immuables Sç applicables à toutes les proportions.
Comme tous les rapports de l’architeélure arrivent
à lam e par le moyen de l’o rgane, on a voulu
étendre le reffort de cehii-ci au-delà de ce qu’il
comporte; on a confondu les affeélions qui lui lont
propres avec celles qu’il reçoit de concert avec
l ’entendement y a v ec celles qu’il ne reçoit quelquefois
que d ’après l’affeélion agréable ou défagréable
de l’ entendement auquel il fe joint. Car les nuances
qui unifient les diverses parties on facultés de l’ame
font quelquefois imperceptibles, & celles qui Bluffent
fes différentes opérations ne le font pas moins.
A in fi , de meme que l’entendement fe mêle à l’af-
feclion de l’organe, dans les rapports qu’on a indiqués
; de même aufli l’organe peut entrer pour
quelque chofe dans les imprefiions que l’entendement
reçoit des rapports dont nous allons parler :
mais à coup sûr fes jugemens feroient équivoques,
& l’on n’en pourroit tirer que des analogies dou-
teufes & forcées.
Mais de telle manière que l’on veuille faire partager
au fens les imprefiions de l’architeélure, avec
l ’entendement, il eft certain que cet art agit par
les rapports les plus nombreux fur l’entendement.
Ce s rapports font différens des précédens ; ils
paflent par l’organe pour arriver à Famé : mais ils
ne fauroient trouver dans le jugement du fens une
mefure aflez certaine , pour que l’on en puiffe
inférer tle leur bonne ou de leur mauvaife qualité
. T ou te dimenfion qui excède les limites de
l ’angle v ifu e l, eft certainement vieieufe , & ne
fauroit être belle : mais toute proportion peut être
viçieufe , fans pour cela que l’organe s’en trouve
o ffen fé , à moins de lui prêter une perfeftion q u i,
n’étant que le fruit de l’intelligence la mieux cult
ivé e ,• rentre , comme on l’a d i t , dans le diélriél
de l’entendement.
O r , les rapports qui influent fur l’entendement
font ceux des proportions que l’on doit diftmguer
des rapports de dimenfion. L’oeil peut éprouver
de la peine à embraffer certaines dimenfions, qui
font hors de fa portée , ou qui excèdent la faculté
de voir commodément : mais vouloir que le s proportions
vicieufes déplacent à l’oeil, c’eft lui tranf-
pofer le pouvoir de l’entendement, 8c cette équivoque
n’a pu v en ir que de l’abus des mots. Il y
a p lus , l’oeil fera affeélê désagréablement d e la hauteur
exceflive d’une colonne ou d’ un édifice , &
ne le fera p o in t , ne pourroit point l’ê t re , des rai-
fons de proportions bonnes ou mauvaifes qui y
font comprimes. Q u ’une colonne foit exceflivement
h a u te , l’angle vifuel ne L’embraffe qu’avec peine
& en fouftre mais qu’une colonne ait plus ou
moins de modules, e’eft ce que le fens n’àpper-
çoit même pas ; & s’i l les faifit ou en fait la comparaison
, c’eft comme miniftre de l ’entendement;
La peine qu. il aura a en faifir les proportions, n’eft
autre que la. peine de l’intelligence à* laquelle il
fe trouve uni. Mais l’organe en lui-même n’eft
pas autrement afteâé. d’un rapport harmonieux; de
proportion, que de celui où i l n’y a point d’harmonie.
C ’eft donc en vain qu’on voudroit fonder fur
l’optique les principes de l’harmonie architeéto-
n iq u e , & leur donner par-là une bafe dans la nature
aufli invariable que celle des rapports harmoniques
de la mufique. Les proportions muficales
font déterminées par la nature même de l’organe,
qui ne fauroit en admettre d’autre fans être bleffél
Les proportions archite&oniques n’affeélenr en an-
cune forte l’organe. Et quand même on prouveront
qu’ il eft des rapports de nombre qni plaifent
plus à l’oeil les uns que les autres , on n’en pourroit
conclure autre ch o fe , finon que cette étude doit
entrer pour beaucoup dans celle des proportions
fans pour cela que cette connoiffance les conftitue
éfTentiellemenr.
