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cc s guirlandes font foutenues alternativement par
un bucrane 8c par un génie a i lé , enforte que
chaque génie occupe le, m ilieu de la colonne , 8c
chaque bucrane le milieu de l’entre-colonnemenr.
Quelquefois ce font des patères qui forment cette
alternative ; d’autres fois les patères ne font que
remplir le vuide produit- par la. courbure de la
guirlande, comme à la frife du tombeau de Mé-
tella.
Pareille ordonnance 8c pareils acceffoires ont lieu
dans la décoration des autels, où le bucrane fe
remarque li fréquemment. Les feules variétés confident
dans le plus ou le moins d’épaifleur que
la fculpture don*e à ces têtes. Tantôt elles font
repréfentées applaties ou de très-bas relie f; tantôt,
elles ont toute la faillie naturelle 8c fe trouvent
même évuidées.
D e tous les ornemens qui entrent dans la décoration
des édifices j il en eft peu dont l’allégorie
foit plus fenfible & l’origine plus aifée à
découvrir. T o u s les acceffoires religieux & con-
facrés aux cérémonies des facrifices dont nous
avons vu les bucrunes environnés , nous difpen-
feront de p rouver que ces repréfentations hideufes
par elles-mêmes, furent l’imitation des pratiques
habituelles aux facrifices. O n faifoit plufieurs parts
des viâimes-; on mangeoit les unes , on brûloit
le s autres, mais o n en confervoit les tê te s , qui
attachées aux murs-dés temples avec les bandelettes
facrées & autres inftrumens du facrifice, de-
meuroient comme des monumens de la piété des
particuliers , & comme une efpèce d’enfeigne .de la
deftination des lieux où on les appiiquoit.
La fculpture s’étudia depuis à perpétuer le fou-
v en ir de .cet ancien ufage dans les repréfentations
durables qu’elle fubftitua à la fragilité de fes premiers
modèles. Le plaifir de l’imitation corrigea
dans les monumens plus fomptueux, ce que la
réalité de l’original pouvoit offrir de rebutant dans
les groffiers édifices des premiers âges. Mais il
réfulte de tout c e c i, que ce genre d’ornement dont
l ’étymologie n’eft point douteufe, & dont le ca-
raftère eft bien confiant, n e fau ro it , comme tant
d’autres^ s’employer indifféremment & à toutes
fortes d ’édifices.
Nous avons vu cjue les anciens l’appliquèrent aux
temples, aux tombeaux & aux autels, c’eft-à-dire
aux lieux & aux objets particulièrement confacrés
aux cérémonies des facrifices. Par-tout ailleurs il
n’eût offert qu’un contre-lens ïnfoutenable, 8c dont,
on ne trouveroit pas le moindre exemple chez les
anciens.
Q u e doit-an donc penfer des modernes q u i, fe
jouant de toute convenance, ont adapté des bu-
cranes à des édifices fans doute bien éloignés de comporter
la plus légère analogie a vec de tels fym-
boles ? Q u ’ ils ont fait comme des enfans qufi joùent
avec les carafteres qu’ils ne comprennent point.
Si l’on pouvoit jamais parvenir à rendre compte
de tous les détails de l’ornement ch ez les anciens,
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à en expliquer toutes les a llégories, à affigner enfin
des principes de bienféance à cette partie de l’ar-
chite&ure la plus arbitraire de toutes ; fi l’on pôu-
v o it obliger les architectes à rechercher l’otiginô
& l’efprit de tous les ornemens, & à ne les regarder
que comme les hiéroglyphes ou les caractères confacrés
de l’architeCture , peut-être faudroit-il renoncer
à un grand nombre de lignes que l’habitude
feule perpétue pour.parler uniquement aux yeux
en faifant taire la raifon. D e ce nombre feroient
peut-être les bucranes , q u i , ne devant leur origine
& leur emploi qu’aux ufages des facfifices, ne font
plus que des objets purement capricieux oü para*
fites chez un peuple qui n’a point de facrifices. Ce
f^ra donc par une forte de métaphore, c’eft-à'-dire,
par une licence qui traniporte chez un peuple les
idees d’un au tre , que les bucranes pourront encore
figurer dans nos édifices facrés.
En voilà trop pour fentir , 8c l’abus qu’on
à fait d’une tëile décoration , 8c l’emploi qu’il eft
encore permis d’en faire.
