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CHAMPÊTRES BATIMENS. {Jardinage ). Ce
font des conftru&ions moins confidérables que le
corps-de-logis, & qu’on en fépare pour la commodité,
l’agrément & quelquefois par la nécef-
fité de proportionner la maffe de l’édifice principal
à rétendue du fite , & au tableau dont il fait
partie. Cette difpofitîon peut fournir en outre
d’agréables accidens dans la compofition , & a fon
avantage en beaucoup de circonftances, ne fût-ce
que pour faciliter les diftributions intérieures, &
pour écarter ce que certaines parties du fervice ont
d’incommode & d’importun.
Outre les écuries & les autres édifices deftinés
à l’économie rurale , on peut encore détacher du
corps principal, des bâti mens ordonnés de manière
à être logeables pour les étrangers & leurs domef-
tiques ; comme nous l’avons dit dans l’article
Maison de campagne. ( Poye^ cet article ).
Quelques-uns de ces bâtimens ifolés peuvent
aufïi être deftinés à des ufages qui tiennent le
mi i*u entre le plaifir & l’utilité. C’eft ainfi qu’on
peut confacrer un pavillon du jardin aux plaifirs
de la table. Il faut lui choifir un fite frais &
ombragé, & lui ménager une pert'peâive riante.
On fera enforte qu’il le trouve à fon voifinage
une fource limpide & un bofquet. Le falon à
jranger a befoin d’être élevé & bien éclairé ;
l ’agrément & le goût doivent préfider à fa décoration.
Que la cuifine fe cache dans l’ombre d’un
fcalüer voifin.
On pourra confacrer un autre bâtiment champêtre
à la danfe & à la mufique. Il n’exige ni un beau
fite ni une perfpe&ive étendue, ni mouvement dans
les objets environnans. L’enceinte d’un ombrage
tranquille eft ce qui lui convient le mieux. Que
le caraélère de l'extérieur annonce le caraâère de
l’cdiâce , & que la décoration intérieure réponde
à ce que les dehors promettent.
Un cabinet d’étude féparé & ifolé -demande un
fite paifible & folitaire, qui tienne le milieu entre
la clarté & une ombre modérée ; car , trop de
jour lui convient aufïi peu que trop d’obfcurité.
Point de grandes cafcades qui bruiffent avec fracas;
mais de petits filets d’eau qui ne laiffent entendre
qu’un doux gazouillement. Des points de vue
variés & lointains pour s’y délaffer les yeux
pendant les heures du repos. À l’entrée, ou dans
l’aVant-place, la fia tue du dieu des arts, ou celle
d’un philofophe. Que la fimplicité fe faffe remarquer
par-tout dans le bâtiment, & que des orne-
mens difpenfésavec économie, indiquent les douces
occupations des Mufes. Il faut à l’entour des promenades
folitaires, dont le calme & le filence invitent
l’ame à la méditation. Loin de-là ces fcènes
qui détournent l’attention , qui fufpendent la réflexion
par des furprifes, ou impriment des fen-
timens incompatibles avec la fituation du moment.
La férénité du matin favori faut les travaux de
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l’efprît, l’expofition vers le levant fera la plus
avantageufe. Une bibliothèque & des colle&ions
d’hiftoire naturelle doivent y trouver place.
Qu’un cabinet confacré au fommeil fe recèle
dans l’enceinte d’un bofquet fleuri. Que le filence
annonce le féjour du repos ; & que le foible gazouillement
de quelques filets d’eau y invitent à dormir.
Rien de brillant, rien d’animé. Que tout dans les
environs foit plongé dans un ombrage bienfiiifant,
& dans une forte d’immobilité : au crépufcule , la
belle-de-nuit y embaumera l’air de fon parfum. La
lumière argentée de la lune ne pénétrera qu’à
travers le feuillage des bofquets voifins; le dortoir
fera fitué de manière à permettre aux premiers
rayons de l’aurore de s’y jouer obliquement, &
à n'être pas inondé tout-à coup par-les flots du
foleil levant. Des fcènes champêtres & d’aimables
jeux orneront les murs.
On peut pratiquer de petites tnaifons de chaffe
dans les cantons peuplés de gibier. Il ne s’agir pas
d’y trouver une habitation , mais bien un refuge
contre les furprifes du mauvais temSi On y mange,
on s’y rafraîchit, & on s’y remet de fes fatigues.
