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L e s galeries larges & fpacieufes qui font parcourir
à couvert toute l’étendue du palais, lui donnent
un grand air de magnificence & de dégagement.
L e ieul reproche qu’on puiffe leur faire eft d’aboutir
imparfaitement & d’une manière équivoque
aux appartemens, enforte qu’elles paroiffent plus
propres à la décoration qu’à la commodité. La
partie la moins heureufe de ce plan eft celle qui
donne fur le jardin : la répétition des deux pavillons
qui font partie de cette façade eft d’une
monotonie dont le défaut eft encore bien plus
fenfible dans l’élévation. Ces deux maffes fi voi-
fines l’une de l’au tre , puifqu’elles ne font féparées
que par le corps principal du bâtiment, fe communiquent
, fi l’on peut d i r e , leur pefanteur réciproque
; on croiroit qu’elles ont été rajoutées
après coup & pour augmenter le nombre des
appartemens. D ’ailleurs leur très-grande fa illie, !
qui eft d’environ quarante pieds fur le jardin , maf- j
que la plus grande partie du milieu de cette I
façade.
En général ces maffes, que nous fommes convenus
d’appeller pa villon s, & dont ce nouveau
nom déguife à peine l’origine barbare, ne repré-
Tentent que trop dans nos palais modernes les
tours & les fortifications des anciens châteaux
gothiques; mais ce refte d’archite&ure féodale s’allie
mal a vec l ’ordpnnance d’une archite&ure régulière.
Le s pavillons qui font en faillie du côté de l’entrée
méritent cependant quelque indulgence ; ils
flanquent les galeries & annoncent d’une manière
gra v e & impofante l’immenfité de ce bâtiment.
S i ces pavillons avoient pu s’appercevoir de la
rue de T ou r n on , l’a fp eô de c e palais eût offert
un des plus beaux coups-d’oeil qu’il y eût à Paris.
O n ne fauroit quitter le plan du rez-de-chauffée ,
fans parler de l’efcalier , qui eft peut-être la chofe
la plus répréhenfible de ce palais. Il étoit difficile
de le fituer d’une manière plus incommode , puif-
q u e , contre toute idée de vraisemblance, il occupe
la plus grande partie du porche qui conduit au
ja rd in , & laiffe à peine un accès convenable pour
y arriver, Selon la defcription de Paris, cet ef-
calier n’eft pas de Brojfe : ce fut Marie de la Vallée
qui en donna les deffins, & Guillaume de T o u -
lou fe en eut la conduite. Qu o i qu’il en fo it, il eft
jn a ff if , fombre & tout-à-fait indigne de la magnificence
de ce palais.
Le plan du premier étage offre une grande &
belle difpofirion d’appartemens dont la defcription
devient inutile, îorfqu’on prend la peine de jetter
le s y e u x fur U planche 240. Il feroiç fuperflq
d’ailleurs de s’y arrêter, puifque des principales
pièces qui compofent toute cette dîftribution,
plnfieurs ont changé de deftination, & d’autres
ifo n t point été terminées félon l’ intention de
1 arcbiterie. Dans cet étage étoit la fameufe galerie
connue fous le nom de R u b en s , dans laquelle
ce grand peintre avoit reprpfenté Fhiftoire
P? jpe M'édiçiSp L ’aile de bâtimens ©ppôfée
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étoit aufli deftinée pour une galerie où le même
peintre devoit repréfenter l’hiftoire de Henri IV.
D es événemens particuliers en empêchèrent l’exécution.
La chapelle placée à cet étage du côté du jardin
fe termine par une voûte en cul-de-four d’un
trait affez hardi pour le tems où elle fut bâtie*
mais on en attribue l ’exécution à Dominique de
la Font.
