
Rien n’eft plus commun que cîes allées droites en
»venues devant les châteaux & autres habitations de
ce genre. Elles font recommandées pour cet ufage,
tant par la commodité que par l’envie que nous
avons de parvenir bientôt, & fans qn’aucun détour
nous retarde, à un objet déterminé , but de notre
m o u v em e n t8c centre de notre repos. Si cependant
l’avenue continuoit long-tems en ligne droite, on
éprouverort un certain mal a i le , caufé par l’uniformité
de la route , & par l’éternelle immobilité .du
bâtiment. Cette monotonie fe fait bien plus fentir
encore dans un chemin où toute vue eft mafquée
<Ies deux côtés, & où l’oeil ne peut chercher a fe
diftraire de fon déplaifir & de fon ennui, en fe portant
fur les objets environnans. Home confeille de préférer
alors un chemin oblique & en ligne ondoyante parfemé
d ’arbres ifolés & d’autres objets épars. Dans une
avenue finueufe , tout ce qui eft interpolé, d it- il,
fèmble mettre lamaifon en mouvement, elleiemble
marcher avec le voyageur. L a variété y gagne auflî :
le bâtiment s’offrant perpétuellement fous divers points
de vu e , on diroit qu’à chaque pas il prend une nouvelle
forme.
Chaque efpèce d’avenue a donc les avantages : la
direéte eft commode; l’ondoyante eft variée. U avenue
eft-elle courte, il f a u t , fans doute, préférer la ligne
droite. L ’autre demande un plus grand efpace pour
faire un bon effet. Des avenues très - prolongées ne
peuvent aller fans diverfité ni détours. Un beau
modèle en ce genre fe trouve en Angleterre à Caver-
sham près de R ending, campagne appartenant au Lord
Cadogan. On en pourra lire avec plaifîr la defcription
tracée par la main d’un grand connoiffeur ( Whately)
dans la théorie des jardins par Hirschfeld.
ce. Cependant, dit ce dernier , on peut très-bien fe
paffer d'avenues en allées devant les maifons de campagne.
Elles fèroient même d’un effet défavantageux
pour celles-, qui, n’ayant pas un front allez étendu, s’en
trouveroient mafqüées. E lles nuiroient encore à plu-
fieurs fituations-dont le caraétère eft d’être dégagées &
a'érées. On les a fur-tout introduites autour d’habitations
en plaine. Souvent, comme on l’a. dit , elles
cachent l’afpeft d’un bâtiment lointain; ou conlidérées
de la maifon, elles empêchent quelquefois toute vue
liante du payfage , & répandent un air morne fur le
féjour des plaifirs. >t
«c Cette même impreflron qui 's’accorde lî peu avec
des maifons de campagne où. règne la gaieté , eft
caufe que nous voyons , avec plaifîr, de hautes &
larges allées fervir à’avenues à d’anciens châteaux
gothiques ; non feulement elles font à leur place ;
mais elles ont encore cet air refpeâable & folemnel
que nous avons coutume de trouver aux voûtes'
hardies, & aux longs corridors (ombres’ des cathédrales
& des couvents. L a hauteur & l’obfcurité élèvent
l’âme : on fe croit tranfporté aux tems de la
vénérable antiquité : on y éprouve des fentimens
mêlés d’étonnement .& de crainte, d’admiration & de
piété, »
A V E N U E E N P E R S P E C T IV E . C e f t une avenue
ou iallée qu’on a tenue plus large , par un bout que
par un autre, ou pour lui donner une apparence de
longueur, ou pour la faire juger parallèle, vue par
l’extrémité ta plus étroite. ( Voyez A llée. )
A U G E , f. f. ( terme d'architeCture hydraulique. }
Sorte de machine qui fert à l’épuifement des eaux.
C 'eft un canal de bois fufpendu ordinairement par
fon milieu fur un axe autour duquel il peut fe mouvoir.
Une partie de ce canal répond à l’eau qu’on
veut épuifer, & l’autre partie aboutit à l’endroit où
l’eau doit fe vuider. Pour faire mouvoir cette machine
, deux hommes fe mettent dans l’eau , faififfent
deux efpèces de mains de bois quLfont partie de Y auge,
8c la baiffent, pour la faire plonger. Alors cette partie
de Y auge , fur laquelle ils agiffent immédiatement, fe
remplit d’eau. On la relève enfuite , afin que delà ,
l’eau paffant à la partie qui eft dehors , aille fe vuider
dans l’endroit où cette même partie aboutit. ( Voyeç
la defcription & la figure de cette machine dans
Y architecture hydraulique de M. Bélidor , tom. i .
p. 381.:
A U G E . Terme de maçonnerie. ( Voye^ le Di<ft.
de maçonnerie.)
