
objets d'émulation, Toit pour y éprouver les douces
émotions que le fpeétacîe de la mort, accompagné
de l’image du repos & de l’éternité, ne manque jamais
de produire? qui n’aimeroit enfin à venir s’y entretenir
quelquefois avec les grands hommes, que
le cifeau auroit fu faire parler encore après leur
mort?
C’eft donc dans la forme & fur le modèle du
cimetière de Pife que je penfe qu’on devroit établir
hors des grandes villes, un ou plufieurs cimetières,
en railon de leur population.
L’enceinte du milieu conmtueroit plus particuliérement
le cimetière. On pourroit la divifer, comme
celui de Naples, en différens fouterreins , où l’on
emploieroit tels procédés d’inhumation que l’on
jugeroit à propos. On y pratiqueroit des fofles
communes & d’autres particulières , dont, fuivant
les moeurs de chaque pays, les diftinélions pour-
roient être réfervées à ceux qui auroient les moyens
ou l’envie de les payer.
Les galeries qui environneroient l’enceinte, pour-
roient être creufées elles-mêmes en fouterreins ou
caveaux particuliers ; mais elles feroient fpéciale-
ment réservées aux maufolées, cénotaphes, épitaphes
& monumens de touté efpèce que la re-
connoifiànce, l’amitié, & malheureufement plus
encore la vanité ne manqueroient pas d’y élever.
Nos temples fe dégageroient enfin de tout cet at-
' tirail tout au moins étranger à eux, de monumens
fépwlcraux, qui, par le peu d’étendue du local,.
difparoiffent fouvent pour faire place à d’autres, &
échappent à la fin aux recherches même des curieux.
Ces galeries deviendroient des dépôts précieux
pour T’hiftoire, des monumens durables du
goût, de la gloire & de la vertu des nations ; &
f i , comme on ne fauroit en douter , les places
les plus nombreufes s’y trouvoient ufurpées par les
titres & l’opulence, peut-être y verroit-on aufii
quelquefois le mérite obfcurpu perfécuté, s’y venger
après la mort des mépris de l’ignorance ou des
outrages du pouvoir.
On ne fauroit dire à quèL degré d’intérêt pourvoient
parvenir aux. approches ffes grandes villes,
des.monumens tels que ceux dont on vient de
donner l’idéè, fur - tout fi on y laiffoit la nature
afTocier fes richelfes à celles^de l’art.
De pareilles fabriques peuvent tantôt fe renfermer
dans la fombre enceinte d’une plantation touffue,
tantôt furprendre au détour fubit d’une allée obf-
cure, tantôt paroître dans l’éloignement au milieu
de grouppes d’arbres.
La plus ancienne manière d’embellir les cimetière
ifoîés, c’efi d’y planter des arbres : déjà chez
les anciens le cyprès étoit deffiné au deuil des
tombeaux, comme la rofe aux plaifirs de l’amour.
Ces arbres environnoient leurs fépulcres. Ceux-
ci ne fe cachoient point dans les lieux obfcurs &
reculés : placés dans lés endroits les plus gais, le
long des fleuves & des routes ,• fur des monticules,
ils appelaient les paffans 8i par leurs formes &
par leurs inlcriptions & par l’ombre hofpitalière
des arbres qui les couvroient.
Les Turcs ont tous leurs cimetières hors des villes;
ils s’étudient fur-tout à en faire des lieux d’agré-
mens par les plantes odorantes {qu’ils y cultivent.
On trouve par-tout, & principalement fur les fofles
des environs de Smyrne, une abondance de cyprès
élevés, & une foule de romarins qui y répandent
une odeur délicieufe.
Jadis on plantoit fur les tombeaux en Ecoffe,
au lieu de cyprès, des ifs, & il paroît que cet
arbre eut aufli, chez les anciens, une pareille def-
tiaation. Ceu x -c i lui attribuoient meme la propriété
de porter avec foi un. poifon mortel, propriété
que les expériences modernes ont. rendu
douteufe. Les poètes obfciircifloient de ces arbres
le royaume des ombres, & Stace envoie une furie,
un brandon d’i f à la main, à la rencontre des âmes
fur le fentier ténébreux , afin de les introduire, à
la lueur de cette flamme , dans le féjour des morts.
