avec la destination de cet édifice. Il n’y a rien
de moins conforme à cet o b je t , que la décoration
locale des deux maufolées qui font en
face l’un de l’autre. Les détails de leur architecture
ne font que capricieux ; les n ich es , les
pilaftres, les membres & toutes les parties d’or-
nemens & de profils font maigres & très-éloi-
gués du caraCtère grandiofe des figures, qui font
re plus bel ornement de cette chapelle-.
La defcription de ces figures n’eft point du reflort
de cet ouvrage : j ’aurai cependant occafion d’en
parler par la fuite ( voye^ MAUSOLÉE ) , mais
plus par rapport à leur compofition & à l’effet
g éné ral, ou au goût de ces tombeaux , que par
rapport à l’art de la fculpture, qui .ne fait point
l’objet de ce dictionnaire,. Je n’ai point parlé de
la belle chapelle de Strozzi à Saint-Andrée délia
v a l le , ni. du bâtiment de la Sapienza à Rome ,
qu'on attribue fans beaucoup de certitude à Mi-
thel-Ange. Je n’ en fais mention que pour n’avoir
pas à me reprocher 'le moindre oubli dans fes
productions d’archkeCture. La lifte de fes autres
ouvrages feroit infiniment plus lo n gu e , mais elle
appartient à ceux qui confidéreront Buonaroti dans
les autres arts qui partagèrent fon g é n ie , de manière
cependant que chacun crut le pofféder tout
entier. V o ic i l’épitaphe que lui fit Benoît Varch i :
Quis jactt hic ? Unus : qui unus ? Bonarotius : unus
Hic verè eji : erras x quatuor unus hic efi,
B U O N O . Ce t architeCte & fculpteur en même
temps, l’un des meilleurs ârtiftes de fon fiécle ,
fut employé en 1 15 4 par Dominique M o ro fin i,
doge de V e n if e , homme verfé lu i - même dans
l ’architefture, pour conftruire la fameufe tour
de Saint-Marc.
C e t édifice n’a rien de remarquable que fa fo-
îîdité. Ses fondations aflifes fur des pilotis ont
été jettées avec tant de fo in , que cette tour n’a
pas une feule fente , tandis que l’on en vo it à
prefque tous les autres clochers de Venife. La i
hauteur de la tour de Saint-Marc eft décroîs cents
trente pieds.
O n ignore le lieu où naquit notre architecte.
O11 fait feulement qu’il conftruifit un grand nombre
d’édifices en différentes villes de l’Italie. Ces mo-
znnnens fon t, à Naples, le château Capuano que l’on
appelle aujourd’hui la V ic a ir ie , & le château de
l ’OE uf ; à Piftoya l’églife de Saint-André. A F lorence
il donna le projet d’aggrandir l’églife de
Sainte-Marie-Majeure : on en voit encore les principaux
murs & les voûtes ; à A re z zo l’hôtel de ville
a v e c le clocher ou befroi eft fon ouvrage. On remarque
que les édifices de cet architecte fe reffen-
. tent moins du goût arabe-& gothique dont font
infectés tous les monumens du temps où il vécut.
B U Q N T A L E N T I ( Bernardo ) ,, architeCte
florentin, né à F lorence en 15 3 % & mort en 1608-.
Florence dut cet artifte^ qu’elle met au nombre
de fes meilleurs architectes, à l’accident le plU5
funefte, & qu’on ne peut rapporter fans frémir
Une inondation de l’A r n o , l’an ’ 1 2 8 4 , avoit
tellement miné le terrein d’un certain quartier
de la v i l le , que toutes les maifons qui le cou-
vroient s’écroulèrent en un inftant. La précipitation
des Florentins à réparer ce défaftre , fut aufft
grande que leur imprudence ; un fécond éboule- I
ment ne les avoit pas rendus plus fages ; il fallut
qu’un troifième malheur les défabufât des tentatives
toujours infruCtueufes qu’ils avoient faites I
pour la reconftruCtion de ce quartier. Un nouveau
débordement du fleuve , furvenu l’an 1 5 4 7 , en fit
crouler pour la troifième fois les maifons. Un
grand nombre de citoyens fut enfeveli fous ces
ruines. La maifon du jeune Buon-Talenti fut le
tombeau de toute fa famille. Une forte de miracle
le fauva des ruines fous lefquell.es il de voit
être englouti. Seul de toute la maifon il échappa
à la mort, à la faveur d’une voûte foas laquelle
il fe trouva par hafard. L ’ênfant ainfi garanti de
la chûte des décombres, pouvoit fe voir réfervé
à une fin plus cruelle encore f i , par l’événe- I
ment le plus heureux , une fente produite par
l’atteriffement dans un des murs , ne- lui eût permis
de faire parvenir au-dehors fes cris* Us furent
entendus. La pitié la plus aCtive s’empreffa de lui
fournir les fecours les plus preffés la même fente
fervit à lui faire pafler des alimens , en attendant
qu’on pût déblayer les monceaux de décombres qui
retardoient fa délivrance. Un officier d é Corne
de Médicis , témoin de cet év én emen t, en porte
la nouvelle à fon maître : le duc s’ intéreffe vive-
j ment au fort de ce malheureux enfant ; il recoin-
i mande l'es plus grandes précautions à ceux qui I
j travailloient an déblaiement des matériaux, &
recueille enfin dans fon palais le jeune Bernard»
| I l s’en déclare le p r o t e c t e u r l e père.
