
C e nom convient autant à la forme même &
à la compofition des ornemens, qu’à leur emploi.
C ’eft bien fur-tout dans le gothique , que le
goût des ' colifichets fe fait remarquer. Prefque tous
les ornemens dont cette architecture eft b rod é e ,
ayant perdu , par l’ignorance des artiftes & la routine
de l’a r t , jufqu’au fouvenir de leur origine &' des
motifs qui leur ayoient donné l ’être , ne s’em-
ployoient fur tous les membres des édifices que
comme des broderies dont les formes arbitraires,
fans objet comme fans rapport avec Futilité-& la
convenance, fe trouvent hors de l’empire de toutes
les loix , & même élu goût.
Q u ’on fe rappelle tous ces culs-de-lampesv tous
ces fleurons découpés avec plus d’artifice que d’a r t ,
toutes ces clefs pendaptes , toutes - ces rcfaccs évui-
dées , ces arcs perforés ,'cès filigranes , ces dentelles
dont les plafonds font chargés, dont les piliers font
couverts, & l’on aura la meilleure définition pratique
du mot colifichet.
Ce~mot devient quelquefois un adje&if dans le
langage familier des arts , & l’on dit aufîi un édifice,
un goût colifichet. .
O n n’a malheureufement que trop d’occafions
d ’employer cette locution dans les édifices modernes.
C e goût fe fait reconnoître par une trop grande
prétention à l’élégance , à la légéreté , à la parure ,
par des formes trop variées^, par un emploi immodéré
d’ornemeris , par. une affectation de plaire & une
recherche qu’on pourroit appelier la coquetterie de
Fart.
L ’architeéhire moderne n’a guère moins de reproches
à fe faire dans ce genre que la gothique,
& peut-être a-t-elle moins H’excufe , parce qu’elle
a des modèles qui deyroient & -pourroient la pré-
ferver de tous ces abus de la fantaifie ; elle eft
moins excufable encore , parce que c’eft foûvent
avec eonnoiffance de ,caufe qu’elle y tombe.
Q u e a ’omemens modernes auxquels le mauvais
goût & la ftérilité des architectes ont habitué nos
y e u x ! N e pourroit-on pas ran g e r .au nombre des
colifichets tous ces v à fe s , ces brafiers , ces caffolètes,
ces candélabres placés fans motif fur les combles
des édifices ? Tou s ces fleurons, toutes ces guirlandes
qu’on rencontre par-tout & ne fignifient rien nulle
p a rt ,to u s ces médaillons , lieux communs perpétuels
de l’ignorance des artiftes , ces -faftidieufës
cartouches propres à tourmenter la vue comme la
raifon , & tant d’autres objets qui font devenus ,
dans nos édifices, ce que font les. aétes de politeffe
dans la fociété ; quel autre nom peut-on leur donner
que celui de colifichets?
L e feul moyen de purger l’architeéhire de tout
ce fuperflu d’ornemens, e f t , comme on 1 a déjà
dit plus d’une fois , de n’en admettre.aucun qui ne
foit fignificatif en lui-même, & par rapport à l ’édifice
où on Fapplique , ou bien qui ne foit requis
impérieufement par le caractère du monument ,
par 1-harmonie oculaire , par l ’effet qu’il doit produire
& l e genre d’imprellion qu’il doit exciter. Tout
ornement dont on ne peut juftifier ainft l’emp loi,
devient un colifichet , & tout homme de fens conviendra
qu’il vaut mieux ne rien dire que de dire
des riens.
CO L ISEUM , COLISÉE . C ’étoit & c’eft encore
le nom du plus grand amphithéâtre de Rome & de
l’univers. Il ' fut ainfi appellé par corruption de co-
lojjeum ; fuivant les uns, à caufe du coloffe de
Néron qui étoit dans le voifinage j ~ fuivant les
autres , à caiife de fa grandeur coloffalè & gigan-
tefque.
Place au milieu des fept montagnes de R om e ,
cet édifice égaloit le fommet des plus hautes. Selon
Juffus Lipfius, fes gradins contenoient quatre-
vingt-fépt mille perfonnes. Fontana , en ajoutant
feulement dix mille places fur les portiques placés
au-deffus des gradins , & douze m ile dans les
autres enceintes , 'tant du bas que du-haut, où l’ont
plaçoit des fiéges portatifs, a trouvé^que cent neuf
mille fpèdateurs pouvoiént y voir à l’aife les jeux
& les combats de l’arène. ( Foycç au mot A mphithéâtre
, la defeription détaillée de cet édifice).
