
du dehors. J’ai fait pratiquer fous cette chambre 1
une étuve fort pe tite , qui communique & répand,
par une petite ouverture, autant de chaleur que
l ’on veut. Enfin , l’on trouve une anti-chambre
& une chambre fort expofée au fo le i l, qu elle
reçoit depuis fon lever jufqu’à m id i, quoique
obliquement.
» Qu and je me retire dans le local que je viens
d e vous dé crire , j’imagine être à cent lieues de
chez moi. C ’eft fur-tout dans le tems des fatur-
aales que je m’y complais. Tandis que toute la
maifon retentit du bruit des fêtes & des cris de
joie que la licence excite parmi mes dqmeftiques ,
retiré là , je goûte le plaifir de l’etude , fans gêner
leurs divertiflémens & fans en être gêné.
» A u milieu de tant d’avantages 8c d’agrémens,
il me manque des eaux jaillilTantes ; mais j ’ai
plufieurs p u its , ou plutôt des fontaines : car l’eau
eft prefque à fleur de terre. La nature de ce r iv
ag e eft fi avantageufe, qu’en quelque endroit
qu’on fo u ille , on eft sûr de trouver une eau
très-bonne, & dont le voifinage de la mer n’altère
pas la douceur. Les forêts voifines donnent
du bois en abondance , & la colonie d’Oftie fournit
tout ce qui eft nèceffaire à la v ie . Le village
même peut fuffire aux befoins d’un homme frugal.
I ln ’eft féparé de ma campagne que par une autre maifon
. O n y trouve encore trois bains publics, commodité
pré c ieu fe , fi le hafard d’une arrivée imprévue
ou d’un départ précipité empêche d’échauffer
les bains du logis.
» Les maifons qui bordent la côte , les unes
ifo lé e s , les autres contigu ës, y produisent une
variété d’afpe&s plus agréables les uns que les
autres relies Semblent offrir plus d’une ville ,à vos
y e u x , foit que vous reftiez fur le r iv a g e , foit
que vous en confidériez la perfpeétive de deffus
la mer. La mer y eft quelquefois tranquille , le
plus fouvent fort agitée.On y pêche peu de poiflons
délicats ; cependant nous avons des foies 8c des
fquilles excellentes. Che z moi le terrein eft plus
fertile que les terres plus éloignées du rivage. J’ai
fur-tout d’exçellens laitages ; car tous les troupeaux
fe raffemblent à Laurentum , quand la chaleur
*les chaffe du pâ turage, 8c les oblige de chercher
du couvert oc de l’eau.
n Eh bien 1 trouvez-vous à préfent que j ’aie
tort d’aimer ce fé jo u r , d’ y venir fo u v en t , &
de m’attacher à le cultiver ? En vérité , ce fera
vous qui aurez la manie de la v i l l e , fi vous ne
m’enviez pas le bonheur dont je jouis. Enviez-le
donc au plutôt, & v e n e z , en le partageant avec
m o i , ajouter à tous les avantages que je viens
de vous d é c r ire , le plus grand de tous pour ma
petite m a ifon , celui de v ou s y avoir poffédé.
Ad ieu ».
D ’après des defcriptions aufli détaillées, quelques
architeâes ont entrepris de retracer par des
pjans & de renouveller l’idée de ces deux maifons
de campagne, Mais quelle que foit la fidélité du
narrateur, on conçoit aifément combien l'îmagï-
nation refte encore libre dans le choix des formes
générales 8c particulières , de difpofer arbitrairement
du fu je t , 8c de s’égarer dans les combi-
naifons du programme donné. C ’eft pour cela que
je me fuis âbftenu de rapporter ici ces plans, 8c
encore de leur en fubftituer de nouveaux, qui
ne paroîtroient toujours que des hypothèfès plus
ou moins heureufes. O n pourra , fi l’on veut,
prendre l’idée de cette forte d’efiais dans le fixième
volume de F élib ien , où les plans des deux maifons
en queftion fe trouvent reftitués, L ’auteur
ne les donne que pour une approximation telle
qu’elle pouvoir être. C e qu’il y a de plus indécis,
dit-il, dans cette defcription, c ’eft tout ce qui regarde
les jardins. Elle apprend feulement en général
les lieux où les parterres, les b o is , les bofquets,
les jardins ornés de treilles 8c plantés de mûriers ;
les jardins potagers, 8cc. étoient placés. Au fli dans
la néceflité de leur donner quelque figure fur le
plan, pour les diftinguer les uns des autres, nous
avons affe&é de ne rien faire que de fimple, 8c
je crois en devoir donner avis i c i , comme de
tout ce qui a été dit ci-d evant, afin qu’on n’impute
point à Pline ce qu’il n’a pas eu deflein d’écrire
, 8c qu’on ne s’arrête pas à examiner avec
rigueur fur les p lan s , ce que l’on n’ a pas jugé
à propos d’y déterminer.
