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ardeurs de l’été font exceflives. Des guéridons de
quatre ou cinq pieds de haut, placés aux coins de
la chambre, fou tiennent des afiiettes de citrons ou
autres fruits odoriférans, des branches de corail
dans des vafes de porcelaine & des globes de verre
qui contiennent des perlions dorés, avec une herbe
allez femblable au fenouil. Les Chinois mettent aufîî
fur des tables qui ne font faites que pour l’ornement
, des petits payfages compofés de rocailles,de i
plantes ,. & u’une efpèce de lys qui croît au milieu
des cailloux .couverts d’eau. Ils ont encore des
payfages artificiels faits d’ivoire , de cryftal, d’ambre
& de diverfes, pierreries. Outre ces payfages, les
tables font ornees de vafes de. porcelaine, de petits
- vaifl'eaux de cuivre extrêmement eftimés. Les formes
de ces vafes font généralement {impies & agréables.
Les Chinois difent qu’ils ont été faits, il y a deux
mille ans, par quelques-uns de leurs plus célèbres
artiftes.
L’un des principaux ornemens des chambres .confiée
dans les lanternes. Il y en a généralement
quatre qui pendent au plancher par des cordons
de foie. Elles font compofées d’une étoffe de foie
extrêmement fine , fur laquelle on met' des deflins
très-propres de fleurs, d’oifeaux & de payfages.
On les fait quarrées, oâogones, & dans une multitude
de formes, parmi lefquelles il s’en trouve
de très-agréables.
Une cloifon de portes brifées fait la féparation
du falon & de la chambre à lit C . Dans le temps
des grandes chaleurs on ouvre ces portes la nuit
pour frire entrer le frais. La chambre ou l’on couche
eft fort petite, & n’a peur tous meubles, que le
lit & quelques coffres verniffêsoii l’on enferme les
hardes. Les lits font quelquefois d’une grande magnificence.
Les cadres reflemblënt fort à ceux dont
nous nous fervons en Europe: ils font faits de bois
de rofe cifelé ou d’ouvrage de laque. Les rideaux
font de taffetas ou de gaze, quelquefois à fleurs d’or,
& communément teints en bleu ou en pourpre.
Une bande de frtin'd’un pied de large, frit, vers le
haut, le tour du lit, & l’on y voit, dans des com-
partimensde diverfes formes, des deflins de fleurs,
de payfages ou de.figures humaines, entremêlées
de fentences morales & de fables écrites en encre
de la Chine & en vermillon.
Un paflage à côte de la chambre à coucher
conduit au cabinet D. Il eft toujours enfermé de
murs & éclairé par des fenêtres. Les murs font
ornés, comme dans le falon, de fentences morales
& dè peintures antiques. L’es meubles confident en
fauteuils, en lit de repos & en tables. Il s’y trouve
diverfes tablettes chargées de livres, & fur une
table, près de la fenêtre , font arrangés , dans un
grand ordre, les pinceaux & tout l’équipage dont
on a befoin pour écrire, les inftrumens dont ori fe
ù r t pour les calculs arithmétiques & quelques livres
choifis.
Outre ces appàrtemerfs, le rez-dè-chauffée ren-1
• ferme encore la fale à manger F , la cûiuhe G ,
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l’appartement des coulis oii.domefHques H , le bain I,'
les aifrnces K , les bureaux ou comptoirs L , &;
vers la rue, §J| boutiques M.
Le lecu, ou l’étage fupérieur , confifte en plu fleurs
grandes fries O , qui occupent toute la largeur
de la maifon, & font au-deflus des appartemens
du rez-de-chauflèe. On les convertit au befoin en
chambres P , pour y loger des étrangers. Il y a
dans chaque maifon une certaine quantité de feuillettes
de deux ou trois pieds de large & de dix ou
douze de long. Lcrfqu’on veut des chambres, on
fixe ces feuillettes au plancher & au plafond, &
en peu d’heures on forme autant d’appartemens que
l’on veut. Quelques-unes de ces-'feuillettes font
coupées depuis le haut jufqu’à quatre pieds de terre ,
& les ouvertures font remplies de très - minces
écailles d’huître qui tiennent lien de verre & font
affez tranfparentes pour frire entrer le four. C ’eft
de ces écailles que font frites tontes les fenêtres des
édifices de la Chine.
