
Dans le Perche, la chaux que l'ori fait avec la
marne de Senonches, durcit très-promptement,
même dans le badin, lorfqu’ elle y fèjourne quelque
tems. Le mortier que l’on fait avec cette chaux
eft fort bon pour les ouvrages de maçonnerie qui
doivent être conflruits dans l’eau. Selon Vitruve,
la chaux faite avec des pierres tendres & fpon-
gieufcs vaut mieux pour les enduits, 8c celle qui
provient de pierres dures 8c compactes eft excellente
pour les ouvrages de maçonnerie.
Les meilleures chaux d’Italie font celles dont
on fait ufage à Turin , à Padoue , à V enife, à
Florence & à Rome.
Qualités extérieures de la chaux. Les qualités extérieures
5c ienfibles de la chaux v iv e , & par lesquelles
on peut définir cette fubftance, à la manière
des naturalises , fe décrivent ainfi. La chaux^ vive
eft friable , blanche ou grisâtre , légère , fèche ,
d’un goût âcre 8c cauftique , 8c d’une odeur em-
pyreumatiqne ou pblogiftique.
Effet de la chaux avec Veau. La chaux fait avec
l’eau une effervefcence violente , accompagnée
d’un fififement confidérable , d’une fumée épaiffe,
del'éruption d’un principe aftif & volatil, qui fe
fait Centir par une odeur piquante & par l’im-
preffion vive qu’il fait fur les yeux. Sa chaleur
eft fi grande, qu’elle eft capable d’enflammer des
corps combuftibles, ce qui eft arrivé à des bateaux
chargés de chaux.
L'effervefcence qui s’excite par l’a&ion réciproque
de la chaux & de l’eau , la chaleur qui s’y
développe, la propriété qu’a cette fubftance de
former un corps dur 6c folide, en fe mêlant avec
le fable & l’eau , exercent depuis long-tems la
fagacitê des chymiftes. Selon eux, la concrétion
& la foiidité de tous les corps proviennent de
l’union int-me de leurs parties fixes avec leurs
parties volatiles ; d’où il réfulre que lorfque la
pierre perd fa foiidité par la violence du feu, il
fe fait une évaporation de la plus grande pariie des
matières volatiles & fulfureufes, qui étoient le
vrai lien des parties fixes de la pierre.
On peut dire que comme la perte que tous les
eorps font des parties volariles, par l'évaporation
mfenfible, eft la caufe de leur dêftruébon , Via-
trodu&ion de ces parties dans un corps qui en eft
privé, doit augmenter fa foiidité ou la lui procurer.
Ainfi , la pierre à chaux ayant perdu par
l’a&ion du feu toutes les parties volatiles qui
étoient la caufe de fa dureté, fe trouve remplie
de pores vuides, formés par une matière extrêmement
fèche & aride, qui abforbe avec avidité les
parties humides de l’air. Mais comme elles ne
peuvent pas lui rendre les parties volatiles qu’elle
a perdues par la calcination, il en réfulre quelle
fe réduit en poudre impalpable. Si i’on rrempe U
pierre à chaux dans l’eau, elle i’abforbe avec
violence, 8c c’eft ceue aptitude à s’emparer de la
partie humide des corps qui caufe fa caufticité.
Cet effet agit fur le fable 8c. fur les pierres, &
en fait fornr à la longae. une partie des fels ful-
phureux 8c volatils qu’ils contiennent, 8c produit
entre eux cette forte adkéfion qui compofe un
corps fi dur 8c fi folide. Comme cet effet dure
jufqu’à ce que la chaux ait repris toutes les parties
qu’elle a perdues par la calcination , il en réfulte
que long-tems apres que le mortier paroît fec, il
ne laiffe pas d'acquérir toujours de plus en plus
de la foiidité. Ce qu’on vient de dire fe confirme
encore par l’expérience^, qui prouve que plus le
mortier a été broyé, plus il devient dur par la
fuite, parce que cette opération fait fortir du fable
& entrer dans la chaux une plus grande quantité
de fels volatils, & qu’enfin 1a chaux ne paroît
brûler les corps quelle touche, que parce quelle
les diffout, en abforbant les fels qui uniffoient
leurs parties. Il femble que Philibert Delorme ait
eu une idée de cette théorie , lorfqu’il confeill®
de faire la chaux des mêmes pierres dont le bâtiment
eft conftruit, comme s’il eût penfé que
les parties qu’abforbe la chaux fuffent de même
nature que celles qu’elle a perdues par la calcination.
