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repré fente un fujet ou une aérion. Qu oi de plus infîgni-
inkrit & de plus muet pour l’efprit, que ces feu x d'artifice
dont tout le mérite confîfte dans les diverfes oppo-
fitions de couleurs & le jeu varié des combinaifons
du feu. C Jeft bien d’eux qu’on peut dire que tout le
plaifîr fe difïipe en fumée, puifqu’ils ne lailfent aucun
fouvenir , ni aucune trace dans l’efprit.
Indépendamment des refiources de l’art que l’ar-
chite&e peut fournir à l’artificier, il doit encore le
diriger dans L'ordonnance des différens feux qui entrent
dans la compofition, & qui devienneni les couleurs
du tableau. Il doit veiller non feulement à ce que ces
feux foient affortis les uns aux autres , foient con-
traftés dans leur ton & dans leurs mouvemens, mais
encore, à ce que routes les parties en foient combinées
avec le plan général du fpe&acle indiqué par la
décoration.
On fait que la poudre & les feu x d'artifice étoient
en ufage à la Chine bien des fiècles avant qu’ils fufïenc
connus en Europe. On a même appris des Chinois
plufieurs excellentes pratiques ? qui ont été adoptées
avec raifon par nos Artificiers. C e peuple a poulie
très-loin l’artifice , & il a excellé dans la variété des
forme s, des couleurs & des effets. On dit aufli que
les Mofcovites font fupérieurs dans cet art ; & que
leur artifice eft fur-tout remarquable par la combi-
naifon des figures , des mouvemens & des contraires
du féu artificiel. L a Fr ancre a perfectionné la
çpmpofîtion & la partie de décoration dans fts feu x
d’artifice. O n a confervé le fouvenir & les deffins de
plufieurs de ces feux dont nous ne donnerons ici
aucune defcription , parce qu’on les trouve détaillés
à l’art d eL' artificier dans le DiElionnaire des arts &
métiers. Les plusfapieux furent celui de 1606, donné
par le duc de Sully dans la plaine de Fontainebleau :
celui de 1 6 i z , à l’arfénal : un autre la même année :
fa it à la St Louis fur la*Seines celui de 1660 aufli
fur cette rivière, à l’occafîon de l’entrée de L o u isX IV
•à Paris, après fon mariage : celui de la paix en
1735» : un autre la même année , à l’occafîon du
mariage de Madame Première de France : il fut exér
xu té fur le Pont-neuf & fur la rivière , &c.
L a cérémonie annuelle de la préfentation de la
haquenée au pape par le connétable du roi de Naples,
la veille.de la St Pierre , donne lieu tous les ans dans
la ville de Rome , à deux feu x d artifice , dont l’un
fe rire la veille , & l’autre le jour de la fête. L a
beauté de ces feux dépenH de la magnificence
du connétable qui en fait les frais. En général leur
mérite confîfte moins dans l’art de l’artificier
que dans celui du décorateur ou de l’architecte. I l '
n’eft pas ' rare d’y voir des imitations 'fort belles
de temples ou d’autres monumêns , mais dont le
défaut eft d’être fans Rapport avec l’exécution du feu
qui n’en deffine point les contqijrs. Elles fenrblent être
plutôt des repréfentations durables, faites pour figurer
au jo u r , que des décorations poftiches , & qui ne
devraient attendre leur beauté que de la variété des
feux , o'a de leur union ayçe l'artifice., O© g fait de
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toutes ces décorations un recueil dans lequel on peut
trouver des idées heureufes, & des compofitions aufli
variées qu’adaptées aux caractères différens que com.
porte ce genre d’architeéture.
A R T I S A N , f. m. Nom qu’on donne à celui qui
profeffe un art méchanique.
Rien de plus bizarre en apparence, dit M. Mar-
montel, que d’avoir annobli les arts d’agrément à
l’exclufion des arts de première néceflité, d’avoir diftin-
gué dans un même art l’agréable d’avec-1’utile, pour
honorer l’un de préférence à l’autre 3 & cependant
rien de plus raifonnable que ces diftinétions, à les
regarder de près.
1 Le premier objet des récompenfes eft d’encourager
les travaux. O r des travaux qui ne demandent que
des facultés communes , telles que la force du corps,
l’adrefTe de la main, la fagacité des organes , & une
industrie facile à acquérir par l’exercice & l’habitude,
n’ont befoin pour être excités , que de l’appât d’un
bon fàlaire. O u trouvera par-tout des hommes robu-
fte s , laborieux, ag ile s , adroits de la main, qui
feront fatisfaits de vivre à , l ’aife en travaillant, &
qui travailleront pour vivre,
A ces arts , même aux plus utiles & de première
néceffité, on n’a donc pu offrir que la perfpe&ive d’une
vie aifée & commode 5 & les qualités naturelles qu’ils
fuppofent, ne font pas fufceptibles de plus d’ambition.
