
A R C H IT E C T U R E R O M A IN E , ( Voye^ R o -
.Maine A rchitecture.
A R C H IT E C T U R E T U R Q U E , {Voye^ T urque
A rchitecture.
A R C H IT R A V E , f. m. du grec ctpxo? principal,
6c du latin frataspoutre.
C ’eft le nom qu’on donne à la principale poutre
<jui porte horizontalement fur les colonnes , & qui !
la it une & la première des trois parties de l’entable- -j
ment. On nommeaufli Y architrave , epijtyle du mot
latin epiftylium fait du grec ru A es fu r ,■ & g xi colon- i
ne. (V o y e z entablement.)
Cette partie de l’architeélure eft une de celles dont
i l eft très-important de bien connoître l’origine, pour
lu i conferver le caradrère de force qui fatisfait l’oe il,
& afsûre aux parties fupérieures de l’édifice toute leur
foliditë. U architrave e f t , en quelque fo r te , le. fondement
de la tête de l’édifice.
Il eft trop v ifib le , & par4’étymologie du m o t,
& par l ’ordre naturel des chofes , que l'architrave ,
dans les édifices de pierre , eft la repréfentation des
fommiers , ou poutres de b o is , dont l'architecture
grecque conferva la reffemblance, pour quenous-nous
arrêtions à prouver ici ce que perfonne ne fauroit
raifonnablement contefter. ( Voye^ ce que nous avons
dit au mot architecture.
Le s anciens n’employèrent, en général , qu’ une
feule pierre , d’une colonne à l’autre , pour la con-
ftruétion de leurs architraves. L a facilité qu’ils avoient
de faire entrer des marbres ou des pierres très-dures
dans leurs édifices, fervit à donner à leur architecture
»ne folidité aulfi réelle qu’apparente. L ’ufage. de ces
architraves monolithes les mit dans le cas de ferrer
leurs entre-colonnemens , & de leur donner cette
âpret'e, d’où réfulte le plus grand effet de leur colonnades
& de leurs périftyles. C ’eft encore à cela qu’on
doit attribuer cette grandiofité & cette faillie prodi-
gieufe des chapiteaux grecs dans le dorique : elles
avoient pour objet de diminuer la portée des architraves.
Cependant il eft faux , comme fon t prétendu les
modernes , que c’ait été par ignorance de la coupe
des pierres, & des nouvelles méthodes en ce genre
que les anciens ayent conftamment fuivi la première
pratique. A l’un des plus anciens édifices de Rome
a u capitole, on voit encore la partie inférieure d’un
architrave, à laquelle pendent ce qu’on appelle les
gouttes , avec huit chapiteaux doriques. L ’elpace qui
eft entre deux de ces chapiteaux , prouve qu’il en
manque un 5 & , autant qu’on peut le préfumer par
l ’architrave , il doit y en avoir eu feize. Cette face
ehitrave eft faite de petites pierres de deux palmes
chacane , ïefqüëls , dit Winkelmann, font taillées
de la même manière qu’on le feroit aujourd’hui en
pareil cas. Un exemple à peu près fémblable fe rencontre
dans l’édifice des Tutelles à Bordeaux à en
|uger du moins par le deffin que Perrault nous en a
confervé. C e monument, qu’on croit avoir été bâti
peu de 'terni après Augufte , fut détruit le fiècle dernier
: on y voyoit un architrave , dont la conftruétion
étoit compofée d’un fommier pofé fur chaque colonne,
& d’un claveau au milieu , appuyé par les deux fommiers.
Ces deux exemples doivent fuffirepour jufti-
fier les anciens d’ignorance à ce fujet 5 & prouvent
que , s’ils fuivirent habituellement l’autre méthode ,
ce fut parce qu’elle offroit une plus grande folidité.
Les plus anciens monumens nous préfentent encore
une autre manière de conftruétion dans leurs architraves
, & dont l’heureufe difpofition a plus qu’aucune
àutre, cpntribué à la confervation des édifices où elle
fe trouve. Au x temples de Pæftum & de Ségefte , à
ceux de la concorde & de Junon Lucine à Agrigente ,
les architraves font formés de deux grandes pierres
| pofées de champ , ou fur leur longueur, & l’une par
: derrière l’autre, qui forment conjointement l’épaiiTeur
du mur, & portent enfemble fut deux colonnes. La
figure 18 .des planches relatives à la conflruftion, fait
voir l’arrangement en plan de ces pierres à'architrave.