Ces principes & les effets qui en réfultent, ainfi
que la manière ,de les expliquer , paroiflênt également
avoir plus de rapport avec les principes
de Vitruve , qu’on ne pourroir le croire. Selon cet
écrivain, le feu fait perdre aux pierres a chaux leur
felidité, & Us rend plus arides, en leur ôtant leur humidité
naturelle & aérienne, qui n’eft autre chofe
que les fels volatils qui unifient les parties fixes
conftituant la bafe des corps folides. Lorfqu elles
ont perdu , ajoute-t-il , cette humidité naturelle &
aérienne, il leur demeure une chaieur cachee ÿ c’eft-
à-dire, une dilpofition à s’échauffer par le mou*
vement des fels fixes, qui , fe détachant promptement,
au moyen de IVau qui les diffout, produit
une effervefcence , réfultat d’un mouvement précipité,
qui raréfie les parties à caufe de la divi-
fion fowdaine qu’elles fouffrenr en s’entre-choquanr.
Cette effervefcence fe produit dans la chaux vive t
lorfqu elle efi plongée dans l’eau, avant que cette chaleur
cachée foit difiipée ; c’eft-i-dire , avant que
l’humidité de l’air lui ait fait perdre fa caufticité.
Enfin, dit encore Vitruve, la grandeur des pores
de la chaux efi caufe que le fable s’y attache. C ’eft-
à-dire, que le mélange du fable 8c de la chaux
ne forme qu’un foui corps. On ne doit pas entendre
ici par pores des cavités dans lefquelles les
parties du fable 8c des pierres puiffent entrer
comme des tenons dans des mortaifes. Ces pores
ou vuides fignifient feulement l’évacuation des
fels volatils 8c fulfureux de la chaux , qui la
rendent capable de recevoir ceux du fable 8c des
pierres.
Il femble en effet que le fable perd de fa dureté
, 8c que la chaux profite de cette perte ; efi
qui leur procure cette mutuelle difpofition à s’unij,
fortement. On voit des preuves de Cétte îoriê
rfadhéfion dans les pierres cunentées avec d e * ,
telleas mortiers : 1 rlqu’au bout, d'un-certain tems
01J veut les défunir, l'on remarque que la tuper.- .
ficie de la pierre refte attachée au mortier.
Ce principe v if & pénétrant qui s’élève de la
chaux, pendant fon effervefcence avec 1 eau, paroît
n’èire abfrlument autre chofe que le mixte folin
volatil de l’eau de c h a u x , fermé pendant leffer-
vefeence ou par l’effervefcence même , lequel
s’évapore par la chaleur plus que fumfante, qui
eft un autre effet de la même, effervefcence. Ce
foupçon pourroit fe changer en certitude complète
, par la comparaifon de l’eau de c h a u x dif-
tillée avec la vapeur qui s’élève de 1 eau de c h a u x
pendant l’efferveicence. Au refte , la différence
de la c h a u x éteinte à l’a ir, à celle éteinte avtc
effervefcence, cou fi lie en ce que la première retient
entièrement ce mixte volatil que la dernière
laiffe échapper en partie , partie fans doute la
plus confidérable & la plus fubtile. Elle ^vient
peut-être aufli de ce que fe mouvement de 1 effervefcence,
apparemment nécefffire à l’atténuation ,
pour porter les parties de la c h a u x au point de
fubir la mixtion faline, a manqué à la c h a u x éteinte
à l’air. Ces deux hypothèses ne fe donnent ici
que pour ce qu’elles font ; mais on peut affirmer
quelles fe réunifient avec les expériences, 8c en
confirment les réfoltats. C ’eft probablement par
l ’une ou l’autre des deux qu’on expliquera l inaptitude
de la c h a u x eteinte a 1 air » 3 former du
mortier qui faffe corps.
Revivification d e la chaux eteinte a l air»
La c h a u x éteinte peut être rétablie dans fon état
de c h a u x vive. Il ne faut pour cela que l’expofer
à un feu violent pour en chaffer l’humidité dont
ell*e s’étoit chargée en s’éteignant. L’adhérence de
l’eau avec la c h a u x eft fi grande , qu’un feu mé-,
dîoere ne fuffit pas pour la revivifier, ainfi qu’il
eft prouvé par les expériences de M. Duhamel.
