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t itre s , eft un des plus précieux dons que la nature
ait fait à l’homme , tient encore fous un autre
rapport à l’art de l’a rch iteâure, par les analogies
heureufes qu’il lui communiqua. L e bois fut le
principe le plus fécond des reflourees de l’a r t , le
typ e le plus heureux que celui-ci pût rencontrer
dans les diverfes matières que l’induftrie groffière
des premiers hommes mit en ufage , & appropria
à leurs befoins ; enfin le modèle le plus riche &
le plus varié , que le hafard des premières .combinait
ons de l’art de bâtir pouvoit préfenter à l’imitation
de l’architeâure. Le bois , comme l’a ob-
fe rv é A lg a ro tt i, f u t , de toutes les matières applicables
aux premiers effais de la conftru&ion, celle
qui pouvoit fou rn ir, aux développemens de l ’a r t ,
le plus grand nombre de modinatures, la plus
grande variété de modifications & de motifs d’or-
nemcns de toute efpèce. Quiconque en examinera
l’effence , verra fans peine qu’il renferme en
lui-même la fource de toutes les parties qui peuv
en t contribuer à l’utilité, comme à la b eauté, &
la plus fimple cabane de bois contient le germe
plus magnifiques édifices : aufii les Grecs af-
fujetrirent la pierre & les marbres les plus précieux
à repréfenter les formes du bois ; & ce lu i-ci,
après avoir été , dans les premiers abris du be fo in ,
Finfirumect grofîier de la n éceflité, eft d e v en u ,
l’heureufe métamorphofe que les Grecs lui ont
fait fubir , la fource du plaifir, dans les monumens
de l’art & du génie dont les hommes s’enorgueilliren
t le plus. Foyei les mots A rchitecture ,
A rt de bâ tir , A rbre , C harpente , &c.
B o is . ( ConflruElion. ) O n défigne, par ce m o t ,
dans l’art de bâtir, la fubftance dure dont eft formée
la partie eflfeniielle du tronc & des branches des
arbres.
L e bois eft une des matières dont Tufage. eft le
plus général dans tous les genres d’édifices, dont
l ’emploi ne fauroit fe faire indifféremment, & dont
le choix contribue le plus à la folidité des conf-
tru&ions. C e ch oix exige d o n c , de la part du
«onftruâeur, une connoiffance de la nature de
cette fubftance, de fa te xtu re , des caufes qui pro-
duifenr fe s qualités eflentielles , la force & h folidité.
Nous allons indiquer, en peu de mots, la
maniéré dont le bois fe forme , & rapporter à ce
fujet quelques obfervations tirées des plus favans
naturaliftes, tels que G r e w , Malpighi, Halles , &
M M. Duhamel & de BufFon.
La fubftance du bois parort ccmpofée de fibres
- ou filamens roides, couchés félon la longueur , &
fortement unis par un gluten. Si l’on coupe tranf-
verfalement un tronc ou une branche d’a rb re ,
on vo it que l’affemblage de ces fibres forme des
couronnes plus ou moins d iftinétes, dont le nombre
marque l’âge du bois.
U n e femence d’arbre quelconque, un gland ,
par exemple, que l’on plante en terre au printems,
produit, au bout de quelques femaines, un petit
je t tendre & herbacé * qui s’étend , groftit & durcit >
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& qui contient, au bout de la première année *
un filet de fubftance lign eu fe , terminé par urî
bouton : de ce bouton 9 qui s.’épanouit au commencement
de l’année fuivante , fort un fécond
j e t , femblable à celui de la première année, mais,
plus vigoureux , & qui s’étend davantage en aufli
peu de temps : il produit un autre bouton, qui,
contient le jet de la troifième an n é e , ainfi de
fuite , jufqu’à ce que l’arbre foit parvenu à toute
fa hauteur. Chacun de ces boutons eft une efpèce
de g e rm e , qui contient l’accroiffemenr de chaque
année; de forte qu’un arbre de cent pieds eft formé
par des accroiffemens fucceflifs y dont le plus grand'
ne paffe pas deux pieds. Les accroiffemens qui
forment le coeur de l’arbre dans fa maturité , con-
fervant toujours leurs mêmes dimetifions , ils exif-
tent dans un arbre de cent an s , fans avoir grolîi:
n i grandi ; ils font feulement devenus plus folides-
Dans un arbre fendu par le milieu dans toute
fa longueur,.on remarque, vers le coeur, des étran-
glemens qui défignent les accroiffemens , en hauteur
, de chaque année ; de même que les cercles
de la bafe marquent les accroiffemens en groffeur.