On voit aux angles faillans du temple, qu’elles font
liaifon à l’extérieur, & qu’à l’intérieur elles forment
un onglet. C e genre de cpnftru£tion tenoit à ce fyftême
général de folidité , qui embraffoit chez les anciens
autant l’avenir que le préfent. C ’étoit une des maximes
de la conftruftion antique -, de divifer & de
difpofer tellement les. principaux membres de l’architecture
, que , bien. que dépendans les uns des
autres , l’un pût cependant être endommagé, fans
entraîner pour cela la ruine du tout. Il faut attribuer
à la pratique de cette maxime la confervation
de ce grand nombre d’édifices antiques qui fubfiftent
encore aujourd’hui. L ’on en fent toute l’utilité pour
les temples que nous avons cités plus haut : car quelques
unes des pierres de l'architrave ayant manqué ,
elles n’ont point entrainé la ruine de la frife ^ ni de
la corniche qui n’ont pas laiffé de fe foutenir; ce qui
ne feroit pas arrivé fi l'architrave eût été d’un feul
morceau : car tout l’entablement feroit tombé avec
lui 5 & ces beaux monumens n’exifteroient plus. A
Rome , cependant, les architraves, dans prefque tous
les monumens antiques, font formés par une féule
pièce de marhre , ainfi qu’on le voit au Panthéon,
aux temples de la fortune v ir ile , de la concorde ,
d’Antonin, de Fauftine, de Jupiter ftator , de Mars
' vengeur, de Jupiter tonant.
Dans les pays modernes, où la privation de marbres,
& le peu de dureté des pierres ne permettent
point les architraves monolithes , on a cherché à y
fuppléer par les plate-bandes à claveaux. Les architraves
ainfi conftruits fe compofent de plufieurs pierres
qui fe foutiennent mutuellement par leur coupe, en
forte qu’elles forment enfemble une voûte plate .5 & ,
comme ces voûtes ont beaucoup de pouffée, on a
imaginé plufieurs moyens pour les entretenir. ( Voyez
plate-bande. ) L ’ufage d’accoupler les colonnes a introduit,
fur-tout en France, cette méthode de conftruc-
tionP elle s’y trouve même nécelfitée par la grande étendue
qiie les entre-colonnemens exigent des architraves,
dans cette vicieufe difpofition de colonnes. Cette
méthode a été pratiquée au Val de Grâce aux Invalidesj
& Perrault, avec beaucoup d’armatures de fe r , en a
fait ufage avec fuccès au périftyle du Louvre. On vient
d’en donner un plus frappant exemple encore aupériftyle
de la nouvelle églife de Ste Géneviéve : par de nouvelles
combinaifons, des ligameiis de fer, & en évui-
dant encore les claveaux pour en diminuer le poids ,
on prétend l’y avoir portée à fa plus grande perfection.
Le tems & l’expérieiice de plufieurs fiècles
peuvent feuls apprendre le degré de confiance qu’on
doit avoir dans ce genre de conftruétion.
'Nous nous permettrons feulement une remarque
de goût au fujet des architraves à claveaux : dans
plufieurs édifices où ils font employés, il femble qu’on
ait cherché à rendre vifible l’artifice de leur conftruc-
tion , & qu’on fe foit plu à ën laiffer briller l’appa-
r e i l,fo it en lui confervantfa pureté, foit même en le
marquant d’une manière plus diftinétive encore. Cepen-
. dant il eft -confiant que cette méthode de conftruire
n’a d’autre objet que de remédier à l’infuffifance des
matériaux , & de réparer par les reffources de l’att
les refus de la Nature. Dès lors , telles brillantes qu’on
puiffe fuppofer ces reffources, l’oftentationqu’on en
fait diflîmule mal ; l ’indigence de meilleurs moyens
auxquels ils fuppléent, & 11’eft qu’une mal-adreffe de
l’art. L ’oeil ne voit pas fans regret cette multiplicité
de parties remplacer un tout folide & intègre qu’elles
doivent repréfenter. L ’efprit qui les décompofe n’y
apperçoit qù’un affemblage dont il calcule la durée,
& dont il prévoit la ruine. L a colonne même, dont
la folidité fait le principal caractère , femble demander
entre l'architrave & elle, un accord de nature, &
une cqnformité de rapports, que ce genre de con-
ftruétion fait difparoître. h 'architrave enfin, morcelé,
& fubdivifé d’une manière trop fenfible en tant de
petites parties , perd, au moins quant à l ’apparence,
l’idée de folidité & de continuité qui doit en être
l’effence-j & il dément, en quelque forte, fon origine.
