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coupé par différentes avenues qui aboutiffent à
une piece p la te, à pans , décorée dans fon milieu
d'une pièce d’e a u , & , aux angles des a v en u e s ,
de fontaines, de figu re s, de v a fe s , & c . Entre
ces ornemens on place des bancs ou d’autres fièges.
A divers endroits de ce bofquet on diftribue des
tapis & des eompartimens de g a zon , autour ou
le long defquels on fait régner un fentier de deux
pieds de large.
L e bofquet, de tel genre qu’ il fo i t , couvert ou
découvert, étant deftiné pour la promenade, elle doit
y être libre & facile par-tout. Il n’eft cependant
pas de néceflité que le fol en foit entièrement
plane & uni. Les inégalités du terrein , quand
elles ne font pas fatigantes, ne fauroient déplaire :
elles ajoutent au coup-d’oeil extérieur. Un bofquet
peut couronner une éminence, s’étendre fur la
pente d’une co llin e , couvrir des parties baffes &
enfoncées. L e fite fert même à déterminer le caractère
qu’on lui donnera.
Mais c’eft aux arbres qu’il appartient particuliérement
de lui en imprimeries différences fenfibles,
par leur pofition, leur ramification, & fur-tout par la
nature de leur feuillage. Un bofquet fera majeftueux,
fi la forme générale en eft grande & b ien prononcée ;
f i les arbres en font hauts, d’un beau j e t , d’un
riche feuillage ; fi de belles avenues conduifent
à un temple ou autre monument d’une noble
architeélure. I l fera mélancolique & t r ifie , fi la
plantation en eft ferrée ; fi les arbres font bas >
les branches pendantes, divergentes ou courbées
en voû te ; fi la teinte du feuillage eft d’un verd
fombre. I l fera brillant & g a i , fi les arbres y font
difpofés pour laiffer beaucoup d’effet aux accidens
de lumière ; fi les tiges font b e lles , les feuilles
m o b ile s , d’un verd tendre ou luifant ; s’il y a
beaucoup d’ arbuftes à fleu r s ;fi les gazons y font
fra is , & les allées bien tenues ; fi enfin les eaux
y font claires, jailliffantes ou courantes.
O n y admet aufii les fabriques & les ornemens
variés des arts. Ce s ouvrages fervent beaucoup à
l ’embelliffement du bofquet, aux furprifes agréables
qu’on peut y ménager, & fur-tout au développement
de ce qu’on appelle cara&èrtPar exemple.,
le bofquet qu’on dédiera à l’Amour & à fes myf-
tè re s , ne fera pas fort g ran d, mais bien foigné
dans toutes fes parties. D e s renfoncemens en
forme de niches, recevront des ftatues auffi animées
que le marbre peut l’être ; des pièces d’un
gazon fin ferviront de plateaux , de cadres à des
figures allégoriques, à des vafes décorés de bas-
reliefs analogues au fujet principal. O n y verra
la b e au té , fous l’emblème de Narciffe , fe mirer
au milieu d’un baflin dans des eaux pures comme
elle- O n y entendra l’onde s’échapper a v ec un
doux murmure. Par-tout, des enlacemens, des guirlandes
de fleurs en feftons : les myrthes , les pommes
d’amour, les buiffons de laurier & de rofe
y feront prodigués.
O n ne peut guère déterminer quelle doit être
b o s
Pétendue d’un bofquet. Ce qu’on peut dire, c’eft
qu’il doit avoir celle néceffaire au caraCtère qu’015
veut lui donner, & proportionnée à fon ufage,
qui eft en général celui de la promenade. Il tant
que fon extérieur, au premier coup-d’oe il, le faffe
aifément diftinguer du bois.
Pour la manière de planter les bofquets, voye^
les articles T racer & Planter.
B O S S A G E , f. m. fe dit en général de toute
éminence, laiffée à une fiirface plane de pierre ou
de b ois, ou autre - matière propre au bâtiment.
A in fi l’on appelle de ce nom certaines boffes ou
éminences, qu’on laiffe aux tambours des colonnes
compofées de plufieurs aflifes, pour conferver les
arêtes de leurs joints de lit , que les cordages pour-
roient émouffer , & pour en faciliter la pofe.
Dans la conftru&ion, le nom de bojfage fe donne
à la faillie brute & non taillée que l’on conferve
aux pierres qu'on fe propofe de réparer au cifeau,
pour y former des ornemens, des feuillages, &c.
on l’appelle bojfage brut.