Plufieurs témoignages'des anciens prouvent qu’ils
connoifloient le caraéière de cet arbre beaucoup
mieux que les modernes, qui ont affez peu de jugement
pour lui laiffer occuper une place dans leurs
lieux de plaifance. Sa morne immobilité, fon verd
foncé & brunâtre, qui contrafie fi bien avec la
blancheur des monumens & des pierres fépulcrales,
tout indique qu’il efi plutôt fait pour être le voifin
des morts, que le compagnon des vivans.
Forfterjtrouva la coutume de planter des arbres ,
dans les cimetières établis à l’île de Middelbourg,
ainfi qu’aux îles de la Société. Les habitans choi-
fifloient pour cet effet le cafuarina. Effectivement,
par fon verd brunâtre, par fes longs rameaux
penchés vers la terre , auxquels pendent triftement
quelques feuilles longues & étroites, femblables à
des filamens, cet arbre s’aflortit à la mélancolie
de ces lieux autant que le cyprès. Probablement
on a choifi dans cette partie du monde, le ca-
fuarina pour en faire un arbre funèbre, par la
même liaifon d’idées qui a fait ailleurs choifir le
cyprès.
Les arbres plantés fur les cimetières, fervent non-
feulement à defigner par leur caraâère les lieux où
ils fe trouvent, mais encore à purifier l’a ir; car
les plantes en général diminuent les mauvaifes
exhalaifons, ou les rendent moins pernicieufes. Les
arbres engagent encore à s’arrêter dans cet endroit
où tant de monumens propres à émouvoir, invitent
à des fouvenirs intéreffans, ou à des réflexions utiles.
Mais il faudra que les arbres qu’on plantera dans
les cimetières ou dans leur alentour, pour augmenter
la fainte mélancolie du lieu, annoncent, par leur
feuillage brunâtre & foncé , le deuil qui couvre la
fcène. Les arbres cornifères & réfineux conviennent
fur-tout à cette plantation, à caufe de leur afpeCl
roide & morne. Ils pourront tantôt s’élever ifolés
fur les fofles, tantôt fe raffembler en grouppes. &'
en bofquets obfciirs. Ces grouppes & ces bofquets
pourront même renfermer les tombes de quelques
perfonnes remarquables. Des fièges folitaires s’y 1
préfenteront, de manière à faire tomber fur une
infeription frappante l’oeil de celui qui s’y affeoit.
En général, fi jamais mi monument du genre de
celui qu’on a décrit, pouvoit être conduit par un
homme capable d’en fentir toutes les reffourçes &
tous les effets, fon enfemble offriroit un tableau
grand , férieux , 8c même majeftuejjx , .qui, fans
•avoir rien de terrible ni de repouffant, feroit capable
d’ébranler l’imagination oc de porter à l’ame
tous les fentimens de la pitié, de l’attendriffement
& d’une douce mélancolie.
• CINERARIUM. Ce mot fignïfie à la lettre, le
lieu où l’on dépofoit les cendres des morts: mais
doit-il s’appliquer en général à tout édifice deftiné
à renfermer des urnes cinéraires, ou ne convient-il
particuliérement qu’au vafe dépofitaire dés cendres ?
Peut-il encore s’appliquer à la cellule o ù , dans les
fepulcres, on dépofoit les urnes qui renfermoient
les offemens des morts ?
Fabretti donne le nom de cineràrium à un édifice
fépulcral rapporté dans Monfaucon , pi. 4 ,
tome ƒ , où l’on voit une efpèce de petit portail
*& un. efcalier ; & ce dernier incline à croire que
le mot columbarium & celui de cinerariïm étoient
quelquefois fynonymes. L’opinion la plus certaine,
efi que le cineràrium étoit l’urne ou l’on mettoit les
tendres, comme Yojfuarium étoit le farcophage qui
ïenfermoit les •ffemens. Que la partie ait pu donner
fon nom au tout, c’eft ce qui efi fort probable,
mais ce qu’il nous importe peu d’approfondir ici.
( V ôy e i Urne cinéraire ).
CINTRE. ( Voyei Ceintre ).
Cintre. On donne ce nom, dans la décoration
des théâtres, à la partie du plancherde la falle
qui efi fur l’orcheftre.
