
v in ° t - deux p ie d s , & fa hauteur de cent feize.
Sur un grand foubaffement, qui contient un
rez-de-chauffèe, s’élèvent deux .ordres de pilaftres.
L ’ inférieur eft romain ou comporte ; celui de deffus
eft corinthien. La hauteur de chacun de ces ordres
eft de trente-fix pieds. Chaque ordre embraffe deux
étages ou deux rangées de fenêtres, dont les fu-
périeures ne femblent être que des mélanines :
elles font du goût le plus fimple, fans profil, chambranle
ni frontons ; feulement entre les deux rangs
de c ro ifè e s , on voit des feftons ou guirlandes,
qui fervent à féparer les étages. Vingt-trois croi-
fées forment chaque étage. La façade fe compofe
d’un avant-corps de fept c roifèe s, de deux parties
rentrantes, & de deux autres avant-corps aux
angles de trois croifèes ou de quatre pilaftres. Ces
deux derniers avant-corps ont moins de faillie que
celui du milieu.
Celui-ci fe termine par un fronton magnifique,
furmonté de trois ftatues de bronze , & orné d’un
très-beau bas - relief. On y v o it une femme qui
repréfente la ville d’Amfterdam, dont elle porte
les armes fur le genou droit. Elle a fur fa tête une
couronne impériale, eft afiîfe fur une chaife portée
par deux lio n s , &. de la main droite tient une couronne
d’olivier. A fes côtés fon t quatre naïades,
qui lui préfentent d e s .couronnes de palme & de
laurier. D eu x autres dèeffes marines lui viennent
offrir diverfes fortes de fruits. A fa droite, on voit
des tritons, qui femblent jouer de leurs conques ;
ils font accompagnés d’une licorne & d’un chev
a l marin. On y vo it aiiflï Neptune a v ec fon trid
e n t , a fils, fur une coquille. Cette allégorie fait
entendre que la v ille d’Amfterdam, qui n’eft jamais
plus floriffante que quand elle jouit de la
paix , s’eft enrichie par fbn commerce dans toutes
les m e r s , dont.on lui apporte les tributs de toutes
par^s.,
C e grand ouvrage de marbre, & de la plus
belle e x écu tion , a quatre-vingt-deux -pieds de long
fur dix-huit dans fa plus grande hauteur : il eft
couronné de trois figures de bronze , de douze
pieds de proportion -, qui repréfentent la Paix ,
tenant d’une main une branche d’olivier, 8c de
l ’autre le caducée de M e rcu re , la Juftice ayant
une balance 8c un fc ep t re , a v ec un oeil toujours
o u v e r t , & la Prudence , avec^un ferpent & un
miroir,
A quelque diftance de cette partie.de l ’éd ifice ,
mais-ail - deffus du fronton , s’élèv e une petit dôme
cou ve rt de plomb ' 8c foutenu de colonnes d’ordre
corinthien*, il renferme l’horloge, dont on vo it le
cadran au-deffous.,
•On à v u que l’édifice pofoit fur un foubaffe-r
ment continq , & qui règne tout alentour. C ’eft
dans ce foubaffement que font prifes les,.portes
qui donnent entrée dans l’édifice. : Ces p o r t e s a u
nombre de. fept , font a llufion, dit-on, aux fept
provinces'Pn,ies ; & l’on a dit encore par plaifan-
î^ r iç , que leur petîtefie étoit une autre efpèc.ç
d’allufion à la petiteffe de ces provinces." Quoi
qu’il en f o i t , il eft fenfible que la dimenfion de
ces portes, comprife dans le foubaffement, eft
infiniment p e t ite , eu égard à la maffe générale.
Pourquoi de fi petites entrées à un fi vafte édifice
? Un grand &. magnifique portail n’auroit-il
pas mieux répondu à l’ordonnance de l’enfemble J
V o ic i ce qu’on répond à cette critique.
Ces portes, dont la plupart font grillées, ont
été bâties exprès dans une petite dimenfion, pour
empêcher l’irruption des féditieux en cas d’émotion
populaire. Comme le tréfor de la banque eft
• dépofé & gardé dans ce lieu , il a été à propos
de, ne pas le. làiffer trop ou v e r t, joint à ce qu’on
a vould prévenir auflï la trop grande foule du
peuple , qui pou rra it, en certains cas , troubler
les délibérations des magiftrats. Les ouvertures
étant petites, peuvent aifément fe garder par des
fentinelles.,
La face occidentale, c’eft-à-dire, oppofée à celle
qu’on vient de dé crire , eft décorée de la "même
manière. Le fronton qui en occupe le milieu, ne
le cèd e, ni pour la compofition, ni pour le trav
a i l , au précédent.
