
hc plus , pour qu’on.' puiffelen W rapport.
Le petit nombre .4è monumens exiftans d’ar-
chiteClure vraiment étrufque, permet moins d’ob-
terver la même ftirnlitude dans le; f tyle de bâtir des
Tofcaas modernes mais les notions de l’hiftoire &
le peu que le temps nous a con.fervé, tout porte à
croire que ce goût gigantesque dut être celui des
architeâes.étrtil'ques^& qu’une tradition confiante
l’avoit tranfmis aux haibitans modernes de c e pays.
Rien n’eft plus propre que le bojfoge^k donner à
FarchiteCture ce cara&ère. impofont de* force & de
gtandiofitc, que Brunnélefchi cherchoit à.imprimer
à fes ouvrages. A u d i Temploya-t-il fans mefure
dans fes édifices. Le palais vieux de Florence , le
palais Pitti (aujourd’hui le palais d u c a l) , & plu-
fieurs autres en font extérieurement, chargés.
: Cependant, fi le goût peut fe plaindre de Fef-
pèce d’immodération qu’on trouve dans l’emploi
monotone de ce genre à l ’extérieur de «ces palai*
fi l’oeil en éprouve des fenfations fatigantes, la
raifon ne fauroit en murmurer. Ces façades d’édifices
ne préfentant aucune alliance d’ornemens
étrangers, aucun mélange cFordres, aucune discordance
avec la ruftïcité du. boffage, il n’en ré-
fulte aucune contradiction de principes, ni rien qui
puiffe choquer la convenance. Bien p lu s , on eft
porté à croire que ce ftylé fut lui-même un effet
de la bienféance, & fut diCté par les moeurs du
temps. C e caraCtère de fo r c e , ou plutôt de fortifica
tion, ce genre fi prononcé, d’une folidité fi
maffive , & qui donne aux palais de Florence un
air de châteaux forts , fut moins l’effet du caprice
que du beforn. Si l’on penfe que ces'palais fe bâtif-
fbient au milieu des faCtions, & des troubles perpétuels
d’uoe république inquiète & d’une popu-*
lace féditieufe, on s’étonnera peu que les grands
aient pu chercher dans la eonftriiCtion même de
leurs maifons, & leur fureté p erfonnelle, & l’extérieur
impofant q ui pouvoit en imprimer à la
multitude. Ces raifons furent fans doute celles qui
pu ren t, a vec plufieurs autres, concourir à rendre
géné ral, le goût des boffages & cet extérieur formidable
de folid ité, aufîi apparente que réelle
dans tous les édifices de ce temps. Sans doute aujourd’hui
que cette architecture a furvécu au gouvernement
populaire, qui la v it n aître, le fpec-
tateur n’y trouve aucun rapport avec la léthargie
monarchique, qui engourdit cette belle v ille ; &
fes monumens, en contradiction avec fes moeurs
actuelles, ne femblent annoncer qu’une grandeur
fans motif, une énergie ridicule parce qu’elfe eft
fans-objet.
- Mais Foeii de l’artiffe, malgré ce que les maffes
-de ces palais offrent de lourdeur au premier coup-
d’ceil, y admirera toujours le caraCtère de la har-
dieffe & de la force porté an fuprême degré ; il
s’étonnera de la grandeur des proportions qui fait
quelquefois difparoître la pefanteur des boffagesr;
il y puifera fur-tout cette le ço n , que le boffage exige
des maffes immenfes 6c ne veu t être employé que
dans les édifices qui en néceffitent le caraCtère, &
fur-tout dans les grandes parties M e s .
On defireroit que Brunnelefchi n’eût pas cherché
à allier le boffage aux ordonnances de colonnes;
mais l'intérieur de la cour du palais Pitti, dont on
le croit le premier in v en teu r, dépofo tontre la
pureté de fon goût à cet égard. Les colonnes,
quoique adoffées au bâtiment, y jouent un rôle
trop important, & les boffages, qui les coupent,
font trop prononcés pour mériter l’indulgence que
nous avons cru qu’exigeoit l’amphithéâtre antique
de V é ro n e , où de fimples pilaftres, comme on l’a
vu , fe confondent avec les maffes des piédroits. Les
grandes formes de ce palais, la fierté de fes profils,
la hardieffe impolante de fes maffes, corrigent fans
doute cet abus > toutes fes beautés n’ont pas peu
concouru à répandre le goût du boffage en Italie.
