
Supérieurs au canal dans le lit des torrens ou des
ruiffeanx. Les bafllns en reçoivent les e a u x , diminuent
leur v îtefle , & arrêtent les dépôts de yafes
qui ponrroient enfabler le canal : par le moyen de
ces ca le s , on admet dans le canal l’eau dont on a
be fo in , & l’on rejette le Surplus dans des contre-
canaux, qui les portent aux aqueducs ; cependant l'avantage
de ces cales n’eft pas comparable à celui des
aqueducs qui donnent un paffage libre aux rivières.
Les contre-canaux dont nous avons parlé , Sont
entretenus par les communautés yoiunes & les
propriétaires riverains.
Ces cales Sont fi néceffaires, que l ’on en fait
continuellement de nouvelles : il y en a dix de
proposées maintenant pour recevoir les eaux pluviales
, qui nuiSent beaucoup au canal.
On a fait aufli un grand nombre de paffelifles
ou de déverfoirs tout le long du canal; ce Sont
des ouvertures avec des efpèces de p on ts , par
lefquels dégorgent les eaux Superflues, pour être
rejettées dans des côntre-c anaux. Par-là t>n entretient
l’ égalité dans le niveau des eaux du canal,
Sans interrompre le tirage des francs-bords, qui
continue fur ces efpèces de ponts. I l y a aufli
des épanchoirs à fo n d , fermés a v e c des vannes,
qui vuident beaucoup d’eau quand on les ouvre.
Le canal eft creuié en plufieurs endroits dans
le roc : on compte qu’il y a eu cinquante mille
toiles cubes de rochers en déblais , & deux millions
de toifes cubes de tuf.
Il paffe près de Béziers , fôus la montagne du
M a lpa s , dans un percé de quatre-vingt-cinq toifes ,
dont nous parlerons bientôt.
I l fuit la rivière d’Aude fur une longueur de
vingt-quatre milles. Ce tte proximité de la rivière
eft une fource de dégradations & de réparations
par les débordemens ruineux & les inondations
extraordinaires de ce torrent, quoiqu’on ait tenu
le canal fupérieur aux plus grandes eaux. Dans
le livre des médailles de Louis X I V , il eft dit
que le canal traverie l’Au de en deux endroits :
c’ étoit originairement le projet de M. R iq u e t;
mais Sur ce p o in t , comme Sur plufieurs au tre s ,
i l s’eft écarte de Son plan dans l’exécution, & il
il y étoit autoriSé par l’édit. D e plus fortes rai-
Sons firent renoncer à la première idée de Se Servir
de la rivière d’Aude pour la navigation : cette r iv
iè re eft trop inégale , trop baffe en certains
tem s , trop forte dans d’autres , & alors trop rapide
pour être remontée. Un canal fait avec autant
d’art que ce lu i- c i, eft infiniment préférable à toute
êfpèce de rivière. Une des plus grandes difficultés
d e cette prodigieufe entreprife , étoit d’a v o ir ,
même en été , des eaux fupérieures au fommet du
canal & au baflin de Nauroufe ; & c’eft ici 'que
M . Riquet montra le plus d’intelligence, d*àâi-
v ité & de patience.
O n a pris dans la montagne n o ire , cinq lieues
au nord-eft du canal, toutes les eaux Supérieures
I fon n iv e a u , p u j- former deux rigoles y celle
de la montagne, qui amène plufieurs ruiffeaux datfs'
le Sor, & celle de la plaine, qui v a depuis la ri vièrede
Sor près R e v e l, fe terminer au baflin de Nauroufe
La rigole de la montagne commence à quatre
lieues de S. Papoul, & par la petite rivière d’Abran
dont on a arrêté les eaux : cette rigole d’environ
dix pieds de large, avec environ trois pieds d’eau'
coule affez rapidement.
La rigole reçoit à deux milles de là le ruiffeau
de Bernaffonnë; après quoi elle continue, dans le
roc v i f , fur une étendue de plus de mille toifes,
dont le tiers eft fait a v ec de grands efcarpemens,
Son cours dans des lieux qui auparavant n’ètoient
que des précipices.
D eu x milles plus lo in , la rigole de la montagne
reçoit le ruiffeau de L am p y , après avoir coulé dans
un lit de treize cens quarante-cinq to ife s , taillé
dans le roc v i f , & au travers d’un couffin de
montagnes, qu’il a fallu percer dans le r o c , fur
une longueur de quatre-vingts toife s , & une hauteur
d’environ huit toifes. O n fe propofe de faire
un baflin à la prife d’eau du Lampy , pour mettre
des eaux en réfçrve lorfque l’on travaille au baflin
de S. Ferriol. Les trois ruiffeaux dont nous venons
de parler ne tariffent jamais, & la plupart
du tems on n’en prend qu’une partie pour le
canal : auparavant ils fe rendoient à la Méditerranée.