On y voit la déeffe du commerce fous la figure
d’une femme, ayant fur la tê.te le bonnet ailé de
M e rcu re , & appuyée contre un vaiffeau repré*
fentant les anciennes armes d’Amfterdam : elle eft
environnée de tous les- inftrumens de pilotage ;
à fes pieds font deux fleu v e s , & à fes côtés des
habitans des quatre parties du monde , qui offrent
à la déeffe des fruits de leur pays. L e fronton eft
auflï furmonté de trois figures , qui font, Atlas,
fupportant le g lo b e , la Tempérance & là Vîgi-
lance : elles font de bronze.
Les deux côtés moins grands de l’édifice ne font
ni daine difppfition auflï belle , ni d’une dé.cora*'
tion aufîi r ic h e , quoique les mêmes proportions
& la même ordonnance y régnent.
En général on doit louer dans.ee .monument la
belle intelligence du -plan., la grandeurtde la maffe,
la belle exécution.de tous les détails ,, & une certaine
fageffe de décoration : mais il y aurait bien
des remarques critiques, à faire, 8c fur lefquelles
le lefteur nous a déjà prévenus. D ’abord l’emploi
des, deux -ordres coiupofite 8c corinthien , qui,
pour la proportion 8c la décoration., fe rapprochent
au point de fe confondre, 8c la fymmétrie
. exa&e; des deux étages divifés chacun en deux
rangs de crp ifé es, y pr,odfti(ent une .forte de froideur
, d/égali-té ■ 8ç. d e , monoto'nie inévitable. Les
c r o i fè e sd é n u é e s ,dp profil 8c de chambranles,
pntiun afpeéb pauvre, & les.giiirlandes qui féparent
l,es croifèes forment une décoration infipide. Mal*
' gré les raifons qu’on a données pour juftifier la petiteffe
,des.portes, on ne fauro.it difeonvenir que
leur proportion eft.abfohimenfc fans, rapport avec
le refte d4e! l'édifice, & qu’elles femblent ne donner
entrée que dans un étage fojaterrein.
Campen
Campen n’en doit pas moins être mis tlu liêmbre
des grands architectes du fiècle paffé : le monument
donc nous venons de parler fuffîroit pour
ui affurer cette place : mais ce n’eft pas le feul
qu’ait enfanté fon génie : ii bâtit encore plufieurs
autres édifices dans la ville d’Amfterdam ; fayoir
un théâtre pour la comédie hollandoife, 8c quel*
ques maufoîées pour des amiraux qui fe font rendus
célèbres en fervant la république. A la H a y e , il
conftruifit un palais pour le prince Maurice de
Naffau. H I •
Cet artifte, comme on l ’a d i t , étoit d’une famille
noble : mais fa façon de penfer étoit encore
au*deffus de fa naiffance. Jamais il ne tira aucun
profit de fes peintures ni de fes deflïns : il en fit
toujours préfent de la manière la plus généreufe.
C A N A L , f. m. c’eft un conduit artificiel qui
reçoit & contient les eaux des fou rce s, des ruif-
feaux, des la c s , des riviè res, de la mer m êm e ,
& fert à les transmettre d’un lieu à un au tre, en
plus ou moins grande quantité, félon la différence
de fon emploi 8c de fa deftination.
On n’entend , en général , par le mot canal, ni
les conduits couverts 8c en maçonnerie , qui portent
l’eau dans les v ille s , & qu’on nomme aquer
ducs ( voye^ ce m o t ) , ni ceux qui exportent les
eaux & les immondices des v illes (voye{ Clo a q u e ,
Egout ) ; mais uniquement ceux q u i , coupés
au travers des terres, ont pour objet leur fertilisation
, & plw£ encore le rapprochement des diverfes
provinces d’un même pays & des hommes
en général, par la communication qu’ ils établiffent
8c la facilité des échanges.
On diftingue ordinairement trois fortes de canaux
, les canaux d’arrofement, les canaux de defféchement
ou de décharge, & les canaux de navigation.
L’invention des canaux d’arrofoment eft attribué
aujf E gyptiens, qui conduifoient ainfi les eaux du
Nil dans les endroits les plus éloignés. Quand la
fituation du terrein qu’on vouloit.a rrofer étoit inférieure
au niveau du f le u v e , le canal d’arrofe-
nient étoit un fimple tuyau de conduite qui fe
<Üvifoit en différentes branches ; pour difperfer
fon eau fur plufieurs endroits : mais lorfque le ,
terrein fe trouvoit plus élev é que le lit de l’ eau ,
les Egyptiens employoientdes machines pour l ’élever,
& fur-tout là v is qu’on appelle d’Archimède.
