
. qu’elles font également filles de la Nature.J on lie leur
contefte, ni. le .droit d’aîneffe, ni l’avantage d e là
richefle& de la parure; maison eft forcé de reconnoître
dans Y architecture Grecque une efpèce de prédilection
de la Nature pour elle, dans le partage qu’elle femble
avoir fait à toutes de fes largefles. On y remarque fur-
tout cette prééminence de la beauté à laquelle les autres
ne purent pas parvenir, parce qu’elles ne purent jamais
acquérir ces règles & ces proportions qui en font le
principe ; parce qu’elles ne trouvèrent jamais dans la
nature de leur origine ces heureux moyens de développement
que celle des Grecs reçut en naiflant.
C ’eft inconteftablement la charpente, comme nous
allons le faire voir , qui a fervi de modèlera Y architecture
Grecque^ & il faut âvduer que. des trois modèles
que la Nature peut préfenter à f a r t , celui-ci eft
fans doute le plus parfait & le plus beau de tous.
L ’art y trouve réunies l’unité & la variété. Il femble
que les fouterrains préfentent à fa r t un modèle déjà
fi iriipofant & fi accompli, que l’imitation n’ofe &
ne puifTe rien entreprendre au-delà. Dans l.es tentes,
l ’art, trouva trop à imiter ; & ce modèle manquant
de folidité dut empêcher Y architecture qui le copia
d’acquérir cette qualité la -plus précieufe de toutes,
& dont l’apparence; eft auffi nécefiaire que la réalité.
L ’extrême pefanteur & l’extrême légèreté furent lés
réfultats néceflaires de ces deux imitations. Il y .a trop
peu à imiter dans le premier modèle, o u , pour mieux
dire , il n’y a rien à imiter, puifqû’il n’y a pas même
changement de matière. Dans le fécond genre, l’imitation
ne peut qu’être vicieufe & puérile, parce qu’il
y a trop loin de-la matière du- modèle à celle qu’em-
ploye la copie ; l ’art doit s’atténuer & s’appauvrir dans
cette imitation pèu favorable & fans analogie avec
fon modèle. Observions encore qu e , dans les fouter-
Tains , il règne néceflairement une monotonie de
formes qui ne fauroit communiquer à Y architecture que .
la répétition perpétuelle des mêmes parties. Les tentes
de leur côté pouvant facilement fe plier au caprice *
durent communiquer à fa rt une incertitude de formes
toujours variables , & lui infpirer ces bizarreries
de détails incompatibles avec là fimplicité & la fagefle
d’ordonnance qui fait le prix de f .architecture Grecque.
L a charpente au contraire tout à la fois folide &
lé g è re , ou du moins fufceptjble d’acquérir plus ou
moins de ces deux qualités , fut le moyen terme
le plus heureux pour Y architecture. L e bois, comme
l ’obferve A lgarorti, fut la matière -la plus propre
à fournir à fa r t le plus grand nombre de mo dénature s,
de modifications & d’ornemens de tout genre, Qu iconque
y fera attention ? verra fans-'peine qu’il
renferme par fa nature toutes les parties qui peuvent
contribuer à l’utilité & à la beauté, & que la plus fim-
ple cabanne de bois contient le germe des plus magnifiques
palais. Les fouterrains n’offrent par - tout
que des fuperficies plates. Rien dans les antres creufés
par le befoin ne. préfente l’ idée de parties, de rapports
, ni de proportion ; & tout ce que l’homme
aura fçu y inventer pour leur décoration, n’étaût que
le fruit du caprice & non de la néceflîté, 11’aura pu
fe foumettre à aucun ordre ; fa r t même dans fes imitations
fubféquentes n’auroit pu alfeoir fur aucune
bafe les loix qu’il, auroit voulu donner. L a charpente
au contraire procuré par-tout des faillies , des élévations
, des diftributions de parties en rapport les unes
avec, les autres , des corps avancés ou en. retraite qui
offrentà l ’oeil un champ varié. L ’ art s’y trouve affujetti
à un emploi raifonné d’objets & de parties qui ne peuvent
plus ni fe tranfpofer , ni fe décompofer par le
génie de la décoration, fans altérer le plaifir de l’imitation,
& les principes conftans & invariables qui eu
dérivent. Ainfi le toit fu t , comme nous le ferons voir
bientôt, mie fource abondante de richeffes pour l’art.
D ’ailleurs cette première ébauche de Y architecture
exigea dès lors des calculs , une intelligence, une
difpofition raifonnée.de pouffées & de réfiftances,
un accord dans l’équilibre des forces, & d’autres' con-
noilfances qui préparerènt aux fiècles fuivans la route
par laquelle l’art s’éleva au point que nous verrons.