Dans l ’archite&ure, on nomme bojfage taillé,
les faillies des pierres façonnées par l’a r t , diftri-
buées fymmétriquement & par eompartimens
réguliers, dont on orne les paremens des murs
des arcades , foit qu'on fuive les joints de l’appare
il, foit qu’on fubftitue à fa diftribution réelle
une nouvelle apparence de difpofition arbitraire,
C ’eft fous ce dernier point de vue que nous
allons confidérer datas cet article le bojfage, en recherchant
fon origine , en examinant l’emploi qu’en
ont fait les anciens, l’ abus qu’en font les modernes
, & en indiquant l’ufage raifonnable qu’on en
peut faire.
L’origine du bojfage, nous l’avons indiquée dans
la définition même du mot. O n la trouve manifefte*
ment dans la pratique de la pofe des pierres, &
dans les diverfes méthodes de l’appareil chez les
anciens. C ’eft là qu’ il faut la vo ir . O n ne fauroitla
faire remonter plus haut. Nous regardons comme
inutile & fuperflue, pour ne rien dire de plus,
l’origine qu’Algarotti lui fuppofe fi gratuitement &
qu’il croit vo ir dans les poutres horizontales dont
les premiers conftruâeurs en bois formèrent les
murs des premières cabanes. Affurément rien
dans le bojfage ne réclame cette origine ; aucun
rapport direâ: a vec la charpente n’en peut jufti-
fier la fuppofition. T o u t indique au contraire une
de ces inventions poftérieures de l’art que les
premiers befoins n’ont pu fuggérer ; tout annonce
fur-tout que cette méthode naquit de la taille des
pierres dans les édifices en pie r re , & ne fut que
le réfultat ou du ha fa rd, ou des procédés de la
conftruftion. .
Cependant fi l’on confulte la trace de l’efpnt
humain dans prefque toutes fes inventions, même
les moins importantes, on verra que rien ne reçoit»
î fans quelque raifon d’utilité, les formes que l’ufage
pervertit quelquefois à la v é r ité , ou emp loi a
contre-leu*
B O S
contre-fens t lorfque l’efprit d ’imitation a fait perdre
les vertiges de l’ invention.
On fait, & tout porte à croire que les anciens
avoient coutume de bâtir avec des pierres, taillées
feulement fur les côtés qui dévoient Adjoindre
aux autres pierres, & que leur furface extérieure
étoit laiffée brute. Ce tte précaution en affuroit la
pofe & en facilitoit la liaifon. O n ne couroit point
le rifque de les écorner en les remuant, pour les
adapter contre celles au-deffus ou à .côté defquelles
on les plaçoit. Q uand les murailles étoient élevée s,
on ravaloit leur furface extérieure, on la rendoit
entièrement plane ; & la conftruâion paroiffoit
comme n’étant faite que d’une feule pierre. On
n’en appercevoit les joints qu’avec peine. Q u e lquefois
dans des ouvrages confidérables, &. lorfque
le temps manquoit, ou pour des raifons d’éco*
nomie* on laiffoit les pierres brutes. C ’eft c e qui
s’appelloit le puftique. Les plus anciens peuples
ne travaillèrent jamais la pie r re, pour donner
exprès à leurs bâtimens cette apparence groflière.
Cependant cette forte d’imp erfe âion, laiffée par
hafard à. quelques ouvrages, devint le modèle du
goût qu’une imitation raifonnée mit depuis en
oeuvre, 8ç dont l’ utilité & le plaiftr purent encore
juftifier l’emploi.
Les anciens Conftruéleurs n’employant que des
blocs d’une dimenfion énorme , pour remédier
aux éclats & aux fraéhires que la prefïion pou-
voit occaftonner fur les angles des pierres , ou
que les injures de l’air dévoient y produire à la
longue, purent imaginer de les arrondir fur leurs
extrémités pour en préferver les arêtes, ou de
les tailler à an g le t, de manière à produire un
angle -droit entre les joints des aflifes. De-là les
bojfages & les refends qui ne font qu’un boffagé
moins reffénti, moins prononcé & d’un effet plus
doux à la vue. L’on eft tenté de croire auffi qu’une
forte d’oftentation put leur donner naiffance; Dans
un temps oh l’on tiroit vanité de làî grandeur des
pierres qui compofoient les édifices , ou le grand
mérite de .l’appareil confiftoit^dans le choix des
plus grands matériaux & dans l’exa&e régularité
de leur difpofition , il eft pofîible que l’on ait
regardé l’emploi du bojfage comme un moyen de
laiffer connoître d’une manière fenfible, de faire
briller enfin la beauté de la conftruéfion , & , fi l’on
peut dire, fon anatomie. O n croit vo ir une preuve
allez convaincante de cette fuppofition dans ce
temple de C y z iq u e , dont tous les joints de pierre,
au rapport de P lin e , fe faifoient diftinguer par un
filet d’or que l’arehiteéte y avoit inféré.
