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core trouvé les moyens de réduire, les pierres en
chaux pour faire le mortier dont on s’eft fervi
depuis pour le même ufage.
C ’eft cependant à la découverte de la chaux
qu’on doit celle des cimëns & des mortiers qui
entrent dans la ftru&ure des bâtimenà en briques, ;
& font une des parties fi eftentielles de l'art de bâtir.
Le bitume forme une liaifon poreufe que l’air dif-
fout , 8c que l’a&ion du foleil fait évaporer, tandis
que les cimens calcaires font fufceptibles d’acquérir
une dureté égale à celle des pierres, & plus grande
que celle de la brique même. Il ne feroit pas étonnant
que cette invention eût été plus tardive que
celle de la brique : fans doute, il fut plus aifé d’apper-
cevoir que la terre, en fe féchant, pouvoit acquérir
fe forme & la confiftance de la pierre, que de deviner
les moyens’par lefquels, de la pierre diffoute
par le feu & par l’eau, pouvoit reprendre^ par le
. mélange du fable où de certaines terres, une confia
n c e égale à leur première nature, & fervir.de
liaifon aux corps' les plus durs. Peut-être dut-on
cette découverte au hafard de quelque incendie,
à l'embrafement de quelque édifice, dont les murs
étoient confruits de pierres calcaires. En jettant de '
l’eau pour éteindre le feu, on put remarquer que
quelques - unes de ces .pierres, calcinées par fon
aétion, fe diffol voient & formoient, en fe fondant,
une pâte blanche 8c fine qui acquèroit une certaine
dureté à mefure qu’elles fe refroidiffoient. La
première idée fut peut-être d’en enduire les murs j
déshabitations, confinâtes dans ^premiers temps !
en- briques crues, afin de les rendre plus unies, j
C ’eft ainfi qu’étoient enduits les- murs en pareilles
briques du palais de Créfus, ceux des palais du
roi ^Affale & de Maufole, félon le témoignage de
Vitruve & de Pline. Mais on ne fàuroit afligner
d’époque précife à . la découverte de la chaux ; &
quoiqu'on penfe, d’après les hifloriens^ qu’elle fut
faite peu de temps après la fondation de Rome,
elle efi- du nombre de celles que le fciefbin & le
hafard ont pu faire naître dans tèus les temps &
dans tous les pays.
Quoi qu’il en foit, il efl certain qu’on n’en fit-
point-d’ufàge dans les plus anciennes cortftru&ions
en pierres, & que les blocs qui les compofent font-
«nis fehs aucun ciment. Telles font encore lés eonf-
tru&ions de Perfepolis, dans lefquelles on retrouve
le goût de l’Egypte, d’où il paroît que les Perles
apprirent Yart de bâtir en pierre de taille.; Diodore
de Sicile dît-que ce né fut qu’a près- la conquête de
l’Egypte, qu’ils conftruifirent«les fameux palais de
.Suze & de Perfepolis ; & que ce fut-à des archiv
e s Egyptiens que ces grands travaux furent-
confiés.
Ce même goût pour les confirmions gigan-
tefques 6c les travaux extraordinaires en grondés-
pierres, fe retrouve chez des nations qui, fans
communication avec celles dont nous avons parlé ,
ne durent le recevoir que de la nature. Lorfque-les
Efpagnols firent la conquête du Pérou & du, Mexi-
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que, ils rem arquèrent, que les habirans de ces pay«'fe
faifoient aufîi. un mérite de bâtir des édifices eu
grandes pierres pofees fans mortier, parfaitement
bien-jointes & bien taillées ’; & qu’ils avoient tranf.
porté de fort loin des pierres d’une grandeur .extraordinaire;
D ’où il paroîtroit résulter que par-tout
cette manière dé conflruire auroit précédé celle de
bâtir en mortier. & en petites pierres.
