
de là bafilique Emilierie. C e lle - c i, dans Ton plan,
n’offre aucun veftige de murs; & l’on voit que cette
double rangée de colonnes qui régnoit à l’entour,
n’éroit renfermée par aucun mur d’enceinte.
Le premier ordre de colonnes en fupportoit un
fécond , qui portoit le plafond de l’édifice ; & qui
formoit une galerie fupérieure dans tout le pourtour de
la bafilique, excepté du côté de l’hémicycle. Le fécond
ordre fe trouvoit féparé du premier par un efpace
affez confidérable, fervant d’appui à ceux qui étoient
dans le haut, & de ftylobate continu aux.colonnes
fupérieures. Cet efpace fe remarque encore à quelques
bafiliques chrétiennes, fur-toutàcelle de Sainte-Marie-
Majeure, quoique le fécond ordre n’y foit qu’en pilaftres
& qu’il n’y ait point de double rang de galeries.
La bafilique, en fuppofant qu’on y entrât par une
de fes extrémités, fe termiuoit dans l’autre par un
hémicycle oii étoit placé le tribunal. Cette portion
de cercle eft l’abfide des bafilique s. chrétiennes ; c’eft-
à-dire que le trône de l’Evêque y a pris la place du
liège du juge dans les anciennes bafilique s ( Voy
A bside). Cependant le tribunal fe trouvoit quelquefois
hors de la bajiflque, comme Vitruve nous apprend
qu’il le fit à celle de Fano. Quoiqu’il en foit, dans les
bafiUques^ràinairts, l’hémicycle ou l’endroit des juge-
tnens étoit féparé du refte de la falle par une baluf-
tcade ; & à la bufiuq ,e d’Otricoli, cette féparation
étoit formée par deux colonnes.
Vitruve'avoit placé à Fano, dans le temple d’Augufte
qui etoit contigu à la bafilique, le tribunal,
dont la forme étoit telle qu’on vient de la décrire ,
& àinfi qu’on le verra plus bas. Mais, comme il s’étoit
.éloigné en bien des points de la difpofition ordinaire
des bafilique s ,. cette exception ne fauroit jetter du
doute fur la pofition naturelle du tribunal , telle que
nous venons de l’indiquer , à l’extrémité de l’édifice.
D ’après cela, il paroit difficile d’énoncer ^ofitivement
la nature & la place du Chalcidicum.
Ce qu’on doit conclure, d’après Vitruve même,
c’eft que le Chalcidique n’avoit rien de commun avec
le tribunal & la place que celui-ci oecupoit. ( Wbye^
au mot Chalcidique les diverfea opinions des auteurs
à cefujet.) On voit cependant qu’il faifoic partie
des plus grandes b ifiliques , & que, lorfque la longueur
dù terrain le permettoit, ' on y en pratiquoit
aux extrémités, fin autan locus crit a/riplior in lotigi-
tu d in e , Chalcidica in extremis conflhuantur. Palladio &
Galiani en forment des édifices féparés de la bafilique,
comme l’étoit le tribunal de Fano ; & en cela, s’ils n’ont
point rencontré jufte, du moins n’avancent-ils rien
de contraire aux paroles de Vitruve. Perrault les
place aux deux extrémités & dans les deux galeries
fupérieures : cette opinion paroît la moins foutenabîe.
Si le mot extremis n’indique point les deux extrémités
de la bafilique , mais n’eft mis dans cet en-
XÎWt au pluriel, que comme l’équivalent du fiogulier,
peut-être la conjecture de Léon-Baptille Alberti fe-
roit-elle la plus vraifemblable de toutes. Sans changer
comme il le fait-, le mot Chalcidica en Caufidica, èc en
prenant, fuivant le plus grand nombre d’autorités
les Chalcidiques pour de grandes & fpacieufes falles
peut-être n’étoit-ce autre chofe qu’une efpèce de
branche, ou de bras de côté & d'autre ajoutés à
l ’extrémité terminée en hémicycle , & qui faifoit
prendre à l’édifice la forme d’un T . On fent que
cette efpèce de croifée, prife aux dépens de la longueur
de l’édifice j* exigeoit, comme le dit Vitruve,
que la dimenfion du terrain pût s’y prêter, & qu’elle
ne pouvoit avoir lieu dans toutes les. bafiliques. An
refte , celle de Saint Pau l, à- R om e , la plus ancienne
comme la plus vaftedes bafiliques chrétiennes,
& qui fut conftruite fans doute a l’imitation des
plus grandes, nous préfente ’ cette addition qu’on
nomme aujourd’hui croifée, & qui certainement n’y
fut point pratiquée par le pieux motif qu’on fuppofe
allez gratuitement, avoir dirigé la conftruéHon des
premiers temples chrétiens.
