
longueur de plus de vingt-quatre milles. Cette
facilité pour la conduite du canal, dont on a profité
dans le principe , a obligé de multiplier les épis ,
pour détendre le franc-bord du canal; mais au
mois de décembre 1772 , l’eau étoit montée au
niveau du canal : cette inondation l’endommagea
dans .prefque toute ton étendue.
Dans l’ancien projet, tel qu’on le voit dans le
livre des médailles de Louis XIV , le -canal de-
voit traverfer l’An de deux fois ; mais M. Riquet
changea ton plan à cet égard , & préféra ta route
aâuelle , quoique plus dilpendieufe, parce qu’elle
étoit plus allurée.
L’éclufe d’Argens, qui eft à deux milles de
Paraza , termine la grande retenue de Fonzerane
de vingt-fept mille cinq cens quarante-deux toifes,
dans laquelle le canal eft tout de niveau ; mais
de-là il recommence à monter vers Carcaffonne.
Dans cette partie on remarque le rocher de
Roubia , où l’on a creufé vingt pieds de hauteur
fur une longueur de cent cinquante toifes , pour y
loger le canal, qui n’a ici que cinq toifes de largeur:
on voit aufli versl’éclufe de Pêche-Lauriers,
une élévation de terre noire, qui reffemble à un
volcan.
L’Oignon , qui-eft à deux milles d’Argens , eft
un torrent qui s’élève quelquefois beaucoup au-
deffus du canal; on y trouve un aqueduc, une
éçlufe, des portes de défenfe, & une.prife d’eau
qui n’eft pas confidérable, parce qu’elle manque
en été , & qu’elle ne fournit beaucoup que dans
le tems où l’on peut s’en palier. Les enfablemens
que cette rivière produit, s'enlèvent par un rna-
noeuvrage de trois empalemens ; & le mur de
la chauffée fert à évaluer le trop plein.
L’éclufe de Jouarre, qui eft à deux milles de
l’Oignon , eft la plus haute du canal ; elle a environ
douze pieds de chute ; cependant on la paffe
en huit minutes.
Près de là eft un épanchoir de vingt-fix toifes
de long, compofé de plufieurs arches à fleur d’eau :
©n l’appelle l’épanchoir de la Redorte.
Marfeillette, qui eft à fept milles plus loin ,
donne fon nom à un aqueduc par lequel on compte
deflécher un étang voifin , qui a neuf mille toifes
de circonférence. M. Garipuy, habile mathématicien
, de l’académie des fciences deTouloufe,
& directeur des ouvrages de la province, ayant
été voir en Hollande les ouvrages de ce genre ,
a fait l’acquifition de cet étang, & fe propofe de
feire ce defféehetnent.
Les Hollandois, qui avoient entrepris des deffé-
chemens fous Henri IV , s’en étoient occupés.
M. Garipuy dirige auffi l’atterriffement de l’étang
de Capeftang , que la province a entrepris depuis
peu.
L’aqueduc de l’Aiguille, qui communique à
l’étang de Maifeillette, fe refait actuellement à
côté du canal> fur une longueur quadruple & une
profondeur double on fera paffer le canal ftir
ce nouvel aqueduc , quand il fera fini : c’eft ainfi
qu’on évite d'interrompre la navigation par de
nouvelles conftruétions.
Trèbes eft à quatre milles de Marfeillette 8c
autant de Carcaffonne ; dans cet endroit le canal
touche prefqtte la rivière d’Aude : on a été obligé
d’y conftruire un talus de pierre , foutenu par
des jettées de groffes pierres dans la rivière
près de la triple éclnfe de Trèbes.
Ici, dans l’étendue d’une lieue , le canal eft
creufé prefque toujours dans le roc ; il n’a pour
lors , que fept toifes de largeur au lieu de dix,
La prife d’eau d’Orviel eft atifli tout près de
Trèbes; on reçoit la petite rivière d’Orviel dans
une rigole de quatre cens toifes de longueur,
où paffeit l’ancien lit du canal, foutenu par une
c ha u liée , avec une demi-éclufe pour modérer les
eaux , & un épanchoir pour dégager le trop plein.
Cette prife d’eau eft une des plus conftdérables du
canal. Le refte de la rivière d’Orviel paffe fous
le canal par un pont-aqueduc, pour tomber dans
l’Ande, à quelques toifes de là. On trouve la
defeription de cet aqueduc de Trèbes dans l’ar-
chiteCiure hydraulique de Belidor , tome 4 , p, 422.