Les. Grecs bâtirent d’abord en bois & en terre :
mais ils ne tardèrent pas de. fnbftitùer là pierre & le
marbre aux pièces de bois qui conftituoient leurs
premiers édifices. Les formes de c e u x - c i étoient
déjà fi parfaites 8c fi régu lières, que l%rt en con-
ferva les types jüfques dans fes plus fomptueufes
décorations ( F oye^ Architecture). D e cette
imitation naquirent les ordres d’architeélùre & un
fyfteme raifonné, q u i, afïignant à chaque partie fa
placé 8c fon emploi, conferva fa forme originaire,
& perpétua la mémoire de Fâncien art de bâtir. On
pourroit d ire, en empruntant le langage figuré de là
m y th o log ie , que ce tut Minerve elle-même, déefTe
tutélaire des G re c s , qui métamorphofa leurs édifices
de bois en pierres ou en marbre., pour les
rendre plus durables 8c plus magnifiques. Les Grecs,
également favorifê‘s de la nature dans, l’emploi qu’ils
pouvoient faire dés marbres &. des' pierres les plus-
dures , ne paroiffent pas avoir connu beaucoup
plus que les. E g yp tien s , Fart dé la coupé des
pierres ( Voye% Architrave ). Leurs monumens
font conflruits de pierres énormes ,.équarriès avec |
le plus grand foin. CréfipHon fe rendit célèbre par
la manière ingénieufè avec-iaquelle il transporta
les colonnes du fameux- temple d’E p h èfe, hautes
de foixante pieds , 8c cl’im feul morceau. Son fils
Métagène s’îll'uftra dè même par les- procédés, dont |
\ il'u fa pour tranfporter & mettre en place les architraves
m onolythes qui alioient d’une colonne à
! l ’autre.
Les Etrufques nous ont laiffé'des monumens dtr
meme goût dans l’^r/ de bâtir. Cependant, c’efi ,ordi- I
, naitementà eux qu’on attribue.la manière de bâtir
en petites pierres & en mortier ; du moins c’êff i
dans le pays qu’ils habitoiem,.qu’on en retrouve
| les plus anciens veftiges.
C è f l aux Romains qu’on doit là perfection de
| cette manière de bâtir en mortier & eu petites
pierres , comme^c’eft à eux qu’on doit attribuer Fin* |
vention des voûtes en maçonnerie de blocages &
en briques. Ils n’exécutèrent en pierres dé taille
que dès arcades ou des vo.utes en berceau pour
dés ponts-.
Leurs premiers temples furent fans colonnes: là
plupart etoient ronds. 8c v oû té s , tels que ceux de
Quirinus, dé Romuîus, du dieu Fauné-, de Cibèle,
de V e f ta , d’Herculè , de Mars , &c. Côfiutiiis fut lé I
pr-emiér architeéle Romain-qui bâtit à la manière
des G re c s , environ deux cens ans avant Fère vul-1
gake. Dépuis cette époque,.quoique les Romains
euflent adopté Farchiteéfure g re cq u e , iFs nelaiG
. fièrent pas de con feryç r leur première manière, de
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bâfnv Ils employèrent les ordres grecs plutôt
comme décoration, que comme partie principale,
alnfi qu’on peut le voir par ce qui nous refie de
leurs plus beaux édifices- Le corps & les. parties
efientielles étoient conftruitsen blocage de très-petites
pierres maçonnées à bain de mor tier, avec des
paremens en briques ou. en petits moilons équarris:
on décoroit enfuite ces eonftruéfions en les revérifiant
de marbre ou de fine; & l’on y ajoutait des
cplonnes 6c toutes les. richeffes de Fait qui pouvoient
contribuer à. leur magnificence-
Cétte manière de. bâtir en petites pierres étoit
beaucoup plus, fimple 8c moins coutêufe que la
conftruftion en pierres de taille : celle-cl occafionne
des déchets confidérablés, veut un travail extraordinaire
, exige des ouvriers particuliers 8c difpen-
dieux, 6c nécefiite de grands frais de trânfport.
Ç’eft ce qui fait qu’à Paris, la conftruâion en pierre
de taille efi prefque cinq fois plus chère que celle en.
moilons. Les Romains, qui pouvoient employer à
leur, conftruclion toutes fortes d’hommes- 6c de matériaux
, bâtiffoient en beaucoup moins de temps 8c
à moins de frais, des édifices.beaucoup, plus grands
&plus magnifiques que les nôtres, par.cè qu’ils y
faifoient entrer jufqu’aux moindres débris-On ne
faur.oitvoir fans étonnement, parmi les ruines de
l’ancienne Rome, des édifices quioccupoient trente
à quarante arpèns de fuperficie. , bâtis avec de
petites pierres de forme irrégulière que Fon tien-
droit dans la.main, tandis que leurs paremens font
en briques ou en petits moilons équarris. C’efi de
cette manière que font confiruits les plus anciens,
temples, de Rome,. tels que ceux du dieu Faune,
de Romulus, &c. ^ les plus grands, tels que le
temple de la Paix, cèlui de Minerve Médica, le
Panthéon, &c. 6c les plus vaftes édifices, comme
les palais des empereurs, les cirques, les thermes,
les.aqueducs, &c.
