
antiques , en impofent au vulgaire ignorant. Mais
l'oeil clairvoyant qui fait en découvrir la fraude,
n’apperçoit dans toutes ces tranfpofitions factices,
que les relfources malheureufes d’une pauvreté mal
déguifée. Dans tous ces ramas de compilations décou-
fues, il cherche l'imitateur & ne trouve qu’un plagiaire
mal adroit.
Rien de plus prodigue , de plus abondant dans
l'étalagé de leurs prétendues richefles, que ces froids
plagiaires, que ces génies parafâtes qui vous entaffe-
ront tous les temples de l’antiquité , & ne fauront
vous bâtir une maifon. Ils font capables-de vous
faire les plans de Thébes , de Memphis & d’Olym-
pie , mais ne leur demandez, ni le deflîn d’une
porte , ni la proportion d’une colonne. Sous leur
crayon fauflement poétique , tout devient temple,
& les féjours des plus humbles mortels, n’ont rien
qui les diftingue des demeures divines. Mais auffi
réalifez ces projets , fi beaux, fi riches en apparence,
plus d’accord, , plus de proportion, plus d’enfemble.
L ’illufîon a difparu , toute cette vaine enflure s’eft évanouie
dans l’exécution , qu’y refte-t-il enfin ? Un
fqueiette d'Antique ridicule aux yeux de tous , mé-
connoiflable même à fon auteur.
Que fera-ce fi de tels imitateurs font forcés d’exécuter
un édifice dont ils ne trouvent point de modèles
dans l’Antique 3 ou qui ne puifïè être de nature
a fe transformer en temple ? C ’eft alors que fe découvre
dans toute fon étendue l’indigence de leur génie.
Comme ils n’ont pas fçu fe rendre propres les
tréfors de l’Antique , c’eft-à-dire lui furprendre le
fecfet de fes richelfes , vous n’appercevez plus alors en
eux que le befoin de dérober , & l’impuiffance de
le faire. Nul caractère propre à leurs édifices. : La
routine-deviént leur génie, l’intérêt leur feul Apollon.
Bientôt ridiculement dépouillés , vous les verrez
trahis enfin par tous leurs larcins, retomber hon-
teufement dans la claffe qui leur convient, & qu’ils
n’auroient jamais dû quitter.
La véritable manière d’imiter l'Antique confifte
à en pénétrer l’efprit , à en deviner les raifons , à
en approfondir les principes, à développer fes moyens,
à découvrir les routes fecrétes par lefquelles il afteéte
notre ame, à rechercher les caufes de ces impreflîons
grandes , Amples "& variées qu’on éprouve à la vue
des monumens. A bien dire, imiter l’Antique n’eft
autre chofe que coimoître & imiter la Nature. Mais
ce don . d’imitation n’a jamais été le partage que
d’un petit nombre d’hommes. Il exige une ame à
la fois fénfible & forte, afTez flexible & allez molle
pour recevoir des émotions qui la pénétrent , afTez
fière pour réfïfter à la facilité vulgaire de l’imitation
Banale.
On recounoîtra fans peine dans l’artifte naiffant
les préfages certains de cette heureufe difpofition.
Il faut que, pourvu d’un jugement fain , il annonce
toute la fertilité de l’imagination la plus riche. Il
faut qu’il éprouve en lui le feu dévorant de cette noble
ambition qui préféré aux louanges d’un moment, les
fufFrages tardifs de la poftérité: que les fublimes leçons
de Y Antique l’occupent le jour, & le réveillent encore
la nuit : que toujours préfens à fon efprit ces immortels
• ouvrages faflent tous ' fes plaifirs , foient tous
fes dieux : qu’habitant en idée ces belles contrées qui
virent naître les arts, il devienne par l’habitude de
fa penfée le compatriote des grands-hommes dont
il veut devenir l’émule. Non , fans l’union de toutes
les qualités de l’amë & de l’efprit , l’imitateur de
Y Antique n’en deviendra que le copifte. Il faut ici
que la paffion fe joigne a la raifon , que le fenti-
ment s’unifie au favoir.