Le bouton qui vient au fommet çlu premier ac-
croiffement tire fa fubftance par ies canaux ou:
fibres de ce petit arbre. Les principaux canaux qui
fervent à conduire la fè v e , fe trouvent entre l’écorce
& la couche lign eu fe, produit de chaque
année. La f è v e , en montant, forme elle-même
les fibres q ui lui fervent de cond uit, ce qui. donne,;
chaque an n ée, une couche de plus autour de 1*
circonférence de l’arbre, à fa partie inférieure.. Arrivée
au bouton , elle forme en outre un ou plu-
fieurs rejettons, dfoù ré& lte Faccroiffement, en
Lauteur, de l’année. A in f i, dès la fécondé année,,
un arbre contient d é jà , dans fon m ilie u , un filet
ligneux , qui eft la- production de la première, &.
une couche lign eu fe , enveloppe de ce premier
f ile t , & de plus le filet lign eu x , aceroiffement de
la fécondé année- A la troifième, il fe forme une
nouvelle couche ligneufe , qui enveloppe celle de
l’année précédente , & en outre un file t ligneux ,
qui eft la- c ru e , en hauteur, de la troifième année.
Il en eft de même des accroiffemens foccef*
fifs- Chacun foit un cône creux fort alon g é, qui
recouvre les productions ligneufes des années précédentes,
& forme au-deffus un ou plufieurs rejetions
, qui augmentent la hauteur & produifent
les branches.
Les cercles que Fon diftingue fur là coupe tranf-
verfale des arbres qu’on a abattus, font les bafe*
de chacun de ces cônes.. On remarque , dans les
bois réfineux, tels que le p in , le fapin , l’épine ,
le méleze , & e . que la partie qui fépare chaque
c e r c le , eft compofée d’une matière plus tendre
& plus fpongieufe. Dans certains bois, la matière
inrerpofée entre les couches ligneufes a les pores
plus o u v e r ts , comme dans Forme, le frêne, le
ch âtaigne r.& le chêne. Dans d’autres arbres,la
texture eft £ uniforme ; qu’à peine diftingue-t-oa
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les cercles qui forment Faccroiffement en groffeur
de chaque année ; tels fon t le charme , l’érable ,
le hêtre , le peuplier, le fo u le , Faune, le bouleau
, & c . Il en eft de même de prefq newton s les
arbres à f ru it , comme le citronnier, l’oranger, le
cormier, le prunier, le poirier, le pommier, & c .
& des bois durs , comme le bois de f e r , l’éb èn e ,
le buis, le g a y a c , le cornouiller, & c .
Les bois i relativement à Fufage qu’on en fait
dans les édifices, fe diftinguent en bois de charpente
, de menuiforie 6c de placage. On ne traitera
, dans cet article , que de ceux de la première
efpèce, & particuliérement du bois de chêne. Les
notions relatives aux autres fe trouveront dans les
articles Pl a c a g e , Menuiserie. .
Les bois de charpente font ceux qui méritent la
plus grande- attention ; ils font les plus confidé-
rables & les plus importans de tous , foit qu’on
confidère les grandes dimenfions dont ils font fuf-
ceptibles, foit qu’on examine les qualités qu’ils
doivent avoir pour pouvoir former des ouvrages
folides & durables. Souvent ils font deftinés à
foutenir les plus grands fardeaux, à réfifter aux
plus grands efforts , à fubir toutes les intempéries
de l’air ; tantôt, félon les pays & les circonftances,
ces bois compofent la totalité des édifices ; tantôt
ils n’entrent que comme partie du bâtiment, &
s’uniffent aux autres genres de conftruétion ; pref-
que par-tout ils compofent les planchers & les
-toits ; & , dans tous les cas, ils feront fufceptibles
de la plus grande durée, s’ils ont les’qualités re-
quifes, la dureté , la folidité , la fermeté.
La pierre a fans doute, fur le bois, l’avantage
de la dureté, de la pefanteur & de la fermeté;
elle a de plus celui de pouvoir réfifter à toutes
les intempéries de l’air, de n’être pas fujette à fe
tourmenter, à changer de forme & de volume,
de procurer enfin, aux édifices qui en font conf-
truits , une folidité , une fiabilité plus grande que
celle qui peut réfulter de l’emploi des bois.