Mais il eft indubitable que c’eft l'entendement
qui faifit les rapports des proportions. C e n’eft
point fur les imprefiions phyfiqùes de l’organe,
mais fur les affeélions morales , que peuvent fé
fonder les règles des proportions. C ’eft de la con4
noiffance de notre ame qu’elles dérivent ; c’eft fur
fa nature qu’elles fe fondent. A in fi , l ’effet des
rapports fimples eft plus agréable que celui des
comp ofés, parce que l’ efprit compare les premiers
avec plus de facilité que les derniers. Les proportions
ne font donc que le réfultat de l’analogie
que les objets ont avec notre am e , du plaiftr
qu’elle éprouve, ou delà peine q u e lle reftent d’une
trop grande uniformité, de trop de variété-, de con*
traftes trop rebutans, de trop de fymmétrie &c.
L ’ordre & l ’harmonie font les qualités qui s’adref-
fent à l’entendement elles réfoltent particuliérement
des proportions. ( Foye% ces mots. )
Nous avons d i t , en troifième lieu , que l’archi*
teélure agifloit aufli fur nos affeélions. Cette ac4
tion- eft moins fenfible & moins apperçue, que celle
qui s’adreffe aux facultés des fens & de l’entendement.
Elle n’eft pas moins importante à con-
noître. Les affeélions que l’architeélure fait émouvoir
ne reffemblent point aux pallions que les
autres arts peuvent exciter; & la différence s’eu
rencontre dans celle de l’imitation & des moyens
différens dont on a p a rlé , qui appartiennent à cet
art. Les autres arts qui nous repréfentent nous*
mêmes, ou qui mettent en jeu nos aélions par
une imitation fidelle des formes du corps ou des-
mouvemens de l’am e , deviennent pour nous un
miroir fidèle , & l’art d’émouvoir les pallions n’eft y
à proprement pa rler, que l’art de nous faire regarder
dans ce miroir. L’architeélure, qui-ne copie
rien de-matériel, & dont les formes ne' font-qu’tine
enveloppe de rapports, de raifons & de proportions,
ne fauroit émouvoir en nous aucune paffiom:
mais agifiânren petit dans fes- p rodufiions, comme
la nature agit en grand dans fes. ouvrages V e^e
trouve le fecret de nous attacher par des moyens
à-peu-près femblables à ceux de la nature-.
D e même donc «pie la nature, après avoir pou#r
v u , dans fes ouvrages, à tout ce qui pouvoit en
afturer la confervarion ; après avoir établi entre
eujc des rapports fixes , femble avoir voulu douer
chaque être de qualités moins relatives au befoin
qu’au plaifir, y établir un genre de rapports avec
nous , deftinés principalement à nous les faire
aimer ; une relation enfin plus conforme à nos
affeélions- qu’à nos perceptions ; de même l’archi-
teélure qui n’imite la nature qu’en fuivant fa marche,
imprime à fes ouvrages certaines qualités dont
les fens ne font point ju g e s , que l’entendement
même ne fauroit s'approprier, 8c qui s’adreffent
particuliérement au goût, c’eft-à-dire, à cette faculté
de l’ame faite pour apprécier les rapports du plaifir.
L’architeélure , indépendamment des plaifirs ré-
fultaas des jouiffances des fe n s , & de l’entendement
, doit donc aufli mettre en oeuvre ceux qui
tiennent aux affeélions de l’ame , c’eft-à-dire , à ce
mouvement irraifonné qui nous fait aimer ou haïr
la prefence des objets. Ces plaifirs, quoique moins
aifés à difcerner, font cependant ceux qui font
le plus généralement fen tis , parc« que l’aétion de
l’anie d’ou ils réfultent eft celle qui demande le
moins de peine. L ’on peut dire même que, comme
les rapports de plaifir dans la nature , font ceux qui
trouvent le plus de facilité à s’emparer de l’ame,
& font ceux- par lefquels les hommes jugent ordinairement
du beau, ils font aufii dans l’architecture
les plus eftentiels à o b fe rv c r , comme. ceux
(juj-produifent l’impreflion la plus v iv e & la moins
équivoque fur l ’ame du commun des hommes.
Ainfi, les rapports de l’architeélure avec les fens
ne font fouvent qu’un effet vague & indéterminé.
Les effets qu’elle produit fur l'entendement demandent
de Famé une p e in e , une contrainte, une
attention fatigante pour en juger : mais. les rap-
ports^de plaifir trouvent en quelque forte dans
les affeélions de l ’ame un tribunal toujours ouvert
& toujours prêt à juger.