Elles demandent un fite fec, agréable & expofé
au foleil. Une hauteur qui domine la foret, & d’où
l’oeil peut parcourir une partie du lieu de la-chaffe,
femble offrir la meilleure fituation. Le bâtiment
n’exige aucune magnificence, mais feulement de
la commodité & de la propreté. Les décorations
ordinaires de bois de cerf & de cors, peuvent être
remplacées par des emblèmes plus délicats , par
des tableaux mythologiques qui aient trait à la
chaffe.
On peutaufli dans les cantons d’automne, def-
tiner des bâtimens particuliers à l’oifelerie. Leur
fite doit être folitaire & environné de buiflons :
les arbres & les arbuffes qui portent des baies
chéries par les oifeaux, y formeront une plantation
utile en même tems qu’agréable à l’oeil. Un
petit ruiffeau y coulera moins pour l’ornement que
pour la néceffîté. Le bâtiment peut confifter en un
fimple cabinet de plaifance ; il n’a nul befoin
d’étendue, puifqu’on ne s’y arrête que quelques
heures, pour y faire les petits préparatifs de la
chaffe , & en attendre l’effet. IJ faut qu’on puiffe
s’y gliffer par des fentiers détournés & couverts.
Les volières dans lefquelles on élève toutes
fortes d’oifeaux vivans, demandent fur-tout de
la verdure , une eau fraîche , de l’ombre & un
local qui ne foit ni trop humide, ni trop froid:
on les entoure d’un treillage de fil d’àrcbal, qui
doit être affez élevé pour que des arbres aient la liberté
de croîtreçommodément au-deffous. Un petit
jet-d’eau entretient la fraîcheur de Pair & l’anime.
Dans un cabinet placé à côté, on pourra obfer-
ver les allures & les habitudes de ces diverses far
milles.
Une cabane ruftique , ou une «aifonnettl
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„„verte de toutes parts, pourroit fervlr à ceux
çmi fe livrent au plaifir de la peche. Elle doit
être jettée-là, pour ainfi dire, avec tant de négligence
, quelle ne comporte aucune décoration ;
élle s’avancera en faillie un peu au-deffus de l eau
du- lac ou de * l’étang , &. fera accompagnée d un
canot ou d’une barque.
L’édifice deffiné pour le bain , ne doit ejre ni
au bord d’une large promenade, ni fur une place
eazonnèe,ni dans tout autre lùu expofé à la vue.
Qu’il fe dérobe aux yeux des- cutieux dans un
fond ou dans un hallier ; qu’un ombrage falu-
taire fe répande au deffus , & que les doux rayons
du foleil couchant, vers lequel il choifit fa plus
belle expofition, y verfent feulement à travers
le feuillage une aimable clarté. Que des arbrif-
feaux odorans, & des fleurs y exhalent leurs parfums.
L’architefture en doit être modeûe , le toit
peu élevé ; il ne faut pas y multiplier les fenêtres
ni les ouvertures. L’intérieur n admet que très-
peu d’ornement.
Les b â t im e n s c h a m p ê t r e s , outre leurs commodités
fervent à répandre en général du mouvement-dans
le canton ; ils lui ô-tent ce qu’il a d’uniforme
& de dé-1'er.t,, en faifant fonger que de s- hommes
l'habitent. Il n’eft guère de fite où ils ne conviennent
, ni de canton où ils ne puiffent devenir des
objets importons. Mais en voulant animer les tableaux
, il faut éviter la furabondance des bâtimens.
Car s’ils font en trop grand nombre , quelque
conformes qu’ils foienr d’ailleurs au caractère
effentiçl des jardins ; quelque propres qu ils
parodient à augmenter l’effet des fîtes, ils-affoi-
bliffent l’impreflïon dès fcènes naturelles, ils dé-
truifent toute apparet.ee champêtre & folitaire ,
& offrent Tafpefrd’une ville , & un amas ffobjets
artificiels'dans un lieu confacré aux beautés’ de la
nature.
Les bâtimens champêtres ■ , doivent encore etre
confédérés comme objets fufceptibies de beauté,
& comme moyens d’indiquer, même de renforcer
le caraélère des cantons. Quelquefois .ils peuvent
être deftinés à fervir de monumens.
