
aux découvertes des anciens dans les parties constitutives
8c dans tous les membres d e l’archireâure.
Michel-Ange eft vraiment petit dans tous les
monumens où il a cru pouvoir in n o v e r , par la
décompofition des parties & par des combinaifons
nouvelles de détails aufli faftidieux que bifarres,
ou par une recherche puérile d’ornemens inef-
quins & capric ieux, qui déparent Souvent chez
lui des maffes d’ailleurs eftimables. Je ne lui pardonne
ni ces mafcarons grotefques , qui ne Semblent
Saits que pour effrayer les en fan s, & qu’il
employa it Sans aucune convenance, ni /ces frontons
infcritsdans d’autres frontons , ni Ses entable-
mens brifés ni Ses corniches enroulées, ni Ses
chapiteaux de nouvelle & mauvaife invention ; 8c
je les lui pardonne d’autant moins , que connoif-
Sant le bien il a fait le m a l, & qu’il a , par Son
e x em p le , répandu dans i’architeâure un poifon
dont les effets fubfiftent encore.
Les grands hommes font comme les r o is , qui
ne trouvent que des flatteurs toujours prêts a copier
leurs défauts & à contrefaire leurs ridicules. Si
le Souverain eft boiteux, toute fa cour boîte. Dans
les écoles des grands-maîtres , vous ne recon-
noiffez que les défauts du c h e f; il Semble que
Ses élèves aient borné leur imitation à cette étude :
c ’eft qu’ils n’ont cherché qu’à contrefaire leur
maître. Il faudroit du génie pour l ’imiter : il ne
faut que des y e u x pour le copier. Les défauts
font toujours ce qui frappe le p lu s , 8c les élèves
s’en emparent d’abord.
C ’eft ce qu’ont fait tous les fe&ateurs de Michel-
rAnge dans l’architeéhirè. Ils n’ont imité de lui
que ces mafcarons capricieux , que ces petits détails
contournés, que ces licences d’in v en t io n ,
que ces reffauts de frontons b r ifé s , enfin tous ces
details impurs qui déparent le plus grand nombre
de fes monumens.
L ’autorité de Michel-Ange a été long-tëmps en
architecture ce que celle d’Ariftote fut dans la
philofophie. L e crédit d’un grand nom a fait longtemps
la loi dans cet art. C ’eft à l’ombre de cette
autorité fuperftitieufement r é v é r é e , que fe font
accrédités les abus qui fi long-temps ont dégradé
l ’architefture. Boromini devoit les porter à un degré
fi effra yant, que le mal devoit enfin trouver fon
remède dans fon excès même. J’ai fait vo ir à la
v ie de cet artifte trop célèbre ( voye^ B o r o m i n i )
à quel point de dégradation, la funefte manie de
1 invention mal entendue pouvoit porter l’art de
1 architecture. En rappellant dans la v ie de Buo-
naroti le nom de Boromini , je fuis bien éloigné
de penfer à établir entre eux l’ombre même d’une
comparai fon C e parallèle in ju r ieu x, quel qu’en
put être le refulta t, feroit une tache à la mémoire
d ’un fi grand homme. Mais enfin la vérité me
force de le dire. Boromini n’ eft peut-être qu’une
confequence ouiree de Michel-Ange. La bifarrerie
fyftématique de l’un n’eft peut-être que le réfultat
des caprices inconféquens de l’autre. Les vices
du premier ne font peut-être que l ’effet des abus
du dernier.
Q u ’eût dit Michel-Ange f i , revenant à la lumière
il eût v u qu’en moins d’un fiècle après lui i’ar„’
chiteéiure avoit comblé toutes les mefures de la
bifarrerie ; s’il eût vu cet art parvenu au dernier
période de l’extravagance 8c de la déraifon la moins
imaginable ? Q u ’eût-il penfé f i , du haut de la coupole
de Saint-Pierre, il eût apperçu ‘ces dômes en
fp ira l, & ces clochers tor fes , & ces tours grotefques,
& ces portails tourmentés , & ces portiques
contournés par le génie malfaifant de Boromini
8c de fa fe&e frénétique ? Mais de quelle
indignation n’eût-il pas été fa if i, s’il eût entendu
fon nom profané par tous ces indignes profélytes
d’une doâ rine empoifonnée; s’il eût v u fes ouvrages
devenir le code de cette légiflation bur-
lefque ; s’il eût vu fes exemples fervir de point
de ralliement à tous ces faux difc iples, s ’il eût
v u fes inventions d evenir la bafe de. l’autorité fa- |
nefte des paradoxes inventés par tous les apôtres
du mauvais goût. Alors , je n’en doute p a s , il eût
renverfé de fes propres mains les monumens où
fon génie avoit pu donner de fi dangereux exemples;
il eût frappé d’une profcription févère la porte I
P ie , ce monument fameux où toutes les nouveautés
les plus coupables femblent avoir pris naif-
fance ; il eût compris que les plus grands vices
peuvent naître des plus légers abus ; que les abus i
. font d’autant plus dangereux, que le génie qui
les excufe fert aufli à les confacrer, & que
les grands hommes ne font jamais de petites
fautes.