L ’âme d’un artifan > celle d’un laboureur, ne
fe repaît point de chimères 3 & une exiftence d’opinion
l’intéreflerait foiblement.
Quelque vraies que puiffent être ces réflexions, on
eft cependant obligé de çonyenir que les arts méchani-
ques participent beaucoup, fuivant les pays, au mépris
ou à la confîdération- du peuple qui les exerce. La
différence des jugemens à cet égard réfulte de la
variété des conftitutions politiques, & des opinions
ou des préjugés qui en dépendent. L à où le peuple
eft méprifé, il ne tarde pas à devenir méprifable j
& l’on paffe aifément du mépris de Vartifan au mépris
de l ’art qu’il profeffe,
Dans les gouvernemens populaires , les chofes fë
voyent d’un autre oeil : le peuple , par cela même
qu’il eft confidéré comme il doit l’être , communique
à toutes fes profeffions une eftime qui ne peut
être que très-avantageufe aux progrès des arts. Les
artifans à Rome étpient citoyens , & donnoient leurs
fuffrages dans les Comices. Les Grecs fur-tout fem-
blent avoir encore plus méconnu les diftinélion*
d’eftime entre les arçs libéraux & les arts méchani-
qu e s , entre les artiftes & les artifans. T o u t artifàn
qui excelloit dans fa profeffion, pouvoit fè flatter en
Grèce de voir fon nom immortalifé comme celui
des plus habiles artiftes. Nous connoiffons encore le
nom à’archite/es, ce fameux tailleur de pierre qiii
fe diftingua dans l’art de tailler les colonnes. On
érigea dans l’ifle de Naxos des ftatues à un certain
B iz a s , qui donna le premier la forme de tuile au
marbre penthélique , pour qa couvrir les édifices. Les
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noms de plufieurs autres artifans en différens genres
nous font également parvenus , & nous voyons que
certains ouvrages prennoient le nom de l’ouvrier qui
les avoit imaginés ou perfectionnés.
A R T IS T E , f. m. Nom qu’on donne à ceux qui
profe fient les arts libéraux, mais particulièrement les
arts du deffin.
Si les artiftes, par les qualités qui doivent les diftin-
cuer, peuvent faire eftimer les arts , il eft encore
plus certain que la confîdération pour les artiftes ,
dépend, dan$ chaque pays, du goût & des connoiffan-
ces qu’on y a pour les a r ts , de l’influence que ceux-
, ci peuvent avoir fur les moeurs, & de leur liaifon
avec les caufes politiques.
Les artifles ne font donc eftimés qu’autant que les
arts le font 3 & les arts , quoi qu’on en puiffe dire ,
ne font en hçnneur dans un pays , qu’en raifon des
rapports qui les lient aux intérêts publics.
Nous jjne mettrons point au nombre de ces grands
1 intérêts celui qu’une politique commerçante apper-
' çoit dans les moyens d’induftrie qui accompagnent les
arts , & qui parviennent fouvent à donner une valeur
prodigieufe aux matières les plus communes : moins
encore celui que le calcul oeconomique fait ré fui ter ,
pour un'pays’, du trafic de fes arts & des échanges
de leurs produits. Toute nation qui n’envifageroit
dans les arts que de femblables rapports d’utilité, &
^ chez laquelle* ae plus nobles m otifs n’en féconderaient
; point le germe , ne tarderoit pas à les voir rangés au
1 nombre des métiers les plus ordinaires.*Tn vain une
bienfaifance intéreffée croirait les fixer & fe les atta-
[ cher par des appas pécuniaires , les artiftes feuls en
receuilleroient le fruit. Cette amorce vulgaire , en
multipliant le nombre des artiftes , au détriment des
profeffions plus utiles, ne leur infpife que l’efprit de
| commerce, incompatible avec la nobleffe des arts.
[ Elle ne fert qu’ à produire une foule d’artifans mai
deguifés , q u i , trompés long-tems par les illufions de
la fortune, paffent une moitié de leur v ie à regretter
le mauvais emploi de l’autre. NRéduits_ à convoiter
! 1 aifance d’une facile induftrie, ils fîniflènt par envier
f le bonheur attaché aux profeffions obfcures qu’ils
" voudraient n’avoir point quittées.
