
tatiom de Y Antique 5 & ne font dues même qu’à
elle ? Les plus grands - hommes en ont toujours
fait gloire 3 ils n’ont celle de rendre hommage aux
grands maîtres de la Grèce, des fuccès qu’ils ont
obtenus en marchant après eux. Loin donc de leur
porter envie, reconnoiflons à quel point , en honorant
1efpéce humaine , ces artiftes fameux font devenus ,
par les leçons immortelles qu’ils ont laiffées, les bienfaiteurs
de tous les âges & de tous les pays.
On remarque que chaque nation fe vante d’un
fiécle privilégié dans lequel femblent fe réunir, par
un concours fortuit de circonftances, tous les dons du
génie , & fe concentrer tous les rayons de la gloire.
Ainfi , dans ce grand enchaînement qui lie tous les
peuples & tous les fiécles ', le bel âge des Grecs
fembie avoir été choilî par la Nature pour être
ce fîécle de prédilection qui ne devoit laifîer à ceux
qui l’ont fuivi que le befoin de l’imiter , & le
défefpoir de l’égaler.
L ’architecture , quoique moins dépendante en
apparence des caufes que nous venons de rapporter
, -eut cependant trop d’analogie avec les autres
arts du deflin, ( P'oy'c^ A r ch ite c tu r e . ) pour n’en
avoir pas éprouvé l’influence. Mais toutes les caufes
phyfîques & morales qui agiflent directement fur
cet a r t, ne fe trouvèrent pas moins tempérées dans
l'Antique par les plus heureufes combinaifons. ( Voy.
Art, & Architefture Grecque'). On doit fe flatter,
encore moins, que jamais, dans nos moeurs & fous
notre température, ce concours fortuné puifTe fe reproduire.
L ’étude de Y Antique eft donc également indif-
penfable à celui qui étudie l’architèCture. Nous n’hé-
fîtons pas même de dire qu’il eft plus nécefTaire à
cet art qu’à la peinture & à la fculpture. Celles-ci
peuvent encore , à la rigueur , trouver dans une
nature imparfaite dés modèles quelconques, & des
objets d’imitation. Mais l’architecture que nous avons
adoptée n’étant point née fur notre fol.3 étant
étrangère même à nos moeurs & à nos befoins , ne
fauroit y trouver de bâfe folid.e , ni cette fource
naturelle & féconde de beautés que le climat &
les moeurs des Grecs avoient feu rendre inépuifable.
Tout exige donc que ceux qui profeflent cet art ,
aillent dans fon pays natal en rechercher les germes-
précieux pour l’empêcher de dégénérer , & de s’abâtardir
fous des cieux qui lui' font étrangers.
C ’eft uniquement à l’étude de Y Antique que les
grands architeftes de l’Italie ont du ce lavoir &
ce goût qui ont fait renaître dans ce pays quelques-uns
des beaux jours de l’antique Grèce.
Mais l’étude des monumens antiques demande plus
de difcemement & de critique qu’on ne le penfe
ordinairement. Nous réduirons à deux obfervatibns
principales ce qu’on doit rècommander aux; artiftes
à ce’fujet. La première concerne le choix des objets
dont ils doivent fe propofer l’imitation : la fécondé
l’ efprit qui doit les diriger.dans cette imitation.
Les monumens de Y Antique exigent , dans le
choix qu’on doit en faire, une diftinftion de deux
genres 5 l’une par rapport aux tems où l’on doit en
fixer l’époque , l’aiitre par rapport aux pays où ils
furent élevés.
L'Antique , comme nous l’avons d it, occupe uhe
efpace de plus de quinze cents ans II eft naturel de
penfer, indépendamment des autorités qui le prouvent^
qu’en un laps de quinze fiécles, les caules de
la perreftion & de la beauté ne fe foutinrent point
dans les arts au même degré. Les arts comme l’ef-
péce humaine ont leurs périodes d’accroiffement &
de décroiflance. 11 eft donc bien important de con-
noître & de fixer pâr l’hiftoire des nations, & par
celle de. leurs ouvrages, le bel âge de la maturité des
arts, pour ne pas confondre enfemble les efiais timides
de leur enfance , & les derniers pas de leur caducité.