Les foins que le duc prit de fort éducation:
furent bientôt recompenfés de la manière la plus
conforme au goût de Médicis. I l v it édorre en
lui des talens. Le deffin & la peinture fixèrent les
premières études de Buon-Talenti. Il en apprit
les élémens dans l’école de Salviati des Brou-
zino & de Vafari. La fculpture & [’architecture
parurent enfuite fe difpurer fon goût &-fon génie»
Michel-Ange , dit-on lui en donna des leçons ;; j
mais ce qu’il y a de certain , c’eft que fes progrès
dans tous ces a r t s , avoient devancé fon âge. Ils
étonnèrent fon illuftre protecteur qui n’héfita point
de donner pour maître à François de Médicis fon
fils , un jeune homme de quinze ans»
A cet âge Buon-Talenti avoit déjà produit des
morceaux de fculpture remarquables, entre lesquels
on diftinguoit un crucifix de grandeur natu
re lle , pour l’églife des religieufes des Anges à
Borgo S. Friano. Il avoit aufli fait eonnoître la
: nature de fon génie dans quelques inventions devinées
à ramufement du jeune prince. Une crèche
qu’il eompofa pour lui , & dans laquelle il Et
introduire des jeux de figures tout-à-fait n o liv e an x,
des effets ingénieufement combinés de lumières
& d’ombres, fit admirer les reflources d’un talent fi
précoce, & fut caufe qu’on lui donna le furnom de
. Bernardo delle Girandole ou des Fufées. C e furnom fit
prefque oublier fon véritable n om , lorfque F lo rence
dans la fuite eut occafion d’admirer les fu-
perbes feux d’artifice dont i l fut l'inventeur.
Notre artifte s’appliqua fur-tout aux mathématiques.
C ’eft à leur étude profonde qu’il dut fa
haute réputation. La méehanique & l’hydraulique
fixèrent plus particuliérement fon choix ; tout ce
qu'il fit dans les jardins, dans ' la conduite des
eaux, dans la direction des fêtes & des machines
de théâtre, prouve qu’ il avoit joint aux plus heu-
reufes difpofitions de la nature les connoiflances
les mieux acquifes.
L’occafion de les mettre en oeuvre ne tarda pas
a fe préfenter. Le G ran d -D u c , François de Médicis
avoit acheté un terrein'nommé Pratolino, fitué
à cinq milles de Florence. Bernard fut chargé d’y
conftruirq la maifon de campagne qu’on y admiré
encore aujourd’hui. L e plan en eft fi ingénieux,
que, fans qu’011 y ait méftagé de cours & de galeries,
ni autres efpaces vuides par le moyen desquels
un architeCte peut éclairer facilement les appartenons,
l’édifice dont on parle jouit partout de la
lumière la plus avantageufe. Les machines qui ont
été confiantes dans cette m aifon de p laifance. pour
y amener & y élever les e a u x , méritent l’attention
des connoilfeurs. Il en éft de même de toutes les
autres inventions hydrauliques, telles que des orgues
mus par l’eau , qui ont fervi depuis de modèle
à toutes les imaginations de ce genre, qui fe font
répandues dans le refte de l’Europe. Ce tte maifon
de campagne coûta fept cent quatre-vingt-deux mille
écus romains, c’eft-à-dire, trois millions n eu f cents
dix mille livres de France.