( M é m . d e F A c a d é m i e d e s S c e n c e s , a n n é e 1 7 4 7 - ) Ce
favant mit dans une étuve de la c h a u x éteinte,
où elle ne perdit que très - peu de fon poids. Il
l’expofa enfuite dans un creufet à i’aâion d’un
grand feu de bois, qui ne lui fit perdre qu environ
le quart de l’eau qui avoit fervi à 1 eteindre,
il ne rèuffn pas même à l’en priver entièrement
en l’expofant dans un fourneau de fufion, excité
par le vent d’un fort foufflet.
Un petit morceau de c h a u x , qui avoit effuyé
cette dernière calcination, mis dans un verre avec
de l’eau ,'préfenta tous les phénomènes d’une
c h a u x vive , affez comparable à la c h a u x de craie ,
& qui auroit été encore plus v iv e , û la calcination
avoit été affez long temps continuée pour
difliper toute l’eau qui avoit fervi à l’éteindre la
première fois*
M* de Mofveau a imaginé un four pour revivifier
les chaux éteintes. Ce four eft conftruit de
manière, qu’en ménageant le bois, il peut fournir
facilement à un attelier de plufieurs ouvriers OCr
cupés à faire ufage du mortier Loriot.
Pour laconftru&ion de ce four, on commence
à élever un maflïf de maçonnerie en m celions »
fur lequel on établit l’aire- à la hauteur ordinaire
des fours à cuire le pain, afin que le fervice eit
foit plus commode. On trace, à cette hauteur,
une ellipfe ou un ovale , dont le grand diamètre a
dans oeuvre quatre pieds 8c le petit diamètre deux.
On élève fur cette ligne les parois du four avec
des briques & de l’argille détrempée. La vouffure
fe commence à trois pouces au deftus de l’aire,
& on la conduit de manière qu’il n’y ait qu’un
pied ou treize pouces au plus a élévation fous la
clef.
A l’une des extrémités de cet ovale on pra*
tique une ouverture demi circulaire, de dix pouces
de largeur fur huit pouces de haut. C ’eft ce qu’on
appelle h gueule du four par où. la flamme s’échappe
, par où l’on introduit aufli les matières
à calciner, qui, dans les fours ordinaires, doit êtré
garnie d’un cercle de fer, & furmontée d’uné
hotte pour recevoir 8c conduire la fumée.
A l’extrémité oppofée du four ovale, on réferva
une ouverture de huit pouces en quarré. Elle fert
au pajffage de la flamme du tifard dans le four ;
elle doit être élevée à deux pouces au-deffus de
l’aire, pour que le' rable ne pouffe pas les mar
tières qu’on calcine dans le tifard.
Le tifard eft le foyer deftiné à mettre le bois.
Il fait retour d’équerre avec le grand diamètre
de l’ovale ; il a dans oeuvre trois pieds de longueur
8c un pied fix pouces de largeur ; fa grille
eft' placée à huit pouces au-deffous de l’aii*e du
four, afin que le bois 8c les cendres ne puiffent
fe mêler avec la chaux ; % bouche, d’un pied de
largeur fur neuf pouces de hauteur, fe préfente
à l’extrémité du retour d’équerre, 8c elle eft terminée
par une vouffure demi-circulaire, qi i conduit
la flamme dans l'intérieur du four. Les figures
131 8c 131 repréfentent le plan 8c la coupe de
ce four.
Le four ainfi difpofé , on le laiffe fécher lentement.
Quand l’argille commence à s’affermir, on
y met, par degré, un peu de feu pour durcir
l’aire, 6c alors il eft en état de fervir.
Voici maintenant la manière de procéder à la
revivification.
On jette dans le four deux pieds cubes de chaux
éteinte; on l’étend fur l’aire , 8c on met tout de
fuite le feu dans le tifard. Il eft très-important
de n’y brûler que du bois fec refendu , comme
celui qu’on emploie dans les fours de verrerie.
Le bois verd preduiroit une fumée incommode
qui retarderoit l’opération. On bouche la gueule
du four avec une brique faite en forme de triant'.«
K k k k 1