Dans le choix des objets qu’on fe propofe d’étudier ,
on peut remonter, fi on le veut, jufqu’aux monu-
mens de T enfance , monumens peut-être injuftement
dédaignés. Rien ne feroit plus utile pour dévoiler
aux étudians la fimplicité des principes du
vrai & du beau, que de leur faire fuivre pendant
un tems les routes que l’art fuivit lui-même pour
y parvenir. Rien ne feroit plus capable de les mettre
en garde contre les féduftions de la manière, que
de leur faire obferver dans les premières études ,
la marche de l ’efprit humain dans fes premières
produftions. Du moins eft - il certain que cette
routé, en la fuppofant plus longue-,' conduiroit plus
finement au but , & expoferoit moins le génie à
le manquer, enl’outrepaflant.
Il n’eft pas moins néceflaire de bien diftinguer les
ouvrages des fiécles de la décadence 3 leur roiblefle
eft d’un genre très-différent de celui qui accompagne
le premier âge. On doit en profcrire l’imitation
,. quoiqu’on y apperçoive' encore quelques
lueurs du beau. Ce foible crépufcule précurfeur dé
la nuit ne pourroit qü’égarer les pas des jeunes-gens,
& tromper leur vue 'incertaine.
Que d’erreurs cependant, de préjugés & d’abus,
en architefture , ne font point réfultés de la confu-
fion des différens âges de l’art ? Combien de vices*
fe font introduits à l’ombre de l’autorité de Y Antique,
& qu’une faine critique- eût écartés. ? Comme les,
monumens du bas-âge font en plus grand nombre,
& par cela même'qu’ ils font les plus ré cens , . nous,
font parvenus dans l’état le plus entier., on diroit
qu’ils fe font préfentés tout d’abord , & avant tous,
aux regards & à la curiofité des premiers fcriîtateurs
de l’antiquité. On le diroit, à en juger jpar les vices
& les foibleffes de là vieillefle antique qu’ils ont fait
paffer dans l’architefture moderne. On s’eft par la
fuite autorifé de ces défeftuofités vifibles dans les
ôüvrages des bas fié clés pour juftifîer des licences
que le fimple bon feus devoir profcrire. Abufant en—
fuite des abus mêmes , on a ‘tiré des conféquences
de conféquences, elles mêmes fauffes , par lelqilelles
on a dénaturé jufqu’aux types premiers de l’àrchitefture.
N ’en doutons point : ce font l ’ignorance &
.la mauvaife-foi qui ont introduit ce mélange in d it
cret de tous les ouvrages de l’antiquité. Les uns,
trompés,', ont' admis tout aveuglément, fans difcer-
nernent, fans examen 3 les autres, trompeurs , n’ont
accrédité cette confufion que pour étayer leurs men-
fon ge s , & y trouver la juftifîcation de leur goût
bizare & erroné. •
Depuis que l’efprit philofophique, introduit dans
l’étude de l’antiquité, en a difiipé les'nuages3 depuis
que le flambeau de l’hiftoire levé fur les régions
antiques , a répandu fa lumière fur ces ruines facrées
qui doivent fixer l’oeil de l’arrifte , on peut efpérer
qu’un choix plus éclairé des objets d’imitation ramènera
le goût & le génie de l’architefture traveftie
depuis li long-tems, & dégradée par les Ululions
des faux imitateurs de' l’Antique.
Une autre attention néceflaire dans la critique
qu’exige l’étude de l'Antique eft de diftiiiguer les
lieux où les monumens furent élevés.
Chaque pays en adoptant l’arcliitefture Grecque
lui communiqua fon caraftère national, y imprima
un goût local. Ces nuances , dans l ’origine peu fen-
fibles , devinrent par la fuite des fignes très-diftinc-
tifs , à mefure que l’art s’éloigna de fa fource.
L ’architefture Grecque avoit reçu -de fes inventeurs
toute la perfeftion qu’elle pouvoit efpérer.
