
drois de changement que dans ré ch e lle & les ]
proportions ; je voudrois enfin qu’ils indiquaient
un homme plus é le v é , mais non d’une autre nature
que les autres. A ce t' éga rd, les palais de
Florence & de quelques ville s d’Italie peuvent
rendre mon idée ; les palais n’y font que des
maifons plus hautes & plus fpacieufes , mais toujours
dans le même mode que les moindres habitations
; il n’y a de différence que dans la prp-
portion. C ’en aux monumens publics que je
réferve toute la pompe des colonnes, des périftiles,
toute la richeffe des ordonnances. C ’eft-là aufli
que le génie de l’artifle faura montrer toute la
finefle & fa pénétration, en modifiant & proportionnant
fes reffources , félon l’ effence des édifices
, en y indiquant l’analogie qu’ils ont avec
les qualités morales qui doivent y être représentées.
Il eft bien important, & je re cefferai de le
d ire , pour que le langage de l ’architeélure ait de
la v a le u r , pour que fes lignes foient compris &
faffenr l’effet qu’on peut en attendre, qu’ils foient
employés dans une ville , avec difeernement &
ménagement ; il faut, pour qu’ ils difent quelque
eh ofe, qu’on veuille bien ne pas les employer à
tout dire.
; C ’eft donc à bien comprendre les qualités ref-
peétives des édifices entre eu x , que i’archireâe qui
v eu t caraélérifer fes ouvrages doit m ettre fes foins
ék. fon étude.
Indication des qualités propres à chaque édifice.
Entre les édifices qu’on appelle publics, il en
eft dont l’analogie avec les qualités qui doivent
y être repréfentées, eft fi précife & fi décidée,
que rarement on verra les artiftes s’y méprendre.
11 eft fans doute inutile de dire qu’une pri-
fon doit infpirer la terreu r, qu’une falle de bal
& de concert doit refpirer le plaifir. Si quelquefois
ces fortes d’édifices ne rendent point l’idée
qu’on en attend, ce n’eft point à l'ignorance du
fu je t , c’eft au peu de talent de l’architeâe qu’il
faut s’en prendre.* Mais ce qui n’eft pas a i fé , c’eft
de fe former une idée nette & diftînâe des qualités
fpéciales & propres aux nombreux édifices
civils que la fimilirude de leurs ufages femble
rapprocher, & que la routine des artiftes femble
s’être étudiée à confondre entre eux.
Souvent de fauffès idées , fur l’opinion même
qui doit conduire l’artiftê dans le choix du ca*
ratière , l ’égarent, en lui perfuadant qu’il doit appliquer
toutes les riclieffès de fon art à dés édifices
q u i , comme on le dira , n’en réclament
qu’ tine mefure inférieure & très - fubordonnée.
L a gradation de richeffe ou de pauvreté apparente
dans Parchiteélure, eft bien un des moyens
de caraélérifer les plus énergiques ; mais ce moyen
& d’autres du même genre s’appliquent, du moins
doivent s’appliquer à l ’expreftion métaphorique
ou idéale de la deftination des édifices. C ’eft cette
progreffion d’opinion relative à l’emploi des raotfhmSnüi
if l refpeÔ de leurs u fage s, aux idées
qu’on y atta che, qui fera fur-tout la mefure de
l’archite&e dans la répartition de fes richeffes.
Les temples font les premiers dans cet ordre
de chofes. C ’eft à l’expreffion de tous les fenti-
mens de grandeur, de puiffance & de magnificence
attachés a l’idée de l’être qui les habite,
que l’archite&e peut appeller tous les moyens les
plus capables de prononcer énergiquement les
qualités morales que l’opinion leur applique, &
au deffous defquels il eft à craindre qu’ il refte
toujours. O r , la richeffe dans l’architeéture eft
un des fignes repréfentatifs de la puiffahee. La
richeffe & la plus grande richeffe eft donc applicable
aux temples. Çar richeffe on n’entend pas
cet amas confus d’ornemens de marbres & de
métaux, dont le vain étalage ne donne que l’idée
de luxe & de fuperflu , or par cela même appauvrit
& atténue le fentiment qu’ il veut exprimer.