La partie du cintre qui efi le plus près du théâtre,
n’eft compofèe que de planches qui tiennent l’une
à f autre par des charnières. On la lève pour aider
le paffage des vols qui fe font du milieu du théâtre
ou de fa partie la plus éloignée, & qui vont fe
perdre dans le cintre. Une baluftrade de bois amovible
fépare cette partie de l’autre. On y place
de gros lampions pour éclairer le premier plafond.
C’eft fur. le cintreque font les grands treuils
avec lefquels . on fait. les v o ls , la defeente des
chars, &c.
On y pratique quelquefois de petites loges de
chaque côté; elles nlont vue que fur le théâtre
en plongeant, & n’ont aucune communication avec
la fale. .
La toile qui ferme le théâtre fe perd dans le
cintre, lorfqu’on la lève. ( Voye^ Toile ).
CIPOLIN (Cippolino ) , nom que les Italiens'
donnent à une efpèce de marbre ; félon les uns,
à caufe du rapport de fa couleur avec l’oignon,
appellé en Italien cipola ; plus probablement , félon
d’autres, parce qu’il efi formé, ainfi que. ce végétal,
de couches incohérentes, ce qui le tond ingrat à
la fculpturei Mais les architectes anciens l’ont employé,
ainfi que les modernes continuent de le faire,
en colonnes. On en trouve des blocs confidérables,
à en juger par la colonne déterrée il y a quelques
années dans Rome à Campo Marzo, 8c tranfportée
dans la cour du palais de juftice. Elle a cinquante-
trois palmes de hauteur, & fix & demi de diamètre.
On la iefline à orner le piédeftal de Monte-
C-itorio. L’on voit plufieurs périftiles antiques
formés de ce marbre ; le plus remarquable efi celui
du temple d’Antonin & Fauftine à Campo Vaccino.
On l’emploie aufli depuis quelques années, &avec
fuccès, dans les revêtiffemens de marbre. Il figure
bien dans les compartimens; & fes veines, fciées
& rapprochées, forment l’effet des bois de marqueterie.
Il efi fufceptible d’un beau p oli, & fa couleur
efi agréable aux yeux.
Au refte, c’eft la qualité, plus que la couleur,
qui décide de la dénomination de ce marbre.
Il y a des marbres blancs cipolins , 8c ce font ceux
qui font formés de couches inclinées, le grain de
la' matière diffère aufli des autres efpèces. On le
tire de Carrare & de quelques autres endroits.
CIPPE, f. f. petite colonne, quelquefois fans
bafe & fans chapiteau ; fon plus grand ornement
étoit une infeription qui confervoit la mémoire de
quelque événement, ou le fouvenir d’une perfonne
qui n’étoit plus.
Les cippes fervoient à plus d’un ufage chez les
anciens ; tantôt on y gravoit les diftances , & c’étoit
des colonnes milliaires ; tantôt on y écrivoit le nom
des chemins, & ils faifoient alors les mêmes fonctions
que les hermes indicateurs des routes ; tantôt
les cippçs fe rvoient de bornes, où l’on plaçoit les
inferiptions qui indiquoient les terreins corifacrés à
la fépulturè de certaines familles.
Les cippes des fépultures ont fouvent été pris
pour des autels, à caufe de leur forme & de leurs
ornemens, fur-tout quand l’infcription ne renfermoit
pas une épitaphe proprement dite. Cette méprife,
au fond , n’en efi pas une ; car les cippes étoient
conlacrés aux divinités infernales, & aux mânes
en particulier. D’ailleurs, la partie fupérieure des
cippes efi fouvent creufée en forme de cratère, ou
de coupe, comme les autels.
Fabretti a cité un grand nombre de cippes perforés
du haut en bas, ainfi que les autels , pour
recevoir les libations.
Lorfqu’on traçoit avec la charrue l’enceinte d’une
nouvelle v ille , on fixoit d’efpace en efpace des
cippes, fur lefquels on offroit d’abord des facrifices,
8c on bâtiffoit enfuite les tours.
Il fe pourroit que les cippes euffent eu quelque
fignification plus myftérieufe : ce qui fortifie cette
conjeâure, c’eft qu’on en voit fur un grand nombre
de médailles 8c de pierres gravées. Ils font toujours
placés près d’une divinité, qui fouvent s’appuie
fur eux , & ils portent ordinairement des
figures fymboliques. Ces cippes ont des proportions
élégantes 8c variées, & ils ne font pas, comme
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