
routine & en métier ce qu’elles peuvent comporter
d ’a r t , de goût & de génie.-C’eft ici qu’on peut dire,
avec Pétrone , de ce genre de peinture......Exitum kabuit
pojlquàrn Ectyporumaudacia, tam magna artis com-
pendiariam invenu. O n ne doit donc point efpérer
de le voir arriver ici au degré de perfection qu’il eut
a tte in t, s’il eût pu exercer l’imagination & la main
de nos plus habiles artiftes.
Eft-ce un m a l, d it-on , & faut il le plaindre' ou
regretter qu’un genre employé , mais condamné par
les anciens , n’ait obtenu en France , ni l ’eftime ,
ni le crédit dont il femble fi peu digne. O u i , fans
doute j ce mépris feroit louable , s’il réfultoit de la
fageffe & de la tempérance d’un goût oppofé à toute
efpèce d’excès. La nation qui proferiroit Y Arabefque,
par de telles raifons, donneroit de fon jugement la
. plus haute idée. Mais feroit-ce donc le proferire que
de le rendre encore plus vicieux ? Puifqu’on l’employé
en France , qu’on y trouve du plaifir, qu aucune
nation même ne femble plus faite pour en
goûter les variables légèretés , que fignifieroit ce mépris
inconféquent & a f fe â é , qui chercheroit dans le
vice du genre, une exeufe à celui de fon exécution
?
A u re fie , il paroît difficile de renoncer entièrement
au genre Arabefque. L a févérité de goût qui
le proferiroit aujourd’hui feroit peut-être outrée. Les
arts comme les moeurs veulent des loix proportionnées
à la ppflibilité de les exécuter. N e feroit-ce
point compromettre l’autorité des règles que de là
Faire fervir à la prohibition d’un genre qui fauroit
toujours - en éluder la force ? Pourroit-on fe flatter
de ramener à l’auftérité antique du g o û t , Y ornement,
cette partie de l ’art dans tous les teins la moins fuf-
ceptible de fubordination, & dont nous avons prouvé
jque f Arabe [que fut l’abus ? Si Pline & Vitruve ne
purent -en défabuferdes Romains, devons-nous croire
les yeux d’aujourd'hui plus faciles à guérir , ou nos
xonfeils 8c nos reproches plus efficaces que ceux de
ces deux grands hommes.
C e n’eft donc point à bannir Y Arabefque de nos
décorations intérieures, qu’il faut employer l’inutile
févérité du raifonnement. I l vaut mieux chercher à
en éclairer les principes, à en diriger la marche ,
à en réprimer les excès , à indiquer le véritable &
-judicieux emploi qu’on doit en faire.
Sans vouloir exeufer ce qu’un pareil genre a de
vicieux, ce que la faine raifon peut y trouver d’exceflif,
on peut dire cependant en fa faveur , que, fi la peinture
eft l’imitation de là Nature , Y Arabefque eft
une imitation des caprices aflez fréqu'ens de la Nature.
L ’homme, fans doute , aime la vérité-5 mais il Ce
complait aufli , fouyent dans les fongés. Les fonges
fo n t , pour ainfi parler, les grote'efques de la vie humaine.
Si les combinaifons fortuites du fommeil pro-
duifent encore quelque plaifir lorfqu’on fe les rappelle
, pourquoi fe refuferoit-ôn entièrement à celui
gue peuvent procurer les rêves pittorefques de l’imagination
î On fent bien qu’en envifageant Y A ra bef
que comme un affemblage de fonges , le projet de
lui donner des loix fixes & certaines, feroit un rêve
lui-même.
Si jamais on parvient à en donner à l’ornement
& à la décoration , fi l’on arrive à déterminer les
règles pofitives , & les limites qui doivent en affûter
le goût & en circonfcrire l'emploi , Y Arabefque modifié
par leur analogie , pourroit en acquérir jufqu’ à
un certain point. En attendant, on ne fauroit lui en
propofer d’autres que les exemples accrédités & choi-
ns de l’antique & des grands maîtres. C ’eft dans les
thermes de T i t e , dans les chambres d’Herculanum
& de Pompeii, dans les grottes de Naples & de Pouz-
z o l , dans les riches imitations de Raphaël, de Jules-
Romain, de Polidore , de Jean de Udines , qu’une
imagination vive , & fobre à la fo is , difeernera les
principes de goût dont Y Arabefque eft fufceptible.
