
Si le canal doit avoir 180 pieds de hauteur, il
faudra trois rangs d’arcades. Pour trouver leiirs dimen-
lions , on divifera cette hauteur en 1 5 parties , dont
on prendra deux pour la largeur des arcades , & cinq
parties comme ci-devant pour la hauteur de l’arcade
la plus élevée du premier rang, quatre parties pour
la hauteur des arcades du fécond ran g , trois parties
pour la hauteur de celles du troifiéiïie , 8c une partie j
pour les intervalles.
Pour procurer une plus grande folidité aux aqueducs
compofés de plulieurs rangs d’arcades , il faudroit '
donner aux arcades du fécond rang un pied de largeur
de plus qu’à celles du premier, & à celles du
troifiéme , un pied de plus qu’à celles du fécond
rang 5 en forte que lés piles du fécond rang auroient ;
ün pied de moins en largeur que celles du premier 5
de même à celles du-troifiéme, Scc.
Quant à l’épaifleur de P aqueduc , elle dépend en
partie de la quantité d’eau qui eft à conduire , 8c
de la hauteur que doit avoîr l’édifice. La'moindre
épaifleur qu’on puifle donner à un aqueduc, eft
d ’environ 6 pieds , fafin qu’il contiemie un canal,
une banquette, & les deux épaifleurs des murs du
conduit voûté. L a plus grande- feroit d’environ 1 1
pieds, bien entendu pour le haut de Y aqueduc au
droit du canal 5 car il doit néceflairement avoir
plus d’épaifleur dans le bas , en raifon de fa hauteur,
Sc en augmentant par des retraites couronnées d’un *
• cordon.
Les Romains qui donnoient beaucoup de pente :
au canal de leurs aqueducs, formoient leur direction ]
par des lignes brifées .en zigzags , afin de rompre la
rapidité du courant de l’eau. On pourroit employer
ce procédé par une autre raifon : lorfqu’il s’ag it,
par exemple , de conftruire des aqueducs fort élevés
dans une grande vallée, ou dans une plaine , &
lorfque par des motifs d’économie , on ne veut pas
leur donner une trop grande épaifleur. Par ce moyen
on augmenteroit leur folidité de là même manière
qu’on augmente celle d’un paravent , qui, lie pouvant
fe foutenir en ligne droite , fe foutien’t folidement
lorfqu’on lui fait des lignes brifées.
Quand on bâtit un -aqueduc à plulieurs rangs d’arcades
, il faut avoir la précaution de pafler deux ou
trois aflifes au-defliis de l’extrados des ' arcadès, afin
qu’elles ne puiflentpas fe défunir fi facilement 5 il faut
même que la dernière foit en grandes pierres de taille.
C ’eft pour cette raifon que ceux qui ont conftruit le
pont du G a rd , ont formé au-defliis de l’extrados du
fécond rang d’arcades une efpèce de double c lef d’une
feule pierre qui embrafle les cinq voufloirs du milieu,
& deux autres aflifes au-deflus, comme on le voit
à la figure 14. Cependant cet aqueduc .eft tout conftruit
en pierres de taille, Sc de plus fitué entre deux
montagnes qui lui fervent de culée. Ce la prouve à
quel point les anciens avoient à coeur la folidité dans
jo y s leurs ouvrages, & combien ils étoient ja lo u x ,
en les confacrant à l’utilité publique , d’en faire pou*
eux d ’éternels monumens de gloire,
.. Nous n’avonsparlé dans cet article que des conduits
deftinés à ammener dans les villes les eaux qui en font
l’agrément Sc la falubrité , quant à ceux qui font refer-
vés à l ’ufage contraire (Voye{ Cloaque, égout, canal
de décharge , émijfaire , Scc. )
A Q U IL E ÎA , Aquilée ville antique d’Italie dans
le F r io u l, 8c célébré dans l’hiftoire. Les Romains la
firent bâtir pour l’oppofer aux incurfibns des Barbares.
Elle fut érigée en colonie Romaine, l’an 570
de Rome. Les empereurs y réfidèrent fouvent pendant
la guerre qu’ ils eurent à foutenir contre les Germains.
Elle fut rafée par A t tila , l’an de J. C . 455. Narfis
la fit rebâtir j mais elle ne recouvra jamais fon ancienne
fplendeur. On y voit encore fur le chemin de
Palma des reftes confidérables d’aqueducs, des murailles
entières bâties par les Patriarches , les fonde-
mens d’un édifice confidérable , fix belles colonnes
de granit d’E g yp te , Sc beaucoup d’Inferiptions qui
ont été recueillies, avec les autres antiquités de cette
ville , par le chanoine Bertoli.