Vers l’éclufe de l’évêque, à deux milles plus
loin , on voit des travaux cenfiderables , des épis,
des clayonnages , pour empêcher l’eau de fe jetter
entre le canal, & y occaftonner des atterriffemens
qui rejettent la rivière de l’autre côté.
L’éclufe & la prife d’eau de Frefquel font à
mille neuf cens toifes plus loin. Le Frefquel eft une
rivière qui vient de la montagne Noire , paffe
près du point de partage de Nauroufe , & along.e
le canal fur plus de vingt milles ; elle le traverfe
ici pour fe jetter dans l ’Aude ; le baflin même de
Nauroufe fournit à cette entreprife , par le trop
plein qui fe jette dans le lit du Frefquel.
Ici l’on eft peu éloigné des carrières de marbre de
Coue , qui fourniflent à toutes les provinces voi-
fines, au moyen des facilités que le canal offre
pour le tranfport ; aufli le marbre eft il commun
au Languedoc. Les fculpteurs qui fe font établis
à Coue font même venir des marbres d’Italie.
A un mille plus loin , le canal paffe vis-à-vis
Carcaffonne, qui n’en eft éloigné que d’un mille;
& de-là le canal commence à s’éloigner de la rivière
, contre les approches de laquelle on a pris
tant de précautions dans la partie que nous venons
de décrire ; mais aufli le canal s’élève rapidement.
On trouve fuccefliyement les éclufes de
Vilbndy, de Foucaut, de la Dona d’Herminis &
de la Lande. Celle de\ la Lande eft à trois milles
de Carcaffonne relie eft double; fa longueur eft
de quarante-fept toifes, & fa chûte de dix neuf
pieds. Ici le canal eft planté de peupliers d’Italie,
qui en font un véritable jardin ; c’eft à neuf milles
au nord de cette partie du canal, qu’eft la prife
d’Alran , dont nous avons parlé.
L’éclufe de la Criminelle , à douze lieues plus
loin y eft la plus grande du canal; elle n’eft pas
loin <3e Provitlie , premier couvent .des filles de
l’ordre de S. Dominique. A quatre milles de l’édufe
j e la Criminelle, on pâlie l’éclufe quadruple de
Saint-Roch , & l’on arrive à Caftelnaudary, ville
d’environ fruit milles âmes. Le canal y forme un
badin de deux cens toifes, qui s’eft trouvé creufé
naturellement, & où les barques peuvent féjourner
& fe réparer. C’eft un très-beau port, où il y a
iufqu’à vingt-cinq pieds d’eau ; mais par cette ration
même il eft quelquefois orageux. Les chantiers
g. les magafins de bois pour l’utilité du canal font
à Caftelnaudary ; on y conftruit même des barques,
pour la mer, & c’eft de-là qu’on part ordinairement
pour aller voir le baffin de Saint-Ferriol,
qui.eft à fept milles an nord de Caftelnaudary.
Cetté .ville r.e s’eft accrue que par le commerce
qu’a produit une navigation nouvelle ; on y man-
quoit même d’eau , & il n’y avoit pas deux mille
habitans avant la conftruéiion du canal.
Le point de partage du canal, ou le baffin de
Nauroufe , eft à fix milles de Caftelnaudary, ce qt i
formoit autrefois ce baflin , ou un oétogone qui
a deux cens toifes de long fur cent cinquante de
large cinq cens quarante-quatre toifes de tour;
on-y arrivoit par des éclufes J celle de la Mediterranée
ou de Narbonne , & celle de l’Océan ou
de Tou.to.ufe-
Mais ce baffin étoit Incommode dans les grands
vents., il fe combloit ; on y a renoncé , i* en
1767 on y a fait une belle plantation de peupliers.
On a creufé un canalet, qui, tans monter au baffin,
prolonge la retenue du Médecin ou du Mont-
Ferran ; car elle a les deux noms, étant également
fur les deux éclufes.
L’eau des rigoles arrive, par les deux moulins
de Nauroufe, em-braflant le baffin , & va tomber
dans .le canalet par deux fauts , qui faifoient .les
deux éclufes ;■ celle de l’Océan, & celle de la Mediterranée
; on y a fait des batardeaux , des ver-
foirs ou cales, pour retenir les Tables.