B U F F E T , f. m. C ’e f t , ou une p ièce féparée près
d une falle à m anger, & qui fert à renfermer toutes
les chofes utiles au fervice de la tab le , ou une
efpèce d’armoire placée dans le v eftibu le, quelquefois
auffi dans la falle à manger , 8c qui fert ait
même ufage.
Les cendres du V é fu v e ont confervé dans la
v ille de Pompeii une efpèce de buffet qui fut trouvé
garni encore de plufieurs des uftenfiles qui le com-
pofoient. On le voir au Mufeum de Portici. Il étoit,
adoffé à un pan de mur-, 8c avoit deux tablettes
l ’une au-deffus de l’autre pour y recevoir des va fes,
des plats, 8cc. Le pied étoit fait d’une efpèce de
.peperino , & portoit une table de marbre avec des
bords de verd antique. Les tablettes étoient auffi
recouvertes de marbre.
Sur un grand bas-relief de la Villa- A lban i, qui a
été détaché d’un tombeau antique, on voit un
buffet, fi ce ri’eft plutôt un garde-manger renfermant
des animaux éventrés 8c pendus à des cro-,
chets avec plufieurs autres provifions de bouche.
Le recueil des peintures d’Herculanum nous, offre
le deffin d ’un femblable buffet.
Dans les ufages modernes, & chez les grands,
le buffet confifte en une grande table à gradins en
manière de f crédence, où l’on dreffe les va fe s , les
bafiins, les c ry ftau x, autant pour le férvice de la
tab le, que comme objet de parade & de magnificence.
Le buffet que les Italiens nomment crédence
eft ordinairement chez eux dans le grand falon &
renfermé dans une baluftrade d’appui. Celui des
princes & des cardinaux eft fous un dais d’étoffe.
O n trouve dans le cours d’architeéhire de d’Aviler,
édition de 1 7 5 0 , pag. 383', un modèle de décoration
de buffet.
Buffet d’e a u , ( terme de Jardinage.) C’eft
dans un jardin une table de marbre fur laquelle
font élevés plufieurs gradins en pyramides, avec des
garnitures de vafes en cuivre doré. L e corps»de
chacun
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chacun d’eux eft formé par l’eau. T e ls étoient les
deux buffets d'eau dans le bofqu et.du marais à
Verfaillès, 8c ceux de Trianon. ( P’oyezF o n t a in e
EN BUFFET. )
BUFFET D ’O R G U E . Voyez O rgue.
BUIS , f. m. ( Jardinage. } Sous ce nom fon
compris différens arbrifleaux 8c fous-arbriffeaux
toujours verds. Je ne parlerai ici que de deux
efpèces de buis, du buis arboreicent 8c du buis à
bordure.
Le premier s’élèv e jufqu’ à la hauteur de douzi
à feize pieds ; fon tronc eft tortu 8c rameux , fes
feuilles font grandes, liftes, luifantes, 8c d’un affez
gros verd. 11 en eft de panachés. C e t arbufte eft
très-propre à décorer les bofquets d’h ive r , fur-tout
quand il forme buiflons avec mélange de variété.
( Voyez A rbre & A rbrisseau ).
Le buis à bordu re, appellé vulgairement buis
nain , parce qu’il ne s’é lèv e qu’à la hauteur d’environ
trois pieds , eft en général très-rameux , 8c
croît en touffes épaiffes 8c bien garnies. On l’emploie
pour figurer les deflims des parterres 8c encadrer
lés plates-bandes. ( Voyez Parterre ). C ’eft la
plante la plus généralement ufirée pour les bordures,
parce que fon verd eft durable, 8c parç,e
qu’étant rameufe 8c touffue, elle donne affez d’épaif-
feur pour être èquarrie 8c façonnée ; la force de
ce buis devient telle qu’on peut en former des
maffifs impénétrables , des efpèces de banquettes
fufceptibles d’être bien tondues, ou de larges pa-
liffàdes difficiles à franchir.
Le buis étoit en ufage dans les jardins des
Romains. Pline le jeune en parle fouvent dans la
defeription qu’il nous a laiffée des fiens. C ’eft fur-
tout par celle de fa maifon 8c de fes jardins de
Tofcane, qu’on peut vo ir combien cet arbufte ÿ
étoit prodigué, 8c à combien de fortes d’ornemens
variés on l’avoit contraint de fe prêter. Tantôt il
y fait paliflades 8c comparrimens ; tantôt il y figure
en lettres le nom du maître 8c celui du jardinier;
tantôt Ï1 s’y trouve taillé 8c découpé en cent façons
diverfes jufqu’à repréfenter des figures d’anirnaux.