AR A B E (A R C H IT E C T U R E . ) Les conquêtes
des Arabes avoient étendu leur empire depuis Côn -
ftantinople jufqu’aux confins de l’Eipagne. L a grandeur
d’âme de leurs ch efs, les brilîànfies qualités de
plulieurs de leurs Califes portèrent cette nation a un
point de gloire & de puiflance , qui leur fit entreprendre
dans les pays fubjugués des monumens dignes de
remarque.
L ’Afrique & l’Efpagne , où leur domination eut le
tems. de s’affermir , font remplies d’édifices confîdé-
rables qui prouvent à quel point ces peuples culti-
voient les lciences, 8c les arts. On parle avec eftime
des monumens élevés par Abdéramen, fondateur Sc
premier Ca life de Maroc 5 de ceux qu’érigèrent W a lid
Almanfor, fi célébré par fes conquêtes , 8^ Jacob
Almanfor , qui fut un prince aufli purifiant que magnifique
; mais fun-tout de la fameufe ville de Baudet
, que le favant prince Aba Jaafar Almanfor fît
bâtir des ruines de l’ancienne Babylone , & où ce
Ca life dépenfa la valeur de deux millions d’or. Froïla
Sc Abdéramen, rois Maures en Efpagne, exécutèrent
encore de grands édifices, l’un dans la ville d’Oviédo,
Sc l’autre dans la ville de Cordoue. Celle-ci renferme
une mofquée bâtie par l’ordre d’Abdéramen , qui fert
préfentement d’églne , & qui eft ornée d’un nombre
prefque infini de colonnes de marbre. L a ville de
Fez en Afrique , fut fondée vers l’an 795 par un
prince Arabe , nommé Idris ; & l’un des fils de ce
prince en fit conftruire une nouvelle très-proche de
celle de fon père. On pourroit citer quantité d’autres
ouvrages de cette importance que les Miramolins ou
Califes de Bagdet & de Maroc fijrent fa ire , & qui
prouvent leur goût pour les arts ; mais il fuffit .de
dire qu’Aron petit fils d’Alba Jaafar Almanfor dont
il a été déjà parlé , avoit une telle paflion pour les
fciences & . les beaux-arts , qu’il avoit réuni autour
de lui cent perfonnes Lavantes, choiûes Sc appelléas
de différens endroits. C e prince contra&a qne amitié
très-étroite avec l’empereur Charlemagne j il lui
envoya une célébré ambaflade , Sc des préfens d’ un
très-haut prix. C ’eft le même q u i , à la confidéra-
ration de Charlemagne, permit qu’on rebâtitl’églife
du S. Sépulchre. Thomas patriarche de Jérufalem qui
prit foin de ce travail , la fit refaire plus grande Sc
plus magnifique qu’elle n’avoit été.
C ’eft aux conquêtes des Arabes , q u i, après s’être
emparé de l’Efpagne , pénétrèrent jufqu’au centre de
la France , & en furent chaflfés par Charles M a r te l,
grand père de Charlemagne ; c’eft fur-tout aux guerres
que ce dernier leur livra en Efpagne, que nous
devons cette communication de g oû t, & ces imitations
de ftyle-Arabe qu’on retrouve dans notre architecture
gothique des neuvième Sc dixiéme fiècles.
L a loi de Mahomet avoit défendu aux Arabes toute
repréfentation d ’hommes ou d’animaux. Fidèles obfer-
vateurs d’une religion naiflante, ils tournèrent l’habileté
de leur cifeau, Sc la bizarrerie de leur imagination
Vers les ornemens fantaftiques qui ont pris leur nom.
■ ( Vyyc{ Arabesque. .) Toutes leurs décorations con-
fiftoient en feuillages , en rinceaux, en fleurs $ ils
les appliquoient en-dedans & en-dehors de leurs bâti—
•mens j & quelquefois les faifoient entrer dans la maflè
même j car ils fàvoient découper la pierre avec une
adrefle infinie.
Charlemagne admira quelques-unes de ces bizarreries
, & en profita. En faifant conftruire les principaux
édifices de la ville d’Aix-la-Chapelle , il y fît
entrer les caprices des Arabes j ce goût- changea
celui du gothique ufîté jufqu’alors , Sc qui étoit aufli
pefant que le nouveau devint léger, élancé & découpé.
