
C eft par une longue firite de conduits qui abou-
tifloient a ce lu i-c i, & s’étend oient jufqu’à Nifmes ,
que lés eaux des fontaines d’Eure & d’Airain étoient
portées en cette ville. Ces fontaines prennent leur
iource près d Uzès 5 & , quoi qu’elles ne foient qu’à
environ trois lieues & demi de Nifmes , les aqueducs
parcouraient cependant un efpace de près de
fept lieues , a caufe des détours • qu’on avoit été
obligé de fuivre pour conferver la pente & le niveau
né ce flaires.
/ Ç e grand aqueduc portoit les eaux dans divers
réfervoirs q u i , au moyen de petits aqueducs , de rameaux
& de tuyaux fouterrains , les diftribuoienr
dans les quartiers de la ville qui régnoient le long des
coteaux , & ou il etoit împolîible de faire parvenir les
eaux des fontaines. ( Voye{ F ig . i 87.) On voit encore
aux environs de Lyon des arcs de différentes hauteurs
qui ammenoient de l’eau fur le haut de la montagne
où étoit bâtie l’âncienne ville : ils joignoién?
deux collines-, & avoient jufqu’à 40 pieds de-hauteur.
Les modernes ont confirait peu d’ouvrages en ce
genre qu’on puiffe mettre en parallèle avec ceux des
anciens. Le feul qu’on puiife leur comparer* eft le
grand aqueduc de Caferte , bâti par V anvitelli; il
ammene des eaux de neuf lieues aux jardins & au
palais du roi de Naples : on l’appelle Aquedotto Ca-
joHno.
Les fources où l’on eft allé chercher l ’eau , font à
i a milles au levant de Caferte , au-deffous de la
montagne appellée Taburno, dans la vallée qu’elle forme '
avec Monte Vergine, & vers fendrait où les Sam-
nites firent paffer les Romains fous les fourches C au-
dines. L a fource appellée Sorgeme dello S f y o eft la
première ; il s’y joint enfuite plufieurs autres fources
qui font dans l’endroit appellé Airola. Ces eaux réunies
dans un aqueduc traverfent la Faen^a au pied
du Taburno fur un pont de trois arches bâti en 1753,
comme le marque l’Infcription en l’honneur du roi
& de la reine. , : . ■ * '
I l y a enfuite dans la vallée de Durazzano un
autre pont formé de trois arches très - élevées , fur
lequel l'aqueduc traverfe la vallée par deflùs un petit
torrent, pour aller de la montagne appellée Santa
Agata de Goti à la montagne de Dura^ano , entre
monte Longano & les'monts Tifato , où eft l’ancienne
Caferte. Vér$ monte di Gat^ano , l’aqueduc -traverfe
upe vallée où s’eft exécuté le plus grand tra vail,
c’eft-à-dire un pont de 1 6 1 8 pieds de lo n g , & de 178
de hauteur, à t^ois étages, lequel peut le difputer
aux plus étonnans ouvrages des Romains. •
L e premier rang eft de 15, arcs , le fécond de *
3 .7 ,8 c le plus haut de 43. Les piliers qui forment
.les premières archet ont 31 pieds d’épaifleur en b a s ,
& 18 en haut. Ces'premières arcades ont 44 pieds
de hauteur, les dernières en ont 5 3. L a hauteur totale
de l’ouvrage eft de 178 pieds. Toute cette conftruc-
tion eft de tu f ou de pierre tendre avec des rangées
de briques, fuivant l’ufage très-ancien de bâtir ,
dans ces pays. Les piliers font renforcés par des
contreforts qui donnent beaucoup de folidité'à fou*
vrage , mais qui ne laiflent point que d’en gâter
l’enfemble , & d’en rompre l’uniformité par la grande
faillie qu’ils ont. ( Toyez Fig. 18 9 .)
Les ouvrages fouterrains de cet aqueduc font aufli
confidérables que les conftruétions apparentes ; & les
difficultés en furent bien plus grandes. Il a fallu
percer cinq fois la montagne , la première fois à
Prato , fur une efpace de 1100 toifes dans le tu f ;
la fécondé à Ciefco , dans la pierre vive , fur un
efpace de 530 toifes de longueur 3 la troifiéme à la
montagne délia Croce, dans de la .terre grafle , &
enfuite dans du roc v i f pendant 3 j e toifesj la cinquième
dans la montagne de C a fer te, à fanta Barbara , vers
l’abbaye de S. Pierre où étoit autrefois le temple de
Jupiter T ifatin , fur 130 toifes.:
En conféquence de toutes ces perforatiofts, on a
été obligé de faire des puits de diftance en diftance,
pour éclairer l ’intérieur des voûtes , & en déblayer
les terres 3 quelques-uns de ces puits ont jufqu’a z j o
pieds de profondeur, & 10 de diamètre par en bas,
fe réduifant à quatre pieds par le" haut. Ces puits
avoient été dirigés par Vanvitelli avec tant de pré-
cifion, qu’ils tomboient .tous exactement dans les galeries
, quelque contournées que fuflent les directions
de Y aqueduc.
