
N ’y eût-il aucune autre raifon poiff préférer en
tout genre d’art les formes {impies aux formes
compoièes , le rapport que je viens d'indiquer dé-
cideroit toute queftion à ce fujet. Mais dans l’objet
de cet a r t ic le , c’eft la nature même des chofes qui
impofe la néceflité des formes (impies & régulières ;
ainft le bon fens & le bon goût fe réunifient à
prouver & à démontrer la (orme naturelle des
caijfons.
De tontes les manières d’ établir les folives d’un
plancher, celle qui tend à former un échiquier eft
la plus fimple & la plus naturelle; ce fera celle
ou Fin(tinet primitif réunira le plus grand nombre
d’hommes. La forme de lo f ange aura moins
de folid ité, parce qu’elle exigera plus de longueur
dans les folives qui feront la diagonale ; que la
plus grande force fe trotiveroit aux angles qui
en ont le moins befoin , & le point de foiblefle
au centre qui exige le plus.de folidité. La nature
des chofes & la folidité indiquent donc la forme
quarrée dans les caijfons qui ne font que la re-
préfentation des enfoncemens produits par les in tervalles
des folives.
V o ilà donc le véritable type des caijfons. Les
anciens ne s’en font jamais éloignés-dans les ouvrages
des beaux fie clés. G n les retrouve de cette
forte au panthéon , aux arcs de triomphe, aux
foffites du temple de Mars v en g eu r , à tous les
plafonds des èntablemens, où l'intervalle des mô-
dillons n’a jamais permis le moindre changement
de forme. La forme quarrée , longue ou parallélogramme
, plaît moins à l ’oeil que le quarré
régu lie r , parce q u e , outre le manque de fym m em
e pa rfaite, elle indique dans la confiniétlon
du plafond une diftribution inégale des foliv e s .
Les modernes ont employé cette fo rm e , particuliérement
a Saint-Pierre : on auroit peine à la trouv
e r dans l’antique.
T o u te forme de caijfons qui s’éloigne de la
forme quarrée, ne peut s’envifager que comme
u n e licence de décoration; & voici comment on
peut en excufér & expliquer le changement.
Si le caijfon. eft circulaire, & cette forme eft
fufceptible' d’agrément, on fuppofe cpie les angles
du quarré font remplis après coup par des portions
de cercle ; mais alors il conviendra de faire
ientir que le cercle fe trouve inferit dans le quarré;
ce que quelques ornemens difpofés avec art expliqueront
aifément. L’on ne prend pas, je le fais ,
de pareilles précautions ; aufti les caijfons ne ref-
femblent-ils le plus fou vent qu’à des badinages
in g én ieu x, dont les plafonds ne font que le champ ,
à des broderies fantaftiques où la raifon ne trouve
n i motif ni bîenféànce.
J’en dis amant des caijfons exagones ou o'âo-
gones qui figurent avec, beaucoup de noblefîe dans
lV c h ite â u r e . Pour les ramener à un principe qui
foit (impie & un iforme, on doit toujours confi-
dérer le 'poligone comme inferit dans un quarré.
T e l a fans doute été le fyftêmè dès anciens; &
l’on en voit là preuve dans lés caijfons poligonës
du temple de la Paix. O n y obferve que Ce pc-
ligone inferit dans le quarré, produit entre chaque
caijfon un efpace plus confidérable & qui réfulte
de la fe&ion des angles. Ce t efpace s’y trouve
rempli par un autre caijfon plus petit; mais ce
caiflon n’y a prefque aucune profondeur ; ce que
l’architeâe a fait à deffein, pour ne pas donner
à croire que cet efpace fût lui-même un intervalle
de folives , autrement iHui eût donné la même profondeur
qu’au renfoncement du caijfon. Je peufe
qu’en pareil ca s , il feroit encore mieux d’ éviter
dans cet efpace que laiffent les pleins figurés des
folives , toute-forme qui fe rapprocheroit trop de
celle du caiffûn , & qu’un ornement en relief y
feroit mieux & feroit plus convenable qu’en
c r e u x , & cela pour éviter l’équivoque.