; Telle eft la fin qui attend les artiftes dans tout pays,
ou les arts n’étant point intimement liés à la religion
& au gouvernement, ne trouvent de reffource
que -dans les amufemens puérils auxquels les condamnent
le défoeuvrement des riches, & le caprice d’un
luxe ignorant.
Que 1 on confîdère la deftination des arts chez
les u ré e s , l’on verra que c’eft aux caufes religieu-
les & politiques qu’il faut attribuer, en grande partie
îonneur dans lequel ils y étoient, ainfî que les
Les differens cultes chez les peuples modernes, ou
PJ0. c™*nt les images, ou ne font qu’en tolérer l ’em-
p o i. Quelle qu ait été la condefcendance de la religion.
at ohque pour l’ufage des figures & des tableaux,
■ Architecture* - l*
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on peur dire qu’elle ne les a jamais confédérés que
comme des ornemens tout-à-fait indépendans de l’ef-
prit & de l’effence de fon culte. M a is , chez les G recs,
les arts devinrent l’inftrument principal de la religion ;
ils eh conftituoient, fi l ’on peut dire, le dogme 3 ils en
'affuroient la croyance 3 ils en propageoient l’ exercice.
On peut dire que chez eux, la religion dépendoit plutôt
des arts , que les arts de la religion 3 puifque ,
fans leur feçours, fes myftères euffent été incompré-
henfîbles, fes allégories inexplicables, fes effets nuis*
& fes moyens fans force & fans valeur. Une religion
toute imaginative , eut befoin des arts pour donner,
en quelque fo r te , un corps & une confiftance aux
objets que l'imagination avoit créés , & qu’elle pouvoit
également détruire. Que fuffent devenus dans la
Grèce tous ces dieux , enfants pour la plupart du
génie des poètes, s’ils n’euffent, pour s’y fixe r, reçu
un corps , du cifeau des fculpteurs & du pinceau des
peintres? Que fufTent devenues ces brillantes illufions
de la poëfie , fi elles n’eufTent été vivifiées & rendues
fenfibles par les images vifibles & palpables qu’remployèrent
les artiftes , devenus par-là les miniftres oii
les interprètes de la religion?
Pour ne citer qu’un exemple de cette efpèce
d’obligation que la religion avoit aux arts , n’eft-il
pas viable que le Jupiter de Phidias , fait d’après la
defcription du p oète, devint par la favante & fublime
expreffion de l’artifte, la plus jufte & la plus fenfible
définition de la Divinité atix yeux du peuple. Cette
ftatuefameufe qui lui en retraçoit tous les caracftères^
é to it , pour lu i, le livre le plus intelligible, & une
des preuves les plus démonftratives de fa religion.
T e l fut le pouvoir des arts , qu’on ne pouvoit prefque.
plus douter de l’exiftence'du Dieu qui fembloit exifter
réellement par le preftige de Y artifte. C a r , où Y artifte
en auroit-il conçu l’id é e , fi , comme on le croyoit
de Phidias, la Divinité elle-même ne fe fût mani-
feftée 'à. lui ? Ces fublimes copies de la Divinité ,
dont le modèle fupérieur à ceux de la N atu re ,
n’étoit point apperçu du peuple , dévoient faire
croire à l’exiftence réelle des originaux. Les arts font
peu utiles aux religions , dont l’empire vient de lac
perfuafion intime, plus que de l’impreffion des feus.
Mais chez les peuples anciens, où les fyftêmes de la
religion & les dogmes de la croyance, n’étoient point
fournis par les livres aux yeux de chacun, les ftatues
& les figures devenoient , en quelquesforte , les feuls
livres, & , pour ainfî dire, le feul catechifme du peuple.
A in fî, exprimer l'éternité du roi des Dieux par le,
mélange de là jeuneffe & des attributs de la vieillefle,
'fon immenfîté par la grandèur des proportions, fon
immuabilité par une efpèce d’immobilité dans fon
attitude, fon impaffibilité par l’expreffion des mufcles
& d’une chair fans altération , fa toute-pui/Tance pari
fon bras élevé, fa force’par fa barbe touffue & fa chevelure
redoutable, fa volonté fuprême par le terrible
mouvement de fon front & de fes fourcils, fa bonté'
par la férénité de fes joues & de fes yeux , n’étoit-ce
pas faire le plus éloquent traité de la divinité 3 & le,
plus à la portçe du peuple ?
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