Il me refte à donner le détail des principaux
ouvrages de Michel-Ange dans l’architeéiure.
Defcription des principaux ouvrages de Michel-Ang^
dans Varchitecture. '
D e tous les monumens qu’ il éleva tant à Rome
qu’à F lo ren c e , celui qui feul fuffiroit à fa gloire
eft le nouveau deflin qu’il fit de l’églife de Saint-
Pierre 8c pour la coupole de cette églife. Quoi-
qu’o n n e puiffe lui attribuer l’invention des dômes,
on a v u que celle de leur difpofition & de leur
décoration lui appartient. Rien de plus parfait
que le dôme de Saint-Pierre. Sans parler de fa
grandeur qui eft de vingt-une toifes 8c demie de
diamètre dans oe uvre, grandeur dont aucun ouvrage
en ce genre n’approche, il eft décoré des plus
riches ordres d architeélure , 8c terminé par une
lanterne d’une belle proportion. Le dôme de Sainte-
Sophie à Conftantinople eft un des premiers &
des plus grands qu’on ait conftruit. On ne peut
pas dire que ceux de Saint - Marc à Venife,
de Saint-Antoine à Padoue , de Milan & de Pife
foient petits : mais font-ils recommandables pat
leurs proportions ? La lumière y eft-elle bien entendue?
Le goût gothique ne les défigure-t-il pas?
ne partent-ils pas de fond ? Michel-Ange oftt tente*
êiî grand mie tou te nou ve lle , ou du moins à
peine frayée avant lui. 11 éleva fur quatre arcs
doubleaux, outre une double v o û te , une tour de
dôme ornée de colonnes , 8c dont le diamètre
furpaffe celui de la rotonde. Mais ce qui prouve
la vafte étendue de fon g én ie , c’eft l’extrême pré-
cificm avec laquelle il conçut ce hardi pro je t, &
le difcernement qui prévit tellement tous les
moyens d’en aflùrer l'exécution, que fur fon modèle
& fans y rien changer , Jacques de la Porte,
long-temps après la mort de fon maître, le termina
avec le plus grand fuccès fous le pontificat de
Sixte V .
Les détails d’un fi vafte édifice alongeroient
beaucoup trop cet article. Ils font même trop nombreux
& trop variés pour pouvoir jamais le renfermer
dans un feul : on les trouvera aux mots C oupole,
D ôm e , Eg l is e , 8cc. ( Voyeç ces mots).
L a m e r v e i lle d e R om e & d e l ’a r c h it e é h ir e ,
C e dôm e fi h a rd i dans fa ra r e f t r u û u r e ,
P la ît m o in s 'p a r l e d é ta il q u ’ il o f f r e a u x c u r i e u x ,
Q u e p ar l ’a c co rd du t o u t q u i fa i t ch a rm e r le s y e u x .
O n n’admire d’a b o rd n i fa v a f t e é t e n d u e ,
N i ces m u r s fi v a n t é s q u i p e r c e n t dans la n u e -,
D e l ’éd ific e e n t ie r le ju f tè a ffo r t im en t
Plaît e n ch a q u e p a r t ie & b r ille é g a lem en t.
* Pope. Effai fur la Crit. ehap. %.
L’églife des Chartreux à Termini, pratiquée dans
les thermes de D io c lé t ien , fait admirer, par fil
régularité 8c fa belle ordonnance, le génie de l’excellent
artifle qui fut convertir ces ruines en un
temple de la plus grande magnificence , 8c trouva
le moyen d’approprier les débris de ces falles à
l’ufage 8c au caractère de nos églifes. Michel-Ange
en reftaura les chapiteaux compofites, dont les colonnes
font lés plus parfaites de toutes celles qui
nous relient des anciens. Malgré la. grandeur des
falles de ces bains, qui furpaffent, par l’élévasion
de leurs v o û te s , tous les édifices modernes ; le
fpeftateur, qui compare l’ouvrage antique avec
le parti moderne qu’en fut tirer Michel-Ange, ne
fait lequel des deux il doit le plus admirer. On
a vu à quel point d’inhabiles reftaurateurs ont défiguré
depuis toute la beauté de ce projet. Je ne
répéterai point ici les plaintes de Bottari à ce fujet.