Simple dans le dorique, mais pleine de force", de
caraftère & de cette énergie qui dût accompagner
les fiécles héroïques 5 faite enfin pour des républiques
dont la fobriété , l’auftérité & la vertu doivent
faire la bâfe, elle acquiert bientôt fous le climat
plus voluptueux de l’Ionie, cétte grâce & cettemollefle
dont l’ordre, qui en a- confervé le nom, nous retrace
le caraftère. Tant il eft vrai que l’architeftiire porte
toujours l’empreinte du génie des peuples qui l’em-
ployent 1
Mais quels changemens fon ftyle & fon goût
n’éprouvent-ils point dans un même pays félon la
différence des caufes politiques qui transforment &
dénaturent les Etats ? Rome pauvre, libre & vertueufe
fous les Confuls , ne connoît que l’ordre fimple &
ruftique des Etrufques. Rome opulente & efclave fous
fés empereurs, né trouvé'plus aflez de richeffe dans
le Corinthien , le plus riche de tous les ordres. Il
lui faut un luxe exagéré comme fa puiflance , & l e
cômpofite dont fa vanité veut faire un ordre , va
devenir un monument de fon impuiffant orgueil. Si
dans un même pays , par la feule influence des caufes
politiques , l’art put éprouver de fi grandes révo-
lutions, combien ne fera-t-il donc pas eflentiél de
difcerner les variétés auxquelles il peut être aflujeri
uiivant les divers pays où il s’eft trouvé transplanté ?
Faudra-t-il imiter indiftinftement les monumens d’A thènes
& ceux de Ba lb e ck , parce qu’ils font »antiques
les uns & les autres ? Ne compteroit-on pour
nen, dans les édifices de l’Afie , quoiqu’affiliés au
ftyle G re c , l’mfluénce du génie oriental qui dut fe
îrçéler au goût -attique , & en corrompre la pureté.
C ’eft donc aux monumens feuls de la Grèce , &
a ceux du plus b,el âge , qu’on doit une admiration
prefque aveugle , & qu’on peut7 vouer une vénération
fans bornes. Viennent enfu-ite ceux des fiécles
4 A u gu fte , de Trajam, d’A d rien , qui furent tous
exécutes, ou dirigés par des artiftes Grecs. Les ouvragés
des fiécles fuivans , offrent encore en archi-
ceftiire des modèles à imiter 3 car cet art ( V o y e z
Architefture. ) furvécut long-tems à l’extinftion totale
des autres. Spalatro en Dalmatie , Palmyre &
- Balbeck, dans la Coelo-Syrie , les thermes de D io clétien
préfenteront à l ’artifte clairvoyant & impartial
des fujets d’imitation dont il pourra tirer encore un
parti avantageux 3 mais, fans le difcemement d’une
critiqne éclairée , il ne peut que tomber dans les.-
erreurs les plus groflières. Plufieurs de ces monumens!
compofés des démembremens d’anciens édifices, font
voir à côté des plus beaux dé tails, les .copies les
plus informes, des incohérences de ftyle les plus
révoltantes. On fe contentera donc d’y admirer la
grandeur du parti & de l’enfemble , la hardiefle de
l’entreprife, & ce caraftère de nobleflè empreint
jüfques dans les derniers regards de l’architefture
expirante.
L a fécondé obfervation que nous avons faite relativement
à l’imitation de l'Antique , concerne l’eïpric
qui doit y préfider-.
Il y a deux manières d’imiter Y Antique : l’une
eonfifte à en imiter ce qu’on appelle ordinairement
le ftyle , c’eft-à-dire l’ apparence 5 l’autre à en faifir
les-principes & le génie.
L a première manière eft appellée fauffement imitation
: ce n’eft: qu’une fingerie propre uniquement à
en difcréditer le goût auprès de ceux qui ne favent pas
en démafquer l’impofture. Elle fuppofe ordinàire-
rement aufll peu de génie, que l’autre en exio-e du
véritable imitateur.
Rien de plus fimple & de plus fa c ile , fur-toutén
architefture , que cette imitation illaCoire. Ce t. arc.
quant à foii effence'1, étant fixé & déterminé depuis
long-tems , il eft reconnu qu’on ne fauroit inventer
de nouvelles formes , ni produire de nouveaux genres.
L ’architefte ne fait donc , en général, q u ed if-
pofer & mettre en oeuvré un certain nombre de formes
, de parties & de membres qu’il trouve tous
créés , & déjà perfeftionnés avant lui. M a is , dès
que toutes les partieV’conftitutives d’un édifice peuvent
entrer dans la compofition d’un autre, que fait
le ftérile imitateur dont nous parlons ? II copie-ce qu’il
paroît imiter, il croit changer la proportion, lorf-
qu’il né change que l’échelle. E t fi cette prétendue
imitation ne le réduit encore de fa part qu’à une pratique
linéaire , qui n’exige même qu’un talent des
plus bornés , quelle idée faudra-il s’en former ? C ’eft
pourtant par de tels moyens que les projets de tant
d’architeftes parés de toute la pompe des monumens
G i j