
a86 B L A
parties étrangères les unes aux autres & les moins
faites pour s’allier dans le rapprochement de tous
les contraires.
Le feul remède qu’on pourroit oppofer à cette
perverfion de l’art, & à la contagion de ce goût
chez les artilles, le plus efficace au moins, conufte-
roit dans le développement des vrais principes de
Limitation & de l’invention. Les faufles idées que
la plupart s’en fo n t , l ’abus même de ces mots
font une des caufes principales des erreurs du
g o û t , des méprîtes du jugement dans les ouvrages
de 1 a r t , & du règne de la bizarrerie. ( Voyez IMITATION
, Invention , Génie ).
B L A N C E T B L E U , terme de décoration.
Voyez C ouleurs.
B L A N C EN B O U R R E . (Conjlru&iori). C ’eft une
compofition dont on fait ufage dans quelques provinces
de France où le plâtre eft rare; on s’en fert
pour faire des enduits & des plafonds. Elle fe forme
d’un mélange de terre blanche un peu g ra f le , de
chaux & de bourre. O n en pofe ordinairement
deux couches. Pour la première, à laquelle on
donne trois on quatre lignes d’épaiffeur, on emploie
la partie la moins fine de la terre , que l’on
pétrit avec de la bourre de tanneur & de la chaux.
Si la terre eft moyennement g ra fle , on y mêle
lin fixième de chaux & autant de bourre.
La fécondé couche fe fait avec de la chaux
éteinte depuis fix mois au moins, & de la bourre
■ fine de tondeur de draps. Si l’on a d e là terre d’un
-beau blanc, on peut en mêler un peu a v e c la chaux
après l’avoir réduite en poudre très-fine, ce mélange
rendra l’enduit plus ferme.
Les revêtiffemens faits avec le blanc en bourre
qu’on appelle aufli baûfodage, acquièrent une beauté
Supérieure à ceux qu’on fait en p lâ tre, mais ils
n’ont pas la même folidité. O n fe fert encore de
cette matière pour plafonner, pour faire dés corniches,
des cadres ou des profils : ceux-ci fe pouffen
t au calibre a vec encore plus de netteté que
•ceux en plâtre.
Les plafonds de blanc en bourre fe font en deux
couches comme les autres enduits. La première
s’applique fur un lattis comme pour un plafond
en plâtre. L ’on prétend que cette forte d’enduit
réfifte mieux à l’humidité que le plâtre, & que
dans le cas où un plafond de cette nature feroit
bâti fous un toit où feroit une gou ttière, l’eau
n y feroit qu’un feul trou. On y trouve encore
1 avantage d’en réparer facilement les endcmmage-
mens. - °
L e blanc en bourre fe' fait avec de la chaux 3 du
f a b le , de la terre fran ch e, de la terre g la ife , de
la craie , de la marne ; mais la méilleufe matière eft
la terre blanche argilieufe.
B LAN CH IR - , v . à â . f e dit en arehite&ure des
procédés* qü’oh emploie pou’r'Vedon’ner à un édifice
fa première blancheur, & -la fraîcheur de la
nouveauté que le temps lui a fait perdre.1
C e s procédés font de deux genres. Les plus coû-
B L O
teux & les plus efficaces confiftent à regratter les
murs, c’eft-à-dire à emporter leur furperficie au
moyen du marteau & de la ripe. Voyez(Regrat-
ter ). Ils font aufli les plus dangereux, parce
qu’ils tendent à altérer les membres délicats de
l’architeéhire & fur-tout la fineffe des ornemens
& des profils. Ce moyen n’eft bon que pour les
fuperficies liffes & les grandes parties. On ne doit
point fe le permettre pour les colonnes 8c autres
objets du même genre, dont il eft important de
refpeâer le contour.
Le procédé le plus ordinaire, le plus expéditif
& le moins coûteux confifte à paffer un lait de
chaux fur l’édifice qu’on veut blanchir, & enfuite
une ou plufieurs couches de blanc à colle. Son
inconvénient le plus ordinaire eft d’obftruer les
détails des ornemens, d’ôter aux profils leur vivacité,
d’arrondir les angles & de donner à i’ar.
chite&ure de la pefariteur. Dans les Pays-Bas, on
blanchit tous les ans les façades des maifons. Le
climat femble exiger cette recherche de propreté,
En Italie, on ne blanchit en général que l’intérieur
des maifons & des palais ; c’eft le plus fouvent
pour donner de la clarté.