L’Egypte eft encore aujourd’hui toute coupée par
des canaux qui ne font que des dérivations du
Nil. C ’e f t , comme l ’on fa it , le feul moyen que
la nature fourniffe aux hommes.de ce pays de
fertilifer , fous un ciel fans nuage , un fol par lui-
même fec & aride. Ce s procédés 8c leur perfection
ont ,dû fuivre les différèns degrés de population
8c de ciyilifation de l’E g yp te .;, ils s’y
fopt confervés , malgré l’état de barbarie moderne
ce pays , parce qu’ils y font liés aux premiers
befoins de la -vie.
Les Italiens , las P ro v en ça u x , le s Dauphinois,
ArchluÜurc% Tome /.
& c . ont «onftruit, 8c pour le même o b je t , un
grand nombre de canaux d’arrofement, & on les
•regarde comme la fource de la richeffe de certains
pays. On cite comme un prodige en ce genre
celui de Provence. Entre Arles 8c S a lo n , eft
une plaine qu’on nomme la Crau , qui a prés
de fix lieues de long fur trois ,de large , 8c n’eft
remplie que de cailloux : ç’eft cette plaine qae
les anciens appelaient Campilapidei. Par elle-même
inutile, elle étoit fur-tout fâcheufe aux v o y a g eu r s ,
q u i , expofés à toute l’ardeur du fo le i l, n’y éprou-
voient que féchereffe 8c ennui. Un gentilhomme
p ro v en ça l, nommé Adam de Crapone, reconnut,
par des nivellemens, que la D u ran ce , prife près
du village de la Roque , à fix lieues au-deffus de
fon embouchure dans le R h ô n e , étoit de beaucoup
fupérieure à cette plaine : d’où il conclut
qu’ort pouvoit répandre en abondance l’eau fur ce
fol ftérile , & que le limon qu’elle y dépoferoit
pourroit lui donner la v ie . Dans cette v u e , il fit
faire en 1558 un canal portant aujourd’hui fon
nom , qu’il coupa par un grand nombre de rigoles
tranfverfales. L ’eau s’épancha fur cette plain e, &
bientôt on en vit les heureux effets : les b led s ,
la vigne pouffèrent dans les endroits les plus favorables
, & ceux qu’on croyoit abfolument fans
reffource, donnèrent & donnent encore aujourd’hui
une herbe fu c cu len te, qui fert de pâture à un
grand nombre de troupeaux. Je ne citerai que ce
trait en faveur des canaux d’arrofement, & des ref-.
fources qu’une intelligente induftrie peut en tirer,'
Les canaux de difficilement pu de décharge , font
ceux qui fervent à donner de l’écoulement aux eaux
ftagnantes, ou à décharger celles des fleuves o u
des lacs fujets à des débordemens dangereux.
Les plus grands ouvrages de l’Italie en ,ce genre
fe font toujours dirigés vers les marais Pontins.
On y v o it encore-aujourd’hui le canal qui du forum
Appii conduifoit au travers les marais ju fqu esprè s
de Terracma. I l avoit le double avantage d’être
canal de defféchement, & en même temps de navigation.
En defféchant ces marais, on rendoit à
l’air fa première, fa lu b r ité , on mettoit èn valeur
un grand efpace de terrein inutile , & le cànal
qu’il falloit creufer à ce deffein, devoit fervir £
trànfporter des marçhandifes & des voyageurs.'
Il n’eft pas bien sûr qu’Appius ait travaillé àdeffé-
çher ces marais, quand il fit conftruire ce beau
chemin qui ? porte fon n om , & dont il fubfifte
encore tant de reftes. Mais ce pays étant très-
fujfet à des inondations, il a pu arriver que les
marais foient revenus depuis à leur premier état.
En e ffe t, la république connoiffant les grands avantages
qui réfultoient de leur defféchement, char-;
gea le conful Céthégus à qui cette province étoit
é chue , dé les deffècher , & il en fit un territoire
fertile. C e fut 162 ans avant J. C . C e travail
devint inu tile, foit par la négligence & le défaut
d’entretiëh , foit par la nature du lieu. Ce far f*
propofa d’y répéter les mêmes ten ta tive s, enfi$