
ra ifô n , à ces fomptueux piédeflaux dont l’orgueil-
leufe élévation ne fert qu’à faire difparoître dans
les nues les traits du héros. L e piédeftal de Marc-
A u rèle rapproche des y e u x la figuré de cet ami du
peuple, & s’accorde bien avec l ’aimable popularité
du plus affable des empereurs romains.
J’ai déjà parlé de la porte P i e , & de manière
à me difpenfer d’en parler davantage. Michel-Ange
avoit fait des projets pour décorer toutes les entrées
de Rome. La porte del Popolo paffe pour
être fon o u v ra g e , du moins dans fa face e x térieure
, ou celle qui regarde le fauxbourg dit del
Popolo. Vignole , dit-on, l’exécuta fur fes deffins.
Ce tte porte eft en arcade plein ceintre, ornée
de quatre colonnes, deux de marbre & deux de
g ran it , pofées fur des piéde flau x, & furmontées
d’un entablement ré gu lie r , où fe trouvent des
confoles & des mutules. Au-deffus de cet entablement
eft un attique, couronné par des armoiries
qu’accompagnent deux groffes cornes d’abondance.
A u x deux côtés de la p o r te , & entre les
colonnes , font deux ftatues , qu’on dit être de
l’école de Michel-Ange. La décoration de cette porte
eft d’un ftyle affez fa g e , & les détails en font efti-
mables. Mais il y a de la difproportion entre les
piédeflaux & les colonnes ; il règne peu de repos
dans l’attique ; les armes qui fon.t au-deffus
& les cornes d’abondance font trop fortes pour
les parties d’en bas ; l’arcade eft fans archivolte.
La façade intérieure, ou celle qui regarde la v ille ,
eft du Bernin.
O n attribue encore à Michel-Ange plufteurs autres
^portes de palais ou de maifons de campagne : mais
ç’eft plutôt fur une reffemblance de ftyle & de
manière, que d’après le témoignage d’une tradition
confiante. On ne fauroit garantir non plus
l’opinion qui lui fait honneur de l’élévation de la
façade de la Villa. Medici, du côté du jardin.
Le malheur des circonftances nous a privés d’un
des plus beaux monumens qu’ait enfanté le génie
de Michel-Ange, l’églife de S. Jean des Florentins
, dont le plan ne nous eft parvenu que
pour nous faire fçntir çe que.larchiteélure moderne
a perdu par l’inexécution de cet ouvrage. La nation
Florentine avoit conçu depuis long-tems le projet
d’élever à Rome un temple qui répondît à fon
amour po*ur les arts , & à l’opinion que Rome en
avoit conçue. Michel-Ange, déjà fort âgé, fut chargé
de cette entreprife. En peu de tems, il produifit
cinq deffins de temples différens , & laifla aux
Florentins le choix, Ils youlpient que Michel-Ange
les décidât. Sur fon re fu s , ils çhoifirent le modèle
le plus riche. S i vous exécuteç ce dejjjn , leur
dit-il, vous aurei »« temple tel que ' les Grecs & les
Romains n en eurent jamais. On mit la main à l’çeuvre :
mais les fonds vinrent à manquer, & l’ouvrage
fut fufpendu. L eglife aCîuelle n’a aucun rapport
avec le plan de Ruonaroti : celui-ci eft un des
plus beaux de cet artifte : il confifte en ujwfcgrande
rotonde ? accompagnée de chapelles formant autaps
de parties renfoncées. Une grande coupole de»
voit en être le couronnement, & en avant de-
v o it s’élever un vafte périftyle dans le goût de
celui du Panthéon. L e modèle en bois fe cou-
ferva long-temps : on croit qu’il fut brûlé.
On a vu que le fénat avoit confié à MichtU
Ange la reconftruCtion du Capitole. Il faut rendre
compte ici du palais des Confervateurs, qui en
forme une des a ile s , & qui fut bâti fur fes deffins.
La difpofition du rez-de-chauffée confifte en
portiques intérieurs & e x té rieu rs , foutenus par
des colonnes de travertin & d’ordre ionique. La
néceffité de donner aux portiques une largeur convenable
, l ’obligea d’engager les colonnes dans l’é-
paiffeur des murs , reffource peu avantageufe. Il
faut admirer les foffites ou plafonds de ces por-*
tiques : ils font beaux en général. Quelques-uns
cependant ont trop de recherches d’ornement ; les
arabefques en ftuc pouvoient y être plus ménagés,
L’embelliffement quelquefois nuit à la beauté. On
y admire auffi l’efcalier qui eft grand, mais un
peu fombre. Sa voûte line & fans ornemens, &
fes murs décorés1, produifent une diffonnance fen-
fible pour l’oeil, non moins fenfible à la raifon.
