
II ne faut pas que les berceaux occupent les
lieux bas & renfoncés, parce qu’alors ils feroient
triftes & humides.
Berceau d’eau. C ’eft un berceau formé par
deux rangées de jets obliques qui fe croifent. On
fe promène fous ce berceau fans fe mouiller. Il y
a à Verfailles des berceaux d'eau dans le bofquet
de l’étoile ou de la montagne.
B E R E T T IN I (P IE T R O ) D I C O R T O N A , dit
Pierre de Cortone, naquit à Cortone dans la T o f-
c a n e , en 1 5 9 6 , 8c mourut à Rome en 1669.
Parmi les peintres célèbres qui ont réuni avec
quelque éclat l’exercice de l’archite&ure à celui de
leur art, Pierre de Cortone doit trouver une place affez
remarquable. C e n’eft pas fans doute à l’archite'âure
qu’il eft redevable de fa plus grande célébrité ; ce
n’eft pas non plus à lui que l’archite&ure a les plus
grandes obligations. L ’hiftoire des premiers fiècles
des arts, nous fait voir la réunion des trois arts
du deflin aufti facile que commune dans les artiftes
de ce temps : on en a dit ailleurs les raifons.
(Voye^ Architecte). On en a fait fentirl.es avantages
, fur-tout pour l’archite&ure. Cependant Pierre
de Cortone fembleroit démentir l’utilité de cette
efpèce de communauté entre les arts du deflin.
L ’exemple du goût licencieux & bizarre qu’ il a
Introduit on accrédité dans l’archite&ure , eft l’arme
la plus ordinaire & la plus forte qu’emploiént les
architectes de profeflion, pour repouffer hors du
territoire, qu’ils prétendent pofféder fans partage,
ceux qui profeffent les autres a r t s , 8c fu r - to u t
la peinture. O n a déjà combattu ce p ré ju g é ,
•.& l’on fe difpenfera de répéter ic i, que ce n’eft
pas à la peinture qu’on doit faire le reproche
d ’avoir perverti l’archite&ure, mats qu’ il faut en
chercher la caufe dans l ’influence générale du
goût dominant 8c qui fe communique à tous les
arts ; qu’il n’exifte dans la peinture fa g e , & telle
q u ’elle devroit ê t r e , aucun principe ennemi de
l ’architechire pure & régulière. C e n’eft donc pas
la peinture qu’on doit accufer r c’eft au mauvais
goût de la peinture dégradée que l’on »doit s’en
prendre. Si les vices 8c les écarts que le faux efprit
de décoration du fiècle dernier a fait paffer dans
l ’architeéhire, peuvent s’imputer à quelques-uns
de ces artiftes devenus célèbres par la témérité
de leurs inventions , & qui femblent n’avoir
voulu réunir l’exercice de Farehiteéhire , que pour
faire participer cet art aux bizarreries de leur
g én ie ; il n’en feroit pas moins abfurde de rendre
l a peinture ou la fculpture refponfable des abhs
de quelques peintres c»i fculpteurs. A u refte ,
on conviendra fans peine que ceux q u i, dans les
arts d’imitation p o fîtive, auront pu méconnoître
•les beautés fenftbles de la nature ; 8c les facri-
ü e r aux charmes captieux d’un art illufoire , auront
pu préférer le plaifir des y e u x à celui de
l ’ame, l’effet à l’expreflâon, la hardieffe de l’exéfiition
à la précifton du d e flin , feront aufti les
plus portés à dénaturer l’efprit 8c les principes de
l’architeéhire, feront de l’exemple le plus dangereux
pour cet a r t , feront ceux qu’il a le plus d’intérêt
d’éloignet de fon empire, ou le plus de raifon de
défavouer pour fes fujets.
Malgré le grand nom que Pierre de Cortone s’eft
acquis dans la peinture, on convient ordinairement
qu’il dut fa réputation plus à ces moyens
brillans, qui en impotent aux y e u x du grand nombre
, qu’aux qualités véritables de l’a r t , q ui, à la
vérité , féduifenr peu les fens de la multitude, mais
dont l’impreflion durable, fondée fur la raifon,
ne craint du temps 8c des ‘ variétés de l’opj.