Cet art de rajeunir l’extérieur des édifices eft
fort en ufage à Paris, & la nature des matériaux
femble encore en nécefliter l’emploi. Le plâtre,
la pierre poreufe & blanchâtre qui entrent dans
la compofition de prefquetous les édifices, paffenr,
en peu de temps, fur-tout expofés au nord, au ton
le plus noirâtre. Le contrafte en devient choquant
avec les bâtimens modernes , & la facilité du blanchiment
paroît indiquer le meilleur remède à cette
efpèce d’inconvénient. Cependant on a vu les
dangers attachés aux deux genres de procédés qu’il
met en oeuvre. Si la propreté ou le plaifir des
yeux peuvent en juftifier l’ufage dans les bâtimens
particuliers, la majefté des monumens publics en
dédaigne l’emploi. Ce ton de vétufté, que le
temps leur imprime , ajoute encore, à l’idée de
refpeét ; la belle architeôure n’y perd rien, &
celle qui auroit befoin de cet artifice, pour ramener
l’attentiorç- fur fes charmes oubliés , y gagne-
roit encore moins. Le refpeâ: pourtant qu’on doit
aux monumens du génie , ne s’étendra pas fuper-
ftitieufement jufqu’a la pouflière qui pourroit en
dégrader ' l’afpeâ. L’entretien qu’exigent les édifices,
doit aufli fe porter aux foins qui peuvent en
maintenir la propreté, écarter ou prévenir les .procédés
dangereux, que la méthode de blanchir em-1
ploie au détriment de l’art & de ;la pureté de
l’architeélure.
BLOC. f. m. ( ÇonjlruSlion ), C ’eft le nom qu’on
donne à un quartier de marbre ou de pierre groflié*
rement équàrri, tel qu’il fort de la carrière; lorf-
qu’on l’y fait préparer exprès & tailler de certaine
forme St grandeur , 6n l'appelle
d'échantillon*
' Les peuples anciens, les Egyptiens fur-tout; ont.
employé dans leurs conftruûipns en piefre de
B L O
des bloa d’une grandeur prodigîeufe. Ce s
iiiaffes énormes qui firent leur folidité des édifices,
font encore l’admiration de teu x qui vifitent leurs
ruines. Elles font fuppofer dans les conftruéleurs
de ees temps les-' plus grandes refîburces mécha-
niques St d* vaftes moyens pour les mettre en
oeuvre* La eonftruétion moderne n’offre plus de
femblables merveilles. L ’art d elà coupe des pierres,
perfectionné de nos jours , en tient lieu. Les plus
o-rands édifices n’exigent l’emploi de ces blocs extraordinaires
que dans un petit nombre de cas
• particuliers.
Le plus vafte monument de ce f iè c le , Péglife de
fainte G eneviève ne nous en fournit qu’un feul
exemple que nous rapporterons.
Aux angles du fronton du p ériftile, on â employé
deux blocs en pierre de Conflans, de neuf
pieds en quarré fur cinq pieds de hauteur, qui p ro-
duifoient plus de quatre cens pieds cubes, St qui pe-
foient de cinquante-deux à cinquante-trois milliers.
Pour amener un de ces bloa depuis le port des
Invalides jufqu’à fainte G en e v iè v e , il a fallu onze
jours St fept nuits. O n s’eft fervi pour cela de
deux cabeftans, tournés chacun par huit hommes,
qui fe relayaient de deux heures en deux heures.
La diftance qu’on lui a fait parcourir étoit de deux
mille fix cens toifes»'
L’autre blùc a été amené du même endroit en
moins de trois heures avec foixante-trois chevaux
attelés trois à trois.
Lorfqu’on a le v é ces pierres en p la c e , elles pe-
foient toutes taillées environ trente milliers.
On les a montées par le moyen d’un grand treuil
fait exprès, auquel on avoit adapté deux roues
à chevilles , chacune de vingt-quatre pieds de
diamètre, fur lesquelles il y avoit quarante-cinq
hommes. Chacune de ces pierres pofée en place
a coûté près de dix mille livres. C e qui prouve
combien les conftruétions en grandes pierres deviennent
difpendieufes.
Bloc , fe dit encore d’une efpèce de marché,
par lequel un entrepreneur s’oblige de faire diffé-
rens ouvrages pour une fomme f ix e , fans pouvoir
exiger rien de plus, fous prétexte de toifé
ou d’évaluation ^ on appelle aufli cette efpèce de
marché forfait.
