
genre. Ce t édifice & plufieurs autres dont Briinne-
lefchi fut chargé, attirèrent autant de réputation à
l'architeâe qu’ils firent d’honneur à Y architecture : car
on ne fauroit dire fi les arts honorent plus les artiftes,
que ceux-ci n’honorent & ne font- honorer les arts.
Les élèves fortis de fon école , en fe répandant dans
les diverfes parties de l’ Italie , [y éveillèrent le goût
de Y architecture , en même tems qu’ils en propagèrent
les vrais principes , & enflammèrent l’ambition de
tous les fouverains. On vit en.peu de tems, & comme
de concert, les génies bienfaifans de la maifon de
M éd ic is, des ducs de Milan , & de quelques autres
princes ou feigneurs Italiens , accueillir les arts ,
ouvrir aux lettres leurs palais & leurs tréfors. Bientôt
les favans qui illuftrèrent l’Italie depuis l’arrivée du
cardinal Beifarion & des autres G re cs , commencèrent
à communiquer les livres de Vitruve aux architectes
qui les confultèrent, & à répandre dans le public la
doétrine de cët auteur, le feul des anciens qui nous
foit parvenu fur Y architecture.
L é on -Ba ttifta Alberti , de l’ancienne & illuftre
famille des Alberti de Florence, le fécond des artiftes
qui ayent coçftruit fuivant les principes de Vitruve
oc les maximes de l’antiquité ~ contribua beaucoup ,
dans ce tems , à la perfection de Y architecture. Il fuc-
ceda aux ta’ens & aux entreprifes de Brunnelefçhi 3
il rechercha dans Y architecture plus d’élégance, de
grâce & de variété d’ornemens que fon predéceffeur.
Ses ouvrages littéraires fur Y architecture annoncent une
érudition vafte, une grande connoifîance dans la con-
ftruétion, & une étude raifonnée. des ouvrages des
anciens. Son livre , le feul que les modernes puiffent
oppofer à celui de Vitruve , fit peut-être encore plus
goûter l ’architecture à fon pays que V itruve lui-même,
dont lés nombreufes obfcurités n’avaient pu fe diffi-
per encore par l’expérience & la faine critique.
M a is , dans le tems que la théorie de cet art faifoit,
par l’ouvrage d’A lb e r ti, des progrès parmi les favans,
il en paroifteùt un autre q u i , fans s’annoncer comme
traitant directement le même o b je t , étoit néanmoins
plus propre à élever le génie des architectes du tems.
Q n veut parler du livre de Francefco Colonna 3 qu’on
connoît fous le titre du Songe de Polyphile. C e t
ouvrage mérite d’ autant plus d’être connu , qu’il réunit
à la Angularité du plan, l’avantage de préfenter
des idées nobles*,‘ élevées , gracieuies, & fous le i
voile de la fa b le , les préceptes les plus utiles aux
artiftes & aux amateurs des arts. « Sans préjudice ,
as dit Félibien * du grand profit qu’on peut tirer de
»s la leéture de V it ru v e , & de l’étude q-u’on doit
33 faire de fes principes & de les règ les, il ne faut
33 pas moins examiner les tableaux curieux de plu-
33 fieurs fuperbes édifices , monuruens ou jardins que
33 l’imagination riante & féconde de l ’auteur du Songe
as a mis fous les yeux de fes lecteurs. »3 Quand on
penlè que les manufcrits de Vitruve étoient alors infiniment
rares, & qu’ils n’étoient point traduits, lorfque
Francefco Colonna écrivit ( en 1467 ) : quand on
conüdère dans fes defcriprions, des édifices aulfi magnifiques
aufli réguliers que ceux qu’on petit exécuter
d’après les règles de V itru v e , on ne peut que s’étonner
de la pénétration & du génie de l’auteur.
L 'architecture chez lui, fe préfente dans tout fou
appareil le plus impofant de grandeur & de majefté.
