
T o u t éd ifice, quoi qu’il foit , eft deftraé' à un
ïîfstre quelconque. C ’eft l’expreflion apparente dé
cet" uGige qui conftitue le caraâtn relatif. Cette
expreliion , félon la nature des édifices-, peut être
rendue foit par la gradation, de richeffe & de grandeur
proportionnée à leur nature & qu exigent les
bien [tances faciales ,
Soit par l'indication des qualités morale s inhérentes
4 chaque édifice, & dent le Jintiment, comme on lia
dit, femble hors du reffort des régies ;
Soit par les formes générales• 6» partielles de Var-
chiteSlure p
Soit par le genre de confiruSlion que celle-à peut
tmp’oyer p
Soit par les rejfources de la décoration
Soit enfin par le choix.des attributs qui en font parue.
Gradation de richeffe & de grandeur entre les édifices,
La première condition & la plus importante à
l ’exprelfion du caraStère propre des édifices ,. e.ft
fans doute la conhoiffance de leur nature 8c des
qualités qui. y font analogues. Pour peu- que Tar-
chîte&e veuille interroger la propriété & les ufitges
de chaque, éd ifice, il-verra" qu’ils ont néceffaire-
Hi'ent- un rapport, une analogie décidée avec quelqu’une
des qualités que l’ arehite&ure peut exprimer.
Depuis la {impie, cabane du cultivateur jusqu'aux
palais Somptueux des fouverams ; depuis
la maifon du citoyen jufqu’aux temples de la D i vinité.;
depuis le plus modique établissement public
jufqu’aux grands monumens qui font 1 embeUifie-
menr d è s villes , fi trouvera dés nuances variées
que la convenance lui indiquera dans la mefure
des reflources que l’art lu i préfente pounen indiquer
la gradation. C e tte proportion > cetre échelle
de bienféance entre les diverfes claffes d’édifices
dont fe compofent lès villes ,.n’eft<pas fans doute
la plus difficile à faifir , & la théorie la plus ordinaire
n’a jamais manqué d’en faire Sentir la néeeS-
fité. 11 n’eft cependant pas d’ob jet Sur lequellathéorie
f e trouve plus en ccntradi&ion a vec la pratique.
On ne Sauroit s’empêcher de convenir que le
plus grand, reproche à cet égard n’eft pas toujours
à faire aux artiftes qui Souvent ne font qu’obéir
à l’impulfion des caufes morales & politiques du
pa ys qui les emploie. Les formes de gouvernement
& les moeurs qui en font l'e f fe t , ont une influence
très-direôs Sur cette disproportion Si-choquante &
cette confufiôn de mefure entre la convenance , la
richeffe & . l’apparence des édifices. Lôrfque daps
une ville l’abus du pouvoir. & de la richefle ont
fait fortir un grand nombre d’hommes du niveau
r é e l, ou dit moins apparent .d ’une égalité quelconque
, &• lorfquer cet abus eft arrivé, au. point
de s-’en prévaloir ouvertement & de mettre au
nombre dé fes pîaifirs le droit d’infulter publique-.
ment à la mifère d’autrui , alors on dédaigne la
Simplicité des demeures ordinaires dès citoyens.
O n ne cherche qmà fe diftinguer d’eux, par la-.magnificence;
d e fes.conftruéiions. Q n paie cbérçjiïent.
f toutes les reflources de l’architeéhirè ; Ton nMiaBihe
plus des maifons , on veut avoir des temples gç
des monumens publics. L ’égalité apparente qu’exj.
gent les républiques garantit Ion g-teins- les moeurs
de cette infultante disproportion , 8c Tàrehite&ure
de ce mélange indiferet de car a Stère qui en fait la
ruine. Les maifons-d’Athènes étoient Simples, &
les monumens publics étoient Somptueux. Rome
joint long-tems de la même modeftie, de la même
tempérance dans les habitations des particuliers.
L ’hiftoirea confervé le nom de l’èrateur Cr-aflus-,
qui ofa le premier infulter à Ses con c ito yen s , &.s
félon l’expreflion de P lin e , aux dieux même, en
ornant Son palais de fix colonnes de marbre;
L ’archite&ure perd beaucoup plus qu’on ne
pen-fe à ce vice de certains gouvernemens*&. à ce
luxe mal entendu qui Sert toujours mal les ans v
lors même qu’il femblè fervir fes artiftes ; l’ archi-
te&ure perd, en ce quey fous l’empire de ces moeurs
corrompues , les monumens publies décroifll-nt
réellement 8c néceffairement , en* raifon de Tac*
croiffement des maifons particulières. Mais le-
cura Stère, cette vertu effentielie de Tarchite&Ure
fe perd-Sc s!efface infenfiblement de tous.-les édifices.