Nous n’en dirons pas davantage fu r la diftri-
bution intérieure, q u i , toute grande, fimple &
régulière qu’elle f o i t , pourroit bien être la partie
de ce palais aujourd’hui la moins recommandable
aux y e u x de ceux qui mefurent l’habileté d’un
arcluteète fur l ’art avec» lequel il fait rapetiffer
l’intérieur d ’un local au niveau des petites fan*
taifies & des caprices de celui qui l’habite. Cet
art -dont le luxe moderne fait tant de c a s , ne
brille pas fans doute au Luxembourg. Mais G
l’on fait réflexion qwe ce g o û t , auffi peu digne
d e là majefté d’un grand palais, qu’il eft ennemi
de la grande archite&ure, étoit fort éloigné d’être
celui du fiècle ©ù de Brojfe conftruifitle Luxembourg
, on en con c lu ra, félon la diverfité des
opinions, qiie l’archite&e ne mérite à ce fujet
ni éloges , ni reproches. C ’eft aux moeurs feules
qu’on doit s’en prendre ; car elles peuvent tout
fur l ’architefture, & l’archite&e ne peut rien contre
elles. On doit bien diftinguer l’empire des moeurs
fur Tarchiteflure d’avec le pouvoir de la mode fur
le goût de cet art. Q u e lle que foit la force de ce
dernier p o u vo ir , l’archite&e n’en eft pas moins
refponfable de tous les vice s qu’il adopte. Tels
font ceux que l’on remarque dans la décoration
intérieure de ce palais , dont les plafonds chargés
des plus lourds ornemens, femblent vous écrafer
du poids de leur inutile rieheffe. Qu oiqu e ce goût
ait été le goût dominant du f iè c le , il ne fauroit
excufer l’architefle, q u i, libre eH cette partie ( celle
de l’ornement ) , la plus indépendante des befoins
& des moeurs, ne doit connoître de goût dominant
que celui que la raifon domine.
L ’élévation du Luxembourg doit fe considérer
fous deux rapports; fa v o ir , la compofition totale
des maffes ou de fon enfemble, & la décoration
extérieure ou l’application des ordres.
Sous le premier rapport, ce palais mérite les
plus grands éloges. On n’en citeroit point à Paris,
& l’on en trouverait difficilement ailleurs quipré-
fentaffent un enfemble plus parfait d’unité & de
variété dans l’aecord & la dîfpofirion des maffes,
un tout plus régulier & plus pittorefqiie en même
tems , & où les parties de décoration fuffent mieux
d’ac co rd , & dans une plus jufte correfpondance
avec les parties néceffaires. On peut s’en convaincre
par la planche 2 4 2 , qui repréfente la façade^ de
ce palais du côté de l’entrée.
L e mérite principal de cette élévation confifte
fans doute dans la compofition générale de l’avant-
corps du milieu , dont les formes pyramidales &
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ifolées font un très-bel. e f fe t , vues du principal
corps de logis , & fur-tout confidérées dans toute
la longueur de la rue de Tournon. Mais il côn-
ftfte auffi dans le mouvement des maffes qui fe
balancent fans fe détruire , & qui fe trouvent
liées d’une manière heureufe par les terraflès. L ’a-
vant-corps du milieu, objet de décoration plus
que de néceflîté , fe trouve motivé par les pavillons
qui flanquent les g aleries, & fert à faire
pardonner la hauteur inutile de leurs maffes. C ’eft
ainfi que l ’a r t , par des nuances heureufes, parvient
à corriger le v ice des formes auxquelles il
eft quelquefois obligé de fe fubordonner, & convertit
quelquefois même des défauts eff beautés.
Nous avons obfervé déjà que ces formes de
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pavillons tenoient moins encore à une mode de
goût qu’à un refte cl’étiquetre, fi l’on peut dire
par lequel les grands cherchoient à imprimer à
leurs palais, le cara&ère de leurs ai riens châteaux.
Il eft bien.probable que de Brojfe n’adopta ce genre
de formes que par l’impulfion du goût d’alors ,
& plus encore de cLenx. qui lui confièrent l’ex é cution
de ce palais. Mais ce qui pouvoir n’offrir
qu’un affemblage de difparates & d’irrégularités ,
comme on le voit à tant d’autres châteaux de ce
temps, devint au Luxembourg la fource même
des beautés de compofition qu’on y admire.