Nous pouvons, encore juger de cette architecture par
la grande églife d ’Aix-la-Chapelle. Les édifices acquirent,
depuis, la plus grande hardieflè. Les murs étoient
artiftement percés à jo u r , & reflèmbloient à des dentelles
& à des filigranes. Ils pàroifloient extrêmement
foibles , quoiqu’ils fuflent d’une très-grande
folidité. Telles fondes cathédrales de P aris, de Reims,
-de Chartres, de Strasbourg, les églifes d’Anvers Sc
de S. Euftache à Paris. Cette efpèce d’architeéture
-fut appellée gothique moderne..( Voye£ G othique*)
C ’eft dans ces monumens qu’on peut fe former une
idée du goût des Arabes, Mores ou Sarrazins. Il s’y
prouve confondu avec les autres imitations xl’archi-
te&ure Grecque , Romaine, Lombarde , Scc. dont
Charlemagne & fes fuccefleurs firent une compilation
^ nn mélangé confus. C ’eft particulièrement dans les
palais des SnérifFs à M a ro c , dans quelques-uns de
ceux de Grenade, de Séville & de T o lè d e , qu’il faut
confîdérer toute la Angularité de ce goût.
Il fuppofe que les Arabes, ou n’avoient eu aucune
connoiflance des ordres G re c s , ou qu’ils en avoient
perdu jufqu’au moindre fouvenir. Le fyftême en eft
X° ? I l <* ^ re” t ■» & Ie cara&ère abfolument op-
pole a celui des anciens; L e feul caprice de l’architeéte
deternùnoit les formes, les proportions, Sc leurs orne-
mens. On ne cherchoit à fe furpaflèr qu’en hardieflè Sc
Architecture, Tome 1,
en Angularité. Mais il paroit que l’exécution de fein-
blables difficultés exigeoit de l’architeCteun grand fa-
voirdans l’art de la conftrudion. Si l’on en juge par les
imitations que le gothique moderne en a faites , ou
eft tenté de croire qu’il eft impoflibie de pouffer
plus loin la témérité dans la coupe des pierres, plus
loin le favoir & la hardieflè : dans ces ouvrages on
cherchoit plus le merveilleux que le beau , plus
à étonner qu’à plaire. ( Poye^ ce qu’on doit penfer
de ces conftruétions au mot art de bâtir. )
Dans le fond , l’architefture Arabe ou M o r e , n’eft
autre chofe que celle des Goths ou Vandales établis
dans la Moritanie, & q u i, après avoir été tranf-
portée en Efpagne , fe répandit dans le refte de
l’Europe. (Voye^ M ore Moresque.
A R A B E SQ U E S ou M O R E SQ U E S , adj. pl. Oi»
appelle ainfî des efpèces d’ornemens le plus fouvent
capricieux , fantaftiques Sc imaginaires , foit en
fculpture , foit en peinture , que l’architefture employé
à la décoration des murs , des panneaux , des
montans de porte, des pilaftires , des {frifes , & quelquefois
même des voûtes Sc des plafonds.
C ’eft aux Arabes qUe les tems modernes doivent,'
le nom plutôt que le goût de l’arabefque. Introduit
par eux- en Efpagne , il fe répandit bientôt dans le
refte de l’Europe. Ces peuples , au défaut de figures
d’hommes , Sc d’animaux dont leur religion avoir
proferit l’imitation , s’adonnèrent à peindre dans
leurs bâtimens, des fleurs Sc des rinceaux de feuillages
imaginaires. Le palais de Grenadé offre , en ce
genre, des peintures exquifes, exécutées par les Mores
fes anciens maîtres.
Mais il paroît que les Arabes ne connurent qu’une
feule des parties qui conftituent , comme on le verra,
le' genre arabefque. On ne retrouve point chez eux:
les grottefques : ceux - c i confident dans la repré-
fentation idéale de figures d’animaux , de mélange
d’efpèces ’, de monftres de tout genre. On les nomma
grottefques, des fouterrains appelles grotta en Italien ,
danslefquels on découvrit , Sc où l’on voit encore des
peintures antiques, ou des ornemens en ftuc, compofés
de routes les formes & affemblages bizarres dont
on a parlé.
Qu oi qu’il en foit de ces diftin&ions & de ces
étymologies , elles font plus relatives au mot qu’à
la chofe. L ’ufage a confondu en grande partie ces
dénominations. Nous comprendrons donc fous le
nom fèul d’arabefques , ce qu’on divife ordinairement
Sc aflez inutilement fous plufieurs noms.
L a diverfité des opinions £c des jugemens que
Y arabefque a produite , réfulte de la difficulté de fe
former fine idée bien précife , de l’eflencede fon goût
ainfi que de fpn origine. L a connoiflance de fa nature
eft cependant liée à celle de, fon hiftoire : & de ces
notions réunies, peuvent émaner les règles dont Yarabefque
eftfufceptible.
Nous allons éfliay*!* de l ’e&vifager fous les trois
K.