Dans les endroits où Y aqueduc ne traverfe pas les
montagnes , il eft placé le long des hauteurs , à
mi-côte ,- enfoncé' de manière qu’il y a 1 z à 1 ƒ
pieds depuis le fond de Y aqueduc jufqu’à la furface,
& prefque par-tout il a fallu pour le placer ainfi ,
creufer dans le roc v i f , ou le caillou.
L 'aqueduc dans fa longueur totale a z 113 3 toifes ;
la pente eft d’un pied fur 4800. L a quantité d’eau
eft de 3 pieds 8 pouces de large , fur z pieds $
pouces de hauteur. On aurait pu facilement en avoir
davantage 3 & l’intention du roi étoit de s’en procurer
aflez par la fuite pour la conduire à Naples dans
les parties élevées de la ville où l’on en manque.
L e réfervoir , ou château d’eau , auquel ceî aque-
duc aboutit fur la montagne , au nord de Caferte,
eft à 1600 toifes du ehateau , & à 400 pieds au-
deffus du niveau de la cour.
U aqueduc de Maintenon , s’il eut été terminé ,
aurait aufli trouvé fa place à côté ùæs plus vaftes
ouvrages des peuplés de l’antiquité jU k eût effacé
toutes les conftruétions modernes en' ce genre. Il
devoit être compofé comme celui de Caferte , de
trois rangs d’arcades les unes fur les autres. L ’étage
fupérieur aurait eu z j6 o toifes de longueur, & la
hauteur totale de l’édifice z z o pieds. Cette immenfe
conftruétion étoit deftinée à ammener les eaux de la
rivière d’Eure , à V erfa ille s , depuis Pongoin qui en
eft à 40 mille toifes. Suivant les nivellemens de la
Hire , la rivière d’Eure y éft de 80 pieds.plus haute
que le réfervoir de la grotte de Verfailles. On voit
encore au-delà de Maintenon plufieurs excavations
qui furent faites dans ce deflein vers 16Z 6. Mais
l ’immenfité de l’ouvrage fit abandonner le proje t,
fur-tout quand Louis ]£IV fut obligé de porter ailleurs
fes troupes & fes dépenfes.
On ne fauroit voir fans étonnement l’étage inférieur
d’arcades qui fut fait alors 5 il donne la plus
haute idée de cette vafte entreprife, capable à elle
feule d’ éternifer un règne. On affine que cette partie
commencée coûta z z millions.
C ’eft une fuite de 48 arcades qui joignent les deux
collines de Maintenon , fur une longueur de 450
toifes. L a rivière qui fe divife en deux petits bras ,
pafle deflous cet aqueduc : le bras le plus fort traverfe
la cinquième & la fixiéme arcade 5 le plus petit Coule
fous la trentième. L a hauteur de ces arcs varie fui-
vanc l’aflïette du terrain *. leur élévation générale eft
de $o pieds. L ’ouverture de chaque arcade eft de
40 pieds ^ 5 leur profondeur de. 47 pieds 4 pouces.
Les piles ont 14 pieds \ de large : elles font renforcées
chacune par des contrepiliers qui ont de largeur
11 pieds £ , & 6 pieds de faillie dans le bas.
Ces contreforts, ainfi que les piles , font'partie en
chaînes de pierres, partie en moilons.
Toute la pierre employée à la conftruétion de cet
édifice eft de g rès , d’une grande dureté , & parfaitement
joint. Quatre chaînes divifent l’intérieur des
arcades 3 & , entre ces chaîues, eft une maçonnerie de
moilons bloqués, d’ une nature filiceüfe, liés par un
ciment beaucoup trpp tendre pour les pierres qu’il
doit unir. C ’eft a la mauvaife qualité du ciment qu’il
faut attribuer en partie les dégradatidns de ce grand
ouvrage 5 comme c ’eft à la perfection du ciment chez
les Romains qu’eft due la ténacité de leurs conftruc-
tions. Les pied-droits ou trumeaux ont un petit fou-
baflèment de • pierre , & fe terminent par une impolie
formée de deux rangs de pierre où prennent
naiflance les bandeaux des arcs çompofés aufli de
deux ceintres de pierre. Les voûtes font généralement
de briques. Les trente premières en font totalement
conftruices 3 mais, aux dix-huit autres, les ceintres de
briques font renfoncés par les mêmes chaînes de
pierre qui régnent dans les maflifs des piles. On ne
voit point la raifon de cette variété de conftruétion 5
mais, ce qu’on apperçoit, c’eft que les voûtes privées
des chaînes de pierre font inconteftablement les plus
dégradées.