L a forme ou la difpofition des bafiliques étoit une
des plus avantageufes qu’on pût imaginer pour de
grandes falles ; & leur conftruéHon réunifioit le double
mérite de la folidité & de l’économie. L a foli-
dité eft prouvée par la durée des édifices chrétiens
qui empruntèrent cette forme, & qui exiftent depuis
environ quatorze fiécles. L ’économie dans ces bâti-
mens réfultoit de la légèreté des points d’appui, &
de celle de la couverture qui n’ étoit que de charpente.
Dans la plupart des- bafiliques antiques , les
murs & points d’appui n’occupent que la dixiéme
partie de l’efpace to ta l, tandis q u e , dans les mo-
numens voûtés & bâtis en arcades , tels que certaines
églifes modernes, les murs 8c points d’appui
font entre le quart & le cinquième, c’eft-à-dire plus
du double de la fuperficie. En outre ils exigent des
matériaux & des genres dë conftruéHon extraordinaires
qui en quadruplent la dépenfe.
Rien de plus fimple au contraire & de moins difpen-
dieux que la conftruéHon des bafiliques. Les colonnes
de la galerie inférieure recevoient un plafond qui fer-
voit de plancher à la galerie fupérieure ; celle-ci également
plafonée, fupporwrit le plafond delà grande ner
& la pente du toît. Les jours étoit nt pratiqués dans
l’épaifleur du.mur d’enceinte, en fuppofant qu’il y
en e u t , & dans les entre-colonnemens. Les galeries
fupérieures avoient auffi des fenêtres qui dévoient
éclairer l’intérieur de l’édifice. Car ces bâtimens,
fi difFerens des templespour leur forme & leur emploi
, avoient autant befoin de lumière, que les
temples en exigeoient peu. Ces derniers ne recevoient
fouvent le jour que par Touverturè qu’on ménageoit
au-deffus de là porte.
Il paroit que la feule partie de la bafilique qUI
pouvoit avoir forme de voûte, étoit l’hémicycle on
l’endroit du Tribunal, du moins fi l’on en juge
les imitations des temples chrétiens: encore n’étoit-
ce qu’une portion de voûte, une efpèce de.vafteniche»
ou ce que les architeéfces appellent cul-de-foiir. Le
jùot Tefiudo employé par Vitruve pour la couverture
de fa bafilique de Fano, n’indique en aucune forte
quelle ait été en pierre; ce qui eut été impoffible
d’après le genre de conftruéHon. qu’on y verra ;
on ne peut entendre par ce mot qu’une couverture
en berceau faite de charpente, & telle qu’on en
voit à quelques bafiliques modernes. A u refte,
comme nous aurons occafion de le remarquer
encore, les bafiliques voûtées font un bien moins
bel effet que celles qui font en plafond. Il femble
que les voûtes rendent ces édifices lourds & obfcurs ;
& les colonnes ifolées ne furent jamais faites pour
fupporter des voûtes.
L ’effet des colonnes dans les bafiliques & leur multiplicité
durent en faire la plus grande beauté, & en
rendre l’afpeét fomptueux & magnifique. Ces colonnades
en étoient fans doute la principale décoration.
Il paroît que les Romains y employèrent fou-
vent l’ordre Corinthien. L a bafilique , découverte fur
le Palatin, par Bianchini, en étoit décorée. Le même
ordre régnoit auffi dans celle de Fano. Vitruve le
donne affez à entendre , en nous apprenant que fes
colonnes avoient cinquante pieds de haut 8c cinq de
diamètre, proportion qui convient au Corinthien.
Les plafonds des galeries , tant fupérieures qu’inférieures
, & la couverture de la grande nef étoient
fufceptibles de toutes les richeffes de l’art. Mais la
partie qui paroît avoir été la plus décorée , fi l’on
en juge d’après la bafilique d’O t r ic o li, étoit l’hémicycle.
Il étoit orné de ftatues , corîime on le verra
dans la defeription que nous allons donner de ce
précieux refte d’antiquité.