La décoration extérieure de l’édifice comporte les
remarques & les critiques fuivantes. On blâme
les pilaftres corinthiens, qui coupent l’entablement
ionique pour foutenir tout l’édifice. On blâme les
piédeflaux ornés d’une corniche qui portent ces
pilaftres, & dont la hauteur furpaffe le 'tiers des
colonnes ioniques entre lefquelles ils fe trouvent.
En décrivant ce pa la is, on décrit celui qui lut
fait face , & qui le répète avec la plus grande
fymmétrie. Pour excufer MicheUAnge des défauts
de détail qui déparent cette architecture, on en
accufe Jacques de la Porte , auquel il en avoit
confié l’exécution, & q u i , d it-o n , s’en repofa
lui-même fur d’autres coopérateurs.
C eft au Capitole que MicheUAnge fit emploi du,
chapiteau ionique qui porte fon nom , & dont il
paffe pour être l’inventeur. Il tient de l’ionique
antiqu e, en ce que les deux faces font diffembla-
bles , & que fes volutes pendantes & ovales fe
contournent avec grâce. Il en diffère par l’augmentation
d’un aftragale & d’un gorgerin & par
une ligne courbe qui décrit fon tailloir. C ’eft une
erreur cependant, dit Wmckelmann , de croire quç
Michel-Ange ait innové dans ce genre de chapiteaux.
Il eft bien vrai que les plus anciens chapiteaux
ioniques ont leurs volutes placées dans une
ligne horifontale ; mais quelquefois elles font
retournées en dehors aux colonnes des angles,
ainft que cela fe vo it au temple d’Erechtée. Dans
la dernière époque de l’antiquité, on commença
a retourner lés volutes en dehors , comme on
peut le v o i r , entre autres, au temple de la Concorde.
Ainfi Michel-Ange ne fut pas le premier qui
les ait contournées de cette manière.
C e n’eft pas lui non plus qui le premier a donné
plus, d’élévation aux chapiteaux ioniques ;
-avoifist
avoîent déjà cette hauteur aux bains de D ioclétien ,
où ils y font plus hauts que ne l’ enfeigne V it r u v e ,
favoirle tiers du diamètre des colonnes. Celui de M ichel
Ange paffe pour avoir plus de caraCtère & plus de
force que le chapiteau antique ( Voye^ Ionique ).
Florence ne compte , à proprement parler , que
deux rtïonumens d’architeCture qui puiffent appartenir
en propre à Michel-Ange.
Le premier eft la fameufe bibliothèque de Saint-
Latirent.
C e vaiffe au , en comprenant fon veftibule a
cent foixante-quatre pieds de long fur trerite de
large. L e veftibule qui le précède a vingt - fix
pieds fur trente. Son plan eft plus bas que celui
de la bibliothèque de toute la hauteur de l’efca-
lier à trois rampes , qui occupé prefque toute l’aire
de cette p iè c e , c’eft-à-dire, d’environ fix à fept
pieds. Michel-Ange fut obligé , dit-on , de fe conformer
à ces irrégularités de . plan. On vo it trop
bien, dit Ignazio Roffi , que le génie de ce grand
homme fut comme refferré dans l’efpace qu’il eut
à décorer, qu’il fut obligé de laiffer fubfifter les
anciens murs dont fon architecture fait le revêtif-
fement, & que c’e flà toutes ces fervitudes gênantes
qu’il faut attribuer les défauts & les irrégularités
de difpofition qu’on y remarque. La première eft la
porte du veftibule qui fe trouve placée à un angle
de cette pièce ; la fécondé eft l’efcalier lui-même
qui l’obftrue prefque dans toute fon étendue. C e t
efcalier eft celui dont Michel-Ange écrivoit à V a-
fari, dans les termes rapportés plus Faut. On conçoit
à peine le refpeCt de Vafari & fon fcrupule
religieux pour les intentions de fon maître dans
un ouvrage dont il eût été à fouhaiter que Michel-
Ange eût tout-à-fait perdu le fouvenir. Il fe rap-
pelloit à peine fes premières iJées , & ce fut fur
une defcription peu intelligible que Vafari raffem-
bla & mit en oeuvre les pierres taillées depuis longtemps
qui compofèrent enfin ce bifarre efcalier.