Une de ces grandes f a l e s & d’ordinaire celle
qui efr le plus près de la porte'-de la maifon, fert
à placer l’imagé & l’autel Q de l’idole domeftique r
de manière que ceux qui entrent puiftent les voir.
Le retire du fécond étage efl divifé en appartenons R ,
pour la famille , & au-defliis de la boutique font
les chambres pour les boutiquiers.
Extérieur des maifons. La façade des maifons. chi-'
noifes qui regarde k me eft tout-à- fait unie ou employée
en boutiques. Il ne s y trouve aucune autre
ouverture que la ,porte, devant laquelle on pend
une natte ou bien on place un écran N , pour
empêcher les paffans d’y regarder. Les maifons des
marchands de Canton ont un air affez gai du côté
de la rivière , comme ôn peut le voir à la fig., 382.
M, de Paw ne . croit pas qu’il y ait de doute
fur'le modèle que Varchïtthùre chinoife 'a copié dans
fes édifices ; & dans le fait, il feroit difficile de s’y
méprendre. On voit qu’on y a contre-fait une tente.
Cela eft très-conforme à ce qu’on peut fa voir de
l’état primitif des Chinois, qui ont été, comme
tous les Tartares, des nomades ou des fcénites,
c’eft-à-dire, qu’ils ont campé avec leurs troupeaux
avant d’avoir des villes. Il faut convenir que la
légèreté , la forme, & bien des détails, de l’extérieur
de leurs maifons, rappellent la figure & l’idée d’une
tente.
J’aurai occafion , dans la féconde partie de cet
article, de revenir- fur ce fyftême d’imitation ,- en
traitant d’une manière purement théorique, Var~
chitetture chinoife & les principes! de fon goût. Je ne
m’ écarte donc point de la marche que je me /uis
preferke, & je commence, ce qui regarde l ’extérieur
des édifices par la partie qui en eft k plus riche
& la plus apparente.
Des toits & doubles .toits* « Tels-font les édifices
de 1a Chine, continue le critique' dont on' a rapporté
k nom plus haut; les maîtreffes murailles
n’y . portent rien. Le toit & lé comble repofent
' iniméclfatëmènt fur' la charpente, • c’eft-à-cire, ’
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tes colonnes de bois. Pour ne point réformer CéthH
pratique vicisufe , & . qui ' ne contribue îuille-
jnent, comme on la cru, à garantir leurs villes
de l’incendie , les Chinois ont inventé des doubles '
toits, qui débordent les uns fur les autres; car ils
ont fouvent befoin d’un toit féparé pour couvrir
les murailles ».
Il exifte.de ces doubles toits une ration toute
naturelle. C ’eft le peu d’élévation.4e leurs colonnes
qui 11e font , comme on l’a v u , que des poutres
d’une modique hauteur. Lors donc qu’on veut
donner une grande élévation aux édifices, il faut
recourir à la pratique des doubles t o i t s & cette
pratique n’a , dans le fait, rien de plus invraiiera-
blable que les.corniches multipliées que nous employons
dans nos édifiées à plufieurs ordres-de
colonnes;
Au refte, le premier toit des Chinois n’eft, a.
proprement parler, qu’une efpèce d’auvent qui fert
de c'ouverture avancée aux colonnes, & aux pe-
riftiles formés par celles-ci. Ce qu’il y a de fur en-,
core| c’eft que dans le fyftême de YarchiteShire.
chinoife, ces doubles toits font une de fes principales
beautés, & c’eft fur cet objet qu’il faut entendre
les millionnaires de Pékin, _
«Parler du goût, difent-ils, qu’a ie lit-chi ou le
mangoufleau, .à qui n’a pas mangé de'ces fruits délicieux,
c’eft lui dire des mots qui ne préfentent
aucune idée, ou qui en préfentent de faillies. Ce
qui n’arrive à Pâme que par les feus, n’eft peint
par 1a parole qu’à ceux à qui les fens en ont au,
moins ébauché les premiers traits. L’efprit a beau
travailler fur les autres, idées-, ce qu’il y ajoute
ou en retranche, n’aboutit qu’à des chimères, même
dans les chofes les plus {impies, comme des toits..