Et comment efpérer que les nuances pro*
près à chaque caraStère d’édifice feront obfervées ,.
fenties 8c appréciées chez un peuple qui n’obfer»
vera pas même les gradations les plus ordinaires
dans l’ordre des diftinâions inhérentes aux diffé*
rentes, claffes de bâtimens? Mais il y a plus :-la
grandeur, l’élévation , l’étendue , la richeffe , le
luxe des ornemens font les moyens qui peuvent
les cara&érifer.. Si- le mélange indiferet d e ces
moyens en applique remploi; à toutes fortes de
conftruétions ; fi la maifon d’un particulier vous
offre, dans fon périftyle effronté , l’apparence d’un
temple; f i la magnificence des ordres les plus ri*
cheS'fe trouve proftituée aux édifices qui ne de»*
mandent que la. foiidité du befoin ;..Si la fantaifie
du luxe ou la vanité d e là richeffe s!approptient
l’étalage impofant & les dehors pompeux: qui • n e
devroient appartenir, qu’aux monumens publics,
ne voyez^vous pas que le premier■ , comme le
plus-important des lignes diftin&ifs des édifices,,
va.difparoître , celui qui afligne 8c- fait connohre
aux- y e u x le rang qu’ils doivent avoir dans-popi?
nion comme dans-la réalité ?Q u e pourra faire Tar-
chitede pour vous apprendre que cèt édifice eft
u n temple ; qpe ce monument appartient à. des
ufages publics , eft confacré à un emploiaugufle,
, refpedable, fi les fignes par lefquels il-a le pou*
voir, d’exprimer leur propriété,.confondus-,, employés
indiftindemenr à toutes fortes de bâtimens,
ne peuvent plus être ni fends-,.ni appréciés
pour ce qu’ ils font,.par le peuple dont les idées
doivent aufli fe confondre & le goût s’altérer ?.
Point de doute que les moeurs font la bafe du
caraSlete fondamental de l’architeéhirc de chaque
peuple. OÎ1 règne entre les hommes une grande
inégalité- de. rang 8c de fortune le défaut, du
t.„adiré etl queftion fe fait (tafticullèt’éffiSpt fentir.'
Où la chofe publique n’eft rien , & „ pour mieux
■ dire, où il n’y a point de chofe publique , l’a-rchi-
îedure-ne v it que du luxe des particuliers , & les
juonumens publics Ce trouvent comme étouffés ,
& reftent inconnus au milieu des confit uâions de
tout genre qui femble n-t leur faire honte. Mais
comme les reflources des particuliers ne fauroient
atteindre à la véritable grandeur des monumens
publics , l’architeéhire eft bien éloignée d’y trouver
l ’équivalent. Ses conceptions fe rapetiffent au niveau
des maîtres qu’elle fe r t ; 8c comme c’eft leur
vanité qu’elle cherche fur-tout à fatisfaire, elle y
parvient par une fauffe apparence de grandeur 8c
de richeffe , qui ne p eut faire d’illufton qu’à la vanité
du poffeffeur ou à la bafleffe de ceux qui le
courtifent. A in fi , des villes immenfes offrent des
milliers -d’édifices , fans offrir un monument , 8c
l ’architeélure meurt par les moyens même qui fem-
bloient devoir lui donner la vie.
Combien l’égalité , compagne de la liberté, eft
plus favorable aux vrais intérêts de cet art 1 combien
un certain uniffon de moeurs eft propice a
l ’expreffion du caraStère dans l'es édifices ! N êtes-
vous jamais entré en idée dans quelqu’une de ces
villes qui furent la demeure des arts 8c de la liberté ?
Comme toutes les maifons propres , commodes 8c
folides lemblent fe rapprocher fous le niveau d’une
modefte tempérance î quelle heureufe unifofmité
dans leur afpe& femble vous annoncer des citoyens
égaux entre eux i comme toutes paroiffent annon-
cér les mêmes befoins , les mêmes moyens , les
mêmes aifances , fans luxe 8c lans u iperfhi. !
Mais a u fli, comme les monumens publics y font
vaftes , comme jg e temple s’élève fierement au-
deffus des maifons gui l’entourent , comme ce
théâtre domine majeftueufement la v ille 1 8ce.