Ce magnifique ouvrage qui compte à peine un
fiécle de durée , fe trouve aujourd’hui dans un état
de ruine & de détérioration prefqu’égal à.cëlui où
la barbarie , & un laps de 18 fiècles ont réduit ceux
des Romains. II. eft vrai que des cailles à-peu-près
femblables ont concourra à fa deftruétion. Les fiècles
policés ont aufli leur barbarie : à plus d’une reprife,.
on a arraché les matériaux de cet édifice , pour les
employer a des bâtimens. particuliers. Toutes les chaînes
de pierre des contreforts ont été enlevées 5 & ce
qui prouve combien ces dégradations'furent l’effet
de la main des hommes , c’eft que tou s les contre-
iorts font rainés, à l ’exception de ceux des arcs fous
lelquels paient les bras de la rivière. On a trouvé de I
meme plus de facilité à endommager les premiers arés
adoflés a la montagne : aufli les trois premiers font-
ils entièrement -détruits 3 tous les revêtiflemens en font
arrachés. Onze de ces arcades font plus ou moins
ruinées. Le refte eft entier, ou fe réparerait avec la
plus légère dépenfe. On monte fur ce vafte pont par
la petite colline , & du côté où finiflent & viennent
s’enterrer les arcades. Il pourrait être parcourra ainfi
tout entier , fans celles qui font rompues * & qui
interceptent le chemin. On apperçoit au centre de
'chaqite voûte un trou quarté , ou une efpèce de
puits fait eif.claveau , qui fert de c lef à chaque cein-
t re , & qui n’a pas peu contribué à leur dégradation ,
en y laiflant filtrer les eaux.
C e monument qu’on peut ranger au nombre des
plus immenfes projets , & des plus célèbres ruines ,
porte empreint ce Caraétère de magnificence & de
grandeur , qui diftingue tous les ouvrages du règne le
plus jaloux de gloire qu’ait eu la France. .Dans un
‘édifice dont la folidité fait le principal o b je t , on
apperçoit cependant que l’architeéte eut en vue1 la
beauté des proportions , le choix des formes 3 & qu’il
chercha principalement le genre de beauté qui réfulte
néceffairement d’une, forte & grande conftruétion.
Si cet ouvragé eut été fini , le rapport de toutes les,
parties entr’elles eut produit une impreflîon dont on ne
peut que deviner l’effet dans ce premierrang d’arcades.
L ’état d’ifolement où il fe trouve aujoura hui paraît
annoncer trop de force & une grandeur démefurée. On
y découvre encore une efpèce d’embéliflèment dans
la diCpoûtion fymétrique des confoles ruftiques dont
tous les paremens font ornés.^ Ces confoles font formées
par le b o u t , de grofles folivés de pierre encla-»
vées dans la maçonnerie, pour confolider les maflifs,
& les préferver des lézardes auxquelles ce o-enre de
conftruérion eft fujet* On voit huit de ces confoles,
quatre de chaque côté les unes au-deflùs des autres
dans les paremens extérieurs des pied-droits , deux
autres au-deflùs des importes. Il en exifte aufli une
rangée de quatre entre chaque' arcade. ( Foyeq F ig.
19o) . On dirait qu’une efpèce de fatalité Ce ferait attachée
à ce monument pour le faire tomber dans l ’oubli,
& que le meme fort aurait envié a Ion auteur la gloire"
d’une telle entreprife. Les écrivains qui parlent de ce
vafte ouvrage ne citent que la Hire : mais ce favanc
mathématicien n?y eut part que pour les nivellemens.'
On fe croit fondé à rapporter tout l’honneur de cette
conftruélion a Vauban qui en donna le projet, & en
dirigea l’exécution. .
L 'aqueduc de jBucq à deux lieues de Verfailles '
n’approche ni,de la grandeur , ni de la magnificence
de celui de Maintenon : il confifte en un ran<r d’arcades
aunombre de 19 qui joignent aufli deux collines.
Il a z 1 o toifes de lo n g , & 40 pieds de hauteur. Ses
piles ont 13 pieds d’épaifleur , & 3 6 de large dans
le b a s , parce qu’elles font bâties pyramidalement 5
ce qui donne beaucoup de folidité à cet ouvraae,
fans qu’il y ait de contreforts. L a conftruélion&eii
en pierre de meulière renforcée par des chaînes de
pierre • de taille.