La richeffe dont on veut parler confifte dans
l’emploi multiplié des colonnes , des ordres &
de ceux qui comportent le plus d’ornemens & de
magnificence. Les Grecs adaptaient ces différens
ordres aux différens caractères de leurs divinités.
Quoique nous n’ayons pas à. cet égard toutes
les reffources qui réfultoient du p o lyth éifme, ou
peut cependant encore varier l’afpeâ; & l’ordon-
nançe des temples , en prenant dans chacun d’eux,
pour motif de leur fty le ou de leur m o d e , quel?
qu’un des attributs de la divinité répondant aux
qualités particulières qui font du reffort de l’art.
Si les colonnes font la plus grande richeffe de
l’architeéhire, l’ artifte économe & fobre dans
l’emploi de fes moyens , fentira que les édifices
c iv i ls , quels qu’ ils foient , ne®comportent pas
une fi grande mefure de cette efpèce de richeffe
que les édifices facrés ; enfin, que tout ce qui les
rapproche, de l’idée & de la forme du temple, eft
un contre-fens, ou tout au moins une équivoque
condamnable.
Rien ne prouve mieux & la difficulté de ce
fentiment propre de convenance & fa ra re té,
q u e 'l’habitude de convertir en temple prefque
tous les monumens, & de leur appliquer les formes
& les qualités propres aux demeures divines.
Je me rappelle d’avoir vu dans le même temps
trois architectes occupés de trois projets différons;
c’étoit une bouffe , un château-d’eau & un arfenal:
chacun d’eux avoit fait un temple du même ordre
& de la même forme ; la feule différence confif-
toit en ce que l’iin étoit le temple de Plutus , lorsque
les deux autres étoient eonfacrés à Neptune
& à Mars. R ie n , fans d o u ie , n’ eft plus fimpie
que de divinifer ainfi tous Les édifices. Mais certes
il n’y a rien de moins divin que oes conceptions
là.
Il feroit fàris doute un peu plus difficile d’interroger
la bienféance propre à chaque o b je t , de
fe rendre compte du genre & du mode applicables
à fes ufages, & de fondêr fes conceptions
», 1- nhyfiotiomie que doit avoir le mortüffléftt
feffence des qualités qui lui font perfonnelles.
l ’extrême foliditè, la pelanteur même , une forte
de fie r té menaçante , devOient en quelque fo r t e
reDOufler la vu e du fpeflateur dans a conftruc-
H de l’arfenal. Loin d’ y admettre des periftiles
g! des co lo n n e s , il n’y falloit que des pleins &
des murs bruts, ou armés de boffages, un grand
„srii dans la maffe , peu dé d é 'a ils , ou de ceux
L i difent' beaucoup. Le château-d’ eau- n exigeoit
ms moins de fo lid itè , mais une Colidite- moins
maffive : cet éd ifice , par lui-même inhabitable,
ne doit pas fe relîentir des néceflités ordinaires
des autres bâtimens ! pratiquez-y des ouvertures ,
mais poipt de fenêtres ; qu’ il paroiffe fondé fur le
roc : qu’ il le (oit en effet ; que fon ordonnance
& Ton ftyle tiennent de la ruftieité de fes fondations
quoique ce la , d’une-forte de gaieté Eom-
piitible avec les eaux qui doivent en faire 1 ornement
& la vie; Le foi-difant- temple de Plutus |
deftiné à la réunion des marchands & 'ries ê ens
d’affaires, de voit fe reffentir des qualités de ceux
qui y ont rapport. D e l’opulence fans lu x e , de
l’aifance & de la commodité fans élégance, de
la gravité fans majefté, doivent être les qualités
caraélêriftiques d’un tel monument. D es (ailes
d’aflemblée modeftes & férieu fes, des portiques
en arcades pour la circulation des affaires ; un af-
pe£t extérieur., qui tienne un certain milieu entre
le théâtre & le forum.
On fe tromperoit affez gravement dans 1 ex-
preffion du caractère ou des qualités propres de
chaque éd ifice , f i l ’on a llo it prendre pour modèle*
de cette convenance, ou*d*s idées ihdecifes, ou
des rapports puériles entre l’ apparence de 1 edmee
& fes ufages. Comme , par exemple , h I on aliott
s’imaginer que le lieu où fe fabriquent les mon-
noies , celui où elles circulent, celui qui en elt
le dépôt , doivent annoncer , par une richeffe extérieure
d’architeâure, la richeffe materielle & métallique
qu’ils renferment. Ce s idées feroient faillies
à force de vérité , & c ’eft ici que le vrai ne feroit
point vaifemblable. .