A U G E T .. Termè de maçonnerie. ( Voye\ ibid. ÿ
A U GM E N T A T IO N S , f. f. pl. C e font, dans l’art
de bâtir, dés ouvrages faits au-delà de la convention
du marché, dont le mémoire fe paye plus fouvent
par eftimation d’ experts.
A U G U S T IN D E S IEN N E , frère d’Angede. Sienne,
fut un des meilleurs élèves de Jean de r ife . Il travailla
de concert avec Ange à A flife , à Orviette, à
Arezzo , & y exécuta plup||£s ouvrages de. fculpture.,
(Voye^ Anse de SiEm^T)
AUGUSTODUNtTMr ( Voyeç A utun; )
A V IL E R , ( r t ) Augufiin-Charks, Ârchiteéte, né à
Paris en 165 3, d’une famille originaire de Nancy, mort
à Montpellier en 1700. Les progrès qu’il fit dans l ’ar-
chiteéhire, le mirentxen é ta t , à l’âge de vingt ans, de
concourir pour aller à Rome, & d’obtenir une place à
l’académie que la France venoit d’établir dans cette
ville. Il s’embarqua à Marfeille avec Defgodets architecte
8c le célèbre antiquaire , Jean-Foi Vaillant.
Leur vaiffeau fut pris par des corfaires Algériens., &
tout l’équipage fait efclave.. Pendant feize mois que
dura leur captivité, & Aviler ne difeontinua pas de
defïïner ; il donna même le plan d'une mofquée qui
fut bâtie à T unis, dans la grande rue qui conduit à
Babaluch. O11 prétend qu’elle eft d’Un très-bon goût
d'architeCture; & fans doute , c’eft le meilleur édifice
qui fe trouve dans le pays.. Notre artitte ne profita
de fa liberté, obtenue en 1676 , par les inftances
réitérées de Louis X I V , que pour fe rendre à Rome.
L à , pendant cinq,années de féjour, il examina , avec
la plus grande attention les plus beaux bâtimens
anciens & modernes,. E)e retour en F rance, il travailla
fous Hardouin M anfard, qui Remploya très-utilement
dans plufieurs édifices dont on l ’avoit chargé.'
Mais-, s’appercevant que Manfard , ne lui Four-
niffoit jamais l’occafion de travailler d’après fes
propres idées , d'Aviler accepta la propofition qu’on
lui fit d’aller à Montpellier , pour l’exécution d’une
porte , en forme d’arc de triomphe , dont d’Orbay
avoit donné le deflîn : elle fe nomme la porte du
Peyron. La réputation que s’acquit d’ Aviler dans cette
occafion, engagea l’Intendant du Languedoc à fe
déclarer fbn protecteur, & à l’employer dans plufieurs
ouvrages Cet architecte conftruifit un grand nombre
d’édifices à Carcaffonne , à Béziers , à Nifmes , à
Touloufe. Cette dernière ville poflèdé un de fês meilleurs
ouvrages : c’eft le palais Archiepifcopal bâti fur fès
deffins. Tant de monumens, fi heureufement exécutés,
engagèrent les états, en 169 3 , à créer en fa faveur
lin titre d’architeCte de la Province. Fixé par recon-
noiffance en Languedoc , d’ Aviler fe maria à Montpellier
; mais, à peine commençoit-il à jouir du fruit
de fes travaux, qu’il mourut : il étoit âgé de quarante-
fèpt ans.
A u milieu des exercices pratiques de l’architeCture, '
d 'A vile rri avoit point négligé la théorie de fon art. De
bonne-heure, il avoit trouvé le loifir de traduire &
d’enrichir de notes , le fixiéme Livre des ouvrages de
Scamozzi., architecte Italien. Dans la fuite , il fit un
commentaire fur Vignole , d’après lequel il compofa
fon cours complet d'architecture.