L e v ice qui peut réfnlter de cette équivoque,
n’a pas échappé aux décorateurs modernes ; mais
ils n’ont pas fu diftinguer la forme accidentelle
de la forme principale , ni l’ornement acceffoire
oc de (impie harmonie , de l’ornement inhérent
aux membres réels & aux parties cara&ériftiqnes
des plafonds."Ils ont également renfoncé tes ornemens
des pleins ou montahs de foliv e s , & leur
ont donné la même profondeur qu’aux caijfons
8c alors les plafonds font devenus ira objet de
découpures ridicules -pfr leur gentillefie même,
■ un champ de cifeltires bigarrées de toute manière.
& dans tous les fens, dont on ne fauroit corn-
prendre l’intention.
En vain diroir-on que Fart de la charpente o iî
•de l’alTemblagê des bois peut réndre pofiibles tons
ces jeux du caprice. Lorfq-ue l’on donne pourbafe
'à t architeéhïre l’imitation de la charpente , ce n’eft
pas , comme je l’ai dit ailleurs, une imitation fer-
v ile & -matérielle d’un art qui n’eft en aucune
forte fait pour fervir de modèle à aucun autre :
c ’eft l’imitation des principes de n éc eflité, des
raifons de convenance dont la conftruâion en
bois contient les élêmens les plus clairs & les-
développemens les plus fénfibles. C ’eft l’efprit de
cette conftruéHon que l’archïteâure s’approprie ;
& ce n’eft nullement le technique de fon méca-
nifme qui n’a prefque aucun rapport avec elle. Dès-
lors l’architeâure n’admet dans la tranfpofition du
bois à la pierre que les formes qui peuvent tenir
à ces élémens fimples de la conftruéïioa primitive.
Les modifications infinies que peut recevoir
l’art de la charpente ou du travail du bois, ne
préfentant que des combinaifons compliquée^ &
qui appartiennent moins au befoin quîau plaifir
des y e u x , l’architeéiure les rejette comme étrangères
à elle & même au modèle dont elle a pris
plaifir à imiter les principes, tant qu’ils n'a voient
que la néceflité pour bafe.
Q u ’ori ne prétende donc plus juftifier les formes
compofées ou bigarrées des caijfons-, par lés exemples
que la charpente pourroit fournir. C ’eft clans
la charpente primitive que l’archite&ure trouvé
modèle, & non dans les combinaifons ma-
ni crées d’un art qui fort lui-même clés• principes
élémentaires que la nature , la raifon: & la folidité |
s’accordent à.reconnoître pour leur feule bafe. ■
S’il y a lieu de permettre quelques-uns de ces
badinages, que le caprice du crayon enfante avec
tant de profufion , c’eft uniquement dans T a ra - j
befque. Les plafonds des loges de Raphaël au j
Vatican font remplis de modèles en ce genre.
Il y auroit fans doute trop de févérité à vouloir
juger ces décorations idéales & fantaftiques d ’après
les règles de convenance de l’archite&ure. La
rigueur des principes ne fauroit s’appliquer à un
genre qui n’eft que le réfultat de l’abus de tous
les principes. Les feuls cependant qu’ il recon-
noifl'e, ceux du g o û t ,, lui interdiront encore rcés
formes de caijfons chantournées , ces com.pofitions j
bifarres & tourmentées qui ne fauroient trouver I
grâce dans aucun c a s , ni aux y e u x d’aucun .
homme de goût. Mais tous lés entrelaceméns ingénieux
, ces efpèces de broderies lég ère s, qui
femblent faire d’un pla fon d , tantôt un treillage
percé à jo u r , tantôt un v o ile délicatement étendu
, & c . & c . l’arabefque qui ne èonfulte que le
plaifir des y e u x , admet toutes ces légèretés. L ’art
de l’arabefque n’eft à l’architeélure que ce qu’un
fonge eft à la réalité. Un fonge eft une illufion
qui ne .préfente - à notre ame qu’un mélange de
vrai & de faux , de fou ven irs, de méprifes-, |
de réalités 8c d’erreurs, d’idées •'& d’images con-
fufes. A-infi Fon -n’eft en droit de demander à
Cêt art lUufoire que. l ’agrément des formes , &
non ce genre de vérité qui détruiroit en quelque
forte le preftige même de fes rêveries. Renvoyons ;
donc à l’arabefque toutes les formes de caijfons oh
le fyftêmè primitif & naturel de la' charpente ne
fauroit être évident. Laiffonsdui touies les découpures
que le goût de Fornement a fu rendre iné-
puifables , & renfermons pour jamais l’architec- :
ture dans le principe qu’elle ne doit jamais abandonner.