Dans le même tem p s , le modèle du palais appelé
I l Cajîno , derrière Saint-Marc, fit juger du
gôut de Buon-Talenti dans l’architeCture. Tou s les architectes
du temps convinrent qu’il étoit impoflible
de réunir à plus de fimplicité plus d’agrément &-
plus.de richefle. On admira fur-tout le genre de
U porte & fon caraCtère à la fois r ic h e , grandiofe
& varié. Toutes les pa rtie s, tous les profils &
tous les membres de ce palais méritent cet éloge ;
nn en excepte quelques détails capricieux dans
lefquels Bernard facrifia trop volontiers au goût
dominant de fon fiècle. J’aurai occafion d’y reve-
n,lr faire voir que ces détails minutieux
n altérèrent jamais dans fes productions les prin-
ClPes .^e Fart & le caraCtère général des formes
enemiielles. La lifte des édifices que Bernard éleva
, a” s Florence eft nombreufe. On en verra tout-
a-1 heure l’énumération. Il eut l’avantage de participer
aux plus grandes entreprifes de fon f iè c le ,
. de coopérer à un monument qui eût fuffi pour
iniinortalifer fon nom.
La galerie de Florence eft fon ouvrage ; c’eftà
di*ë, l'étage placé au-deftùs' de celui des ufiri
nuevi. C eft à lui qu’on doit & fa conftruCtron &
la distribution de toutes les pièces qui compofent
le plus vafte de tous les mufæum, & la difpoft-
tion même des. principaux objets qui en font l’or-v
nemenr. Il ^conftruifit la pièce appellée la tribun®
dont la voûte eft ornée de grandes coquille!? de
nacre de p e r le , & il y plaça les fameufes ftatiîes
a n t iq u e s a u milieu defquelles brille la Vén u s
furnommée de Médicis.
Bernard donnoit au fit fes foins à difpofer de
la manière qui leur fût la plus avantageufe, fes
ftatues que Michel-Ange n’avoit pas finies & qui
ne pouvoient plus l’être. Léonard Buonaroti en
avoit fait préfent au grand-duc. Celui-ci chargea
notre artifte de les placer dans le jardin de Bo -
boli. Bernard avoit imaginé une grotte ruftique,
compofée de matières lapidifiées , que ces figures
avoient l’air de fupporter. La rufticité des matériaux
s’accordoit bien avec la rudeffe de ces mar-
bres ébauchés , &_en faifoit même briller & valoir
le travail. Ces ftatues furent depuis difperfées, &
la grotte eft reftée dans l ’état où on la vo it encore
aujourd’hui. Tribolo avoit donné fes plans
du jardin de Boboli. Buon-Talenti ajouta aux deftins
de ce grand homme ; mais il .Suivit ceux d’Am-
manati dans la diftribution des appartemens du
palais Pitti dont il termina 1e décoration.
L e détail de tous les édifices qu’éleva ce fécond
architecte, feroit uii volume ; leur defcription complexe
ne groffira point cet article : j ’indiquerai
les uns & décrirai rapidement fes autres. V o ic i les
principaux ouvrages que lui attribue Baldinucci. "
L e palais Piazza bâti fur fes d e ftin s, & dont
la façade eft decorée d’un ordre tofean , qui paffe
pour un des plus beaux que l’on connoifle.
La façade de l’églife de la T r in ité , dans laquelle
on admire la b e lle , exécution de l’archi-
teCture, malgré la qualité de la pierre dont elfe
eft conftruire.
L e cloître & les augmentations du Monaftère
qu’on appelle à Florence V er fo A rno e V er fo
rarione—
La chapelle du crucifix & celle de Vellu ti dans
l’églife du Saint-Efprit.
Le palais Accianoli qui appartient aujourd’hui
à la maifon Corfini.
La façade intérieure de l ’églife de Sainte-Marie- ■
Majeure avec l’orgue & plufieurs chapelles.
La reftauration & la façade de la maifon Ric-
cardi dans la rue Maggio.
La maifon du chevalier Serquidi, fituée rue dei
C o c om é ro , & habitée depuis par les Martelli.
L e palais ducal à Pife ; la façade de l’églife des
chevaliers de Saint-Etienne & le palais de Sienne.’
La reftauration des maifons de plaifance du
grand -d uc , appellées l’une Caflello, & l ’autre
Pietraia.
Les fondations de la chapelle ro ya le de Saint-
A a a 2