La décoration du veftibule confifte én un fou-
baffement réglé fur l’élévation de l’efcalier, au-
deffus duquel s’élèvent deùx ordres, dont le premier
eft en colonnes & le fécond en pilaftres. Les
uns & les autres font accouplés ; dans les entre-
colonnemens font des fenêtres ou des niches. On
ne fauroit déterminer la nature de ces ordres ; ils
font tous bâtards & dans leurs proportions & dans
leurs détails ; leur maigreur eft remarquable, &
jamais Michel-Ange n’ a mieux fait vo ir que dans
ce monument, combien on devoit défefpérer de
produire de nouvelles ordonnances de colonnes.
La porte qui donne entrée dans la bibliothèque ,
offre un fronton dont la bafe eft mutilée pour
recevoir une infcription ; mais fon plus grand vice
confifte encore dans les deux angles qui anticipent
fur les colonnes qui l’accompagnent.
L’intérieur du vaiffeau eft diftribué avec beaucoup
plus de régularité, de fagefle & d’économie.
Un feul ordre de pilaftres règne dans toute fon
étendue & pofe fur un foubaffement con tin u , 1
Architecture. Tome ƒ»
dont la hauteur eft déterminée par celle des armoires
en pupitres, où font les livres ; en forte
que rien n’y mafque l’ordonnance. Le caraCtère
de l’ordre eft le même que celui du ve ftib u le ;
mais fa difpofition en eft bien plus régulière , chaque
entre-pilaftre eft occupé par deux rangs de
croifée s, dont celles du bas feules font percées
pour introduire la lumière. Leur forme eft pure,
leur profil fage & leur décoration régulière. Les
fenêtres fupérieures dont la forme eft celle d ’un
Me^anino ne font que figurées. L ’architeCte a cherche
fur-tout à faire venir le jour d’en bas 81 à
rapprocher la lumière des bancs & des pupitres
ou l’on place les liv re s , prévoyant que les manuscrits
dont eft compofée cette bibliothèque f
exigeroient le voifinage de la lumière. C ’eft l’intention
qu’Ignazio Roffi fuppofe à Michel- Ange,
dans le parti qu’il a pris pour éclairer ce v;.iffeau ,
& cette 'explication eft très-fatisfaifante. L e plafond
eft orné d’arabefques de la main de Michel-
Ange , où l’on reconnoît fon goût & fa manière.
Les manufcrits précieux qui compofent prefque
uniquement cette bibliothèqu e, font renfermés
dans.des armoires ifolées & rangées fur deux
lignes dans toute la longueur du vaiffeau a vec
un paffage très-large au milieu. Chaque armoire
eft furmontée d’un pupitre accompagnée d’un
b an c , & chacune reçoit le jour d’une croifée.
La menuiferie en eft d’une parfaite exécution.
Michel-Ange en donna tes deffins, & les ornemens
arabefques dont elle eft o rn é e , quoiqu’un
peu bifarres , y font diftribués avec autant de goût
que de fageffe.
La facriftie de Saint-Laurent ou la chapelle des
tombeaux des Médicis,eftle fécond monument & le
plus riche que Michel-Ange ait éle.vé à Florence; elle
doit paffer pour une de fes meilleures productions
en architeélure.
C e monument quarré dans fon plan s’arrondit
dans le haut & fe termine par une coupole. Sa
hauteur, fans la lanterne qui lui fert d’amortiffe-
ment eft de quatre-vingts pied,. Sa décoration fe
compofe de deux ordres de pilaftres corinthiens ,
ceux des angles font reployés ; car il eft peu d’abus
dont Michel-Ange n’ait donné l’exemple. Ici, comme
je l’ai déjà d i t , le bon fe trouve très-voifin du
mauvais. Les niches du premier ordre font très-
vicieu fes , les fenêtre&du fécond font très belles ,
preuve certaine que Michd-Ange, qui toujours
connut le b ien , fit quelquefois mal par c h o ix ,
ou peut-être par le defir imprudent du mieux.
Dans les quatre arcs qui s’élèvent au-deffus du
fécond ordre & femblent fupporter la cou p o le ,
eft une fenêtre pyramidale dont la forme & le
caraCtère font affez d’accord avec celui d’une chapelle
(épulcrale. Ori n’oferoit d re cependant que
telle fut rintention de Michel-Ange, qui femble
s’être plus occupé de varier ici toutes fes formes
de niches Si. de c ro is e s , que d'imprimer au tout
un caraCtère d ’unité & de fériéux , compatible