Et d’abord la beauté leur eft indifpenfable ,
pnifqu’ils font en partie confacrés à flatter l’oeil,
a récréer l’imagination , à occuper agréablement
l’efpti: ; mais ce n’eft pas dans la grandeur & le fafle
qu’elle confifte : on l’obtient par l’élégance des
formes , par la fimplicité, l’aifance & la grâce de
l’ordonnance, par une confonnance fenfible entre
le caraélère du bâtiment & de fa deftination.
Le fite influe beaucoup fur le genre de beante des
édifices champêtres. Suppofons lç batiment pla'ce fur
une éminence, & au grand jour de toutes parts ; une
élégante archite&uredoùen parer l’ex:érieur; d’autres
pofitions plus ou moins pittorefques font favorables
à d’autres développemens de lart.
Les édifices champêtres , fou vent deftinés à fervir
ide points «àe vu e , doivent quelquefois, par d autres
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motifs , difparoître tout - à - fait. Qn peut par ce
moyen ménager des furprifes tres-vives & très*
agréables. Ne font-ilsL par exemple, que des re*.
fuges, des abris ; il eft bon de les mafquer.
Les bâtimens champêtres doivent être encore envi
fagé s comme des moyens de caraéterifer les*
fîtes naturels.
Il n’eft perforine qui, ayant porté un coup-
d’oeil attentif fur les payïages, n’ait remarqué
l’impreflion que les édifices répandent à l’entour
d’eux. Il en doit' être de même pour les jardins.-
Non-feulement ils détermineront le cara&ère des-
cantons,.mais ils leur donneront encore une nou-'
velle énergie, & ajouteront a l agrément, a la-
gaieté , à-la gravité ou à la mélancolie des fcènes-
dont ils font partie. Une rotonde ouverte fituée-
fur une éminence, augmente le- cara&ère aérien^
d’un bouquet d’arbres clair-femés qui en couronnent
la pente : un temple renforce le caraétère^
folemnel ; un hermitage , le melancoliq,ue ;• une-
chaumière, le champêtre..
Mais fi, au lieu de faire accorder les batiment?
avec le cara&ère dé chaque fcène, on élève un*
pavillon d’un goût noble dans un fite- fauvage 9.
une tour ou des ruines dans un parterre, un cà*
binet d’étude fur le grand chemin , un bain au*
fommet d’une éminence toutes lès réglés de la-
convenance font manifeffement bleffées :: vou--
droit-on par-là changer le earaélère du fite ; le-
bâtiment le renforce , mais ne le change pas..
La grandeur & la décoration extérieure de-
fédificc doivent encore cire mefurées fur le ca-
radê.-e particulier du canton. Trop d’étendue Sc
de richeffe ét' uffent fouveni Timpreflion quer
dèvroit faire la fcène naturelle v trop peu ne la-
rebauffe pas affez. D’ailleurs, le bâtiment & le
lieu de fon emplacement doivent former un tout*
en-fe foutenanr par des relations réciproques, &-
renforcer leurs impreflions mutuelles par une liai-
fon harmonieufe; d’où if fuit que-même l’endirit
extérieur dè l’édifice n’eft pas iine clioié indifférente.
Il faut qvi’il s’accordè avec le caraftète de'
la fcène ; qu’il ne lui donne ni trop ni trou péu
de lumière ; qu’il fbit animé , quand elle- eft-
riante ; doux, quand elle eft douce.-
Rien de plus ridiculè que de' recourir'à cés
ornemens rebattus , à ces hiéroglyphes puérils exécutés
en peintures. L’ex'preflion de caraétêre manque
t-il au bâtiment ; ces emblèmes n’y remédieront
pas. Gette expreffron y eft elle clairement
empreinte ; ils font füpcrflus. L ufoge de
peindre des perfpeâtves , des cafcades , des
fleurs fur de fimples planches, eft encore p»ùs
; intolérable.
Lorfqu’il Y aura p'iùfieurs bâtimens dans un
. jardin ,ils'fe diftingueront pàr la diverfitè de leurs
formes & de leurs apparences, & éviteront toute
l fymmétrie & toute égalité de pofition entre eux;
* car quoiqu’un édifice f entant qu ouvrage darcki