BLO C AG E S , f. m. pl. ( ConflruBion ). C e mot
e« un -diminutif de b lo c , St on le donne à de
petites pierres brutes irrégulières, qu’on emploie
fans aucune préparation -,, pour la conftruétion de
certaines fondations , ou dans l’eau. On les jette
pêle-mêle avec le mortier, on les emploie aufli i
pour garnir le milieu des murs & des gros maflifs.
( Maçonnerie en blocage s ).
BLONDEL (F r a n ç o is ) furnommé le grand,
pour le diftingiier de J . F . Blondel , naquit en 16 17 .
Une forte de Angularité a voulu que les trois
plus grands architectes français , n’aient point
au de l’architeCture leur profeflion fpéciale, &
que les chefs- d’oeuvre dont la France s’honore ,
B L O i S 7
liment plutôt les fruits d’un hafard heureu x, que
le réfutât des écoles & du cours ordinaire des
chofes. L ’architeélê du Lou vre , Pierre Lefcot , de
la famille d’A lilîy , fut abbéde Clu gn y & chanoine
de l’églife de Paris. L ’inventeur du périftile du
Lou vre , Claude Perrault, étoit doCteur en médecine.
L ’auteur de la porte S. D en is , F . Blondel 9
en v o y é du roi dans des cours étrangères, 8t maréchal
de camp , n’avoit point confacré fa jeuneflé
à l’étude des arts ni de l’architeCture»
Cepend ant, d’heureufes circonftances le mirent
à portée d’en vo ir les grands modèles. Il nous
parle dans fon cours d’architeéiure, d’ un v o y a g é
qu’il fit en E g y p te , Sc d’un autre à Confiant^
nople l’an 1659 , en qualité d’en v o y é extraordinaire
de fa majefté à la Porte, au fujet de la détention
de fon ambafîadeur. Ses fuccès furent ré-
compenfés par un brevet de confeiller d’état. Egalement
verfé dans la connoiffance des belles-lettres
& des mathématiques , il fut choifi pour les
montrer au grand Dauphin, fils de Louis X IV . L é
collège royal le compte parmi les leCteurs St pro-
feffeurs qui y ont enfeigné les mathématiques.
Ses talens pour l’architeélure ne fe développèrent
qu’en 1665. V o ic i quelle en fut l’occafion. La
rivière de Charente étant d’une largeur âffez con-*
fidérable vis-à-vis la v ille de Saintes, y eft tra-:
verfée d’un pont fait de deux parties. La moins
considérable, qui communique avec le fauxbourg
qu’on appelle des Dames, avoit été rétablie St
ruinée plufieurs fois ; enforte qu’à cet endfoit
on ne paffoit la rivière qu’en bâteau. L e r o i , qui
en fut in fo rmé, voulut faciliter aux habitans c e
trajet par la conftruCtion folide d’un poh t* Blondel
eut ordre de fe rendre à Saintes St d’y travailler,,
U commença par établir un radier ou maflif de
maçonnerie fur toute la largeur St la longueur f l ê
pont, à travers le lit de la riviè re, pour lui fervir d e
fon dement, & diftribua cette longueur en trois
arches d’ouverture é g a le , auxquelles il en ajouta
une quatrième plus petite d’un quart du côté 'du
rivage. La partie du pont la plus considérable, qui
eft vers la v ille , St qui s’avancé aux deux ïiers1
environ de fa longueur, fut en même temps reprife
par le pied. Il la termina par un arc de triomphe
à deux ouvertures, pofé fur un piédeftal continu»
Sa largeur égale fa hauteur. C e piédeftal Soutient
une ordonnance de pilaftres corinthiens cannelés,'
dont les entablemens fervent d’imppftes aux bandeaux
des deux portes. Un petit é tag e , cantonné7
d’un pilaftre du même prdré, porte l’enVableinent
fur lequel pofe ùri attique. L e mauvais état de'ce
monument fait preffentir que bientôt on ne s’en
fouviendra qu’en v o y an t le deflin que M. c!é la
Sauvagère en a fait graver pour Son recueil d'antiquités
dans les Gaules,
L ’académie des Sciences s’afîbcia Blondel tu 1660,
& vers le même temps, le roi ordonna' par fdes
lettres-patentes, que les ouvrages publics"qui f e 1
feroient dorénavant dans la ylUe de Paris, iéroieiit