Ceux qu’on a donnés en Europe fur des tapifferies ,
dans des payfages, &. dans des1 découpures pour
des toits Chinois, font en tout fi baroques^ & fi
bizarres, qu’on croiroît d’abord qu’ils ont été faits
pour tourner les nôtres en ridicule. Ce n’eft que
par des. peintures exaéies, comme celles qui ont
été envoyées à un miniflre amateur & protecteur
des arts ', qu’on-peut faire cônnoître la forme,
le goût & les divers plans de nos toits. Encore
ces'peintures nô,peuvent-elles donner , une véritable
idée de la majefté qu’ils ajoutent à un grand batiment
, de l’éclat qui relève fon archite&ure, &
de l’effet qu’ils produifent dans l’enfeinble de toutes
les parties d’un palais. La différence de leurs hauteurs
, la variété de leur ornemens, k diverti, te
& le mélange de leurs couleurs, ne peuvent fe
comprendre que par les yeux ».
L’idée des doubles toits, non pas tels que la
critique cherche à les présenter, mais tels qu’ils
font en effet, fur-tout dans les palais de l’empereur ;
cette idée, dis-je, ne feroit point à négliger.,
pourroit être maniée par un habile architeéte,
de façon à fournir un nouvel éclat aux maifons
royales.
Cet éclat à la Chine réfulte fur-tout des tuiles
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vernifféesgenre de luxe réfervé aux palais de
l’empereur, & que la dépeiife extraordinaire in-
terdiroit aux particuliers, quand la loi ne 1 auroit
pas réfervé èxclufivement au louverain. .
La forme des toits Cliinois mérite une attention!
particulière; 'car elle effearaétériftique de ce pays J
& doit entrer dans les éiémens du modèle . auquel
cette architeéture doit vraifemblablemeiit loir
origine.
Mien n’efb plus conformé à l’idée de. tente oit
de pavillon , que la forme générale dé tous les toits
de la. Chine. Dans tous les deflins originaux que
les Chinois, fur tous leurs ouvrages , nous donnent
eux-mêmes de leurs édifices, & dans toutes les re-,
préfentaiions qu’en ■ ont faites les voyageurs mof
s dernes, la feule forme de toit qu’on n’apperçoit jamais,
efl celle qui, comme dans noscomblesprefente
la figure d’un triangle ou de'toute autre forme régulière.
Pour prendre une idée véritable de la configuration
des .toits Chinois, il faut jetter les yeux
fur les figures 367 &• fuiv. La première eft là
plus ufitée. On peut y voir que ce comble, qui fe
termine par une partie plate & furbaiflee, fe re-,
courbe en l’air, au lieu de finir en pente naturelle.
C ’eft ordinairement aux angles ainfi recourbés de
leurs toits, ,& fur leurs ' arêtes , que les Chinois
placent leur emblème favori du dragon, quirefTem-
ble tantôt à un lézard-icuan, tantôt à un crapaud
ailé avec une queue d’éléphant. Cette forme de couverture
eft telle, qu’on enimagineroit difficilement!
une autre plus expreffément indicative dés; formes
de pavillon, telles que nous les employons nou£-(
mêmes. Il en eft cependant (w.ycj fig. 379) , qui pas
leur ondulation, imitent encore mieux les couvertures
mobiles & légères, d’une tente ou de toute
autre habitation formée, par des toiles.
S’il eft difficile à l’infpeéfion de ces couvertures
générales . dans tous les édifices, de révoquer en
doute là conjefture que nous avons' déjà avancée
daiis plus d’un endroit (voyc^ Achitxcture ) ,
tonchant le modèle que femble avoir copié ïâr-
chitcElurè chinoife, il fimt avouer auffi que le fyftême
feul de fa charpente pouvoit la conduire à toutes
ces légèretés d’idées.
Ses édifices en ont contraâé, cette apparence
de goût que la menuiferie donne à fes ouvrages :
jamais on n’y trouve ce caractère de folidité que
nous fouîmes habitués de demander à l’architeS-ure.'
A voir les bâtimens de la Chine avec nos yeux
& d’après nos principes., on croit , voir plutôt
des meubles arbitrairement façonnés par le caprice
induftrieux d’un, ouvrier , que des conftruc-
tions fixes déterminées par le befoin.
Charpente. Les colonnes pu .folives qui entrent
dans.la compofition de lacharpente des maifors,
font moins les fupports d’un comble folide &
pefant, que les barreaux d’une' cage légère. Les
folives perpendiculaires fervent moins a fouten r
qu’à entretenir les. traverfes ou folives horizontales.
C’eft ce dont on ne peut douter, en jettans
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