Cependant il faut avouer que les autres écoles
d’archneCture de ce pays, l’ont employé avec moins
de pvofufion & plus de goût. Vign ole & Palladio
l’ont confédéré plutôt comme accident de variété,
que comme objet confiant & uniforme de décoration
; plutôt comme effet local de caprice, que
comme rèfultat d’un -ftyle habituel. Palladio fur-»
to u t , l’architéCte du goût & de la g râ c e , a donne
les vrais modèles de l’emploi qu’on peut en faire,
& femble avoir fixé le terme moyen, entre l’ufage
& l’abus que le bon fens indique ou réprouve.
Nous n’en citerons point ici les exemples ,-ils font
trop connus de tous les architectes ; ceux qui n’au*
roient point v u les originaux, en trouveront las'
copies dans le beau recueil des ouvrages de Palladio
fait & imprimé à-Vicence.
Les anciennes relations d’arts de l’Italie avec
la F ran c e, introduifirent de bonne heure dans ce
dernier p a y s , le goût du boffage. Serlio, l’un de
fes plus grands partifans, dut naturellement l’y
amener. Philibert de Lorme , qu’un long féjour en
Italie avoit auffi familiarifé avec ce f iy l e , en rapporta
la manie. L’ufage qu’il en fit au château des
Tuileries ne trouve pas beaucoup d’approbateurs.
O n le voit auffi mal approprié, & avec une recherche
non moins puérile qué faftidieufe à la partie de la ga?
lerre du L o u v re , bâtie fous Henri III ; mais Marie de
Médicis en répandit plus que jamais la mode dans le
grand palais du Luxembourg, qu’elle fit conftruire
après la mort de Henri IV . D e Broffe, choifj par elle
pour en être l’archkcCte, fut o b lig é, dit-on, de prert*
dre pour modèle le palais Pittià-Florence. Malgré les
différences de difpofition que préfente fur-tout l’extérieur
de ces deux édifices-, on doit reconnoitre
dans la cour du Luxembourg une imitation de celle
du palais de Florence ; on ï’y reconnoît encore plus
à cette conformité frappante de goût & de fiy]e
qui ne permet pas de douter que l’un fait la copie
de l ’autre. L’architeCte françois a -beaucoup adouci
le caraCtère des boffages F lorentins ; cependant cet
adouciffement qui réfulte de rarrondiffement des
arêtes dans les bandes des colonnes , n’a fervi
. qu’à faire paroître fon. architecture plus lourde &
plus molle en même temps. En général , il femble
L g .ce genre ne comporte pas un demi-caraCtère
de force, & que quand on l’admet , 011 lui doive
toute l’énergie qui p eu t , par la hardieffe, racheter
l’effet de la bizarrerie , & par la fierté des maffes,
diffraire fur le vice des détails-
Cet exemple n’iuflua point fur les grands maîtres
du règne fuivant; les architectes du Louvre s’é-
toient préfervés de ce goût. On ne le retrouve à
aucun des monumens publics q u i, depuis ce temps,
forent é le v é s , jufqu’à nos jours , fi on en excepte
la porte faint Martin, ornée de boffages au de refends
vermicutés, dont on a toujours blâmé le
choix indiferet & déplacé. Enfin-, foit que la qualité
molle de nos matériaux s’accommode moins à
ce goût de bâtir & nous invite plutôt à la propreté
de l’appareil, foit que l’ excès de folidité qu’il
fait préfunv-er, n’ait jamais été celui pour lequel
penche le plus notre n ation, ni celui dont l’apparence
s’accorde Le plus avec fon amour pour le
changement, foit qu’ il exige, une.fuperfluité de
matière oppofée aux fpéculations^de l’économie,
le goût du boffage. étoit entièrement tombé en
France : l’ ufage ne s’en retrou voit plus, même dans
les parties des édifices où il efi le plus convenable.
Cependant, nous venons de le voir reparoître
dans les nouvelles conftruCtions dont on a flanqué
toutes les avenues de la capitale.
. La caufe qui a fubitement reproduit ce goût
d’une manière fi choquante, eft bien fans doute
une de celles que nous avons expofées aux articles
Bizarrerie <5* Boromini ( voye^ ces mots), e’eft-
à-cjire, qu’on ne petit l’expliquer que par le pouvoir
fecrêt de la mode, qui, tantôt agit progreffivement
& par nuances infonfibles, tantôt, & le plus fou-
vent, fe plaît aux changemens les plus brufques,
aux oppositions les plus inattendues, aux panages
les plus contraftés.