C O L L A R IN , fi. m. mot formé de l’italien
cbllarino. C ’eft, dans le chapiteau dorique, la petite
frife qui eft entre l’affragale & les annelets, &
qu’on nomme auffi gorger in. ( Voye^ ce mot). Dans
l ’ancien ordre dorique , il n’y avoit point de go r-
gerin , mais le mot do collarin fe donne cependant
à des ornemens qui occupoient quelquefois la
place du gorgerin.
I l faut citer comme quelque chofe de remarquable
en ce genre 9 le chapiteau d’im des monu-
mens de Pæffum, dont il a été déjà parlé à l’article
Basilique, comme pouvant avoir été une bafilique
grecque. Le collarin de fes chapiteaux eft fculpté
& orné de fleurons, d’èntrelas & de cannelures, de
manière que ces ornemens ne fe répètent dans
aucun, mais fe trouvent entre-mêlés pour le plaiûr
de la variété.
C O L L A T É R A L , adj. fe dit ordinairement ou
des bas-côtés qui accompagnent une grande n e f ,
ou des allées placées à côté" d’une plus grande dans
un jardin.
C O L L È G E , fi m. C ’eft le nom qu’on donne à
de grands bâtimens, deftinés principalement à l’inf-
truction de la jeunefîe.
Nous avons auffi peu de notions certaines fur
l’éducation publique des anciens que fur les édifices
qui y étoient confacrés , & dont il ne nous eft rien
refté. Il eft à croire que les Grecs fur-tout ne connurent
point ces bâtimens c lo s , où la jeuneffe em-
prifonnee contrarie tous les vices de l’eficlavagè
& de l’oifiveté. On ne fauroit, fur cet o bjet, con-
jeélurer mieux que ne l’a fait M. Paw dans fes
recherches fur les Grecs.
« Il paroît en général, que les philofophes Grecs
avoient ime averfion encore plus marquée pour le
féjour des villes que le refte des Athéniens ; mais
cojjame il n’eût pas été convenable à leurs vues
de trop s’éloigner de la capitale, qui étoit le dépôt
des inftrumens & des fecours dont les arts & les
fciences ont befoin , ils imaginèrent, dès le temps
de Platpn,un milieu entre les extrêmes, en habitant
des. jardins répandus aux environs, d’Athènes ; &
c’eft là qu’à l’ombre du repos & loin des cris importun^
du vulgaire , il fe forma tant de grands
hommes , dont un feul eût pu illuftrer toute une
nation.
» Cette éducation champêtre des Grecs avoit des
avantages infinis fur la méthode de ces peuples de
l’Europe qui ont relégué l’enfance dans des collèges
infe&s ■ , où il règne fouvenf trois grands
fléaux à la fois , le lu x e , l’ignorance & le préjuge.
y» Lorfque des philofophes fort célèbres, tels que
Polémon , aYoiënt tant de difciples qu’on ne pou-
Voit les réunir dans l’enceinte d’un jardin", ils
cOnftruifoientpour leur u fag e, autour de la demeure
du maître , des cafés qu’on nommoit en grec
calybia , c’eft - à - dire, des huttes très - chétives ,
faites de bois & couvertes de chaume, où les étu-
dians de la Grèce fe lpgeoient. avec une fatisfaâion
fingulière ; car ils étoient capables de tout entre-'
prendre & de tout endurer pour acquérir ce qu’ils
appelloient la fageffe, & ce qu’ils appelloient encore
l’immortalité.
» Dans cette partie du monde ,' les hommes firent
de grandes chofes , mais ces grandes chofes qu’ils
firent exigèrent des efforts prodigieux, des peines
inexprimables & des flots de fueur. Il étoit presque
auffi pénible d’aclleyer un cours de philofophie ,
que, de fe livrer aux durs exercices du pugilat & de
la lutte , pour mériter les couronnes de l’Elide ou
celles du ftade deNémée.