Mais que de regrets on éprouve , quand on penfe
que cette reftauration des thermes de Dioclétien
n etoit qu’un effai du grand projet qn’avoit formé
Une célèbre affociation des plus habiles hommes
de ce temps , pour réintégrer tous les monumens
de l’antique Rome !
Quelques favans du quinzième f iè c le , que dif-
m^nfes c*rconHances avoient raffemblés à Rome ,
affligés de la barbarie qui s’étoit répandue fur tous
. ans > 8c environnés de monumens dont les
ruines refpirent encore la magnificence 8c là gran-
®eilr » formèrent le deffein de 'reffufciter l’antique
archite&ure. Cette illuftre fo c ié t é , compofée de
Matrcel C e rv in , qui fut Pape ; de Bernardin Maffei
d ’Alexandre M anzuoli, de Guillaume Philander
de V ig n o la , de Louis Lucerna de Bnonaroti, 8cc.
avoit déjà fait une encyclopédie d’architeâure.
« Q u e l dommage, difent les célèbres auteurs des
» variétés littéraires, que le projet de ces reftau-
” rateurs de l’architeéhire n’ait jamais été rempli !
” Q u e ne devoit on pas attendre des connoiflances
» 8c des efforts réunis des V ig n o la , des Philander,
» des T o lom e i , d’une fociété enfin qu’éclairoit
n 8c qu’échaûffoit le génie piaffant 8c immortel
» de l’immortel Buonaroù » ?
Les plus précieux reftes de l’antiquité, 8c fur-
tout ceux du théâtre de Marcellus, avoient donné
les mefures du palais Farnèfe. Antoine San-Gallo,
architecte de ce palais, en avoit terminé l’extérieur
jufqu’ à l’entablement. Michel-Ange fut chargé
du foin de couronner dignement cette mafle im-
pofante. I l compofa un modèle d’entablement en
bois de la hauteur de feize pieds, qu’il fit placer
fur un des angles de l’éd ifice , pour mieux juger
de l’effet qu’il devoit produire. C e t effai mérita
les applaudiffemens du p a p e , 8c le fuffrage dé
toute la v ille de Rome. O n exécuta donc l’entablement
d’après ce modèle. I l paffe pour le plus
riche 8c le plus beau des entablemens modernes,
après cependant celui du palais Strozzi à 'F lo rence
, que le Cronaça imita de l’antique. O n
attribue à Michel-Ange fa grande fenêtre qui eft
au milieu de, la façade du palais Farnèfe. Q u e l
qu’en foit l’auteur, elle eft incapable de faire honneur
à celui qui l’inventa. Il règne beaucoup d’in-*
certitude fur ce qui doit dans ce palais appartenir
en propre à tous .les architectes qui y ont travaillé.
Vign o le , comme Fon fa it , fut du nombre. Mais
le troifième ordre de Fintérieur de la co u r , 8c les
croifées de cet étage , portent vifiblèment le ca-
raCtère de Michel-Ange ; on l’y reconnoît aux petits
détails des frontons, des confoles 8c des raaf-
carons qui décorent les c ro ifé e s, aux reffauts de
l’ordre corinthien , 8c à la maigreur de l’ordonnance
, défaut dans lequel Michel- Ange tomba fou-
vent. O n lui attribue aufli la Loggia, qui donne
fur la rue Julia , 8c dont le caraCtère , les proportions
8c la belle exécution ont quelque chofe
d’impofant.
On a déjà rendu compte de ce que Michel-Ange
fit au Capitole. Mais il faut dire encore qu’il donna
le plan de là terrafle 8c de la io n gu e rampe qui
a été pratiquée dans la pente du Capitolin du côté
de la ville . L ’une 8c l’autre font ornées de ba-
luflrades, fur lefquelles on a placé plufieurs beaux
monumens antiques. On devoit mettre au milieu
de la place la fameufe ftatue équeftre de Marc-
A u rèle en b ro n z e , que Sixte IV avoir fait placer
dans l’églife de S. Jean-de-Latran. Michel- Ange ,
dit-on , fut chargé d’en faire le piédeftal , qu’ il
tira d’un tronçon de colonne antique. Q u o iq u e -
cette bafe foit un peu pe tite , on la p ré fè re , a v e c *