Avant d’y pafTer nous, ne faurions nous difpenfer
de rapporter celle que Vitruve nous a confervée de
la bafilique qu’il conftruifit à Fano. En V oici, dit-
il , les proportions,
« La voûte du milieu a n o pieds de lo n g , fur 60
de large. Lès portiques qui font au côté de Ta grande
voûte, centre les murs & les colonnes, ont xo pieds
de largeur. Les colonnes , avec leurs chapiteaux,
ont én tout 50 pieds de haut, fur y de diamètre.
Elles ont derrière elles des pilaftres de zo pieds de
haut-, larges de deux pieds & d emi, & épais d’un
pied 8c demi, pour foutenir les poutres qui portent
les planchers des portiques. Sur ces pilaftres. il y en
a d’autres, hauts de 18 pieds, larges de d eu x , &
épais d’u n , deftinés à foutenir les poutres qui portent
les forces & tout le toît des féconds portiques.
Ce toît eft un peu plus bas que la grande voûte.
Lès vuides qui reftent entre les poutres pofées fur les
pilaftres, & celles qui font fur les colonnes fervent
3 éclairer ,. & lailfent pafTer le jour entre les eritre-
fplonnemens. 9»
« Les colonnes, dans la largeur de la grande voûte,
font au nombre de quatre de chaque coté , en comp
ilan t celles des angles. Huit , en comptant auffi
4rchiuçturct Tome U
les angulaires , occupent la longueur dit côté qui
eft contigu au forum, mai? l’autre côté n’en a que
fix. Les deux du milieu ont été fupprimées pour ne
point mafquer la vue du temple d’Augufte , dont le
pronâos , ou frontifpice , placé dans le milieu de ce
côté de la bafilique , regarde le centre du forum &
le temple de Jupiter. »9
ce Dans le temple d’Augufte eft placé le tribunal en
forme d’hémicycle ; cependant le demi-cercle n’eft
pas entier , n’ayant que quinze pieds de profondeur,
fur quarante-fix de front. Le tribunal a été placé à
cet endroit, pour que les négocians qui ont affaire
dans la bafilique n’incommodent * point les plaideurs
qui font devant les juges. »
ce Sur les colonnes eft une charpente compofée de
trois poutres de deux pieds d’épaiffeur qui fout jointes
enfemble. Ces poutres fe détournent au droit de la
troifiéme colonne du dedans de la ■ bafilique 3''pour
aller jufqu’aux autres qui font à l’extrémité du Pronaos
, au droit des murs qui vont à droite 8c à gauche
jufqu’au demi-cercle. Sur cette charpente , au
droit des chapiteaux des colonnes, fe trouvent des
piles hautes de trois pieds , & larges de quatre fur les
quatre côtés. Elles loutiennent une . autre -charpente
compofée de poutres bien jointes & de deux pieds
d’épaiffeur , fur lefquelles font les entraits 8c les contre
fiches , au droit de la frife qui eft fur les antes
des murs du porche, pour foûtenir le faîte qui va
tout le long de la bafilique , & celui qui traverfe du
milieu de la bafilique auporche ou pronaos. 99
« Le toît a quelque chofe d’agréable à caufe de fa
double difpofition , favoir celle de dehors qui eft en
pente , 8c celle de dedans qui eft en voûte. On é|>ar-
pargne beaucoup de peine & de dépenfe en fuivant
cette manière de bâtir une bafilique. On fupprime
les ornemens qui font au-defTus des architraves, les
appuis du fécond ordre de colonnes, & ce fécond
rang de colonnes même pour les galeries fupérieures.
L ’unité d’ordre & la grandeur qui réfulte de cette
ordonnance ne donnent à l’édifice qu’un plus grand
air de majefté & de magnificence. 9»
On voit combien l’ordonnance de cette bafilique
s’éloignoit des formes ordinaires & des règles que
Vitruve lui-même affigne à cette efpèêe crédifice,
Palladio la trouve b e lle , quoique Jocoride Ta déf-
approuve entièrement. Sans doute cette unité d’ordre
eft préférable en général ; mais, lorfque la néceffité
demande uft double rang de galeries, l’un au-deffus
de l’autre , il femble que la méthode ordinaire doive
l’emporter , comme celle qui eft la plus naturelle & la
plus fimple en même-tems. L ’avantage de ce grand
ordre ne fe trouve-t-il pas bien balancé ici pat*
tous les inconvéniens des petits pilaftres' adoffes a la
colonne , & des galeries qui la coupent & viennent
s’y appuyer? Il y a grande apparence que l’économie
ainfi que Vitruve le donne à entendre, avoit plus que
tout autre motif dirigé ce genre de conftruéHon. Ce *