A quoi fervent tous ces deflins des monumens antiques
, minutés & copiés fans ar t, qui groffiflent les
recueils de l’architecte ? Qu’importe que fes portefeuilles
s’empliflent, fi fon ame refte vuide? De quoi lui
ferviront ces copies ferviles de la main , fi l’invi-
fible copie imprimée dans fon efprit ne lui en retrace,
au befoin , le génie qui les anime? L’architecte
doit, fans doute , par l'étude des mefures, par l’imitation
exaCte des plus beaux monumens, fe rendre
un compte fidèle des moindres détails, & des proportions
de l’Antique, de ces nuances légères, de
ces variétés infenfibles qui en modifient les formes
& le .caractère , & qui échappent à la vue ordinaire
& fuperficielle. Ses premiers pas , fans doute, doivent
ainfi fe calquer fur ceux de Y Antique ; mais il
faut auffi que s’identifiant avec lui par la penfée,
laiffant errer, fi on péut le dire, én liberté le génie de
l’imitation, fe raflaffiant de la vue des grands modèles
, il quite un temps la régie & le compas
& laifle germer par la méditation les grands principes
dont il s’eft imbu. Cette étude invifible efl celle
du fentiment. C ’eft elle qui gravera dans le fond de
fon ame ces empreintes libres & durables, qui fauront
donner à fes ouvrages le caractère inappréciable
d’une facile originalité. Alors, ceftant d’être,1’eP-
clave des anciens, mais,vraiment familiarifé avec
eux , il fe rendra digne de leur être aflocié & comparé.
Ses ouvrages pleins d’une richefle qu’il aura
lçu s’approprier & convertir en fa propre fubftance,
s’éloigneront, & de cette profufion indigente, qui prodigue
ce qui né lui appartient pas , & de cette
timide parcimonie qui ne fauroit donner ce qu’elle
n’a point. Comme il aura fur-tout étudié les maximes
du beau dans. les oeuvres de l’antiquité , & dé-
.voilé les caufes fecrettes de leur mérite, il faura
en appliquer le développement à d’autres objets , &
reproduire même fous d’autres formes des effets fem-
blables. Les édifices dont il ne trouvera point de
modèles chez les anciens , dirigés par les mêmes
principes que les leurs refpireront le même goût. Ils
auront leur caractère propre. On n’y verra point çette
monotonie de ftyle , réfultat ordinaire de ces études
imparfaites qui n’ont embralfé que l’apparence
& , pour ainfi dire, la fuperfîcie de Y Antique.
L ’on ne peut donc trop recommander dans l’étude
de Y Antique , & le choix des meilleurs ouvrages ,
& le véritable efprit qui doit préfider à leur xmitar*
tion. C ’eft par là que les productions modernes ac-
querroient ce caractère de grandeur & de majefté
qui leur a -prefque Toujours manqué en France.
e* Si nos édifices , dit M. Clérifleau , n’ont point
*> cette noblefle , cette majefté , cette fage conve-
m nance qui caraCtérifent les monumens des anciens,
*> n’eft-ce point, parce qu’en copiant exactement les
« formes de leurs maffes, & les proportions de leurs
»5 détails , nous n’étudions pas afTez l’efprit dans lésa
quel ces monumens étoient compofés , & que
a» noùs»ne recherchons pas ce qui a pu leur imprimer
95 ce caractère imposant qui nous étonne encore au-
»3 jourd’hui dans leurs veftiges.
95 Apprenons donc des anciens les régies auxquelles
93 nous devons foumettre nos opérations. Apprenons
95 d’eux à foumettre auffi les régies au génie. EfTa-
95 çons cette'empreinte de fervitude & d'imitation
99 froide qui déparent nos productions. Qu’elles
93 refpirent plutôt une liberté féconde. Mais ne ha-
93 zardons de licence que lorfqu’une connoiflance ap-
99 profondie^ôç parfaite des principes du beau, pourra
3° nous guider sûrement dans la route périlleufe du
95 fublime. Appliquons déformais tous nos foins à
93 reproduire les beautés qui nous frappent dans l’ar-
99 chiteCture antique. Sans'les copier fervilement,
99 fâchons ,auffi démêler celles qui font enfouies, &
99 comme perdues dans les ouvrages médiocres en
93 évitant les défauts qui s’y rencontrent, & n’imi-
99 tons pas ces architeâes peu judicieux qu’un faux
»9 difcernement a portés à préférer les productions
•» des bas-fiécles aux reftes majeftueux de l’archi-
93 teCture antique. 93 :
ANTIQUE. Ç f. Ce mot pris feul lignifie quelquefois
une ftatue antique. IL y a des Antiques dans li galerie
de Verfaïle s.