C’eft à ce genre de bâtiffe fimple, économique
& expéditif, qu’on peut attribuer cette quantité
prodigieufe d’édifices élevés fous le règne des premiers
empereurs, 6c qui ont furpaffé en étendue
fous les monumens des autres peuples. Cette facilité
d’opérer , qui n’exigeoit ni matériaux , ni ouvriers,
ni machines extraordinaires ,.perinettoit d’y
employer à la fois un grand nombre d’hommes.. Les
thermes d’Antonin Caracalla, qui occupent près de
quarante arpens de fuperficie, furent achevés en
moins de quatre ans : cependant il y règne un.étage
fouterrain qui couvre prefque tout le fol;.6c l’étendue
dès bâti mens fupérieurs l’emporte fur Funiver-
falité de l’hôtel' royal des Invalides à Pàris-
La plupart des auteurs-modernes qui ont parlé' de
ces anciens édifices, faute d’avoir eu allez.de con-
noiffance des ouvrages de maçonnerie ,.ont attribué
au mortier des Romains une qualité dont ils ne
penfént pas que le nôtre foit fufceptible. Ï1 efi
cependant facile de'.prouver que l’infériorité de
notre ciment tient plutôt à la manière, dont il fe
s. qu’à fa propre nature ; de. forte qu’en broyant
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•le mortier comme on le fait en Italie 6c dans quel
ques provinces de France, on pourroit eornpofer,
avec la chaux 6c le fable de rivière de Paris, un
mortier d’un aufîi bon emploi pour la maçonnerie
que l’étoit cèlui des anciens Romains. ( Voyc?
Mortier ).
Uart de bâtir éprouva les mêmes révolutions que
Farchiteéhire. Les derniers fiècles de l’empiré Romain
en virent changer entièrement le fyfiênie ;
fi toutefois l’on peut donner ce nom à cet âffem-
blage monftrueux de débris d’anciens édifices , qui
n’avoit de valeur que par la profufion.des-matières
précieufes qu’on y employoit. Ces compilations déréglées
furent l’origine d’uné nouvelle manière de
bâtir. Les Goths qui, dans ces temps de trouble 8c
de confufion, avoient envahi l’Italie, imitèrent ces
compofitions informes, 6c en formèrent le goût de
bâtir qui a pris leur nom. Quoiqu’on obferve 8c
qu’on diftingue de grandes variétés dans l ’extrême
pefanteur ou l’extrême légèreté qui ççnfiitue le
caraéfère des édifices gothiques, on reconnoît que
leur goût efi. toujours le même x 6c leur genre de
bâtir uniforme. ( Voyeç Architecture gothique).
h3art-de bâtir des Gothiques exigeoit beaucoup
d’adreffe 6c d’intelligence. Les architedes du douzième.
fiècle furent difiinguer avec une fagacita
étonnante les. parties principales de leurs édifices,
qui en forment, pour ainfi dire, YoJJature, d’avec
tes parties intermédiaires, qui; n’en font que le
rempliffage. Ils ont employé pour VoJfatureAa conf-
truéfion en pierres de taille,.dont la force 6c-la réfif-
tance pouvoient feules affùrer la folidité de leurs
édifices, à caufe de la hauteur, de-la légèreté 6c
de l’ifolement des points d’appui. Mais ils ont mis
en oeuvre le moilon pour les remplifi’ages 6c les-
élégijfemens, par-tout où le maffif n’étoit pas nécef-
faire. Par ce moyen, ils vinrent à bout de réunir
dans leurs édifices la folidité à l’économie. On n’y
trouve rien, de trop, rien d’inutile j 8c qui ne fafic
partie effentielle du tout.
Ce genre dè bâtir fut.en ufage depuis le commencement
du dixième fiècle jufqu’à la fin du quatorzième.
C’eft ainfi: que font confinâtes les plus
grandes églifes d’Efpagne, de France, d’Allemagne*
6c quelques-unes d’Italie. Les plus célèbres, font
celles de Séville, de Léon’, de Salamanque, de
Paris, d’Amiens, de Chartres, de Strasbourg, de
Weftminfier, d’Anvers,. de Malines, dé Trêves,
de-Milan, dé Bologne, &c.
Il y a cette différence entre Parchitefture grecque-
6c Farcftiteéhire gothique, que la première paroît
avoir été imaginée pour embellir l’extérieur dès
édifices, 6c que la fécondé ne produit un bon effet
que dans lès intérieurs. Rien n’èft aufli grand, aufîi'
magnifique que les dehors des beaux temples de la.
Grèce; & rien n’eft fi défagréable que l’extérieur des.
églifes gothiques. Cette forêt d’arebotitans dont,
elles font entourées, donne l’idée déplaifante d’urn
édifice-étayé de toutes parts. Leurs dehors annonceuse