C ’eft dans quelques-unes de ces compofitions qu’un
efprit jufte 8c délicat, faura dévoiler ces convenances
fines , ces bienféances légères qui échappent à la
théorie , & que le langage fi imparfait des arts ne
fauroit exprimer. On peut dire , en général, que la
fymétrie, l’élégance des formes, le choix agréable
des objets , la légèreté non exceffive dans l’agencement,
font les points fur lefquels on peut appuyer
l’art de Y Arabefque. Leur convenance avec les lieux
où ils s’emploient, leur rapport avec les décorations
dont ils font partie, doivent guider ces fortes d’écarts.
Enfin, comme ce genre eft uniquement de convention
, il faut tâcher d’adopter, eh y travaillant,
non pas les conventions excefîives qui n’exiftent qu’un
moment, mais celles qui par quelques points au
moins tiennent à la raifon , & fe raprochent de la
Nature,
L 'Arabefque doit être conféquent dans fes incon-
féquences, vrai dans fes invraifemblances , fage dans
fës folies. : c’ eft à dire qu’il doit avoir au moins
une fuite , une règle dans fes caprices, telle , que
l’union de chofes poflible? & de chofes impoflibles,
n’y faffe pas fentir des contraftes trop frappans.
L 'Arabçfque veut être traité en petits objets. Une
trop grande proportion lui fait perdre tout fon efprit,
& le prive de tout fon charme. Ainfi les jeux & la
gaieté folâtre qui plaifent dans l’enfant, rebutent dan?
l’homme fait. Le même fentimept s’éprouve à la vuç
de Y Arabefque exécuté en grand. Il acquiert alors
une prétention à la réalité, qui choque l’imagination ,
fans la réjouir. On ne veut plus fe prêter à une
illufion , q u f fe dément eh quelque forte elle-
même , 8c détrompe, fi l’on peut dire , avant d’a voir
féduit, Les grâces naïves , la molle fou-
plefle , ce charme enfantin d’ un badinage innocent
& facile , enfin ce qui peut faire pardonner à
ce genre fes caprices en faveur de l’agrément qui les
accompagne, tôut cela difparoît dans ces lourdes
& mauflades compofitions où Y Arabefque fort de la
mefure & de la proportion qui lui conviennent. C ’eft
ce dppt on peut fe convaincre en jettant les yeux fuç
plufieurs
plufîeurs décorations de cette forte qu’on voit à Rome,
& fur-tout à la grande falle du rez-de-chauffée de
la Villa Borgkefe. Les compartimens Arabefques qui
S’ y trouvent dans des dimenfions exagérées, quoique
d’ailleurs bien exécutés, nè caufent que des fenfations
pénibles : leur lourde gaieté fatigue. Ces raifons,,
fans doute , fe fentent mieux qu’elles ne peuvent
s’exprimer. Mais enfin qui connoît le fecret des arts
& les nuances itifenfibles des préceptes du g oû t,
comprendra que les jouets de l ’enfance ne doivent
pas foitir de la proportion analogue à cet âge.
C e f u t , fans doute , pour établir un jufte accord
entre la grandeur du lo'cal , & celle de la décoration
qu’on prit le parti d’augmenter la proportion
de Y Arabefque. On comprit aufli que bette multitude
d’ objets qui le compofent, traitée en petit, devien-
droit inviuble , & fe perdroit dans l’immenfité d’un
vafte intérieur. Tels furent les motifs de cet accroiffe-
ment de proportions dans Y Arabefque. I l femble
d’après cela qu’il eft facile d’établir un principe de
goût qui peut devenir général fur cette matière : c’eft
que Y Arabefque ne doit s’employer que dans les petits
endroits , & qu’ il ne convient qu’aux cabinets ou
aux pièces d’une moyenne grandeur. Placé dans de
plus vaftes.fcèiies , il y perd tout ce mérite de détails
qui gagnent à être vus de près, & cette efpèce
de vraifemblance qu’on ne lui contefte pas , en petit,
fans pouvoir jamais ' arriver à la convenance , à
l’harmonie 8c à ces juftés rapports qu’exige la décoration
des grandes pièces. Aufli le voyons nous toujours
exécuté en petit dans les peintures antiques , &
prefque toujours refervé pouf l’embellifièment des
petits endroits. Si l’on nous objedre les vaftes faites
des thermes , nous répondrons que les grands partis
dans lefquels il entre , font plutôt des décorations
d ’architeélure que d'Arabefque. D ’ailleurs les exceptions
qu’on pourroit cite r, feroient moins la preuve
du gout des anciens, que de la vérité du principe
qu’on cherche à établir.