Les avantages du bois fur la pierre font d’être
moins fragile qu’elle, d’être plus facile à travailler,
& d’un tranfport plus commode. Le bois étant formé
de fibres longitudinales, qui font très-roides, &
fortement unies entre elles , peut également fervir
â tirer & à porter; il peut être pofé debout, en
travers, ou être incliné. La pierre au contraire,
compofée de parties grainues , réunies en tous
fons, ne peut réfifter folidement qu’à l’effort de
la preflion. On a vu cependant des exemples de
tres-grandes pierres, pofées comme des pièces de
®!Pls » fur-tout dans les édifices antiques des Egyptiens
& des Grecs : mais ces fortes de pofitions,
qui font fuppofer une ténacité peu commune dans
la pierre , font prefque toujours forcées , & contraires
à la nature des pierres les plus ordinaires.
Le plus grand inconvénient du bois dans les édifices
, eft de craindre les incendies. Cette raifon
a peut-être, plus qu’aucune autre , contribué à dif-
crédîter l’emploi du bois, & à en diminuer Fufage,
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Peut-être lui doit-on la découverte c!e Fart des
v oû te s , & ces moyens ingénieux de fuppléer aux
t o i t s , aux planchers & aux poutres.
Il eft cependant une infinité de circonftances ,
où s’il s’agit par exemple d’édifices hydrauliques,
l’on ne peut pas fubftirueria pierre au bois. Pour
la conftruétion même des édifices tout en pierre,
il fout bien encore mettre les bois en oeuvre. Ils
font indifpenfables pour les ceinrres, les échafauds,
les machines qui ne peuvent être exécutées qu’en
cette matière. Dans ces cas , 6c dans tous les autres
qu’il eft inutile de rapporter, le bois de chêne eft
celui qu’on emploie le plus & le plus fouvent :
c’eft aufli fur lui que v on t porter principalement
nos recherches , 6c les expériences dont l’application
peut fe foire aux autres e fp èc es, & que
nous n’ayons pas cru devoir multiplier ici.
D u bois de chêne. Les anciens auteurs qui en ont
pa rlé, en ont diftingué de plus d’une efpèce. V i-
truve 6c Pline comprennent fous-cette dénomination
générale, le robur, le quercus, Yefculus, le
cerrus, Yilex & le fuber.
Le robur eft une efpèce de chêne b rancliu, qui
ne croît pas bien haut; fon bois eft fort d u r, lian t ,
& difficile à travailler; il n’eft propre que pour
des ouvrages ruftiques, auxquels il ne fout que
de la folidité. Plufieurs auteurs prétendent que
c ’eft le chêne que nous appelions rouvre j 6c que
les Grecs appelloient drys.
Le quercus, appellé par les Grecs hemeris, eft
notre chêne proprement dit ; il croît plus haut que
le robur• fon bois, quoique très-dur, eft moins rafo
t iq u e ;il fe travaille mieux ; il eft fu r -tou t propre
aux groffes pièces de charpente, telles que les po-
trails & les poutres.
Vefculus paroît être le chêne fur lequel M. de
Buffon a fait fes expériences : fon bois eft moyennement
d u r , & fe travaille bien ; c ’eft celui donc
on foit le plus d’ufage pour la charpente : on croie
que c’eft Yaigilops des G re cs..
L e cerrus eft une efpèce particulière de ch ên e ,
que les Italiens appellent cerro ; il croît très-haut
6c fort droit ; fon bois, qui fe travaille affez bien.,
eft excellent pour la charpente.
Quant à Yilex ou chêne v e r d , on en fait peu
d’ufage en charpente : fon bois eft plein $c fore
dur.
L e fuber, ou liè g e , connu par Fufage qu’on foit
de fon é c o r c e , eft de peu. d’utilité pour les bâti-
mens & la charpente.
L e bois de ch ên e , en général, eft fans contredit
le meilleur qu’on puiffe employer pour les ouvrages
de charpente. Il poffèd e, au plus haut d e g ré , le s
qualités eflentielles à ce genre d’ouvrages. Il fe
trouve des chênes affez grands pour fournir des
pièces de bois de foixante à quatre-vingts pieds d.e
lo n g , fur deux pieds d’équariffage. Harlay rapporte
que dans le comté d’Oxfort en A n g le te r re ,
on avoit abattu un chêne dont le tronc avoit produit
une poutre de-cinq pieds en quarré fur 'qua-
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