' D ’après le fyftêmè d’ imitation que l’architeéhire
s’eft imp ofê, le caijfon ri’étant que la -re.ptéfe'n-
tation des creux formés par la rencontre des » folives
d’un plancher, fa forme fe compofe de vuides
& de pleins. Les pleins font les folives elles-
mêmes qui environnent le renfoncement ; les
vuides font ce renfoncement environné des folives.
Le rapport des pleins aux vuides eft une dos
chofes les plus importantes à obferver pour la
beauté de Leur forme. En général, plus les pleins
feront fo r ts , .plus le plafond aura de cara&ère.
Serlio, dans fon beau plafond de la bibliothèque
de S. Marc à V e n ife , ne donne aux renfonce-
mens que le doublé de la largeur des folives. Dans
les plafonds des ■ entablements des ordres, caijfon
a prefque toute la .largeur , du modillon.; mais
dans d’étendue d’un , plafond , ce rapport feroit
outré % 8c produiroit beaucoup jde.pçfenteur. La
proportion de Serlio pâroît la phi si -! beu fou fe &
celle qui; tienr le plus jufte milieu;
Il faut obferver encore que dans lès plafonds
plats, ou ceux qui fe corifiliufén't én charpente ,
lés pleins ou les felivès doivent avoir plus dë
largeur que dans les voûtes qui fe font'en pierre^
ou en maçonneries : la râifon en ‘éû Toute (impie.
Le plafond plat n’offrant aucune imitation , Jur-
tout s’il eft en ;bois, & n’é tan t, -quelle, que foit la
matière qui le compofe, qu’un affemblage plus
où moins réel ou fiftif de folives horifontales ;
fi les vuides font trop larges par rapport 'aux
pleins, il n’aura ou ne paroîtra avoir aucune ïolîp
dite. Il fera donc effentiel que l’encadrement des
caijfons ait au moins la mpitié de leur largeur..
Dans les voûtes .ornées de caijfons , lés folives
pourront avoir moins d’épaifleur,, parte que là
-forme convexe ■ que l ’on fùppofe leur être donnée
■ par la charpente, donne à tout Faffemblage une
folidité réelle ou apparente, que les plafonds plats
lie fauroient avoir.
Dans le plafond | f f s folives doivent être épaiffe^
parce que la première condition d'une couverture
de ce genre eft la folidité. Dans la voûte, lés folives
lé feront moins ,p arc e quela légèreté femble être là
première 'condition d'un aflèmblage voûté. Ob ferr
vons encore que le plafond fuppofe', for-tout daiis
les appartemeris, la poffibilité de fuppôrter une
charge telle que celle d’un étage fupérieur, & que la
voûte exclut cette idée par fon apparence, comme
dans la réalité.
Quëlqùëfois le càijjpn pê, formé qùfoii renfoncement
- f im p le c om m e aux plafonds de Sàinte-
Marie-majélire à R om e , & de là bibliothèque S .
’Marc-à V en ife. D ’a u t r e s . é ’eft ordinairement
l'orfqifon veut lui donner une plus grande profondeur,
ce renfoncement fe forme de plufieurs
deg rés, au nombre de deux ou de t ro is , comme
font les caijfons du Panthéon, & ceux du temple
de la Paix à Rome. Çes degrés.vont diminuant
de lafgeur & d’épaifteur, à mèfure qu’ils approchent
du fond où eft la roface. Le mo tif 8c l’objet
de cës degrés eft d’ôfer.. aux'caijfons la trop grande
crudité qui réfolteroit de leur profon deur, s’ils
faifoient un angle droit-avec les folives des plafonds
pu les montans des voûtes.
En g én é ral, la profondeur des caijfons doit être
déterminée, p^r; la grandeur, par la largeur^ des
. fo liv e s , par ,1a hauteur des plafonds ,:-& par l ’effet
que la lumière ,y peut „produire. Sur- cet a r t ic le ,
. il fqroit . difijc il e ;.d’ ét-à'bïi r: des règles de propor-
tions fixes & uniformes. L ’on peut dire feulement
qu’ils ne peuvent jamais avoir en profondeur plus
de la largeur de la fo liv e , que l’on fuppofe ordinairement,
deyoîv être exaâement quarrée, ni moins
de la moitié de cette largeur , en fuppofant le s
folives plus larges qu’èpaiftesv V oilà c e quer- la
: convenance & la nature des clip fes peuvent indi