L’emploi qu’on a fait du boffage dans ces édifices
efi révoltant. Il y offre tous les genres de contradiction;
la moindre eft fans doute l’inconcevablè
tranfpofition. d’idées qu’on remarque dans cette nouvelle
enceinte. Les murs auxquels cegenre convient
fi bien, n’annoncent aucune apparence de Ia fo rc e&
de la folidité dont ils avoient b éfoin , tandis qu’o n en
a prodigué fi inutilement les caractères les plus
outrés,aux conftruCtions qui l’exigeoient le moins.
On a déjà fait obforver au mot Barrière ( voye^
ce m o t) , combien étoit étrange le projet de transformer
en jnonumens pompeux les demeures obf-
cures des fuppôts du fife. Faut-il attribuer à cette
étrange idée la Angularité de l’architeCture, qui a
pris à tâche d’en relever la baffeffe ; & la bizarrerie
de l’art a-t^elle fon exeufe dans la bizarrerie du
motif? C ’eft ce que nous nous plaifons à croire.
H paroît en effet que le genre fi monftrueux de
boffages, dont fe trouvent hériffées d’une façon fi
■ nouvelle quelques-unes de ces effrayantes guérites ,
a pris fafource dans l’opinion même de leurs ufages
& de leurs deflinations ; mais, ce qui pourroit juftifier
le choix du caraCtère, n’exenfera jamais l’ab-
furde emploi d’un f ty le qui tend à renverfer les
principes lés plus inviolables de l’architeClure.
Nous n’ avons vu jufqu’ ici le boffage employé
chez les anciens, qu’aux murailles , aux foubattir-..
m en s, aux furfaces liftes, ou dans toutes les autres
parties qui, plus éloignées des types de la charp
en te , ne réclament point l’indifpen fable néceffité
d’en conferver la fcrupuleufe imitation. C ’eft auffi
le plus fouvent de cette façon qu’il fe trouve à
Florence ; le palais Pitti dans cette v ille , & celui
du Luxembourg à Paris, nous ont fait voir la pro-
greffion de l’abus qu’on peut en faire, dans lès colonnes
adoffées, qui participent aux boffages des
murs. Mais- il étoit réfervé à nos jours de voir
des colonnades entières, des colonnes ifolées , entrecoupées
par les boffages les plus anguleux & les
plus repouffans : on en a l’incroyable exemple à
l’entrée la plus magnifique de Paris- ( c e lle de l’E*-
toile ). Dans quel accès de délire ont donc été imaginés
ces affemblages fantaftiques faits pour heurter
tous les fens? Pour quels y e u x ,& à quel ufage
a-t-on pu élever ces portiques barbares? Les anciens
, dans leurs colonnades, fupppmoient les
bafes des colonnes, afin d’éviter ce qu e.leurs angles
pouvoient avoir d’offenfif pour les paffans ; ici les
colonnes, armées de toutes parts «fangles île
pointes, comme pour attaquer à là fois tontes lés
parties du co rps, femblent menacer de chocs & de
meurtriffures, l’imprudent qui oferoit en approche?.
On ne s’arrêtera pas fur tous les autres ridicules
que cette monftrueufe alliance du boffage avêc lés
ordres les plus févères, a porté dans ces édifices à un
degré qui n’avoit pas encore eu d’exemple (voye{
D o r iq u e ). Peut-être eft-il permis d’efpérer qnè
ce g o û t, dont tous les y e u x font épouvantés, trouvera
dans l’excès même du v i c e , fon meilleur
contrepoifon. P eu t-ê tre fora* t -o n redevable à la
bizarrerie elle-même, qui a enfanté ces productions,
d’y avoir raffemblé avec tant de profufion , toutes
les raifons propres à décrier pour jamais ce fty le
ennemi de la nature.
Cependant, doit-on rejetter entièrement ce goût
& le proferire de l’architeélure ; & quelles font les
circonftances où l’on peut l’admettre?
Il femble q u e , d’après l’expofé qu’on vient de
fa ire , cette queftion ne fera pas difficile à réfoudre.
La progreffion feule que nous allons indiquer ,
femble en donner la foiution. Q u e l’on confulte
la nature des chofes ( ou la convenance ) , on verra
qu’indépendamment des autorités que nous avons
rapportées & qui peuvent venir à fon appui, elle
indique, de la façon la plus préc ife, le bon ou le
mauvais emploi qu’on peut faire du boffage. Ce t
emploi , d ia é par le boh fons , & juftifié par
l’exemple, fe trouvera dépendre de la nature des
formes différentes qui conftituent l’architeClure,
& des nuances diverfes que cet /art doit obferver
dans l ’imitation qu’il s’eft impofê 1’obbgarion de
comforver.