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fa chute dans l’aqueduc , forme un courant auquel
on a de la peine à réfifter. Les maffes énormes
du mur & des voûtes en paroiffent ébranlées ;
auffi appelle-t-on voûte d’enfer ce paffage par lequel
les eaux s’échappent. On a foin , tous les
ans , de mettre à fec le baffin de Saint Feriol dans
le mois de janvier , pour le nettoyer & en réparer
les murs. La rivière de Sor fournit allez d’eau pour
la navigation pendant l’hiver & le printemps : ainft
l’on a le temps de faire les réparations, qui font
achevées dans le mois de février, & de remplir
enfuite le baffin avant le mois de juin.
Ce que la rivière de Sor fournit pendant les
fis mois de l’hiver, eft évalué à quatre meules
d’eau ; on appelle dans le pays une meule d’eau,
le volume qui fort par une ouverture de huit pouces
de large fur fix de hauteur > avec une charge de
huit à neuf pieds de hauteur ; ce qui fuffit ppur
faire tourner un moulin.
Quand on met le baffin à fec pour le réparer,
on peut le vuider en huit jours : mais il faut un
mois pour le remplir, & fouvent deux mois ; il
y a même des années fèches où l’on ne parvient
pas à le remplir, la rigole de la montagne ne
Fourniffant pas affez. Ordinairement, vers la fin
de novembre, ou au plus tard à Noël, on n’a
plus befoia pour ce. canal des eaux de ce baffin ,
car la rigole de la plaine fuffit, à caufe des pluies
de l’hiver, depuis le mois de décembre juf qu’au
mois de mai.
Pour mefurer la hauteur de Peau dans le baffin,
en a conftruit, fur les deffins de M. Garipuy ,
une pyramide de foixante-fept pieds de hauteur ;
depuis foixante-trois jufqu’à cent pieds , on fe fert
du mûr de la chauffée.
Quand on vuide le baffin par les robinets, on
obferve qu’il s’ahaiffe atfez uniformément parce
que les branches horizontales deviennent plus petites
, à tnefure que la preffion verticale & la
yîteffe diminuent.
La fuperfiçie de la branche fupérieure des eaux
du baffin .de Saint-Ferriol étoit de cent quatorze
mille toifes q narrées en 1684, fuivant le procès-
verbal de M. d’Agueffeau : mais alors le réfer-
voir n’étoit pas plein : aujourd’hui , lorsqu’il eft
plein, cette furface eft de cent foixanre-quînze
mille, toifes, fuivant les mefures prifes en 1-769
par les foins de M. Garipuy.
Lorfque les réparations du canal font achevées
, & qu’on veut le remplir, on ouvre les
robinets de Saint-Ferriol, & dans l’efpace de dix
jours le canal eft rempli, fans que l’eau foit abaiffée
dans le baffin de plus de dix pieds, pour peu que
la rigole de la plaine fourniffe d’eau. G’eft ordinairement
depuis le 2.0 feptembre jufqu’au 4 octobre
que le canal fe remplit. Le baffin peut fuf-
fire , non fe-lement à remplir le canal, mais à
l’entretenir pendant trois mois, fuivant l’opinion
des directeurs.
S* l’on ne compte que la dépenfe journalière
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des éclufes, on voit que le baffin contient de
quoi en remplir neuf mille trois cens quatre-vingt-
dix , ou quarante quatre par jour pendant fept
mois : o r , pour faire defcendre. deux barques en-
femble, il ne faut que l’eau d’une feule éclufe
qui accompagne les barques de baffins en badins
pour les faire remonter. En fnppofant qu’elles
paflent clix éclufes en un jour , il faut remplir
dix baffins ; ainfi , onze éclufes remplies , fuffifent
pour deux barques , & les quarante-quatre éclufes
pour huit barques.
Il pourroit donc paffer huit barques par jour
pendantlepr mois, avec la feule dépenfe du baffin
de Saint-Ferriol, en fuppofant que la rigole de
la plaine ait fuffi pour le remplir ; c’eft, plus., qu’il
ne faut pour le commerce aétuel du canal.