On 1 y voit accompagnée de pyramides, d’obélilques,
de maufolées, de ftatues coloflales , de cirques, d’hip-
po.dromeS', d’Amphithéâtres , de temples , d’aqueducs
, de thermes', de fontaines, de palais fomp-
tueux , de jardins délicieux, le tout du meilleur goût
& de la plus parfaite proportion. On peut obfèrver
que ces productions idéales à'architecture n’étoient pas
feulement eh lui le fruit d’une imagination ardente 3
mais qu’elles furent lé réfultat d’une connoifTance
parfaite des règles , dont il explique & fait con-
noître^ l’efprit à fes lecteurs , & dont il leur infpire
le goût. Il fe déchaîne fouvent contre l’ignorance
groflîère des architectes de fon tems, auxquels il
cherche à communiquer fes lumières pour les ramener
au bon goût. Il démontre , qu’il ne fuffit pas qu’un
édifice fort folide & bien bâti ; mais qu’il faut encore
que tout foit analogue au caractère & à la deflination
du monument ; qu’il ne fuffit pas qu’il foit bien
décoré 3 qu’il faut en outre que les ornemens qu’on
y employé foient néceffaires ou du moins utiles. '
L 'architecture, ainfi mife en fiction, fit plus aifement
goûter fes préceptes ; ce livre produilit fur les architectes
d’alors , .l’effet de la poëfie fur les hommes ,
celui de gliîTer la vérité fous un voile heure.uxqui
I eh déguife l’auftérité. Les defcriprions poétiques
& architecture répandues dans le livre de Colonna ,
firent plus d’impreflion que la féche doCtrine de
Vitruve n’en eût pu faire. Le coloris’ du poète fit
accueillir les maximes de farchitecte. Ces fictions
ingénieufes donnèrent en quelque forte le mouvement
& la vie à un a r t , dont Vitruve femble ne nous avoir
tranfmis que le méchanifme & le fquelette inanimé.
Ces allégories échauffèrent un peuple imaginatif 3 8c
l’on vit bientôt fe ' réalifer en Italie ce que Polyphile
n’avoit vu qu’en fonge.
Secondée par la protection & les vaftes projets des
M ed ic is , des fouverains de Rome , par l’émulation
de toutes les villes de lltalie , Y architecture parvint en
peu de tems au plus haut degré où les tems modernes
ont pu la porter. Décrire les monumens qu’ont élevés,
dans l’efpace d’un fiècle & demi les Bramante, Michel-
Ange 3 Raphaël, Jules Romain , SangalLo , Balthasar
Peru tfi y Giocondo , San-Micheli , Sanfovinô ,
Serlio » Pirro-Ligorio , Fignola , Palladio , Fontana,
Scamossï, & dont font remplies toutes les villes de
l ’I ta lie , ce fierait fans doute , le meilleur moyen
d achever f hiftoire de Y architecture : mais ces détails'
porteroient trop loin l’étendue de cet article : ils trouveront
leur place aux mots qui ont pour fujet la vie
de chacun de ces grands-hommes. V o y e z aufli architecture
moderne : on examine dans -cet article , les'fréquentes
révolutions dé cet art depuis fon rétabliffe-
m en t, les caufes de toutes fes variations & de fes goûts
différais chez les .peuples modernes.
Nous n’avons prétendu dans celui -ci qu’indiquer la
diverfité d’origine de Y architecture chez les différentes
nations , montrer la fupériorité de celle des Grecs qui
eft devenue la nôtre, développer la nature de fes principes
, l’effence de fon imitation , tes moyens par
lefquels elle parvint en Grèce à la plus grande perfection,
& fuivre rapidement fon cours depuis le fiècle
d’Alexandre le Grand , jufqu’à celui des M éd ic is, qui
firent renaître dans l’Italie quelques-uns des beaux
jours de l’antique Grèce.
A R C H IT E C T U R E A N C IE N N E . On appelle
ainfi la Grecque moderne qui diffère de l’antique, par
les proportions pefantès de fa confira élion, & par le
goût vicieux de fes ornemens & de fes profils. Outre
ces défauts , les bâtimens conftruits félon cette architecture
, font mal-éclairés , comme on peut le remarquer
à Péglife de St Marc de V en ife , & à Ste Sophie
de Conftantinople, ouvrages des Grecs & des Arméniens.
Aufli tire-t-elle fon origine de l’Empire d ’O -
rient où l’on bâtit aujourd’hui de cette maniéré 5 à
en juger par la Sohmnnie, la Falidée , & autres mof-
quées qu’on voit à Conftantinople. ( O n trouve la
repré fentation de ces bâtimens dans Y architecture hifio-
rique de Fijcher. ) Foye\ les figures 3 00 des planches.
A R C H IT E C T U R E A N T IQ U E . On défigne par
ce mot la plus belle aichiteHuu, celle dans laquelle
on trouve la plus belle imitation de la Nature , la plus
jiifte harmonie des proportions , le meilleur goût dans
les profils, le plus de. convenance dans le choix des
ornemens & l’application des richeffes. Cette architecture-
a été inventée par les Grecs & employée par les Romains.