Des maifons de campagne modernes.
O n ne s’eft peut-être nulle part plus écarté des
véritables beaütés 8c de la noble fimplicité de l’ar-
chiteéhire , que dans les maifons de campagne 8c
les bâtimens champêtres. Long-tems régna le préjugé
qu’on .devoit y étaler aufli cette pompe d’or-
nemens puérils 8c cette magnificence de bagatelles
qui excluent toute beauté de proportions. Les
châteaux de plaifance n’étoient plus des bâtimens
compofés dans un enfemble régulier; ils devinrent
un amas confus d’édifices mal unis entre e u x , où
l’oeil étoit diftrait par-la multitude des parties, 8c
offenfé par leur defordre. On v o y o it des ma fies
entières dans une confufion rebutante ; l’étendue,
la grofîiéreté 8c le défordre faifoient même le caractère
frappant, des châteaux de plaifance royaux.
Lorfque le fafte 8c le luxé eurent enfin pris la place
de la barbarie, on s’efforça encore de faire des
figures étranges. D e vains ornemens femblèrent
vouloir dédommager d e là vérité 8c de la beauté
des formes : on chargea les toits 8c on remplit
les veftibules de ftatues qui n’avoient aucun rapport
avec la deftination du bâtiment. Ce s défauts de
convenance venoient le plus fouvent de ce qu’on
perdoit de vu e les caractères propres à chaque
édifice. O n élevôit une orangerie, un hermitage
avec la même grandeur, la même richefle de décoration
, que fi c’eût été les principales conf-
tr’uflions d’une réfidence. On y multiplioit des
efcaliers , chefs-d’oeuvre de hardieffe 8c d’art ; on
v orodiguoit les ordres d’archite&ure, les ftatues,
I l bas-reliefs, le marbre 8c la dorure. C ’étoit
prefque une rareté que de trouver en Europe ,
parmi les châteaux de plaifance des princ.es, quelques
édifices qui formaffent un enfemble d’une
certaine fimplicité noble,*8c qui fiffent fur l’oeil du
fpeftateur une impreflion agréable par leur ordre ,
leur fymmétrie, la beauté des formes 8c la vérité
du caraftère. . '
La pompe n’eft pas d ign ité , ni le luxe élégance.
Q u e les maifons de campagne des rois 8c
des princes fe diftinguent par un extérieur de
majefté 8c de magnificence ; qu’elles annoncent
à l’oeil la grandeur de leurs habitans, cela fe fonde-
fur les règles de la convenance, 8c fur l’opinion
des meilleurs maîtres en fait darehiteâtire. Mais
avec la grandeur même peut s allier une noble
fimplicité ; 8c la beauté s affocie fans fard avec
la magnificence , non pas feulement pour l’accompagner
, mais encore pour la foutenir.
Par châteaux de plaifance nous entendons ici
des bâtimens fitués à la campagne, 8c à une dif-
tance plus ou moins confidérable des refidences
ordinaires, 8c deftinées à faire jouir les rois 8c
les princes du repos 8c des agrémens de la v ie
rurale. Qu oiqu e dans bien des provinces les habitations
champêtres de la haute nobleffe portent
aufli le nom de châteaux de plaifance, nous les
en diftinguerons cependant i c i , ne fût-ce que pour
faciliter la théorie. Les grands, les gens de qualité,
ceux qui font dans des emplois honorables, les
particuliers de diftin&ion 8c même les bourgeois
ont des maifons de campagne. Mais ces maifons font
fufceptibles d’une grande diverfité d’étend ue, de
magnificence , d’ élégance , de modeftie , fuivant
la dignité , le ran g , l’état 8c la richefle du propriétaire.