' CtfnfùTtez toujours pour règle du earatlere que
vous voulez imprimer aux monumens, leur nature
& leur propriété. J’entends, par leur nature , le
rang qu’ils tiennent dans l ’opinion des citoyens ;
par la propriété, je veu x dire la convenance
qu’exige leur emploi. .
L’art du poète & du peintre eft de faire recon-
noître, dans les fujets qu’ils font parler ou a g i r ,
les nuances des âges , des fexes , des. conditions ,
\«nfôrte qu’on puiffe difeerner au langage, à 1 habitude
, au maintien , le jeune homme dè l’homme
fa it , le guerrier du marchand , le maître du fer-
viteur. iïs y parviennent par l’étude des moeurs,
des goûts, des penchans,.des habitudes propres à
chaque claffe d ’hommes. Q u e l’architeéfe étudie
de même les moeurs des différente^ claffes d’è-
& les nuances même qui échappent au commun
des hom m e s,.lu i fourniront encore des caraetera
affe z marqués.
Ce lieu eft confacré aux fc ien ces, à l’étude des ♦
lettres & des arts ; que fon afpeét noble fans trop
de gravité , agréable fans v o lu p té , fimpie fans
au fférité, me taffe deviner fa deftination ;*que
des galeries en colonnades entourent l’édifice principal
, égaient fès avenues & embèlliffent fon
enceinte. Dans le nombre d jr ceux; qu’une ville
peut élever pour dé femblables u'fages, il y aura
beaucoup de nuancés encorê à oblervér. Si l’édifice
eft un lieu d’éducatloh , il conviendra de
lui donner plus de modeftie , de tempérance &
d’économièV f
C e t autre monument eft un hofpice deftiné à
recueillir les indigens , ou à guérir les malades.
I^a plus grande étendue dans le plan , la pjus
grande nudité extérieure, la plus grande aifance
dans tous fes dégagemens , de nombreux percés
pour la circulation de l’air, un ftyle large & fo -
lide de conftruâion , de grands liffes dans les
murs, formeront un contrafte cara&ériftique entre
cet édifice & les autres.
Avez-vous un magafin ou grenier pu blic, une
douane, une balle à conftruire ?Faut41 vous dire
que tout ce qui s’approche de ce t édifice’, que
tout ce qui y a rapport , y exige Un caractère de
lourdeur plus encore que de fo r c e , un fty le plus
ruftique que févère ? Faut-il vous dire que la déi-
-licateffe des colonnes dénatureroit la convenance
de fes ufages, qu’aucun ornement ne doit y pa-
roître ; que fa magnificence confifte dans fes maf-
fives proportions^ dans dès arcs très-élevés , &
renforcés de chaînes de pierres faillantes ?
C ’eft au théâtre, au muféum , à 1’bdéum ou
falle de concert, que vous pouvez appeller toutes
les grâces de l’archbeélure. Q u e le plaifir, là
g a ie té , la délicateffe fe jouent autour de fes
murs, ornés & ci fêlés , autour de fes colonnes ,
parées & embellies a v ec plus d é g o û t que de luxe.
L ’aménité, la légèreté des miifes & le fentiment
de l’harmonie, dont ces édifices font le féjour ,
fauront infpirer ail véritable artifte le mode qui
leur convient.
La g ra v ité , là décence, l ’auftérité de mode
feront le type de la bafilique ou du palais de
juftice. Une forte de férieux dans fon ordonnance
mâle ; un fentiment de refpeft & qui peut ap-
p'rochèr du fentiment religieux des temples, doit
infpirer le recueillement à l’approche du fane-
tuaire de la juftice.
La richeffe de la ville & du commerce, l ’opulence
des c ito y en s , doit fe peindre dans la mai-
fon commune, ou l’ hôtel - d e - v i l l e , qui eft le
rendez-vous des habitans & le ch ef lieu des affaires.
Ses avenues doivent être fpacieufes , fa
place décorée , l’afpeÛ de l’édifice enrichi de tontes
les reffources de l’ art. C e t édifice doit participer