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dance, d’idées qui s’entre • dérrùifent ; 8c fi' ces
ailemblages bizarres de formes-incohérentes ref-
femblent à ces monftres produits par la multiplicité
des germes ; fi tous ces résultats de la
tanraifie , dans tous les arts du défila annoncent,
par leur inépuifable reproduction , l’excès de
toutes les facultés inventives qui s’étouffent, en
quelque forte, fous leur propre fécondité , qu’on
nous dife fi de femblables , rapports entre les
facultés morales & les propriétés phyfiques dans
le même pays ne doivent feconficlérer que .comme
le réfultat. du hafard ou le fruit d’un fyftême
,ajufté. '
Les climats chauds nous font donc voir dans
les idées des peuples la même efferv.éfcence
le même excès, &_ la hardie (Te des images 8c
l ’hyperbole, 8cc. La raifon n’entre pour rien dans
les éiémens de la penfée.
Les climats tempérés , otiNceux qui font doués
des qualités voifines des deux excès , feront ceux
où la nature étalera le plus de variété ; -e’eft-là
que vous retrouverez cet heureux équilibre entre
la raifon & l’imagination , 8c c’eft de ce tempérament
que les arts contracteront le carattere
moyen, qui paroît devoir être préféré à tous
les autres, celui du moins qui plaira au plus
grand nombre d’hommes. C ’eft que dans ces pays
la nature fe. développe fous des formes également
grandes & gracieu fes ; c’èft que fa force y
eft tempérée par la douceur ; c’eft que toutes
les fcènes de la nature femblent s’ÿ fuccèder ,
pour embellir de tous fes piaifirs l’imagination
des hommes ; c’eft que tous les excès, feni-
Llent fe. réunir pour fe neutralifer. Ç ’eft du- climat
& du fol de la Grèce qu’on veut ici parler,
l a nature , dit Witickelmann, après avoir pafifé par
tous les degrés du chaud & du froid , s’efl fixée
en Grèce , comme dans un point central également
éloigné des deux extrémités contraires. Elle
y fait régner une faifon tempérée, qui tient un
jufte milieu entre l’hiver & l’été ; & plus’ elle
s?approche de cet. heureux climat, plus elle eft
gaie, douce & agréable ; plus les formes qu’elle
produit font belles, plus les traits font fpirituels,
plus ils annoncent & préparent fon chef-d’oeuvre.
Auffi voyez-vous, fous cette heureufe température
tous les arts du .'génie recevoir leur jufie
degré de maturité, les élans de - l'imagination.' fe
feumettre aux calculs de la raifon ,.8c la raifon
s’embellir des fleurs de l’imagination. C ’eft-là que
Limitation a tout l’eflor de l’in,vention, & que
l’invention femble elle-même avoir toute la facilité
de la nature dans la génération. C ’eft-là que vous
appercevez la force fans effort, la grandeur fans
hyperbole, la richeffe fans luxe, la "gaieté-fans-
folie , la raifon fans févérité, le calcul fans froideur.
Dites-nous pourquoi cet heureux accord
entre le tempérament de tous les arts & celui
4 a ciimat-ds la Grece ? Serok-ée^ncore< ua effet du
jbafàrd |
CAR
Paffons dans ces climats équivoques, où $
la nature indéçife dans fa volonté, n’annonce point
d’intention bien décidée, où une réunion de plu-
fieurs températures fe luccédant- avec une mobilité
perpétuelle,, ne permet à aucune d’imprimer
à rien un. forme longue 8c. durable ; où les images
de la nature, foiblement prononcées, ne fe
déploient ni fous les formes les plus hardies , ni
fous les couleurs les plus brillantes. Ne voyez-vous
pas que les arts ne vous réfléchiront que des formes-
molles, que des couleurs ternes ? Et voyez déjà
comme la première de toutes les peintures, le
langage j a perdu dans fon articulation ces tons-
briilans des idiomes méridionaux ; voyez comme
difparoiffe.nt de la. poéfie ,. fous ces c.eux nébuleux,
tous, ces fantômes de la fable & tous ces-
phofphôres de-l’imagination ; voye^ comme ils défèrent
8c s’envolent à l’envi de tous les arts,,
ces preftiges charmans qui en-faifoient la v ie ,&
comme , dénués'de ce cortège d’ènchanteurs
les arts- ne vous, offrent plus que les trilles
calculs du befoin 8c la froide nudité de fauftère
raifon dépouillée de fa. parure. Quel carattere.