On doit à à' Aviler la première idée d’un DiCtion-
naire d'architeCture. Le traité qu’il avoit f a i t , lui en
fuggéra l’idée. Pour ne pas couper, à tous momens ,
fon difeours par des explications indifpenfables des
termes de l’art , i l réfolut d ’en faire un volume
entier, & de 'les ranger p'eft ordre alphabétique pour
les trouver plus facilemeift. C ’étoit une efpèce de
table de fon cours que & Aviler vouloit faire : auflî
fut-elle publiée fous ce titre : explication des termes
d*architecture. L ’auteur y joignit , en même tems,
ceux de géométrie, de méchanique , -de deflîn , de
peinture & de fculpture , &c. : mais cette partie de
fon travail n’eft pas la plus eftimable 5 quoique fes
intentions fuffent bonnes , il paroîtroit néanmoins
que , par cette addition , il n’avoit principalement eu
en vue que de réunir affez de matières pour former
un volume. C e qui dépare fur-tout ces derniers articles
, c’eft la fupérioricé de ceux d'architeCture , qui
forment le corps de fon explication. C ’eft là qu’on
reconnoit Id mérite de ce (avant architecte : ce font
par-tout des définitions affez précifes , confirmées ou
éclaircies par des citations , qui décèlent une con-
noiffance précieufe des plus beaux morceaux d’architecture
qu’on voit en Europe. Une chofe importante
manque néanmoins dans ces détails : l’ordre n’y
eft pas toujours fcrupuleufement obfervé. D 'Aviler
iui-memeÆn convient : ce Les matières, dit-il, ne font
“ pas rangées autant de fuite qu’on eût pu faire fur
* ^ ^ un Pr° jet régulier. Je puis dire , avec
» Yérité ,.que je ne lé sa i traitées qu’à mefure qu’elles
«3 fe font offertes à mon idée , & que le tems me
*3 l’a pu permettre ; ce que j ’efpère pourtant rectifier
33 à l’avenir, fi mon travail donne quelque fatisfaCtio»
»3 à ceux qui prendront la peine de le regarder fans
»3 entêtement, & feulement pour en profiter. 3»
Ainfi parle d'Aviler t à la page 392. , de fon cours
d'architeCture. Il fe difpofoit à donner une nouvelle
édition de fon Livre qui devoir être confîdérablement
augmentée : la mort interrompit fon projet. Alexandre
le Blond , architecte du czar Pierre le Grand ,
voulut remplir les vues de l’auteur. Il profita des augmentations
de d'Aviler , enrichit ce Dictionnaire de
plufieurs termes qui y manquoient, 8c mit enfin cet
ouvrage en état de voir le jour.
Depuis, il a reçu encore une forme nouvelle 8c de
nouveaux accroiflemens, par les foins de plufieurs
éditeurs qui l ’ont fucceflivement augmenté ; & ce
Dictionnaire a paffé , jufqti’à ce jour , pour être le
meilleur & le plus étendu de tous ceux qui ont été
faits fur l’architeCture.
A V IV E R , v. aCt. fe dit de l ’aCtion de couper le
bois à vive-arête ou à angle v if. En fculpture, c’eft
nettoyer, gratter & polir une figure de métal, pour
la rendre plus propre à être dorée, foudée, 8cc.
A U L A . Les uns entendent par ce mot un efpace
découvert ; d’autres penfent qu’il dëfigne de grandes
falles , des falles à manger en particulier, le palais
des princes. ( Voye\ Palatium. )
A U LÆ U M , (V o y e z Tapijferie 8c Toile de Théâtre
A U N E , f. m. Efpèce d’arbre dont on fe fert pour
faire des pilotis. Son bois dure autant que celui du
chêne , pourvu qu’il foit toujours dans l’ea u , on dan«
la glaife bien humide. ( Voye[ B o i s . )
A U S T E R E , adj. fe dit., quelquefois en architecture
, d*un ftyle fans grâce , dénué d’ornemens 8c
voifîn de la pauvreté. Uauflérité eft l’oppofé de
l’agrément, & diffère de la févérité. L 'aujîéritê de
goût réfuite des moeurs d’un pays : la févérité eft:
l’effet des principes de l’art. L a première exclut la
beauté ; la fécondé en eft-la fauve-garde. On pafle
plus aifément de Yaujlérité au luxe & à la licence da
goût. L a févérité, qui provient de la connoiffance
-exacte des rè g le s , eft une meilleure défenfe contre
les innovations du luxe , & les excès d’une fauffe
richeffe. Le premier ftyle des Romains , en architecture
, fut aufière comme leurs moeurs. Comme elles,
il paffa bientôt d’un extrême à l’autre, c’eft-à-dire à
la plus'grande molleffe.
L e premier ftyle des Grecs ne fut que févère ; 8c
le relâchement, qui eft l’oppofé de la févérité , n’y
produisit jamais d’auflî grands contraftes.
L e mode Tofcan eft äußere : le Dorique eft févère :
l’Ioniqiie eft gracieux : le Corinthien riche & pompeux
^ le Compofé luxurieux & diffolu. Les Grecs ne
connurent, ni le premier ni le dernier de ces modes.
Les Romains , en peu de tems , paflèrent de l’mt