11 y a auffi vers les bords du baffin deux épanchons
, celui d.e Frefquel & celui de la Marce-
liere : le trop plein des rigoles ou du baffin eft
jette dans le lit dé l’une des fourqes du Frefquel,
appelles Frefquel Baragne j car la fécondé fource
du Frefquel, qui vient de Saint-Félix , & qui en
porte le nom , traverfe la rigole de la plaine au-
deffous des Tpnmafes ellas fe réuniffent auprès
de Souille , environ trois milles au-deffous. de la
rigole , 81 continuent à couler vers Carcaffonne,
prefque parallèlement au . canal, où le Frefquel
entre.de nouveau , tout près de Trebes,. comme
nous (avons dk en parlant de. cette prife d’eau.
Depuis le point de partage tic Nauroufe il
refte vingt-deux milles de canal pour aller j.uiqu au
pont de Touloufe.;Dans cet intervalle., il y a plu-
ùeur.s açqueducs fur lefquels paffe le canal q un des
■ plus; remarquables eft celui de. Saint-Agne près
Touloufe, conftruit en 1766', fur les deffins de
M.. Garipuy c’eft. u» aqueduc, à fiphon , dans
lequel un ruiffeau defeend pour remonter enfui te ,
parce qu’il étoit trop élevé pour pouvoir paffer
fous le canal en confervant fon niveau. Cette
forte d’aqueduc., qui paroîtro-it devoir être bien
fujette à fe. combler par les dépôts des fables,
s’entretient cependant fi. bien par la force de l’eau ,
que celui dont il s’agit n’a eu befoin d’aucun re^
creuferaent depuis qu’il eft fait. •
L’aqueduc de l’Ers eft à cinq milles de Nauroufe-.
Cette rivière , qui vient de Bauteviîle , traverfe
le canal, & le fuit jufques près de Touloufe, fur
une longueur de près de quinze milles.
En arrivant près de Touloufe, on trouve le
port Saint-Etienne ., formé fur le canal f & un beau
pont appelle de Saint-Sauveur, conftruit depuis
peu , avec des trottoirs fous l’arche même du
pont, pour que le tirage ne foit point in ter rom pin
Il y a quelques autres ponts le long du canal, où
cette même commodité a été pratiquée ; il feroit
à fouhaiter qu’elle le fût dans tous*
La grande élévation du terrein fur lequel règne
le canal au-deflùs du niveau de la Garonne , a
obligé de le faire tourner autour de Touloufe l’ef-
pace d’une lieue ; 6c fur ce contour, on a diftribué
quatre éclufes , dont la dernière s’appelle l’édiife
de la Garonne , parce qu’elle s’ouvre en effet dans
cette rivière, qui commence à devenir véritabler
ment’ navigable à cet endroit.
Je dis qu’elle, commence , parce que les moulins
du Bazacle à Touloufe barrent la rivière; de
façon qu’on peut regarder la navigation comme
interceptée. D ’ailleurs, la Garonne eft encore fort
difficile à naviguer au-deffous de Touloufe, du
moins en été ; il y a dix endroits, depuis Tour
loufe jufqu’à Bordeaux* où des bateaux qui ne
tirent pas deux pieds d’eau, ont peine à trouvée-
paflage dans, le temps de baffe eau.
Pour faciliter l’embarquement des marchandifes.
de Touloufe , on fait actuellement même un nouveau
canal, qui part de la porte intérieure de la-
ville., pour aller joindre le canal royal au-deffus
de l’éclufe de la Garonne , fans que les bateaux
foient obligés de paffer à permis du Bazacle, où
il y a une efpèçe de cafcade, qui doit être four
vent danger eu fe à. defeendre & impoffible à remonter.
On a bâti.deux ponts à l’embouchure du
nouveau canal; & entre ces deux ponts il doit
y avoir un bas-relief allégorique de M.. Lucas 9.
jeune, mais habile fculpteur, qui. eft aétuellemenî
à Carrarepour y chercher le marbre néceffaire
à cet ouvrage. L’école des arts qui eft à Touloufe
eft la plus floriffante qu’il.y ait dans le royaume,
& elle a produit des artiftes du plus grand mérite..
M. d’Ar.quier, doyen des. anciens capitonls
de Touloufe (bifafcul de M. d’Arquier, académicien
diftingué & habile afkonome ), fit imprimer
un avis en 1.667 &. 1.668 , pour qu’on fît paffer
le canal dans les foflés de TouLoufe : mais les dif-
pofitions antérieures de M. Riquet ne. perroeuoienj:
pas de le placer, fi près de la. ville».