auront donc les- arts qui recevront l’influence
d’un tel climat ? Un carattere qu’on pourra dire
neutre, c’éft-à-dire , .que nulle qualité, nulle pro*
p.riétè. entière 8c. forte, n’en ayant deflinçMgravé;
lès traits , il paroîtra toujours fufceptrblé de changer
, mais fans le. pouvoir jamais réellement y
il-paroîtra capable de tout, fans l’être précifé-
ment de rien. Ce car attire, fe compofant de l’afièm-
bkge de plufieurs autres ,; aura-l’air-de les réunir
tous ; mais cette apparente réunion ne trompera
que ceux qui n’en connoîtroienr aucun ; il rfen
réfulrera qu’indéeifion., mobilité , variation &
légèreté, toutes qualités qui ne font que des abf-
tracions dé qualité. -
Si nous remontons vers ces .régions glacées
auxquelles le foleil refufe fa préfence , ce n’eft
point dans 1 efpoir de- diftinguer la différence de
carattere■ que ces climats ont pu imprimer aux
arts, puifqn’en vain on y en cherçheroit les germès;
Nulle pudffançe. n’a fu encore- les- y . tianlporter
Ôc qui pourroit- fe flatter- de les> voir jamais
croître fous dès glaces de ces clima ts ? -Alais cette
abfence même dès arts dans les pays dont on
parle , éft bien la preuve la plus forte de l’a&ion
du climat fur le genie des hommes. Nous avons
vu toutes lès facultés inventives fe preffer & s’étouffer,
en quelque forte, dans les régions brûlantes
; & femblables à un fol encombre d;é fes propres
richéffés , nous avons vu l’iniaginatioit,, ‘.dans un
travail perpétuel ■ d’enfantement, produire des
monftres de mille, efpèces, plutôt que de ne rien
produire. Quelle trifte ftérilité vous offre , dans
ce rapprochement, le génie des peuples du Nord !
Si l’on pouvoir y fnppofer -.pour un moment
1 exiftence oès arts fer oit-il bien difficile de prévoir
le carattere qu’ils y auraient ? Entendez vous
. l’âpreté de ces fous brefs & guttùrals former le*
C A R.
Océans de leurs langues ? Voyez commè leurs or*
ganes roidis par la rigueur du froid, auront de
peine à s’afloiiplir , comme tous les arts feront
Obligés de renforcer leurs refforts, de tendre leurs
cordes» de faire hurler leurs v o ix , pour ébt’anler
les .fibres endurcies de ces peuples , 8c fecouer la
ffroide immobilité1 de leurs âmes léthargiques.
Jufqu’ici nous n’avons parlé que des arts ep
cènétal, des qualités que Tânalogie des cli-
.mats rend fenftblement propres à tous par la liaison
qui• les unit. Si l’on vouloir appliquer plus
particuliérement cette théorie aux arts du def-
din, à ceux fur-tout qui trouvent dans la -nature
une imitation dire&e & matérielle, on fe convaincrait
encore bien 'mieux du rappp'ort nécef-
•fairc qui exifte entre 4e carattere de la nature &
celui des'.arts -dans chaque pays. Qui pourrait
xontefter -cette corrélation intime 1 du modèle à
fon imitation. En effet, s’il y a des climats où la
mtùr.e s’èft-complue à eareffer en quelque forte Ton
ouvrage', en lui imprimant les marques vifiblés
•de la force 8c les agrémens de la ' béaùté, où
toutes lesfacultés phyfiques fe trouvent balancées
dans un jufte équilibre , .par -l’aétion modérée
d’une température harmonieufe, n’eft-ee pas là -auffi
que l’on trouvera' les plus belles copies de la nature
humaine ? Et: lès tableaux de la peinture ne
nous-rendront-ils pas impérieufement les tons &
les nuancés dès climats & des pays où cet art
tranfporte Tes pinceaux ? Où verrez-vous la fraî-
.cheur dé la rofée d’un beau matin , les vapeurs
enflammées du midi, ou le pompeux incendre de
l ’aftre qui embrafe l’horifon , totir-à-tOüf rafraîchir
enflammer la toile magique qui charme vos
*y,eUx ,' .que fous le s ’deux , que: dans îes: régions
qu’anime de fes regards piûffans le flambeau de
la nature ? Ne voyez-vous pas la peinture-pâlir
ou fe Colorer, s’affoiblir on.fe rallumer, félon
lés tons & lès reflets quellereçoit de fon modèle &
que lui communiquent les'objets de Ion imitation ?