L ’Arabefque ne doit point paroître dans tous les
lieux qui exigent de la gravité , & qui doivent infpi-
rer le refpeét. Il y offnroit une bigarure de fujets
difeordans , & d’objets incompatibles avec de tels
fentimens. C ’eft , comme on l’a dit , dans les petits
appartemens qu’il peut déployer toutes fes reflour-
ces tel eft le théâtre qui lui convient,. C ’eft là q u e ,
par d’ingénieufes fuppofitions, il trouvera l’emploi
des motifs les plus variés & les plus analogues à fes
moyens. L ’allégorie lui en fournira d’inépuifables en
métamorphofant chaque p iè c e ,*& la dédiant à la
Divinité qui préfîde à Ion ufage. Les emblèmes divers
.du-fommeil, d’A po llon , de.Bacchus , des Mu-
fes , &c. Les plantes qui leur font co'nfacrées , leurs
attributs, les animaux, les o ifeau x, lès infeéles qui
ont rapport a chacun de ces dieux , doivent figurer
féparément & diftinélement dans chaque pièce , indiquer
le fujet dominant, & le caraétère propre du
local dont ils expliquent ainfi la deftination.
Les décorations Arabefques ont l’avantage de pou-
ArchiuUure, Tome / ,
voir s-accommoder à l’irrégularité des pièces , & à
leurs difproportions. Il eft rare qu’entre les mains d'un
artifteintelligent, elles ne parviennent pas à fauver les
difparates de forme les plus défagréables. On peu t,
avec Y Arabefque décorer heureufement telle furface
que ce foit. Si la hauteur n’a point la proportion
convenable, on peut la fubdivifer tellement qu’on eit
rétablit le rapport avec fa largeur. Si de même la
pièce, eft trop longue pour fa hauteur, on remédie
à. cet inconvénient, en divifant fa longueur fuivant
la proportion preferite par les plus petits efpaces ,
qui donnent celle des pilaftres , frifes' & panneaux.
Ces derniers fe rempliflènt , ou par dès étoffes
figurées , ou par des formes rondes , ovqles ou
quarrées qui reçoivent des tableaux attachés avec
des rubans d’efpace en efpace , ou par des draperies
qui forment des plis à chaque endroitdes attaches ,
ainfi qu’on en voit dans les peintures antique?. On
réuflît, par ces moyens, à corriger l’ irrégularité des
proportions , & à rétablir la fymétrie dans les pièces.
Les efpaces vuides permettent alors d’y placer des
montans d’ornemens de feuilles, fleurons, tigétes, & c.
foit en peinture , fo it en fculpture.
C ’eft particulièrement à ces efpèces d’ornement
que . le décorateur doit apporter le plus grand foin,
foit dans leur compofition, foit dans leur exécution.
Lorfque les rinceaux font de dix à douze pieds de
hauteur , il convient de ne point les faire provenant
d’un feul j e t , ou d’une feule nàifiànce par en bas ;
mais d’en diftribuer î k hauteur en trois parties. Il
faut établir une tige ou haiffance aflez puiffante pour
pouvoir, produire raifonnablement tout ce qui's’étale
le .long de la furface , julqjn’au milieu qui fe trouve
coupé par un camée ou par un tablea*. Le tout doit
fe terminer par des objets qui ayent de l’analogie
avec le milieu.
I l eft à obferver de ne point faire les rinceaux
trop riches & trop chargés 5 le coulant des formes,
la fimplicité des contours en font le plus grand mérite.
Les divers embranchemens ou ramifications qui
en varient la compofition, doivent être motivés 8c
autorifés 5 tout doit être amené & conduit naturellement
5 il faut qu’on puifle rendre raifon de tous les
accidens.
L e choix des feuilles doit fe faire parmi celles
qui pré fentent à l’art une plus grande abondance de
contours , & une plus grande variété d’effets piquans.
Telles font l’acanthe épineux , l’artemife , la mat ricana
, la cigiie , le grand perfil, &c. toutes ces feuilles
produifent des taillées vives & des touches fen-
fibles.
Dans l’emploi de ces feuilles , il faut étudier l ’ordre
naturel de leurs mafles & de leurs dégradations.
Les premières mafles doivent être plus petites j fuc-
ceflivement plus grandes jufqu’au milieu 5 elles diminuent
enfuite jufqu’à leurs extrémités qui doivent
devenir plus foibles 5 car il convient que le fort
porte le foible, L ’imitation de ces objets doit être
L