Ces rapports de plaifir font particuliérement ceux
que 1 architeélure tire de la décorationl Ils fo n t ,
a cet art, & par rapport à nous , ce que font les
couleurs dans les ouvrages de la nature. Il femble
que 1 art pourroit s’en paffer : mais foit que cette
efpèce de furabondance de moyens foit une des
chofes qui nous faffe mieux fentir le beau, foit
que cêt art dût perdre de fon aétion fur nous, en
négligeant l’emploi d’une qualité qui en ajoute à
toutes les autres , on remarque qu’il n’agit entièrement
, 8c ne nous plaît complètement que par
laccord des qualités relatives aux trois facultés de
rame qu’il peut émouvoir.
La richejje 6» Vcconomie font les qualités dépen-
antes des rapports de plaifir qui fe trouvent entre
^rt & nos affeélions ; le goût en eft particuliérement
juge. .
ous n avons pas réfolu de déterminer ici dùine
aniere précife l’étendue , la variété des diverfes
5 antes que l’architeélure met en oe u v re , ni d’en
er es notions précifes. Ce s obfervations trouveront
leur place aux articles où chacun de ces
mots fe préfentera à nos recherches. Il nous fuffit
d’avoir apperçu les différentes facultés de l’ame
auxquelles notre art s’adreffe, 8c lès différentes
qualités relatives à l’art, & correfpondantes aux
facultés qui en reçoivent l’aélion.
Ces qualités répondent également aux trois parties
de l’architeélure , favoir, la conftruétion, la
difpofition & la décoration : la grandeur & la force
pour la conftruélion , l’ordre & l’harmonie pour
la difpofition, la richeffe & l’économie pour la
décoration.
Ces trois parties de l’architeélure font dans une
telle dépendance l’une de l’antre, que les qualités
qui y font relatives fe confondent fouvent entre
elles : dedà réfulte la difficulté d’apprécier bien
nettement, & les opérations de l’ame fur l’architeélure
, & l’aélion de celle-ci fur les facultés de
l’ame qui en font le principe. La diftinélion que
nous avons faite ne peut qu’aider ce difcerne-
ment ; & quoiqu’il foit poffible que ces diverfes
qualités aient entre elles une connexion réciproque,
ainfi que les facultés auxquelles elles fe rapportent
, elles n’en ont pas moins leur propriété
précife, indépendante des nuances qui les unifient
entre elles.
Si donc le beau en architeélure eft le principe ou
le réfultat dçs qualités diverfes par lefquelles cet art
pèut affeéler agréablement notre ame, quand nous
connoiffons , 8c les facultés de l’ame qui font fufi
ceptibles d’être affeélées par l’a r t, & les qualités
correfpondantes à ces facultés , ne fommes-nous
pas en état de dire ce que doit être ce beau ?
Si tout le monde convient qu’un bel édifice feroit
celui où la conftruélion, la difpofition & la décoration
fe trouveraient dans un accord parfait,
ne pouvons-nous pas dire que le beau confifteroit
dans une grandeur & une force proportionnées à
la nature de nos fenfations, dans un ordre & une
harmonie relatifs à la nature de nos perceptions,
dans une difpenfation de r'tcheffe & d’économie analogues
à nos affeélions ? Le beau conjijle donc dans-
Vaccord des qualités analogues aux fens , à l’entende•
ment & au goût.
En défîniflant ainfi le beau en architeélure, nous
répondons à la fécondé queftion que nous nous
fommes faite : le beau ai architeélure efl-il relatif
ou abfolu ? Du moins nous croyons y voir la meilleure
folution qu’on puiffe en donner. C ’eft en
confultant les trois facultés d’où réfulte le beau,
qu’on peut la trouver.
11 eft indubitable, de telle manière que l’on con-
fidère le beau, foit comme principe , foit comme
réfultat des qualités qui le conftituent, qu’il fouffré
plus d’une diftinélion, foit relativement aux facultés
de l’ame, auxquelles il s’adreffe , foit en
conféquence des qualités même qui le compofent.
A in fi, totis ceux qui ont traité du beau ont vu
qu’il.falloit le divifer félon fes différens territoires ,
foit qu’on le confidérât dans l’efprit, foit qu'on