Obfervez, par-tout où il ÿ a des arts - c ’éft-à^
dire, des imitateurs ; •obferv^ez , dis-jé , les modèles
8c les-points d’imitâtîon qui lès environnent,
8c vous les verrez-toujours dans un rapport exàéf.
Les arts feront exagérés \ grands -, hardis j forts ,
gracieux , riches , nombreux, ou foibles, petits,
froids, timides,appauvris, auftèrës, félon le principe
premier de Teflènoe du climat '8c lés accî-
dens particuliers à chaque pays. C ’eft qu’avant
d’être l’ouvrage des peuples & des hommes, les-
arts font des conféquences direftés de da nature,
font en quëlquë forte des fruits qui reçoivent
d’elle leur carattere primitif, avant que l’influencé
des g'ouvernemens 8c des moeurs parvienne à le
modifier. ‘
- On voit donc, 8c les faits, plus encore que le
taifonnement, prouvent que les caufes phyfiqùes
font celles qui influant les premières fur les arts ,
font celles qui dëffinen't'leur ■ cdràtteft :en traits
r les plus marqués & les plus ineffaçable^)- font celles I
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contre lefqpelles les caufes motaîés 8c politiques
n’ont qu’une foible aéfion , lorfqu’aU contraire elles
peuvent tout contre celles-ci.
On argumenteroit en vain des changentens
fin-venus par les caufes politiques 8c morales dans
les pays lpécialement favorifés de la nature pour*
les arts. Sans doute que le meilleur fol demandé'
une culture , fans doute qu’abandonné 8c laiffé en
; friche, il ne produira que des ronces ; mais cela
prouve-t-il que le fol 8c l’influence de l’air ne-
foi en t pas les premiers principes de la perfeélion.
des fruits. ? Cela prouve-t-il que la culture , capable
de corriger, jufqtfà un certain point , l’ingratitude
du fol , fera -capable auffi dé lui donner la
■ vertu que la naturedui aui'oit refufé Gela prouve’
, Amplement que • les hommes qui concourent
: avec la nature à la perfedion des produélions de
la terre i concourent ■ également à celle des pro-
r duâions du génie , 8c au carattere qu’on remarque
dans les ffifférens -arts.
C ’eft dans les caufes phyfiques ou naturelles
qu’on trouve le principe du carattere ejfentiel des
j arts , comme celui du cafattere ejfentiel des hom-
j mes j car , je ne cefferai dé le dire , les uns n’étant
que les imitateurs-des autres , il faut bien qu’oit
trouve j dans la copie, lés traits du modèle. Selon
donc que :lé‘ modèle reçoit de la nature les traits
grands 8c hardis qui conftituent fa véritable ef-
fence , ces traits fe retrouvent comme contre-
èjpeuvès dans les arts , leur carattere acquiert
de-là le degré plus ou moins grand d’énergie qu’on
y obferve.
Mais c’eft dans les caufes politiques 8c morales
• qu’on trouvera le principe du carattere dîflintt'if des
arts , commode leur carattere relatif.
Les caufes politiques font celles qui diverfifient
plus 'particuliérement les phyiîonomies des peuples
; ce font elles qui forment auffi les nuances
diftinéfives de leurs arts. Et d’abord nous obfer-
verons qu’il fe trouvé entre l’aéUôn des goüver-
: nemens 8c celle des climats fur les arts , une
parité de. proportion très - correfpondante. Nous’
■ avons vu certains climats plus propices les Uns
! que les autres à’'la génération des arts. Nous
remarquerons' la même chofe des goiivèrnemens
■ ou des formes politiques fous lefquelles les hommes
I fe raffemblent en peuples. Les climats, où l’excès
’ de la chaleur produit une furabondance de fermentation
dans les caufes produftrices , phyfiques
' & morales , produifent aufli une exagération con-,
traire aux principes de l’imitation 8c de la vérité.
Les gouvérnemens où les formes politiques dans
lefquelles règne le dèfordre des-forces , qui de-
vroient-tendre à un but général, où la liberté ne
confifte que dans l’ufage de la force individuelle ,
où chacun eft tout , oc où le tout n’eftrien , oir
tous. les pouvoirs , confondant leurs droits refpeo-
tifs , n’agiffent que pour s’entre - dérruire ; ces
gouvernemens,dis-je, ne produifent qu’un tumulte,
au milieu duquel les arts ne fauroienr faire entendrç