(Voyez C am p a g n e ).
BUISSON, f. m. 1 Jardinage ) . L e buiffon pris en
lui •même, & ici comme ornement des jardins, eft
une agrégation , une combinaifon d’arbriffeaux
ehoifis, q u i, détachés , produiroient moins d’effet.
jL’art du jardinier confifte à diftribuer les buiffbns
avec goût, à les placer où la nature du fite les
demande, 8c à les compofer a vec variété. Leur
plantation exige qu’on faffe une attention particulière
à l’emplacement 8c aux effets, futurs.
Après vingt ou trente ans , les arbuftes furvivent j
prefque toujours à leur beauté, 8c donnent alors j
au fol un afpcCt inculte 8c fauvag e, tandis que dans
ce même temps un arbre fe perfectionne. Ainfi le
bwffon p e u t . fans changer beaucoup de caraCtère,
admettre çà 8c là quelques arbres ifolés qui le
urmontent & le décorent. Cependant la combinaifon
des arbrifleaux en fait la partie effentielle.
•ArchittÜure, Tome 1.
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F Les buifjons par leur configuratîori, par leur nature
8c les differentes teintes de leurs feuilles comme
de leurs fleurs, fo n t , dans la main du jardinier-
artifte, un moyen charmant de nuancer fon tableau.
Ils peuvent garnir très-agréablement le Commet où
le penchant d’un monticule, y former par la variété
de leurs élévations 8c de leurs couleurs des
grouppes vraiment pittorefques. Diftribués avec
goût fur des.furfaces planes 8c étendues , telles que
de longs tapis de g a zo n , les buiffbns fervent à
repofèr 8c fixer agréablement la vue. Ailleurs ils
rompent des lignes droites trop prolongées. Leur
place eft fur-tout dans les bocages. C ’eft dans ces
bofquets de la nature, que leurs formes 8c leur odeur,
quelquefois même leurs fruits attirent des familles
entières d’oifeaux de mille efpèces, qui en font l’ornement
8cla v ie . (Voyez A rbrisseau 6* Bocag e).
B U L L A N T ( Jean ) , j architecte Fran ço is, qui
vécut dans la feizième fiècle.
Je cotnparerois volontiers l’effet du goût gothique
chez les diverfes nations de l’Europe , à celui
de ces boitions narcotiques qui frappent d’une
léthargie en apparence mortelle. Cependant cette
efpèce de mort n’eft qu’un affcupùTement dont la
durée fe proportionne à la dofe du breuvage.
Ainfi fe fo n t réveillées de ce long fommeil des
arts, prefque toutes les nations Européennes ; mais
la durée de leur fommeil devait dépendre du plus
ou du moins qu’elles avoient bu dans la coupe
empoifonnée du mauvais goût.
L ’on ne doit donc point s’étonner de trouver
dans un même fiècle fi peu de correfpondance
entre les travaux 8c le génie de nations d’ailleurs
limitrophes , ni que l’une fait encore entourée de
ténèbres , quand l’autre b rille déjà de la lumière la
plus pure,
L ’Italie devoit jouir la première de cette lumière
, elle devoit la communiquer aux autres
nations. D eu x raifons empêchèrent le goût gothique
de s’enraciner chez elle,,8c s’opposèrent à fon
développement.
D ’abord les reftes de l’antiquité q u i, bien que
méconnus 8c oubliés pendant long - temps, ne
biffèrent pas que d’y maintenir 8c d’y perpétuer
une tradition des principes du bon goût ( voyez
G othique ) , on les retrouva dans les monumens
même qui avoient fervi à les détruire ; enfuite la
correfpondance que le commerce avoit établie entre
’ Italie 8c la G rè ce durant les onzième 8c treizième
fiècles. Lorfqu’ il n’exiftoit plus dans toute l’Eu-i
ope un ftatuàire ou un peintre.qui connût les
procédés les plus fimples de fon art. les Vénitiens
8c les Pifahs déèouvroient en G rè ce quelques
ïtincelles d’un feu mal éreint. Ils les recueillirent,
es rapportèrent ch e i eux. C e feu précieux qu’ils
furent entretenir pendant plufieurs fièc les, mmoit
fourdement l’édifice monftrueux du gothique ; il
s’écroula enfin v e r s - le quinzième fiè c le , & le
feizième fut l ’époque de cette explofion générale
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