nion , ni changement ni difcrédit. Felibien en
jugeoit ainti : « comme il y a , dit-il, deux qualités
» fouveraines dans la peinture , l’une de travailler
» a vec fcience pour inftruire, 8c l’autre de peira-
» dre agréablement pour p la ire , & que celui qai
» plaît fait un effet bien plus général que celui
” qui inftruTt, on peut dire aufti que la qua'ité
» néceflaire pour plaire étoit le partage de Pierre
» de Cortone ». La nature l’a voit doué pour la
peinture , de ces dons heureux dont il n’eft. que trop
facile d’abufer. Une forte dé eomperifattori feroble
entrer dans.tous fes préfens ÿ ceux qu’elle prodigue
ne font pas toujours les meilleurs, 8c plus
d’une fois fon avarice a mieux fe rvi l’artifte que fa
libéralité. L e Dominiqnain en eft une preuve. Il
lui fa llu t arracher à force d’étude & de travaux
ces fruits que Pierre de Cortone femble n’avoir pas
même eu la peine de cueillir. La nature paroît
quelquefois vendre aux uns ce q u e lle donne aux
autres. M ais, comme fi ceux auxquels elle ouvre tous
fes tré fors, duffent moins fentir le prix de ce qui
ne leur coûte à acquérir ni peines ni efforts; il
n’eft pas rare de les voir abufer de fes propres
largeffes, 8c difcrédker fes bienfaits par le mauvais
emploi qu’ ils en font ; c ’eft le reproche qu’on doit
faire à Pierre de Cortone.
Un génie v i f 8c facile , une grande afeondancs
d’in v en tion , une efpèce de précocité de talens lui
firent trouver des proteéleurs dans la famille des
Sacheti. Il fut reçu dans leur pa la is, 8c y développa
les premiers effais de fon génie. Ils fur-
paffèrent ce qu’on en attendoit. La réputation vint
en quelque forte au-devant de lui. Urbain VIII
lui confia de bonne heure des travaux importans,
dont le fuccès le fit choifir par ce pontife pouf
peindre le grand plafond du palais Barberin , le
modèle 8c le chef-d’oe uvre de tous les ouvrages
de ce genre. Son goût facile de de flin , la belle
entente des couleurs qu’il poffédoit à un très-
haut de g ré, le portèrent aux grandes inventions
de la décoration. II en a laifle de nombreux mo-
numens en Italie. L e palais Pitti à Florence renferme
peut - être les plus beaux. Ses autres ouvrages en
peinture ne peuvent point fe comparer avec les
grandes entreprifes dont on a parlé , qui ont im*,
mortalifè fon n om , & pour lefquçlles la
l ’avPit pamçuttérejnçjjt formé»
Cetté forte de génie s’accorde moins aîfément
avec les qualités effentielles que l’architeéhire
demande. Aufti Pierre de Cortone porta-t-il dans
cet art 8c les abus de la décoration, 8c tous les.
vices qu’un efprit facile & familiarifé aux licences
de ce genre ne fauroit manquer d’y introduire. Ses
premiers ouvrages font peu connus. On ne parle
guère du palais dont il donna les deflins pour le marquis
Sacheti, fon bienfaiteur, qui le fit exécuter à
Oftie. Les projets qu'il en v o y a pour le Lou vre lui
firent plus de réputation; il concourut a vec Bernin
& Rainaldi. Il reçut pour récompenfe le portrait de
Louis X IV , enrichi de diamans, que ce monarque
lui envoya. Q uelques deflins de Maufolée, tels que
celui du comte M ontauti dans l’églife de S. Jérôme
de la charité à R om e , celui de la famille des Ami-
cis à la Minerve , la chapelle de la conception
dans l’églife de SS. Laurent & Damafe , font encore
des ouvrages de peu d’importance qu’on attribue
à Pierre de Cortone.
Mais celui qui le mit au rang des premiers
architedes de fon temps, & le meilleur monument
qu’il ait e x écu té, eft fans contredit l’églife de la
Paix ( S. Maria délia pace ) , dont il conftruifit une
partie & dont il orna la façade. La n e f , beaucoup
trop petite pour la coupole , annonce par les belles
peintures clé Raphaël qu’on y admire encore , une
plus grande ancienneté que le refte de l’églife ;
elle .avait été bâtie par Sixte IV . O n ignore fi
le monument étoit refté imparfait, ou f i , dans le
deflin de l’agrandir 8c de le rendre plus m agnifique,
on détruifit l’ancienne conftrudion,à laréferved e la
nef. Il paroît quç celle-ci ne dut fa confervation
qu’au refped qu’on eut pour les chefs - d’oeuvre
de Raphaël, 8c qu’elle fut une des données du
plan de Pierre de Cortone. A u refte , cette n e f ne
fe r t, pour ainfi d ire , que de veftibule à la coupole
qu’il éle v a , 8c qu’il fut raccorder a v ec affez d’adreffe
i l’ancienne conftruélion. Son plan eftoéfogone 8c
bien conçu ; les chapelles & les iffues s’y trouvent
heureufement diftribuées ; la décoration intérieure
offre le vice de pilaftres ployés dans les angles
obtus ; la voûte eft décorée de caiffons exagones;
les pendentifs ont été peints par l’Albane. L ’intérieur
du dôme n’a rien de remarquable.