On pourroit donc affirmer , quand on n’auroit pas
même les preuves de l’expérience , que , fans la charpente
, il n’y auroit jamais eu dans Y architecture d’art
raifonné.
Puifque nous avons découvert la fource de fa r t t
fuivons-le pas à pas dans fon cours , & voyons de
quelle manière il fe forme & fe compofe au fein de
la Nature, fi fo n peut parler ainfi, avant que de l’examiner
dans fon plus grand développement. Nous ne
rapporterons point à l’appui de cette théorie, les autorités
fans nombre de tous les auteurs antiques & modernes
qui ont écrit fur les arts & fur Y architecture.
Quand les témoignages de tous les hommes nes’accor-
deroiént p a s , comme il le font , fur les principes
que nous allons expofer , nous en appellerions aux
monumens eux-mêmes, dont l’infpeétion fuffit pour
àttefter l’immuable vérité de ces principes.
. Les premiers arbres ou les premières poutres qu’on
enfonça dans la terre, pour fupporter un abri quelconque,
furent l’origine des colonnes ifolées quifou -
tinrent depuis les portiques des temples, & devinrent
une des grandes richeffes de Y architecture. Comme les
arbres font plus gros vers le bas , & vont en diminuant
vers le h a u t , de-là naquit la diminution des
colonnes qui fe remarque bien fenfiblement dans l’ordre
dorique Grec. Non minus quod etïam nafcentium oppor~
tet imitan Naturam, ut in arboribus teretibus abiete
cpprejfo pinu , èquibus nulla non cmjjior efl ab radicibus
deindè crefcendo prôgreditur in altitudinem, naturali
contraClura pereequata nafcens ad cacumen » Vitruve
1. 5. & ailleurs contraClura columnarum duCta eft à naf-
cenlibus arboribus quce ad radices crajfe fenfim fe con-
trahentes faftigantur. Ces poutres ou arbres plantés on
terré comme nous l’avons d i t , n’offroient point
encore l’idée des bafes & piédeftaux , c’eft ce que
nous repréfente l’ordre dorique fans bafes. Peut-être
s’apperçut-on dans la fuite des inconvéniens de cette
méthode qui expofoit les bois à pourir ; pour y remédier
. <?n établit fous chaque poutre des plateaux de
bois
bois qui fervoient en même-tems à lui donner plus
d’ afliette , & à la garantir de l’humidité. Cette pratique
fe retrouve encore dans quelques anciens édifices
, dont les colonnes n’ont point d’autre b afe qu’un
dez de pierre : on multiplia dans la fuite ces plateaux,
ou pour élever davantage les poutres , ou pour les
mettre encore plus à l’abri de l’humidité. D e cette multiplication
de plateaux, font nés les tores & les moulures
des bafes , origine beaucoup plus vraifemblable
que celle des ligamens de fer que Scamozzi & d*autres
ont imaginée. Elle eft auffi bien plus conforme à la
nature des chapiteaux, ( Voye^ A rch ite ctu r e Egyptienne.
) dans lefquels l’expériencë nous prouve qu’on
employa les même procédés. Après avoir commencé
par un fimple tailloir ou%baque , ( Voye^ ces mots.)
on en ajouta, depuis, plufieurs qui alloient en s’élar-^
gifTant les uns fur les autres ; de manière que , comme
la bafe fait à la colonne une efpèce, de pied fur
lequel elle repofe plus folidement, le chapiteau lui fait
en quelque, forte /une tête capable de mieux recevoir
& fupporter le poids & la forme de l’architrave.
L ’architrave annonce affez, & par fon n om, & par
fon emploi quelle fut fon origine. C e n’eft autre chofe
qu’une grande poutre placée horizontalement fur les
poutres perpendiculaires, & deftinée à recevoir la
couverture de tout l’édifice.
Les folives du plancher viennent fe placer fur l’ar-
ch itrave , & cet efpace donne celui de la frife : on y
voit lès bouts des folives figurés par les triglyphes
dans le Dorique , ou quelquefois par des confoles ,
comme au Corinthien compofé du colifé. Vitruve', en
paroiflant donner une autre origine au triglyphe, qu’il
luppofe avoir été un ornement qu’on appliquoit fur
les extrémités des folives , ne change rien au fond de
cette théorie. On ebferVe au plafond du temple de
Thé fée à Athènes, qu’à la rencontre ,^e chaque triglyphe
, il fe trouve de grofles folives de marbre dont la
difpofition eft conforme à l’ancienne conftruétion en
bois , <Sc aux 'formes de la charpente. L ’intervalle
reftant entre chaque triglyphe fut nommé métope : il
refta vuide pendant long-tems , comme le prouve le
padage d’Euripide dans la tragédie d’ Iphigénie , où
Pylaae confeille à Orefte de fe gliffer entre les métopes
, & de s’introduire par là dans l’intérieur du temple.