/ E lle a fubfifté chez ces derniers jufqu’à la
décadence de leur empire ; & depuis deux fiècîes,
elle s’eft introduire dans le refte de PEurope où elle a
remplacé la. gothique. (V o y e z architecture y & architecture
Grecque. )
A R C H IT E C T U R E A R A B E , ( Foyeq A rabe
A rchitecture. )
A R C H IT E C T U R E A S IA T IQ U E , {VoyesA siatique
Architecture. )
Noise A rchitecture.)
A R C H IT E C T U R E C IV IL E . C ’eft celle qui tra-
Va^jf z. l’ernbclliiTement des villes , qui invente &
confirait les édifices propres aux ufages de la v ie ,
& ceux de magnificence, tels que les maifons des
particulier8 , les palais , les châteaux & maifons de
p ailance , les temples, les ponts, les quais, les pla7
ces publiques, les théâtres , les arcs de triomphe, &c.
Ainfi 1 architefture hydraulique fait partie de l'architecture
civile , lorfque les travaux hydrauliques ne
ont pas aits pour mettre à couvert des ennemis.
architecture civile eft celle qui fait l ’objet de ce
Dictionnaire. ( Voye^ A rchitecture.)
A R C H IT E C T U R E M T R E IL L A G E . C e ftu n ,
architecture, qu’on pratique dans les-jardins, aux berceaux
j portiques, cabinets de treillage, revêtement
de mur , &c. ( Foye^ ces mots. ) Elle eft établie fur
un bâtis de ferrurerie qu’on nomme carcajje. Cette
carcaffe eft corapofee de barreaux m o n tan so u piliers
de f e r , qui portent de fond fur des dez de pierre ;
ils y font feeliés & entretenus par des traverfes attachées
avec des clavettes , & par défîtes avec des barres
& bandes de fer droites | ou courbes, pour former
des arcs; le tout eft recouvert par devant, de pilaftres
montans , paneaux , corniches , importes & autres
ornemens & archleCture à jou r, faits d’échalats & bois
de boiffe'an contourné. O n met défîtes ces treillages
des amortifTemens, comme v afes, corbeilles de fleurs,
faits de ces mêmes bois avec fculpture. On en couvre
de plufieurs manières les dômes, aux milieu defqüels
on pratique une lanterne. Enfin on peint le tout enverd,
à l’huile à trois couches.
A R C H IT E C T U R E E G Y P T IE N N E , ( F o y ^
Egyptienne A rchitecture. )
A R C H I T E C T U R E E N P E R S P E C T I V E .
Architecture dont les membres fon t de différais modules
& de diverfes mefur-es, & qui diminuent à proportion
de l’éloignement pour faire paraître un lieu
plus grand. Telle eft en général l’architecture qu’on
pratique aux théâtres. De ce genre encore Fefcalief
pontifical du Vatican , bâti par le Bemin, fous le pape
Alexandre V I I .
On appelle aufli architecture en perJpeCtive celle qui
eft un peu de bas-reliefs, & qui fè pratique , ou pour
quelque raccordement , comme les deux petites arcades
des aîles du veftibule du palais Famèfe , raccordées
avec celles de l’ordre Dorique du portique de la
cour-, ou pour en faire un fond de quelque fujec
de fculpture , comme les deux tribunes feintes de la
chapelle de Cornaro , à I’églife de Ste Marie de la
Viétoire à Rome.
A R C H IT E C T U R E E T R U S Q U E , ( F . Etrusque
A rchitecture. )
A R C H IT E C U R E F E IN T E , eft celle q u i, par
le moyen de la perfpective linéaire & des ' couleurs ,
imite Y architecture réelle , en fait paraître les faillies,
ou contrefait les différens marbres & métaux qu’on
employé dans les bâtimens.
On appelle encore de ce nom celte qu’on employé
aux décorations des théâtres , arcs de triomphe,
entrées publiques, feux d’artifices^ fê te s , pompes
funèbres , ' catafalques , &c.
Elle s’établit fur un bâtis de charpente, & fe fait
de toiles peintes , adaptées à des chalfis que forment
des tringles 3 enforte que les èo’-ps avancés , comme
colonnes, pilaftres & autres faillies paroiffer.t de relief.
Les corniches font même quelquefois réelles , & on
fait ordinairement, les bafes, chapiteaux , mafques ,
trophées , &c. de carton moulé. On confirait fur un
mannequin d’ofier les figures qui accompagnent cette
forte d’architeélure ; enfuite on moule en plâtre les