ANTIQUITÉ , f. f. Terme dont on fe fert ordinairement
au pluriel en parlant des monumens qui
nous reftent des anciens. =
'L ’étude de Y Antique eft d’un artifte ; l’étude de
YAntiquité eft plus d’un Antiquaire ; mais la con-
noiffance de l’antique eft auffi néceflaire à ce dernier
, que celle des Antiquités eft utile au premier.
L ’étude de l’antique fe borne ordinairement à la
fcience de l’art j celle de Y Antiquité embrafle les
connoifiances hiftoriques ou mythologiques des peuples
anciens * de leurs moeurs , de leurs arts , de
leurs habillemens , &c.
Raphaël eft celui qui.a le mieüx vu & imité l’antique
: Wihckelmann eft celui qui a le mieux connu
& expliqué les Antiquités.
Antiquités, par rapport à l'architeCture, fe dit des
anciens batimens qui font encore de quelque ufacre :
tels rjue lès temples des Payens dont on a fait *des
eglifes j il fe dit des fragmens de ceux qui ont
ete ruinés par le tems & par les Barbares 5 ainfi , à
Rome, les reftes du palais des empereurs fur le mont
j Palatin , cetix des amphithéâtres d’Arles & de Nifmes
font des Antiquités. Il défigne auffi un certain nom-'
bre de monumens antiques qui fe trouvent dans une
ville : ainfi l’on dit les Antiquités de P o u z z o l, d ’A -
grigente &c.
C e nom fe donne encore aux ouvrages des voyageurs
célébrés qui nous retracènt-par le deflin & la
gravure les monumens & les édifices des anciens :
dans ce fen s, on dit les Antiquités de la France par
M. Clérifleau.^ Cet ouvrage , qui peut en ce genre
ftrvir de modèle a ceux qui en entreprennent de pareils
, & dont le Public attend avec impatience la
continuation , ne peut que réveiller dans la nation
quipoflede ces tré fors, l’amour pour les reftes merveilleux
de l Antiquité qu’elle va admirer au loin
dans les pays étrangers , & dont elle femble dédaigner
la connoiflance dans le fien. .
L ’amour de l’antique eft le. garant du bón goût
dansl’artifte, comme celui de YAntiquité l’eft pour
une pays de l’eftime & du cas que l’on y fait des
arts.
A N T I -S A L L E , f. f. grande falie qui en précédé
une autre our les cérémonies , comme on en voit
dans les bâtimens confidétables , & furtout en Italie.
A N T IS T A T E S . Ce t architecte Grec fut choifi par
rififtrate avec Antimachides, Calefcros & Porinus ,
pour bâtir à Athènes le fameux temple de Jupiter
Olympien. L e deflîn de ce temple étoit grand & magnifique
j il infpiroit le refpeft , & exciroit l’ admiration.
L a mort de Pififtrate ayant donné lieu à quel-
qpes révolutions , on cefTa d’y travailler 5 & cet
édifice devint l’ouvrage de plufieurs fîéc les, & de
plufîeurs fouverains amis des arts , qui fe difputè-
rent la gloire de l’achever & de l ’embellir. Perfée
roi de Macédoine, & Antiochus Epiphane , quatre
cents mis après Pififtrate’, chargèrent Coffiitius archi-
tedte Komam , d’achevèr le corps du temple &
de placer les colonnes du portique. C e monument
de la piete des princes devint, à jufte titre , l ’un des
quatre plus fameux temples, de marbre de la Grèce.
Les trois autres étoient celui de Diane à Ephèfe le
.temple d’Apollon à M ile t , & celui de Cerès à E l’eu-
- de JuPicer dont il s’agit étoit diptère
& octoftyle : on y voyoitles ftatues des colonies Athéniennes.
Deux ordres de colonnes l’ un fur l’autre
& éloignés d’une certaine diftance des murs de Ê
CeLla, environncfient l ’intérieur 5 ce qui formoitdes
portiques ou de petites nefs 5 le milieu étoit découvert.
Y L'etnperenr Adrien ache-ya entièrement l'édiffce *
il y fit ajouter une enceinte de murs pour en former
une place fermée félon la coutume des anciens dans
les grands temples. ( Voyc^ T emple. ) Cette enceinte
a.o rt un denjr-mrlle de tour ; elle étoit décorée de
perutyles & de ftatues. C e temple fuperbe fi l’on
en croitM. le Roy , fert aujourd'hui de ^ a ^ r .o u d f c