Nous pourrions donc diftribuer les maifons
de campagne en magnifiques, en nobles, en élégantes
& en Amplement commodes. ; r _ :
Dans toutes ces efpèces, tant de maifons de
campagne que de châteaux de plaifance, il fau t,
d’après le point de vu e fous lequel nous les con-
fidérons i c i , faire fur-tout attention à la fituation,
à la diflribution 8c à la décoration. Nous ferons a
chacun de ces égards les remarques neceffaires ,
remarques que les maîtres d’architeélure fe r o n t
abftenus'de fa ir e , parce que leur deflein n’étoit
que de traiter ce qu’ il y a d’effentiel dans l’art
de bâtir. C e f i d'Hirfchfeld quefl tirée toute cette théorie.
T. I I I , p . 6 8c fuiv.
Situation.
vo ir être purifié par des vents Salutaires : un canton
Elle exige deux qualités effenfrelies, la falu-
brité 8c l’agrément. La première chofe à laquelle
il faut faire attention en commençant un château
de plaifance ou une maifon de campagne, c’eft de
choifir un canton falubre & environné d’un ciel
ferein ; un canton qui par conféquent ne foit
point entouré d’étangs ou de marais, ni relégué
dans des fonds ou ombrages, au point de ne pou- I
enfin qui ne foit ni dans des plaines ou des
vallées marécageufes, ni trop voifin d’une ville
peuplée , dont les exhàlaifons 8c ,la fumée gâtent
fouvent tous lès environs. Si cette règle n’étoit
pas aufli élémentaire; 8c fi de p lus, une foule d’écrivains
anciens 8c modernes ne l’avoit pas rebattue
fans c e f fe , on pourroit s’étonner moins de la voir
fi fouvent enfreinte. U n goût dépravé 8c une v ieille
coutume, refte des fiècles gothiques , rendent fouvent
mal-faine une fituation bonne en elle-même.
Tantôt on élève autour du bâtiment des allées
tellement hautes 8c touffues, que non-feuleinent
—on perd un agrément e flen tiel, celui de la v u e ,
mais aufli qu’aucune fraîcheur ne peut y pénétrer,
8c que l’air y demeure fans mouvement. Tantôt
on entoure les maifons de campagne d’un fofle pro-
i fo n d , rempli d’une eau croupiffante , dont les
exhalaifons ont bientôt pénétré dans les appartê-
mens , qui en font tout v o ifin s , tandis qu une eau
: courante entraîneront tout ce qui peut être nui-
fible à la fanté , 8c ranimeroit l’oeil 8c l’ imagination.
Il eft inconcevable que plufieurs écrivains
•pniffent recommander même comme indifpenfables
des difpofitions aufli évidemment abfurdes.
Après, la Salubrité du f ite , il faut en chercher
l’agrément. La.nature l’offre , l’art y ajou te; 8c
tous les deux peuvent lui donner une diverfite
infinie. Les différentes pofitions, 8c les divers mélangés
des montagnes , des plaines, des vallees , des
prairies, des forêts, des bois, des lacs 8c des rivières,
multiplientl’agrémentdesfituations ;8c il eft permis
à l’art d’augmenter cette foule de variétés naturelles
, tant en créant des o b je ts , qu’en les fai-
fant difparoître ou en les tranfpofant. Le penchant
au plaifir engage à chercher les lieux les plus riants,
& à fuir des enfoncemens . Sombres, des plaines
vuides de i>ois 8c de buiffons , où l’art ne peut
pas remédier aifément au défaut d’ombre 8c d’eau-
v iv e : on leur préférera ces Scènes que préfente
la nature, ces cantons où la liberté, le nombre,
la grandeur 8c le changement des décorations 8c
des points de vue flattent L’oe i l , 8c occupent l’ imagination.
L’art offre fes fecou rs, pour prolonger
8c embellir les p e r fp e â iv e s , pour donner à l’eau
un cours , aux arbres 8c aux buiffons un arrangement
, aux jours 8c aux ombres une diftribu-
tion convenable , qui ajoutent encore aux beautés
de l’enfenifale, 8c lui donnent un mouvement
nouveau.
Une médiocre éminence offre le fite le plus
avantageux aux maifons de campagne. L e plus bel
édifice perd toujours un peu de fon apparence ,
lorfqu’ il eft dans un fon d, au lieu qu’ il produit
tout l’effet dont fon architecture eft fufcepnble,
quand il fe préfente fur une hauteur. Alors il attire
davantage , même de lo in , 1 oeil du v o y a g e u r ,
qu’il femble inviter à s’ en approcher. Ce tte fituation
augmente aufli le plaifir qu on trouve à y
féjourner. L’habitant refpire avec plus de liberté