Ces pavillons ont donné lieu à Farchiteâe d’in-
trdfluire dans fa compofition une variété q u i, fans
détruire l’unité de l’effet g én é ral, multiplie ;les
afpefts du palais , corrige la monotonie , donne
un air de légèreté à Fenfemble, l’agrandit, &
égaie en quelque forte le car a été re très-pefant de
1 ordonnance générale. La vue intérieure de la
cour\yoyei Planche. 241 ) préfente fur-tout cette
variété d’afpeéts ebnt on parle ; & fes dimenfions
font clans le meilleur rapport avec les différentes
élévations. On doit admirer fur-tout l’ intelligence
heureufe, qui en lie tellement les parties, que
toutes, quoique fubordônnées entre elles , concourent
parfaitement à l'harmonie du tout. La
wçadë du côté de la rue n’offre point d’étage
& les terraffes fi bien adaptées à cet endroit ont
encore l’avantage en-dégageant la cour ', de procurer
la vu e au x appartemens du corps de logis
principal. Mais la petite coupole qui interrompt
par un falon circulaire la continuité de la terraffe,
corrige l’abaiffement de cette partie de l’édifice*-
? l ÿ fo.n élévation rétablit agréablement pour
oeu le niveau avec les malles voifines ; l’ordon-
ance générale qui s’y trouve rappellée contribue
ncore à mettre cette partie en harmonie avec
s autres. Les deux ailes latérales de cette cour
aii-deffus des galeries du j-ez-de-
nér 1’ : .e ^ u.” étage qui fe lie à l’ordonnance gé-
f|„ ma*s refie fubordonné au, corps principal
batimeç,«;, qui forme le fond de la c o u r , &
nonce par la montée pratiquée en a v an t, pour
le corps, principal du palais.
0US’ avons déjà remarqué dans le p la n , &
nous ne répéterons pas ici que la partie du palai?
qui donne fur le jardin eft la moins bien entendue*
Toutes les maffes qui la -compofent n’ayant plus
la même v a r ié té , font éprouver au fpe&ateur le
fentiment pénible d’une lourde monotonie. Nous
obferverons encore que ce qui fernbke ajouter à
la pefanteur de cette façade, c’eft la- p rivation dit
piedeftal aux ordres qui décorent les arcades ; ce
qui contribue à rendre les galeries du rez-de»
chauffée baffes & ecrafees. Cette abfence de b a fes
réfulre pour cette façade de la montée fur la*
quelle eft élevée Faire du corps principal de bâti-
m en s, pour la mettre prefque de niveau -avec
le ftfl du jardin. C ’eft donc aux dépens des bafes
que l’on a gagné ce niveau. On pouvoit fans doute
remédier à cet inconvénien t, en abaiffant le plan
du jardin. Il feroit même généralement à fouhaiter,
lorfque la difpofirion du terrein le p ermet, que
la façade d’un palais du côté du jardin pût être
élev ée de quelques pieds au-deffus du fol ; autre-
l^^nt fon ordonnance paraît enterrée ; ce qui nuit
à l’élégance de fia' décoration & à l’afped général
de 1 édifice. O it éprouvera la vérité de cette
remarque, en comparant les deux façades de ce
palais , dont Fune fur la cour eft élevée fur une
terraffe à degrés, & l’autre ou celle dont on v ien t
de parler eft à rafe terre,
L nous faut maintenant décrire la décoration
generale de cet édifice,-qui, confiftant prefque uniquement
dans l ’application des ordres , complétera
ce qui nous refte à dire de fon élévation.
Rien n ’eft plus uniforme & plus régulièr que
l’ordonnance-générale du Luxembourg. Elle eft
la même au dehors qu’au dedans. T o u t le rez-de-
cbauffée eft en arcades formées par des piédroits
ornés de pilaftres plus ou moins accouplés, félon >
la diverfité de largeur dans le piédroit. Les arcades
font ouvertes ou remplies par des c ro ifé e s, fui-
vant qu’elles forment galerie ou appartement. La
feule façade du -côte, de la rue n’eft point percée
d arcades , du moins dans la partie qui forme la
terraffe.
Mais l’ordonnance n’y éprouve malgré cela
aucun changement; ce font toujours les mêmes
pilaftres accouplés. L ’intervalle des entre-pilaftres,
au-lieu d ’être percé en-arcades, eft orné dé tables
dont la diftribution , la dimenfion & l ’ordonnance
font a un très-bon effet. L ’ordre régnant
dans tout le rez-de-chauffée eft le tofean , coupé
par des boffages continus fur toute la fuperficie
de l’edifice. On trouve le piédeftal de l’ordre trop
é le v é , & les arcades, fur-tout celles de la c o u r ,
qui font percées trop hautes pour leur largeur!
Le fécond ordre , ou celui du premier é tag e , eft
encore exa&ement uniforme dans tout le pourtour
de ce palais. Il s’y trou v e -, ainfi que dans
1 étage inférieur, appliqué en pilaftres fur toutes
les grandes pa rties, & en colonnes adoffées aux
murs dans tous les avant-corps ; fa difpofirion eft
la même qu’au rez-de-chauffée. T o u t cet étage