Toutes ces eaux vont tomber dans le Sor,’
à deux milles de là , Sur environ cinq cens toifes
prifes dans le ro c , fans compter plufieurs couffins
percés & plufieurs chauffées très-fortes, construites
en maçonnerie, lors de la conftru&ion du
canal; la rigole de la montagne finiffoit à l’épan-
choir de Con qu et, à un mille & demi de Lampy ;
& les eaux fe verfoient toujours de-là dans la
rivière de Sor’, qui a Son lit dans le vallon voifin.
Nous les Suivrons d’abord dans ce premier trajet;
après quoi nous parlerons de la Seconde rç>ute
qu’on leur a ouverte vers Nauroufe.
Six mille toifes au-deffus de C o n q u e t , ou les
eaux de la rigole de la montagne fe précipitent
dans le S o r , la rivière de ce nom eft arrêtée entre
Sorèze & R e v e l, par la chauffée de Ponteroufet,’
pour recevoir un canal de douze pieds de bafe,1
dans lequel il coule au moins trois pieds d’eau;
Ge canal paffe un peu au-deffus de la petite v ille
de R e v e l , auprès de laquelle on avoit conftruit
un petit p o r t , nommé le port Louis , éloigné de
Ponteroufet de treize cens ving t toifes.
C ’eft au port L o u is , tout près de R e v e l , que?
commence véritablement la rigole de Ja plaine
•parce que la partie Supérieure, jufqu'au Ponteroufet
, étoit ouverte avant la conftruéfion du
canal, fervoit à deux anciens moulins. Elle
defcend Sans recevoir de nouvelles e a u x , Sur
quatre mille quatre-vingt toifes de longueur, jusqu’aux
Tonnazes , à la maifon de L an d o t, où après
avoir reçu le ruiffeau de Lan d o t , elle Se prolonge
Sur treize mille trois cens to ife s , jufqu’à Nau-
r o u f e , c ’eft-à-dire,au point de partage du canal.
Les ruiffeaux & l'es rivières dont nous venons
de parler ,.Sourniflbient, pendant la plus grande
parti- de l’année , un volume d’ eau plus confi-
dérable que celui qui étoit néceffaire à la navigation
; mais on craignit avec raifon que ces
lources ne fuffent pas Suffisantes dans les tems de
féchereffe, Sur-tout W fq ü ’après avoir mis. une
partie du canal à Sec au mois de ju ille t , pour y
faire les recreufemens néceffaires dans les mois
d’août & de Septembre , il faudroit enfuite remplacer
toutes les eaux qu’on auroit été forcé de
perdre. ‘ ,
On fuppléa à ce défaut, en conftruifanr a S.
Ferriol un grand réfervoir qui devoir conferver
les eaux Superflues de l’hiver & du printems,
pour qu’on en ait abondamment à la fin de l’été &
en automne; mais, bientôt après la conftrmftion
du baflin de S. F e r r io l, l’expérience fit vo ir que
le vallon de Landot ne fourniffoit pas un volume
d’eau SuffiSant pour le remplir, & que la plus
grande partie des eaux que la rigole de la montagne
verfoit dans la rivière de Sor pendant l’hiver,
étoient Superflues : on voulut en profiter.
L’extrémité inférieure de la rigole auprès de Conquet
, étoit beaucoup plus élevée que le baflin de
S. Ferriol ; mais le coteau des Campmazes barroit
le paffage. En 16 8 7 , on furmonta cet obftac le,
en perçant la nontagne par un canal foutérrain,
de dix pieds de largeur, de vingt pieds de hauteur
, & de Soixante & dix toifes de longueur ;
& l’on prolongea la rigole de la montagne au
travers du p e rc é , à une petite diftance de cette
voûte.’ Les eaux de la rigole Se précipitent par
une çafeade de vingt-cinq pieds de haut, dans le
ruiffeau de Landot, qui les porte à S. F e r r io l,
trois mille toifes plus bas , d’où elles vont Se réunir
à la rigole de la plaine.