Si la nature des chofe's donna naiflance au genre
ordinaire dq bojfages, il en eft une autre efpèce
f i* trouve fa fource dans le hafard du caprice
& dans l’ignorance même des fiècles où il fut
employé. Parmi le grand nombre d’édifices élevés
de toute part dans l’empire romain , plufieurs
reftés imparfaits , fur-tout du côté de la décoration,
offrirent aux: fiècles fuivans des parties la'ifîées
ArcKiteâure• Tome 1,
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brutes, des pierres en maffe, qui r^attendoieiit
que le cifeau du fculpteur pour recevoir l’ornement
qu’on leur avoit deftiné. Les y e u x fe fami-
liarifèrent avec ces défauts d’exécution ; on les
crut l’effet de l’art & d’un deftin réfléchi. Dans
plus d’un en d ro it, des moulures commencées à
deffm de fervir de repaire, fe trouvoient interrompues
par des claveaux que le cifeau n’avoit
point encore attaqués. Des montans de portes &
de chambranles, des ceintres d’arcades & d’archivoltes
, offroient une alternative de parties
brutes & de parties travaillées, de liffes & de profils.
On attribua au goût ce qui n’étoit que le ré-
fultât fortuit de l’inexécution. Peut - être fut- on
charmé de trouver dans ces jeux du hafard , une
nouvelle fource de variétés .applicables à la déco»
ration. On en vint enfin à imiter exprès., &
avec beaucoup d’art & de fo in , dans des. é d ifices
n o u v e au x , ce iqui n’étoit que le produit du
hafard , de là négligence ou de l’impeffeélion dans
des monumens anciennement abandonnés.
Les preuves de ces méprifes fe trouvent fur-
tout dans les édifices du bas â g e , & l’on en vo iî
de frappantes à Spalatro en Dalmatie. O n fait que
Dioclétien , réfolu d’embellir le palais de cetté
v ille de toutes lesricheffes que l’archite&ure avoit
développées dans léS fiècles précédées, & défef?
pérànt auffi de t ro u v e r , au milieu de la foibleffe
générale où les arts étoient alors réduits, dés
fculpteurs capables de répondre à fes idées , en v
o y a à Paros chercher ati fond d e .fè s carrières*
tout ce qui s’y tfouvoit de colonnes, d’éntable-
meiis , & de morceàux propres à être employés;
Dans le nombre il s’en trouva de très:-ànciens :
il s’én rencontra' plufieurs de là pliis belle manière*
& qui avoient été exécutés par des artiftes grecs ;
plufiëurS aufii n’étoient que dégrdftis ou ébauchés.
T o u t cependant fut emp orté; l’ignorancé
de l’architè&e mit indiftin&ement tout en oeuvre *
& ce vafte palais offre encore dans fes ruines la
preuve de cette compilation indiferête de formes
employées telles que le hafard lés avoit préfentées.
O n y remarque fur-tout le genre de bojfage dont
nous avons parlé en dernier. On vo it qu’on prit
pour des formes réelles ce qui n’étoit que des
formes d’attente. La preuve en eft , & s’obferve
entre autres chofes dans les frifes bombées, que l’an-
chitè&e laiffa dans l’état où il les avoit trouvées
dans la carrière. Cependant cette convexité n’avoit
été pratiquée par les fculpteurs de Paros que pour
ménager l’épaiffeur ou la faillie néceflaire aux
rinceaux & enroulemens qui dévoient en décorer
la furface. D ’autres fragm en s du même g en re ,
où ces ornemens commencés font reftés interrompus
& difeontinnés, auroient pu faite appercevo
ir l’intention de la forme; C ’eft pointant à
cette méprife êc à l’imitation qu’on en trouve
dans d’autres monumens contemporains , qu’on
doit attribuer le v ice des frifes bombées, q u i,
contre toutes leÿ règles de l ’art, & le.fenrirtfent