» Cependant cette manière d’exifter, telle qu’on
vient de la dépeindre , préfervoit l ’enfance de la
corruption des villes , oc diminuoit confidérable-
ment les frais de l’éducation publique, qui ont depuis
ruiné tant de familles médiocres. Il n’en coû-
toit pas beaucoup à de jeunes Athéniens pour aller
entendre des le’çons qui fe donnoient dans un berceau
de verdure & pour venir enfuite coucher'fous
des toits de pafîlle.
, » Un amas de femblables habitations offroit de
loin Fafpeét ' d’un hameau , où l’on enfeignoit la
morale comme un métier, c’eft-à-dire , par la pratique.
» Les chefs des feCtes phîlofophiques qui dirigeoient
ces colléges à leur gré., y occupoient des demeures
fans comparaifon plus commodes & plus fpaeieufes
que celles de leurs difciples. Le jardin de Théo--
phrafte, fitué vers les rives de l’I liffe , renier moit
un temple où devoit être confacrée l’image d’Ariftote,
un portique orné de cartes de géographie , un
mufée où Fon donnoit des leçons d’hiftoire naturelle
, & enfin dtfférens logemens affez étendus
pour que plufieurs philofophes puffent y vivre
en commun ».
Rien, comme Fon v o i t , ne reffemble moins aux
lieux d’éducation des Grecs , que ceux auxquels les
modernes ont donné le nom de collèges.
Un collège confifte ordinairement en une ou plufieurs
grandes cours, environnées de bâtimens ou
font les lieux d’étude , d’exerc ice, de récréation,
les dortoirs , réfeâoires & autres pièces de même
genre. '
O n peut citer en Italie plufieurs colleges qui
font des monumens remarquables par leur dif-
pofition & la beauté de leur conftruâion. ^
f A R ome, le college romain (ci-devant des Jefuites),
eft un vafte édifice fitué fur une affez grande place,
dont, le eara&ère extérieur eft affez conforme à là
fimplicité que femble demander cette efpèce de
monumens. Sa longueur eft de quatre cents cinquante
palmes, fa hauteur eft de cent v in g t , fans,
comprendre l’attique. La'façade offre trois parties
qu’on peut appelier des compartimens plutôt que
des divifions. Deux grandes portes placées dans le
corps du milieu forment les entrées de 1 édifice.
Leur forme & leurs profils font un peu lourds ,
ainfi que le général de l’ordonnance, ou l’on pourroit
blâmer une trop grande multiplicité de fenêtres
, ainfi que l’inégalité de leur diftribution , fi
les befoins intérieurs d’un pareil édifice n’y euffent
dû naturellement entraîner l’architeâe. La grande
cour eft une des plus belles de Rome ; elle a deux
étages de portiques en arcades, décorés^ de pieds-
droits & de pilaftres ; elle eft v a fte , aérée & de la
meilleure tiifpofition. C ’eft fous ces galeries en
portiques que font rangées les çlafles ou les differentes
falles deftmées aiix exercices d ’humanité ,
rhétorique & philofophie.
C e que l’on v ient de décrire de ce vafte édifice,
eft dû au génie d’Âmmanati , un des plus grands
architeâes de l’Italie. Malheureufement fon deffin
ne fut point exécuté en entier ; c’eft fur le plan de
divers autres archite&es qu’a été rachevé tout le
refte de ce collège, qui confifte en corridors, dortoirs
, jardins, r é f ë & o i r ë s q u i , avee l’églife qui
fait partie de ce grand plan , occupe en quarré
un efpace de deux mille, cent palmes de circonférence.
Rome compte encore plufieurs édifices auxquels
on donne le nom de collèges : tels font ceux de la
propagande , de la fapience. C e dernier eft un des
beaux édifices de Rome ; mais ces édifices, deftinés
à l’étude de la théologie & d’autres feiences,,
ne fe mettent point ordinairement au nombre des
maifons d’éducation.
II. y a à Gènes un magnifique collège ; mais cet
édifice n’.eft , à proprement parler , qu’un palais dans
le goût de tous ceux qui ornent cette ville fomp-
tiieufë. XI avoit été la demeure des B albi, & fut donné
par cette puiffante famille aux jéfuites , pour y établir
leur maifon d’éducation. O n n’y trouve donc
aucun des caractères qui conviennent aux édifices
de ce genre.
Paris compte neuf collèges, parmi lefquels onaurcit.
peine à en trouver un qui pût fixer les regards d’un
X X X X 2