Ne,us avons déjà dit que la rigole de la plaine,
qui commence auprès de R e v e l, un mille au nord
de S. F er r io l, reçoit aux Toumazes , environ trois
milles plus bas , les eaux du ruiffeau de Landot ;
c’eft à trois mille Sept cens vingt toifes au-deffous
de S. Ferriol. La réunion de ces e a u x , lorfqu’elles
font groffes, pourroient être très-nuifibles a la
partie de la rigole de la plain e, qui refte depuis
les Toumazes jufqu’à N auroufe, d’autant qu’elle
eft excavée à mi côte fur une grande longueur.
Pour prévenir les b rèches que les eaux fauvages
pourroient former à Ses francs b ords, on a barré
la rigole par une porte bufquée, placée au-deffousde
l’embouchure de Lan dot, inférieure à la rigole , au
moyen d’un réfervoir & de trois épanchoirs à fonds.
Il y a encore un autre réfervoir au-deffous des
Toumazes, à l’ endroit où la rigole de la plaine
eft traverfée par le ruiffeau de S. Félix.
La longueur totale des rigoles qui ont été creu-
fées à la main, pour porter les eaux à Nau rou fe,
eft de trente mille foixante toifes : fa v o i r , douze
mille quatre cens quatre - vingt toifes dans la
montagne, depuis1 la prife d’Alfan jufqu’au Saut
Architeêlure, Tome /.
des Campmazes, & dix-fept mille cinq cens quatre
vingt toiles depuis le port L o u is , près, de R e v e l,
jufqu’à Nauroufe. O n profite au fli, pour la conduite
de ces e a u x , de la rivière de Sor , fur fept
mille trois cens vingt toife s, depuis Conquet
jufqu’au port Louis ; & du ruiffeau de Landot,
depuis les Campmazes jufqu’aux Touma zes , fur
fept mille trois cens quatre-vingt-dix toifes. 11
n’y a véritablement que dix-fept milles en ligne
dro ite, depuis la prife d’Alfan jufqu’au baflin de
Nauroufe dans le canal; mais le chemin que parcourent
les rigoles eft plus que double à caufe
des finuofités par lefqueiles on a été obligé de
fuivre les collines qui avoient la hauteur convenable
pour la conduite de la rigole. Le baflin de
S. F e r r io l, qui fournit une partie de l’eau du
canal, eft Situé à quinze cens toifes au midi de
la petite v ille de R e v e l , à fept milles de Caftel-
naudary, & du canal en ligne droite. Pour former
ce baflin, on fit choix de l’endroit où le vallon
dans lequel coule le ruiffeau de Landot, fe ref-
ferre le p lu s , au-deffous d’un endroit affez large.
Les deux collines qui le bordent y ont été
réunies par un mur principal de quatre cens toifes
de longueur, & de cent pieds de hauteur, garni
de part & d’autre d’ un terraffement, dont le pied
eft Soutenu par un mur plus bas & plus court
que celui du milieu.
La forme de ce baflin eft irrégulière, comme
les collines qui lui fervent de bord : fa longueur
moyenne eft de huit cens to ife s , & fa largeur
près de la chauffée , de quatre cens toifês.
Pour faire écouler les eaux de ce baflin , on
a conftruit une première vanne , prife de l’extrémité
nord du grand mu r; elle vuide les eaux fu-
perficielles jufqu’à fix pieds de profondeur.
Une fécondé v an n e , éloignée d’environ vingt-
cinq toifes de la première, defcend jufqu’à vingt-
trois pieds. T o u t , jufqu’à fix pieds au-deffus du
to n d , eft vuidé par trois robinets de b ro n ze , de
neuf pouces de diamètre, "Scellés avec les plus
grandes précautions dans le grand mur. Au-deffous
des robinets, il y a une dernière iffùe fermée par
une forte p o r te , qu’on n’ouvre que lorfque les
robinets ne donnent plus d’eau ; elle Sert à faire
des manceuvrages, au moyen defquels les eaux
entraînent dans la partie inférieure 'du ruiffeau
de Landot, le limon & le fable qu’elles avoient
dépofés dans le réfervoir.
O n parvient aux trois robinets , par une première
voûte de trente-huit toifes de longueu r, qui
perce le terraffement extérieur , dont le fol va en
pente vers le grand m u r , & eft terminé par un
efcalier qui defcend aux robinets. L ’eau qu’ils four-
niffent s’échappe par un large acqueduc , plus bas
que la première v o û t e , bordé par deux trottoirs.
Lorfqu’on ouvre les robinets /tandis que les eaux
du baflin font encore hautes, l’impétuofité de l’eàu
eft fi terrible 3 qu’on n’entend plus rien ; on ne
v o it que de l’écume. L ’air que l’eau entraîne par
1 i i