( Voye^ M é t o p e . ) Dans la fu ite, on en remplit
le vuide qu’on orna de différentes - manières. Quelquefois
auffi. l’on recouvroit de planches les extrémités
des folives , & toute la partie qu’011 appelle
frife ; alors l’indice de cette conftruérion difparoiffoit
tout a f a i t , comme on le ..remarque dans plufieurs
ordres , quoiqu’on y obferve toujours la place de la
frife. S • ,
Les folives inclinées du comble , composèrent la
corniche faillaute hors de l’édifice , pour le mettre à
«ouvert de la chute des eaux. Ce tte grande faillie
des folives du toît fe remarque encore aujourd’hui
dans les maifons de l’Italie. De-là font nés les modulons
& ^les mutules qui foutiennent immédiate-
ment le toit , & qu’on fit long-tems dans un plan
.ta dm e , pour rappeller leur origine leur ancienne
Architecture, Tome /,
deftination. On les voit ainfi difpofés dans plufieur
édifices antiques , & fui-tout au temple de Miuerve à
Athènes.
Le toît ou le comble donna nécefTairement la forme
du fronton. Pofteà quoniam per hibernas tempeftates
teCla non poterant imbres fuftinere, faftigia facientes
luto induCto prodinatis teClis ftiUicidia deducibanté
Vitru ve, 1. z . c. 1, Cette invention du befoin devine
la fource d’une des plus grandes beautés de Yarchi-*
te dure. Cicéron en jugeoit ainfi, lorfqu’il dit : C e n’eft
point au plaifir, mais à la néceflîté que nous devons
le fronton du capitole & ceux de nos temples.
L e befoin de l’écoulement des eaux en a fuggéré
la forme : cependant fa beauté eft fi grande, SC
eft devenue f i nécefiaire aux édifices , que fi l’on
bâtifloit un capitole dans l’Olympe où il ne fauroit
y avoir de pluies, il faudrait encore lui donner un
fronton. Capîtoiii fafiigium illud & ceterarum ceiiutn.
non venuftas fed neceftitas ipfa. fabricata eft. Nam
cum effet habita ratio quemadmodutn e x utraque parte
te Cti aqua delaberetur utilitatém templi faftigii dignitas
eonfecuta eft , ut etiam f i in ccelo capitolium ftatueretuv
ubi imber e(fe non poteft , nullam fine fafiigio digni-
tatem habiturum fuijfe videatur : ( Cicer. 1. 3. de
orat. J L e fronton fuivit & dut fuivre la forme
du toît. Les G re c s , fous un ciel heureux, fous
l’influence du climat le plus doux & le plus tempéré
n’eurent pas befoin d’oppofer , dans la force & 1*
folidité de leurs to î t s , beaucoup de réfiftance aux
intempéries des faifons , à la durée, ni à la violence
dés pluies. L a grande inclinâifon de leurs frontons
en eft la preuve'. Sous un climat moins propice, les
toits des Romains deviennent plus élevés, plus aigus^
c’eft-à-dire plus folides. Si Ton monte vers le nord J
on voit les toîts hauts & pointus, en raifon de la
quantité dès pluies, & de l’abondance' des neiges ;
tandis que cette forme à'architecture difparoît dans le
midi ou toutes les maifons fe terminent en terraflej
L a hauteur des frontons toujours fubordonnée à celle
des to îts , fembleroit être devenue une efpèce de mew
fure vifibledes différens degrés de température. (Voye z?
toît & fronton. )
On voit d é jà , dans ce fquelette de la cabane, lat
difpofition des principaux membres de Y architecture J
Les piliers qui foutenoient la maitrefle poutre, furent
d’abord placés très-près les' uns des autres , afin que!
l’architrave qui portoit tout le poids de la con—
ftraétion , ne vînt pas à fe fatiguer & à fe rompre pat
des vuides trop confidérables. Mais, pour élargir félon
les différens befoiiis les entre-colonnemens, & pour
remédier à la foiblefie des poutres, l’on imagina d’en-
caftrer dans les piliers de fupport, des traverfes de
bois obliques , qui ' allèrent, comme des efpèces
de bras , fupporter l’architrave , & le renforcer :
de-là naquirent les arcades & les portiques. C ’eft
dans les ponts de bois particulièrement, qu’on peut
obferver ces premières opérations de la charpente,
& trouver l’origine des voûtes que la pierre fit fub -
ftituer aux pratiques & aux moyens de conftruétion
en bois ; car ce a’eft pas feulement aux arcades