.quelle vafte enceinte embralTe 8c forme ce gym-
nafe ! quel peuple de ftatues anime ces ru e s , ces
places , ces carrefours \ CTeft que ces monumens
forment la jouiffance , 8c font la propriété de chaque
citoyen ; c'eft que la gloire 8c le plaifir de tous
réfide dans l’image 8c le fpeâacle de la magnificence
-publique qui appartient à tou s , au lieu de
fe concentrer 8c de fe divifer. dans les habitations
de chacun. ( Voye^ E d i f i c e s p u b l i c s . )
Mais remarquez aufli combien l’architecture y
acquiert plus de valeur d’ expreflion 8c d’énergie
dans le caraStère propre des édifices.^ Obfervez
-combien , indépendamment de leur*élévation 8c de
leur grandeur réelles , les monumens publics s’ac-
croiflent en co re, 8c par l’opinion, 8c par la com- l
paraifon qui les agrandit. Combien ce périflyle
& ce fronton , exelufivement confacres aux temples
, acquièrent de-noblefle , 8c , fi 1 on peut d ire ,
de fainteté, par l’idée certaine 8c déterminée qu’ils
réveillent dans Taine du fpeâateur l Combien l’emploi
des ordres 8c des colonnes, fagement ménagé
8c rèfervé à la fplendeur des monumens publics
, ya devenir impofant & fignifiçatifi combien
les reflources de la fculpture 8c 4e la décoration
vont devenir puiflantes en raifon de la
grandeur des fujets qui fe les appliquent . Mais
fur tout v o y e z comme le peuple fenfibie a la
beauté des monumens qui font la gloire de fa
ville ,1e plaifir 8c le charme de fes y e u x , 8c hcr
de leur o rgu e il, piendra de foin 8c d intérêt a
leur conftruéîion 1 L’éreétion d’un édifice public
acquerra , dans le confeil des citoyens , toute
l ’importance des plus graves délibérations ; on fe
glorifiera d’un monument comme d’une victoire.
Alors né craignez pas que l’artifte manque de
moyens pour caraétérifer fou ouvrage , ni de
juges pour l’apprécier 8c comprendre le langage
de fon art. . •
Ce t ordre de proportion, cette gradation entre
les différens édifices des v ille s , eft la première
condition requife pour l ’indication du caraStère rela
t if qui fait, en ce momen t, le fujet de nos recherches.
Malheureufement, comme on le v o i t ,
cette condition eft indépendante du pouvoir des
artiftes. C ’eft cependant d’elle que réfultera fur-
tout Tindication des qualités morales, inhérentes
à chaque édifice , 8c que Tarchiteéfure peut fra i-
fément rendre fenfibie, quand les idées du peuple
concourent avec les reflources de l a r t , a attacher
à chaque chofe fa fignification prèc ife, lorfqu’une
répartition proportionnée de richeffe s ; lorfqu une
1 mefure certaine 8c graduelle établit entre tous
les bâtimens d’une v ille , des rapports de grandeur,
de luxe 8c de bienféance, fondés fur les moeurs
publiques 8c particulières.
C ’eft alors qu’ il n’eft pas libre a 1 architecte
de difpofer arbitrairement dans les édifices qu il
bâtit ,& d ’y ttfer indiftin&ement de toutes les ref-
fources de fon art. L’opinion publique eft autour de
l u i , c’eft elle qui lui prefcrit le ton 8c le f t y le qu il
; doit prendre, & s’ il s’en écarte, les {ifflets d e là
cririque, les niées du peu ple, le mépris public
fauront le faire rentrer dans l’ordre des co n v e nances.
A lo r s , avant d’entreprendre aucune conf-
truélion , T architeâe confultera le rapport des idées
du peuple avec le monument dont il eft chargé;
il feptira que chaque édifice a une corrélation intime
8c néceffaire entre fes ufages ou fa deftina-
tion , 8c quelqu’une des qualités morales q u e la r -
chiteélure peut exprimer 8c fait fi bien manifefter
aux yeux .' Chacune àe ces qualités deviendra
comme le type de fon invention , comme le mot
if de fes conceptions ; 8c s’il s’en pénètre bien ,
il faura vous faire paffer le contre-coup des fen-
fations qu’il a voulu rendre.
La fimplicité, la modeftie , une forte d élégance
fans luxe , pourront varier , fans cependant les
rendre trop diflemblables , les habitations des par-
culiers. Les palais des grands 8c des fouverams
auront pour motif le rang 8c la qualité de ceux
qui doivent les habiter. Les palais, en general,
ne doivent point fortir des formes 8c de^la manière
d’être des maifons particulières. Je n’y vôu-
Q S 1