D ’après cela, il femble que , lorfqu’on eft obligé de
mettre en oeuvre cette fupercherie de conftruélion ,
l’on devroit en cacher le fecre t, foit en faifant difpa-
roitré avec foin par un poli exaét tous les joints des
claveaux , foit en les mafquant par de grandes dalles
depierre quiredomieroient a.Y architrave l’air de continuité
qui lui eft fi effentiel.
L a forme de l’architrave varie fuivant les différens
ordres : au T o fc a n , ou Dorique , il ne doit avoir
qu une face toute pleine ; cela eft plus conforme au
caractère de force attribué à cet ordre, & à cette
maxime invariable de l’architeélure, que la multipli-
cité des parties détruit l’apparence de la grandeur. •
U eft ainfi qu en usèrent les Grecs dans tous leurs
temples doriques, où l'architrave domine, & fe trouve
prononcé avec la plus grande énergie. Aux temples
, hauteur eft fupérieure à celle de la
, e % & Ion efPace n’eft divifé par aucune partie. . On
la retrouve conformée de la même manière aux ternîtes
doriques d’Athènes de la Sicile , ainfi qu’au
théâtre de Maïcellus à Rome où cet ordre a con-'
fervé encore , par la fuppreffion des bafes, fon'ancien
& primitif cara&ère. M a is , dans un édifice dorique
découvert à Albano par Pirro Ligorio , l'architrave
fe trouve divifé en deux bandes ou faces, dont l’inférieure
eft moindre que la fupérieure, & en eft fépa-
rée par deux petites moulures. A u x thermes de D io clétien
, la moulure qui fépare ces deux parties eft'
ornée d’un ruban 5 ce qui s’éloigne entièrement de
l’efprit de cet ordre, lequel ne doit tirer fa beauté
que de fa force & de fa mâle proportion. Ch am-
bray accorde qu’on puiffe introduire deux faces dans
, l 'architrave dorique , pourvu qu’on ne pafle pas jufé
qu’à trois comme dans les autres ordres , ce qui, dit-
il , feroit une faute notable , & introduiroit la confusion
entre les ordres. L ’on peut affirmer cependant
que cette première licence, qui peut en entraîner d’au-
1 trè s, eft aufli dangereufé en elle-même , que contraire
au véritable efprit de l’ordre dorique.
Vitruve s’étend peu fur les mefures de l'architrave
^dorique : fa hauteur totale , d i t - i l , ainfi que celle-
de fa plate-bande, ( c ’eft ainfi qu’on traduit le mot
taenia , qui en grec & en latin veut dire bandelette)
avec les gouttes doivent être d’un module : la plate-
bande doit avoir la feptiéme partie d’un module : les-
goutes fous la plate-bande , au droit des triglyphes
avec la tringle, doivent prendre la lixiéme partie d’ua
module i la largeur du deffous de l'architrave aura celle
du haut'de la gorge de. la colonne.
V o ic i les règles que donne Vitruve pour la pro-*
portion des architraves Ioniques : « L a mefure des
» architraves doit être telle que , fi la colonne eft du.
»3 moins de douze à quinze pieds , qn donne à Yar-
»3 ehitrave la hauteur du demi-damètre du bas de
« la colonne. Si elle eft de quinze à v in g t , on divifé
33 la hauteur de la colonne en treize parties , afin
' >» d’en donner une à Y architrave. De même, fi elle eft
» de vingt à vingt-cinq, que cette hauteur foit divisa
fée en douze parties & demie, dont on donne un©
33 à Y architrave. Si la hauteur de la colonne eft de
33 vingt-cinq à trente pieds , on la divifé en douze.
33 parties & Y architrave en a une. Celu i-c i doit avoir
33 dans fa partie inférieure, qui pofe fur le chapiteau,
33 la même largeur que le haut de la colonne a fous
33 le chapiteau j & le haut de l'architrave doit être
33 aufli large que le bas de la colonne. L a cymaifé
33 de Y architrave doit en avoir la feptiéme partie , 8c
s» fa faillie doit être égale à fa hauteur. Le refte fe
33 divifé en douze parties dont il faut donner trois
33 à la première bande , quatre à la féconde , & cinq
33 à celle d’en haut. 33
L 'architrave Ionique fe divifé en trois bandes ou
faces qui vont en augmentant de hauteur l’une fur
l’autre i/en forte que celle de deffous eft la plus étroite.
Celle de deffus eft furmontée d’une moulure en forme
de cymaifé , & d’une baguette qui la féparent de la
frife. Ces faces ne font pas toujours perpendiculaires r
quelquefois elles fe trouvent inclinées. Cette forme
d'architrave fe voit dans prefque tous les édifices
antiques, comme au temple de Minerve Poliade ^