C’eft dans la compofition du portail & du
frontifpice de l ’églife , que Pierre de Cortone déploya
joutes les reflomees de fon génie décorateur,
î l y chercha l’effet & le pittoresque. Peut - être
etoit-il difficile, v u la nature du lo ca l, de faire dans
un petit efpace & pour le point de v u e , quelque
cliofe de plus va r ié , de plus grand 8c déplus piquant
dans ce genre. L ’on doit même avouer que là manière
dont le monument fV raccorde avec la décoration
des maifons environnantes, le contrafte des
jnàffes & l’oppofition des plans, l’art avec lequel il
fut agrandi^, en quelque fo r te , le champ de fon
tableau, que tout cela mérite quelques éloges. Cet
-enfemble ingénieux en eût même ob tenu , 8c en
Gbtiendroit .encore des gens de g o û t , fi les détails
vicieux des p arties, 8c des licences Impardonnables
, ne déparoient l’efpèce de mérite qui s’y
rencontre. L e petit portique circulaire qui vien t
en avant de la façade, en eft la meilleure partie,
Quoiqu’en général, tout corps faillant circulaire
foit aufti mal placé à l’entrée d’un éd ifice, qu’ il en
termine heureufement le fon d , quoiqu’il choque
la vraifemblance 6c repouffe, en quelque fo r t e , par
fa forme convexe ; quoique celui-ci joigne encore
le défaut des colonnes accouplées, néanmoins
l’effet en eft agréable, l’ordre dorique y eft affez
p u r , 8c la voûte qui en fait le couronnement le
termine affez noblement. On .ne fauroit en dire
autant 8c de l’ordre fupérieur 8c du double fronton
qui en fait l’amorti ffement. Rien de plus vicieu x
8c de plus tourmenté que le plan de ce fécond
étage : l’ordre en eft compofite, 8c l’on n’a point
befoin de faire remarquer combien eft ridicule
l’alliance de cet ordre avec le dorique qui Ie fuP*
porte, combien ce paffage eft brufque 8c inharmonieux.
A u re f te , toute cette ordonnance eft
remplie de reffauts, de formes bâtardes 8c mef-
quines, de détails vicieux dont l’énumération
feroit aufti longue qu’inutile. D eu x ailerons profilés
en forme de pilaftres dans le haut, fervent
de contrefort au fécond ordre du portail, 8c v ien nent
fe terminer, moins défagréablement que *de
coutume , aux deux arrière-corps de l’ordre inférieur.
Leurs maffes couronnées par les médaillons
de Sixte IV 8c d’Alexandre V I I s’accordent
bien avec l’ordonnance inférieure, foutiennent
bien le portail 8c tout l’enfemble.
C e t ouvrage , dont nous avons fait le récit le
plus impartial, acquit à Pierre de Cortone une très-
haute réputation dans l’archite&ure, 8c n’a pas peu
influé fur le mauvais goût qui a régné fi long-temps
dans la décoration des façades cl’églifes. La hauteur
des.églifes modernes, pour la plupart fans proportion
a vec leur largeur; une efpèce de préjugé religieux
, régnant encore à R om e , fur la fupériorité
que doivent avoir les façades des édifices facrés
au-deffus des maifons environnantes .( Voye^ Port
a i l ) ; d’autres raifons avoient accrédité à Rom©
l’ufage des portails à plufieurs étages. Pierre de
Cortone l’adopta 8c le fuivit conftamment dans
toutes les églifes qu’ il éleva.
L e portail qu’ il fit à l’églife de fanEla Maria in
via lata, eft d’une ordonnance beaucoup plus fa g e ,
8c un des plus beaux qu’on air fait dans ce genre.
Il n’a .p o in t le défavantage de cette trifte architecture
de bas-relief, à laquelle prefque tous nos
portails fe font trouvés condamnés. Pierre de Cortone
y ménagea un enfoncement qui fait le porche
ou le veftibule inférieur; l’étage fupérieur, également
percé 8c dég ag é, préfente une v.afte loggia;
ce qui contribue à donner à ce monument un air
de légèreté 8c de dégagement qu’on ne rencontre
point'ailleurs. L’ordre inférieur eft corintliien ;
celui du Haut eft compofite. Le portique d’entrée
eft formé de quatre colonnes ifo lé es, dont les entre-.
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