Dans l’état préfent de la navigation & du commerce
du Languedoc, il y a autant d’eau qu’il en
faut : cependant on pourroit en manquer, fi l’on
avoit à faire paffer des barques tous les jours :
mais il n’en paffe communément que trois ou
quatre , quelquefois point du tout ; & fi les paf-
fages augmentent, on en fera quitte pour envoyer
à Saint-Ferriol, & faire tenir les robinets ouverts
plus long-temps que dans l’état ordinaire. Si le
commerce au gm en toit quelque jour , on . pourroit
auffi trouver dans la montagne noire une plus
grande quantité d’eau.
Indépendamment du baffin de Saint-Ferriol &
de la rigble de la -plaine, il y a encore quatre
prifes d’eau, qui fourniffent au.'canal du coté de
la Méditerranée : la plus confidérable e.ft celle de
Cette , près du Sommai!, à quinze milles de Béziers
j la fécondé eft celle d’Orviel, près de Tubes,
à quatre milles deCarcaffonne, du côté de l’orient ;
la troifième eft celle d’Oignon, à neuf milles ai*
delà de Cette ; la quatrième , qui eft du Fref-
quel, trois-milles au-delà d’O rv iel, eft la moins
confidérable de toutes : on y recevoir autrefois
beaucoup de t-orr.ensqui enfabloient le canal, &
l’auroient rendu peut-être inutile. Ce fut M. le
Maréchal de Vauban qui remédia à cet inconvénient
, comme nous l’avons d it , & qui, eut la
gloire de procurer à ce fameux canal le degré de
perfeâion où il eft aujourd’hui. ( Foye^Belidor,
tome IV , page 365.).
Mais depuis Nauroufe jufqu’à Touloufe d’un
côté, & jufqu’à Carcaffonne de l ’autre, il n’y a
plus de prife d’eau; les rigoles. & le baffin fuffifent
pour fournir à la navigation..
Après avoir parlé dès principaux objets qui
rendent le canal remarquable, il me refte à le
parcourir dans toute fa longueur, pour infifter fur
différent détails qui méritent d’être connus.
En reprenant le canal par l’orient ou par h
Méditerranée , on y entre en. fuivant l’étang de
Thau , qui a trois lieues, de long : c’eft une partie
de mer peu profonde, bordée par des fables &
des atterriffemens : cet étang eft le plus grand &
le plus profond de ceux qui régnent le .long de
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la côte méridionale du Languedoc, depuis Aigues-
mortes jufqu’à Agde : ils communiquent tous entre
eux par des canaux : on a fait auffi des branches
Je canaux, qui vont de Maguelonne, de Lunel
& d’Aigues-mortes jufqu’aux étangs ; & la province
en commence un de trente milles, depuis Beaupré
jufqu’à Aigues-mortes. On a fait des digues
& des chauffées même au travers de l’étang de
Thau , fur une longueur de trois milles , pour diriger
la navigation , faciliter le tirage, & garantir
les barques des coups de mer qui fe font fentir
encore quelquefois même dans ces lagunes. ^
L’étang finit à trois lieues de Cette , du coté
d’Agde ; & c’eft-là que commence le canal de
M. Riquet, à l’extrémité occidentale de l’étang:
La partie, du canal qui avance dans l’étang eft
bordée par des jettées en pierre , comme les autres
canaux creufés dans les étangs ; & l’on fe propose
d’élever, à l’extrémité de la jettée , une pyramide
pour fervir de monument à cette fameufe
entréprife. '
Après qu’on a quitté l’étang de Thau , & quon
a fait quatre milles dans l’intérieur des terres en
fuivant le cariai 9 on arrive dans la riviere d Hérault
, un peu au-deffus d’Agde ; & l’un defeend
cette rivière d’environ fix cens toifes , jufqu à
l'éclufe ronde , qui eft un des ouvrages remarquables
du canal, à quatre mille huit cens foixante-
trois toi-fes de fon embouchure dans l’étang de
Thati.
L’éclufe ronde eft un baffin en maçonnerie, de
quatre-vingt-dix pieds de diamètre , & qui a trois
ouvertures de vingt T^ds chacune. Les ouvertures
font fermées par des portes bufquées, capables
de foutenrr le poids & l’effort de l’eau, & de
la diftribner à l’orient, à l’occident ou au midi.
Les portes de l’orient vont au canalet haut, du
côté de la rivière d’Hérault, dont le niveau eft
ordinairement le plus élevé ; & par cette raifon,
il y a dé ce côté-là des portes contre-bufquees ,
pour fou tenir l’eau alternativement dans les deux
fens.
