cloaques & d’ égouts publics I
Voye^ au mot E g o u t , les notions générales &
les détails de conflruClion relatifs à ce genre d’édifices.
C L O C H E R , f. m. édifice ordinairement très-élevé,
dans lequel on fufpend les cloches. Il diffère du
campanile, en ce qu’il fait partie du corps d’une
églife , & que le campanile en èfl entièrement
féparé. (Voyc%_ C ampanile). H diffère de la tour ,
en ce qu’il le termine par une pyramide ou un toit
apparent, & que la tour finit par une plate-forme.
(V o y t^ T o u r ) . Saint-Roch, pourroit-on dire, a un
campanile : Notre-Dame a des tours: l’abbaye Saint-
Germain a des clochers. -
L e mot clocher vient du mot cloche. On fait
dériver celui-ci de clocca, mot de la baffe latinité ,
qui fignifie cloche, dans les capitulaires de Charlemagne.
& dans d’autres anciens ouvrages. On
donne à clccca des étymologies grecques , latines
allemandes , celtiques & faxonnes. V o ic i , félon
n ou s , les .meilleures : cloch , mot celtique : clugga ,
mot faxon. Notre choix efl incertain entre ces deux
étymologies , quoique du Cange ait adopté cette
dernière. D e clocca s c lo ch e, on a fait cloccarium,
clocher. Nous rejettons les étymologies grecques
& latines , étant convaincus que les Grecs & les
Romains n’avoient point de clochers ou lieux def- !
tinés aux mêmes ufages, d’où il efl aifé de conclure :
qu’ils ne connoiffcient point de cloches comme
nous en avons , puifqu’il efl impoffible de s’en fer-
vir fans les avoir d’abord fufpendues dans un édifice
quelconque : conféquemment les mots par lef-
quels on veut que les anciens, aient défigné leurs
prétendues cloches,1'ne défignent réellement que des
grelots ou fonnettes.
Ce s fonnettes étoient en ufage chez plufieurs
peuples dans leurs cérémonies facrées ; mais on ne
peut afiùrer en quel temps & chez lequel d’entre
eux elles furent inventées. Paulin, évêque de Noie
en Campanie , paroît être le premier qui ait emp
lo y é les fonnettes pour appeller les fidèles aux
offices. Jufqu’ à lui on les portoit à la main pour
s’en fervir : peut-être trouva-t-il l’art de les fuf-
pendre & de les perfectionner. Les noms de noies,
de camp ânes , qui leur furent donnés depuis par les
écrivains eccléfiaftiques , femblent prouver que ce
fut en Campanie que l’ églife les adopta d ’abord.
Elles ne commencèrent cependant a être ailleurs
en ufage qu’en 6 0 5 , 174 ans après la- mort de
P a u lin ,le papeSabinien, perfuadé dé leur utilité,
les ayant autorifées. Ce fut vraifemblablement dans
cet intervalle qu’ on fabriqua les premières -groffes
cloches , ou plus vraifemblablement encore , ce
fut de 605 à 610 , fi l’on fait attention qu’en 610
le fon des cloches de l’églife de Saint-Etienne de
Sens mît èn fuite Clotaire II & fon armée qui
venoient l’affiéger. O r , on ne peut fuppofer que
le fon de quelques fonnettes aient pu les épouvanter
à ce p o in t, ni' qu’ils aient pu ignorer .qu’il
exiflât de groffes cloches , fi elles avoient.été inventées
& mifes en ufage long-temps avant cette
époque: d’ailleurs, Clotaire les auroit introduites
dans fes" états, lui qui étoit fi zélé pour tout cç
qui conçernoit l’églife.
Nous obferverons ici que Sens efl une ville de
Champagne , & que cette province s’appelle en latin
Campania. Nous obferverons encore que les Grecs
. n’ont- connu les cloches qu’au neuvième fiecle ,
& que fi elles avoient été abfolument inventées
dans la Campanie , au temps de l ’évêque Paulin ,
il efl probable qu’ils en auroiént eu connoiffance
beaucoup p lu tô t, & les auroiént même plus généralement
employées.
La date de l’invention des cloches fera celle
des premiers clochers. Cette date ne remontant pas
plus haut que l ’an 600 , nous en conclurons que les
architeâes gothiques n’ont eu d’autres modèles pour
leurs clochers que ceux qu’ils trouvoient dans leur
imagination, & que c’efl dans ce genre d’ édifices
qu’il faut le plus étudier leur génie.
O n diflingué trois fortes de clochers : celui qui
efl placé fur le faîte du to i t , & qui n’efl foutenn
que par la charpente dont ce toit efl compofé';
celui qui commence à la chûte du toit , & qui
efl porté par quelques piliers intérieurs de l’églife ;
celui enfin qui s’élève de fond , c ’efl-à-dire , dont
on fuit la conflruélion depuis le fol jufqu’à la
cime.
Ceux de la première éfpèce fè rencontrent fréquemment
, & ils ont dû être exécutés long-temps
avant les autres , puifqu’ils étoient de grandeur
fuffifante pour contenir les feules cloches que l ’on
put d’abord avoir. Les mpntans & la pyramide
en font de b o is , revêtu de plomb. La plupart font
fort Amples , & ne font remarquables que par leur
lég ére té, leur pofition & le nombre de leurs c lo ches.
Parmi les plus ornés , on cite celui de la
' Sainte-Chapelle de Paris. O n y voit en effet des
foleils, une couronne‘& divers omemens do ré s'
mais cet ouvrage efl moderne , le toit de la
Sainte-Chapelle ayant été entièrement confumé en
1630. Ces clochers appartiennent à l’art du charpentier
autant qu’à celui de l’architeéle ; mais maintenant
, lorfqu’on en confirait de même grandeur ,
on ne leur donne plus la même forme, puifqu’su
lieu de les terminer en pyramide , on les termine
par une calotte dont le goût doit fixer l’élégance
& les proportions.
Les clockers de la fécondé efpèce , paroifîant
fortir d’un coin de l ’édifice, n’offrent qu’une maffe
irrégulière & importune à l ’oeil, qui cherche en
vain fur quelle bafe elle efl'fondée. Une fordide
économie & l’ignorance de l’art femblent, plutôt
que le befoin , ' avoir préfid éà leur confirn&iôp*