Les portes de l’occident vont au grand canal
du côté de Béziers , dont le niveau ^ft plus-bas
que -celui de la rivière ou du canalet haut ; enfin ,
les portes du midi regardent du côté tfAgde, &
s’ouvrent dans le canalet bas , dont le niveau eft
le plus bas des trois niveaux de l’éclufe. ronde ,
à caufe de la pente de l’Hérault : il eft d’environ
cinq pieds au-deffous du canalet haut. Le moulin
qui barre la rivière entre les embouchures de ces
deux canaux-, a néceffité la forme de cette éclufe
ronde, qui eft fort ingènieufe : on en trouve là
defeription dans l’architeéture hydraulique de Be-
lidor, tome IV, page 410. La rivière d’Hérault
fe jette dans la mer, à deux milles d’Agde, à trois
milles de l’éclufe ronde, où paffe une rivière ap-
pellée Libron , qui a long-temps incommodé la
navigation du canal, fur-tout par la quantité de
fable qu’elle charrie dans fes crues, & qui engor-
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geoît une demi - lieue du canal. On y a fait, en
1767, un travail fort curieux : c’eft ce qu’on appelle
le radeau du Libron.
On a conftruit le long du canal deux murs de
douze toifes de longueur, fans compter les épaulemens
qui les terminent. Le couronnement qui
eft _au niveau des eaux du ca iia lfert-de radier
à celles de la rivière. La hauteur des épaulemens
furpaffe celle des plus grandes crues.
Ces murs , qui paroiuent parallèles, font cependant
éloignés de vingt pieds par une de leurs extrémités,
& de-dix-neuf pieds feulement de l’autre.
On a ménagé à l’arrête intérieure des deux radiers
une feillure d’un pied en quarrê ; elle fert à recevoir
un radeau d’environ feize toifes de longueur,
qui porte près de chacune de fes extrémités une
forte de parapet'auffi élevé que les épaulemens
.du radier, avec lefquels il fe rapporte, enforte
que ce radeau forme un conduit perpendiculaire
au canal. Ce radeau eft fait en coin, comme l’ef-
pace deftiné à le recevoir, afin qu’il le rempliffe
plus exactement : cependant on a ajouté des volets
à charnières au radier de l’avenue des eaux, pour
achever de fermer tous les joints entre la maçonnerie
& le radeau.’
Le radeau eft ordinairement dans une petite gare
ménagée au bord du canal, tout près de l’ouvrage,
& au-devant d’une maifon conftruite pour le logement
de deux gardes. Dès qu’on s’apperçoit que
la rivière groffit, ces deux hommes mettent fe radeau
à fa place; il y. forme comme une gou-
tière, dans laquelle paffent les eaux du I ibron
avec les fables, pour fe rendre à la mer. Dès que
le torrent n’entraîne plus de fables-, on retire le
radeau , pour laiffer paffer les barques. Les crues
ne font pas ordinairement de longue durée.
Les épaulemens d’amont & d’aval font percés
chacun par un épanchoir deftiné à baiffer les eaux
de la rivière & du canal, pour les empêcher de
' paffer par-deffus le radier, lorfqu’elles pourroient
y caufer du dommage. Ceux d’aval fervent encore
à enlever, par un manoeuvrage, le peu'de
fable fin ou de limon qui peut s’échapper par les
joints du radeau, & tomber dans le canal: ^
On a eu foin auffi de pratiquer à chaque épau-
lement des rainures verticales , dans lefquelles
on fait entrer des planches pour fermer des batardeaux
au befoin.'
Cet ouvrage g qui eft'auffi fimple qu’ingénieux,
a coûté plus de 80600 11 v. à MM. les propriétaires,
fans compter les frais de changement du
lit dû Libron , qui ont été faits par la province,
pour l’aligner & y amener d’autres ruiffeaux. O11
retire le radeau dès que le torrent diminue : deux
hommes fuffifent pour le retirer de fa remife, ou
il eft à flot, & le conduire à fa place ; ce qu’on
eft obligé de faire tous les jours dans les temps
de pluies & de débordemens, qui durent quelquefois
une femaine.
Oa obferve que la chute des eaux du canal vers f e